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N2942BPN
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par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris
le 07 Octobre 2010
Pour l'application du régime de faveur des achats en vue de la revente, la Cour de cassation refuse d'assimiler une opération de fusion à une vente.
En application de l'article 1115 du CGI (N° Lexbase : L7381IGH), les achats effectués par les marchands de biens sont exonérés des droits de mutation, à l'exception des acquisitions d'immeubles qui supportent le droit d'enregistrement ou la taxe de publicité foncière au taux de 0,715 %. Ce régime de faveur est subordonné à la principale condition de prendre l'engagement, dans l'acte d'acquisition, de revendre dans un délai de quatre ans (cinq ans dans le régime mis en place à compter du 11 mars 2010). A défaut de pouvoir effectivement vendre à un tiers, les marchands dont le délai, parfois prolongé, venait à expiration ont eu recours à diverses opérations.
1. Apport, transformation de société, retrait
Si les apports effectués à titre onéreux sont assimilés à des ventes, les apports purs et simples d'immeubles en société ne sont pas des ventes (CGI, art. 1115, modifié par l'article 17, I, 2° de la loi de finances rectificative pour 1995 du 30 décembre 1995). De même, une transformation de société n'entraînant pas la création d'un être moral nouveau, une telle opération ne pouvait être considérée comme une vente (Cass. com., 4 juin 1984, n° 82-16.635 N° Lexbase : A1234AAX). Enfin, la Cour de cassation vient récemment de refuser d'assimiler le retrait d'actif à une vente (Cass. com., 2 février 2010, n° 09-10.384 N° Lexbase : A6126ERC).
2. Fusion
Les opérations de fusion entraînant la subrogation de la société absorbante dans tous les engagements de la société absorbée portant sur les immeubles transmis, y compris au plan fiscal, la cour d'appel de Paris avait décidé que la société absorbante était tenue de respecter l'engagement de revente pris par la société absorbée (CA Paris, 1ère ch., sect. B, 3 oct. 2008, n° 07/01578 N° Lexbase : A7652EAN). Sans surprise, la Haute juridiction rejette le pourvoi formé par le contribuable. Le juge suprême fait une stricte application des règles civiles et commerciales qui distinguent la transmission universelle, mode de transmission sui generis, d'une vente. De surcroît, l'opération de fusion se différencie d'un apport dans la mesure où la transmission du patrimoine ne donne lieu à aucune rémunération au profit de l'absorbée qui disparaît.
La cour administrative d'appel de Paris, dans un arrêt du 3 février 2010, énonce qu'il ressort des dispositions des anciens articles 92 B (N° Lexbase : L1933HL8) et 160-I-ter (N° Lexbase : L2652HLS) du CGI que, si un nouvel échange des titres reçus après un premier échange peut donner lieu à un report d'imposition de la plus-value d'origine et de la plus-value correspondant à cet échange, il en résulte nécessairement que cet échange, en l'absence de nouvelle demande de report, donne lieu à imposition de la plus-value en report d'imposition au motif que l'échange constitue bien une cession à titre onéreux.
1. Principe du report d'imposition des plus-values d'échange de titres
Les plus-values d'échange de titres réalisées jusqu'au 31 décembre 1999 pouvaient être reportées sur le fondement de l'article 92 B, II, 1. A du CGI, pour les plus-values d'échange de participations inférieures ou égales à 25 %. Le contribuable devait demander expressément à bénéficier de cette mesure. Cependant, ces opérations ne dégageant pas de liquidités, les contribuables omettaient de déclarer leur plus-value et donc de demander le report, l'administration avait admis que le bénéficie du report puisse être demandé dans les trente jours de l'invitation à régulariser adressée par le service des impôts en cas de procédure de redressement. En tout état de cause, la plus-value d'échange, en report d'imposition, devenait imposable au titre de l'année de la cession ou du rachat des titres reçus.
2. La notion de cession au regard des dispositions de l'article 92 B du CGI
La cession s'entend de toute transmission à titre onéreux. Ainsi, la transmission à titre gratuit avait pour conséquence de permettre une exonération définitive de la plus-value en report d'imposition. En revanche, par cession, il convenait d'entendre toute opération en vertu de laquelle le cédant reçoit une contrepartie. Ainsi, outre la vente pure et simple, sont visés les apports et les échanges, comme dans l'affaire soumise récemment à la cour administrative d'appel. Il est vrai que l'argument des contribuables qui considéraient que seule la remise de liquidités, c'est-à-dire une vente, pouvait mettre fin au report ne manquait pas de pertinence. En effet, l'esprit du texte, l'article 92 B II, permettait de prétendre que le contribuable, bénéficiaire du report, ne devait être taxé que lorsqu'il réalisait une opération se traduisant par la remise de liquidités, remise qui lui permettait de s'acquitter de l'impôt.
Confirmant une solution inédite rendue en 2008 (Cass. com., 18 novembre 2008, n° 07-19.762, F-P+B N° Lexbase : A3476EBD), la Haute juridiction précise que, après l'engagement de la procédure de redressement à l'encontre d'un héritier solidaire, l'administration doit, à raison du principe du contradictoire et de la loyauté des débats, notifier les actes de procédures suivant à tous les héritiers. Cette décision est donc à remarquer dans la mesure où elle vient restreindre la portée de la solidarité.
1. La solidarité entre cohéritiers...
En matière de droits de mutation par décès, la proposition de rectification est faite à chacune des personnes visées à l'article 1709 du CGI (N° Lexbase : L4051ICZ). Toutefois, les cohéritiers étant solidaires, la proposition adressée à l'un d'eux vaut à l'égard des autres (Doc. adm. 13 L 1513, n° 64 et s., reprenant Cass. com., 23 juin 1987, n° 85-17.774 N° Lexbase : A1375AHE). Ainsi, le service des impôts peut notifier un redressement visant au paiement de droits estimés dus à l'un quelconque des débiteurs de la dette fiscale.
2. ...à l'aune du principe du contradictoire
On sait que l'administration doit respecter le caractère contradictoire de la procédure et qu'à cet égard elle est tenue d'un devoir général de loyauté dans la mise en oeuvre des redressements (en dernier lieu, pour l'appréciation de la régularité de l'avis de la commission de conciliation, Cass. com., 8 mars 2005, n° 01-17.758, FS-P+B+I N° Lexbase : A2449DH8). Le juge suprême en déduit que, si l'administration est en droit de notifier l'engagement de la procédure à l'un quelconque des débiteurs solidaires, elle doit, à raison du principe de loyauté des débats, signifier ensuite, en cours de procédure, à l'ensemble des personnes solidaires, les actes de la procédure qui les concernent (Cass. com., 18 novembre 2008, n° 07-19.762, F-P+B). Autrement dit, l'effet de la solidarité est donc limité à l'engagement de la procédure, à savoir, la proposition de rectification. Ainsi, comme a pu le préciser ultérieurement un tribunal de première instance, la faculté dont dispose l'administration de choisir le redevable de l'impôt à l'égard duquel elle souhaite mettre en oeuvre la procédure n'est pas remise en cause. Elle doit seulement, mais nécessairement, notifier les actes de procédure postérieurs à l'ensemble des cohéritiers (TGI Châteauroux, 1er septembre 2009, n° 08-1162, n° 19.543).
3. L'apport de la décision du 7 avril 2010
Dans l'affaire soumise à la Haute juridiction, à la suite du décès d'un conjoint survivant, alors que la succession de son épouse prédécédée faisait l'objet d'un contentieux, les quatre enfants du défunt avaient déposés une déclaration de succession complémentaire. Cette déclaration tenait compte d'un legs particulier ayant pour objet un immeuble, consenti par la défunte à leur père et initialement contesté par les autres héritiers. Estimant que la valeur retenue était insuffisante, le service des impôts avait notifié un rehaussement de valeur à l'un des quatre enfants. Constatant que cet héritier ne s'était pas présenté comme représentant ses cohéritiers devant la commission de conciliation appelée à statuer sur la valeur de l'immeuble, la Haute juridiction a pu décider que la cour d'appel avait, à bon droit, retenu que l'administration avait méconnu les principes de la contradiction et de la loyauté des débats. Ce qui entachait d'irrégularité la procédure d'imposition. Autrement dit, même s'il n'ignore pas sa qualité d'héritier solidaire, l'héritier auquel une partie des actes de la procédure avait été uniquement adressé n'est censé être représentant de ses cohéritiers que s'il le précise dans ses propres écrits. Ainsi, à défaut de constater, sans contestation possible, que le seul héritier poursuivi par elle se présentait comme représentant de l'ensemble de la cohérie, l'administration doit notifier les actes de procédures subséquents à la proposition de rectification à l'ensemble des héritiers. Et ce, au nom du principe du contradictoire et de la loyauté des débats.
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