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N6278BEA
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique du guide juridique Lexbase Droit médical
le 07 Octobre 2010
A - Faute technique
La loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA) a confirmé le principe selon lequel la responsabilité médicale suppose, en principe, établie la preuve d'une faute médicale et a donc conforté la jurisprudence rendue depuis l'arrêt "Mercier" (Cass. civ. 1, 20 mai 1936, Dr Nicolas c/ Mercier N° Lexbase : A7395AHD) sur le fondement de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) qui demeure applicable pour tous les actes médicaux réalisés jusqu'au 4 septembre 2001.
Mais, si la preuve d'une faute est exigée, rien ne vient déterminer les contours de cette faute, ni même les conditions dans lesquelles il convient de la prouver, ce qui a permis à la jurisprudence de renforcer considérablement le degré d'exigence, singulièrement à l'égard des chirurgiens. Depuis 2000, en effet, la Cour de cassation leur a imposé une obligation de précision du geste chirurgical qui confine à l'obligation de résultat, puisque la responsabilité du praticien sera établie dès lors que la réalisation de l'acte médical effectué "n'impliquait pas" la lésion constatée et que le patient ne présentait pas "une anomalie rendant son atteinte inévitable" (Cass. civ. 1, 23 mai 2000, n° 98-20.440, Société Le Sou médical et autre c/ Mlle Y. et autre N° Lexbase : A1673AIS).
Confirmant les termes de l'arrêt rendu dans cette affaire par la cour d'appel de Nancy, la première chambre civile de la Cour de cassation confirme cette solution dans cet arrêt en date du 17 janvier 2008. Après avoir repris le premier temps du raisonnement en constatant "que l'extraction de la dent de sagesse n'impliquait pas les dommages subis par la patiente", la Haute juridiction considère que la cour d'appel a exactement retenu "en faveur de celle-ci une présomption d'imputabilité du dommage à un manquement fautif du praticien" et que le chirurgien-dentiste devait être condamné dès lors qu'il "ne démontrait pas que le trajet du nerf lésé présentait une anomalie rendant son atteinte inévitable".
La formulation de la solution n'est guère satisfaisante car il ne s'agissait pas, ici, d'une question d'imputabilité du dommage au geste chirurgical, c'est-à-dire d'un problème de causalité, mais uniquement de qualifier le geste de fautif.
Si on excepte ce problème de motivation, il convient de s'interroger sur l'opportunité de cette confirmation.
Dès lors que les faits en cause étaient antérieurs au 5 septembre 2001, date d'application de la loi du 4 mars 2002, cette conception très extensive de la faute médicale, quoique peu satisfaisante sur le plan des principes, répond au désir de venir en aide aux victimes qui, dans ce genre d'affaires, sont bien entendu les plus à plaindre, face à un praticien maladroit et très certainement assuré.
Mais, dès lors que la loi du 4 mars 2002 est applicable et que la victime dispose d'un droit à réparation auprès de l'ONIAM, si la faute médicale n'est pas établie, ces libertés prises avec les principes fondamentaux de la responsabilité civile médicale devraient logiquement cesser, dès lors que les victimes auront bien entendu atteint le fatidique seuil de gravité leur permettant d'être effectivement indemnisées au titre de la solidarité.
B - Faute de surveillance
Bien que relevant du droit commun de la responsabilité civile médicale, les établissements psychiatriques, et les médecins qui y exercent, sont traditionnellement soumis à des obligations particulières compte tenu de la spécificité de leurs patients et des risques accrus auxquels leur état les expose.
Les établissements sont, ainsi, soumis à une obligation de surveillance renforcée de leurs patients. Parmi les indices sur lesquels se fondent les juges pour apprécier la faute de surveillance, figurent les données propres au patient hospitalisé, notamment ses précédentes tentatives de suicide. L'établissement mis en cause pourra ainsi échapper à une condamnation s'il parvient à prouver l'absence "d'éléments devant permettre [au médecin] lorsqu'il avait vu [le patient], de déceler une intention suicidaire justifiant des mesures de surveillance particulières". La preuve d'informations particulières communiquées au personnel médical sera alors déterminante pour condamner, ou au contraire mettre hors de cause, l'établissement.
C'est cette possibilité permettant à l'établissement de ne pas être condamné que vient confirmer cet arrêt inédit rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 janvier 2008.
Dans cette affaire, un patient, admis à sa demande pour un sevrage alcoolique, s'était suicidé pendant son hospitalisation. La cour d'appel avait écarté la responsabilité de l'établissement après avoir relevé que le patient "n'était pas atteint de troubles mentaux imposant des soins immédiats, et une surveillance constante en milieu hospitalier", qu'"en présence de signes manifestant une évolution positive de son état, rien ne permettait de prévoir son suicide" et "qu'au surplus rien n'établissait que l'intéressé ait été laissé sans antidépresseurs durant le week-end". C'est l'addition de ces circonstances, souverainement appréciées par les juges du fond, qui a justifié ici le rejet du pourvoi et la confirmation de l'arrêt rendu par la cour d'appel qui pouvait en "déduire l'absence de faute à l'encontre de l'association en relation directe avec le décès".
C - Défaut d'information
L'obligation d'information qui pèse sur le chirurgien-esthétique est bien plus étendue que celle qui pèse sur les autres praticiens, puisque la Cour de cassation n'a pas hésité à affirmer qu'elle devait être "totale".
Dans cette affaire, un patient avait intenté une action en responsabilité civile contre son chirurgien esthétique après avoir subi un lifting cervico-facial et une blépharoplastie des paupières qui lui avait laissé d'importantes séquelles (en l'occurrence une dipoplie gauche se manifestant par un décalage vertical entre les images de l'oeil droit et celles de l'oeil gauche). Le litige portait ici non pas sur l'existence d'une faute technique qu'aurait commise le chirurgien, mais sur l'absence d'information concernant le risque qui s'était finalement réalisé.
Le praticien se défendait en prétendant que ce risque n'était pas connu du milieu médical au moment où il s'était réalisé, et invoquait ainsi à son profit la jurisprudence limitant l'obligation d'information aux seules données acquises de la science.
Sur ce point, la cour d'appel de Paris n'a pas suivi le praticien au vu, notamment, du rapport de l'expert qui avait considéré ce risque comme connu, quoique de réalisation exceptionnelle.
C'est, en revanche, sur l'absence de préjudice consécutif au défaut d'information du praticien que se fonde le rejet des prétentions de la victime, la cour ayant considéré que même informé des risques, le patient aurait accepté l'opération, compte tenu "du caractère exceptionnel et rarissime de cette complication et de la détermination [du patient] à subir la chirurgie proposée [...] l'ayant conduit à effectuer plusieurs déplacements entre la Guadeloupe et Paris".
Comme nous avons déjà eu l'occasion de l'écrire, le refus d'indemniser le patient des suites du défaut d'information peut se comprendre, s'agissant de la réparation des préjudices corporels consécutifs à l'opération, dès lors que la faute commise par le praticien n'a pas déterminé le patient à accepter l'opération, comme le juge la Cour de cassation depuis le second arrêt "Hédreul" (Cass. civ. 1, 20 juin 2000, n° 98-23.046, M. X c/ M. Y et autres N° Lexbase : A3773AUB). Mais dans ce cas de figure, les juges devraient accorder à la victime la réparation d'un préjudice moral venant réparer spécifiquement l'atteinte au droit à l'information.
II - Responsabilité sans faute : indemnisation des victimes contaminées par le VHC
A - Préjudices consécutifs à la contamination
1 - Préjudice spécifique de contamination
La jurisprudence a étendu aux victimes contaminées par le virus de l'hépatite C la qualification de "préjudice spécifique de contamination" initialement dégagée pour les victimes du VIH, et réparant "les souffrances morales éprouvées à la suite des traitements nécessaires et [...] les perturbations et craintes endurées toujours latentes".
L'arrêt rendu le 17 janvier 2008 confirme cette jurisprudence dans une affaire où un patient avait été débouté de sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice spécifique de contamination, sous prétexte que son "état de santé [...] n'a pas justifié, à ce jour, de traitement spécifique, lourd et invalidant [...] qu'il ne s'est pas aggravé, et est au contraire stationnaire [et] que s'il est avéré que sur le plan médical, il existe de multiples évolutions possibles de la maladie, le risque d'aggravation et d'évolution défavorable est incertain, les progrès constants de la recherche permettant d'augurer de la découverte de traitements adaptés et efficaces".
Or, cet arrêt est cassé pour manque de base légale, les juges d'appel se voyant reprocher de n'avoir pas recherché si la victime "n'éprouvait pas des craintes et des perturbations liées à cette contamination, de nature à caractériser un préjudice spécifique de contamination, et alors que ce préjudice peut être justifié par les souffrances morales éprouvées à la suite des traitements nécessaires et par les perturbations et craintes éprouvées toujours latentes".
Cet arrêt est intéressant car il démontre la méthode à mettre en oeuvre pour déterminer l'existence du préjudice spécifique de contamination. Même s'il ne s'agit pas d'une cassation pour violation de la loi, la Cour de cassation n'allant pas jusqu'à affirmer qu'une victime contaminée souffre nécessairement d'un préjudice spécifique de contamination, c'est à une solution assez proche qu'on aboutit. En réalité, la Cour de cassation considère qu'il est normal qu'un patient souffre d'un tel préjudice (appréciation in abstracto), sauf à ce qu'il apparaisse, compte tenu des données propres à l'affaire et singulièrement de facteurs psychologiques propres à la victime et à son état de santé (appréciation in concreto), qu'en réalité elle ne souffre pas "effectivement" de sa contamination. En d'autres termes, les victimes contaminées par le VHC bénéficient d'une "présomption simple" leur permettant a priori de se faire indemniser d'un préjudice spécifique de contamination, présomption qui peut théoriquement être renversée par la preuve contraire, mais dans des conditions tellement strictes que cette présomption de fait confine à une présomption de droit.
2 - Imputabilité d'autres préjudices
L'EFS, débiteur à l'égard de la victime contaminée par le VHC d'une obligation de sécurité de résultat concernant la qualité des produits sanguins transfusés, lui doit indemnisation de tous les préjudices consécutifs à la contamination. Mais encore faut-il que les dommages allégués par la victime soient bien imputables à la contamination des produits sanguins et que cette victime produise devant le juge des éléments de fait qui rendent cette allégation au moins vraisemblable, ce qui n'était pas le cas dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 6 mars 2008.
Un salarié avait été victime d'un accident du travail et avait subi plusieurs interventions chirurgicales. A la suite de cet accident, il avait perçu une rente d'invalidité de catégorie 1 à partir de 1982. Lors de la souscription des prêts immobiliers en 1988, l'assureur lui avait appliqué une surprime d'assurance pour garantir le risque décès et refusé de garantir le risque d'invalidité de catégorie 2. Or, cet assuré avait été reconnu en invalidité de catégorie 2 en 1997, compte tenu d'une hépatite C qui s'était entre temps déclarée. Cet assuré avait alors agi contre l'EFS car il considérait que le refus de garantir le risque d'invalidité de catégorie 2, en 1988, était directement imputable à la contamination dont il pensait avoir été victime lors des opérations consécutives à l'accident du travail en 1982. Débouté en appel, le demandeur n'a pas eu plus de réussite devant la Cour de cassation qui rejette son pourvoi, après avoir relevé que le refus d'assurer le risque d'invalidité de catégorie 2 pouvait s'expliquer par les seules séquelles directement imputables à l'accident du travail dont le demandeur avait été victime en 1982, et que rien ne permettait d'établir que le salarié avait été contaminé par le VHC avant 1988.
Cet arrêt est doublement intéressant.
En premier lieu, il rappelle qu'un dommage n'est réparable que s'il est imputable à un événement donné. Or, lorsque intervient, dans le processus causal, une décision qui a causé le dommage, en l'occurrence un refus de garantie opposé par l'assureur, l'imputabilité du dommage à des faits antérieurs à cette décision n'est acquise que si la preuve du caractère déterminant de ces faits antérieurs sur cette prise de décision est établie. En l'espèce, le refus de garantie résultait directement de la trop forte probabilité que l'assuré, déjà placé en invalidité de catégorie 1 depuis six ans à la suite de l'accident du travail et des séquelles physiques qui en résultaient directement, soit par la suite placé en catégorie 2, sans que la prétendue contamination par le VHC n'ait changé quoi que ce soit à l'évaluation de ce risque.
En second lieu, cet arrêt rappelle qu'en dépit du régime probatoire très favorable reconnu aux victimes contaminées par le VHC antérieurement au 5 septembre 2001 par l'article 102 de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002, celles-ci doivent tout de même établir qu'elles ont reçu une transfusion de produits sanguins, qu'elles étaient indemnes de toute contamination avant cette transfusion et que leur sérologie du VHC a été découverte postérieurement ; dès lors qu'elles ne rapportent pas la preuve de ces éléments de fait, elles ne peuvent réclamer le bénéfice de la présomption de contamination et doivent, par conséquent, être déboutées de leurs demandes.
C'est pour ces deux raisons, qui nous semblent ici parfaitement justifiées, que la Cour de cassation a pu décider "que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis aux débats, la cour d'appel, par une décision motivée, dépourvue de motifs hypothétiques, sans porter atteinte au principe de la contradiction, a pu déduire que le préjudice financier allégué n'était pas en rapport avec la contamination par le virus de l'hépatite C".
B - Exonération de l'EFS
Cet arrêt confirme toute la sévérité dont la Cour de cassation fait preuve à l'égard de l'Etablissement français du sang lorsqu'une victime se prévaut des dispositions de l'article 102 de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002, car seule la preuve que tous les lots de sang transfusés ont été testés négativement au virus de l'hépatite C est de nature à renverser la présomption de contamination dont bénéficie la victime.
Dans cette affaire, le patient avait subi plusieurs interventions chirurgicales, entre 1977 et 1987, dont certaines avaient nécessité des transfusions sanguines. Le patient avait, comme c'est malheureusement souvent le cas, appris tardivement qu'il avait été contaminé par le virus de l'hépatite C. La cour d'appel avait débouté ses ayants droits de leurs demande d'indemnisation après avoir pourtant relevé que la victime avait été transfusée en 1982 à partir de dons non sécurisés, et ce sous prétexte "qu'il ne pouvait être présumé avec un degré suffisant de vraisemblance que la contamination [...] par le VHC trouvait son origine dans les transfusions réalisées à cette date".
Cette décision méritait incontestablement la cassation car les victimes contaminées profitent légalement du doute sur l'innocuité des lots transfusés. La cour d'appel ayant constaté que les dons de sang n'avaient pas été sécurisés, elle devait nécessairement donner raison aux victimes.
C - Recours de l'EFS
Nous avions eu l'occasion, lors d'une précédente chronique (Recours de l'EFS contre le conducteur du véhicule impliqué dans l'accident : suite... et fin ?, Lexbase Hebdo n° 247 du 8 février 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N0032BAG), d'exposer le conflit de jurisprudence entre les première et deuxième chambres civiles de la Cour de cassation s'agissant de la méthode à mettre en oeuvre pour déterminer la part respective de responsabilité de l'Etablissement français du sang (EFS), condamné en raison de la contamination d'un patient par le virus de l'hépatite C (VHC) à la suite de la transfusion de produits sanguins, et du conducteur impliqué dans l'accident de la circulation qui a rendu ces transfusions nécessaires, et contre lequel recourt l'EFS.
On se souviendra que la deuxième chambre civile avait traité, au stade du recours, l'EFS comme un responsable fautif afin de cantonner ce recours aux seules hypothèses où le conducteur avait lui-même commis une faute à l'origine de l'accident, et avait très classiquement précisé que le partage devait se réaliser à proportion des fautes respectives.
Pour sa part, la première chambre civile, dans un arrêt très contesté rendu le 5 juillet 2006 (Cass. civ. 1, 5 juillet 2006, n° 05-15.235, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3785DQA), avait considéré qu'il convenait de procéder à un partage par parts égales.
On attendait donc soit l'arbitrage d'une Chambre mixte ou de l'Assemblée plénière, soit une évolution dans l'analyse de l'une des deux chambres. La deuxième chambre civile ayant maintenu le cap après l'arrêt rendu par la première chambre civile le 5 juillet 2006, la position de la première chambre civile était attendue avec une certaine impatience ; c'est désormais chose faite avec cet arrêt étrangement inédit en date du 14 février 2008 qui opère un complet revirement de jurisprudence et l'alignement de la première chambre sur la deuxième.
Après avoir repris à son compte la formule selon laquelle "soumis à une obligation de résultat, le fournisseur de produits sanguins ne peut s'exonérer de sa responsabilité, à l'égard de la victime, que par la preuve d'un cas de force majeure" et "que l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les articles 1147, 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1251 (N° Lexbase : L0268HPM) du Code civil, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives", la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre un arrêt qui avait procédé à un partage n'admettant le recours de l'EFS contre le conducteur, à qui était reproché un défaut de maîtrise du véhicule à l'origine de l'accident de la circulation, qu'à hauteur de 25 %.
Ce retour à plus d'orthodoxie ne doit toutefois pas faire oublier que toutes ces difficultés sont nées de la volonté d'admettre le recours de l'EFS contre le conducteur impliqué dans l'accident qui a rendu nécessaire l'opération et, partant, la transfusion de produits contaminés, pour les indemnités réparant les préjudices consécutifs à la transfusion.
Or, nous persistons à penser qu'il conviendrait de s'en tenir à des principes encore plus simples. Il semble, en effet, très contestable d'admettre le recours de l'EFS pour les préjudices consécutifs à la contamination alors que ceux-ci sont directement imputables à ses propres manquements et ne sont qu'une conséquence indirecte de l'accident. Il conviendrait sans doute mieux, ne serait-ce que pour s'épargner les affres d'une comparaison impossible entre les fautes commises par l'auteur direct, et celles de l'auteur indirect, de laisser à la charge du seul EFS la réparation du préjudice lié à la contamination, sans recours possible contre le conducteur, et à ce dernier la charge finale des préjudices directement consécutifs à l'accident de la circulation.
III - Exonération du médecin - faute du patient
Il est rare qu'en matière de responsabilité médicale un praticien puisse s'exonérer en opposant au malade victime sa propre faute ; seules quelques rares décisions ont, en effet, opposé au patient sa faute, qu'il s'agisse de tenir compte d'un geste intempestif pendant la réalisation d'un acte médical réputé indolore, d'avoir volontairement dissimulé au médecin des informations déterminantes pour la conduite d'une opération ou de n'avoir pas tenu compte des recommandations postopératoires de son chirurgien.
Cet arrêt en date du 17 janvier 2008 confirme ce constat.
Dans cette affaire, un patient avait été blessé par son dentiste lors de la tentative d'extraction d'une dent. Il avait alors décidé de venir se faire soigner en métropole après l'échec des soins commencés en Martinique. Alors qu'il avait assigné le praticien en responsabilité, lui réclamant la réparation du préjudice consécutif à la perforation du sinus lors de la tentative d'extraction, la cour d'appel de Fort-de-France avait partiellement exonéré le praticien, à hauteur de la moitié, considérant que le patient avait pris un risque en décidant de partir se faire soigner en métropole.
L'arrêt est cassé, la Cour de cassation considérant pour sa part, au visa de l'article 1147 du Code civil, "qu'il ne ressortait pas des constatations de l'arrêt que ce retour en métropole présentait un caractère fautif".
Cette solution nous semble pleinement justifiée et la formule employée par la première chambre civile de la Cour de cassation parfaitement adéquate. Le fait de prendre un avion pour aller se faire soigner en métropole ne saurait, en effet, constituer en soi une faute d'imprudence, ne serait-ce que parce que le patient ne fait qu'exercer le droit fondamental qui lui est reconnu de choisir librement son praticien.
Ce comportement aurait, toutefois, pu présenter un caractère fautif si les circonstances de l'espèce avaient mis en évidence l'imprudence du patient. Or, comme le relève la Cour de cassation, ce dernier avait eu un comportement parfaitement raisonnable : il avait, en effet, commencé les soins dentaires en Martinique, puis, ces derniers n'ayant pas été satisfaisants, il avait fait procéder à des examens radiologiques complémentaires avant de décider de rentrer en métropole pour se faire opérer par un spécialiste. Certes, le voyage en avion avait pu contribuer à aggraver le dommage consécutif à la maladresse du chirurgien, mais cette seule circonstance ne pouvait suffire à justifier un partage de responsabilité. Non seulement le patient n'avait commis aucune faute, mais l'aggravation du dommage, si tant est qu'elle ait pu être établie, résultait directement de la maladresse fautive du praticien et devait normalement lui être imputée. Par ailleurs, rien ne semblait démontrer que le chirurgien avait formellement déconseillé à son patient de prendre l'avion après son opération, ce qui ne devait pas ressortir des éléments du dossier, et que ce dernier n'avait pas respecté ses recommandations, comme cela avait été le cas dans l'arrêt rendu le 26 octobre 2004 (préc.).
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