La lettre juridique n°299 du 3 avril 2008 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Nullité du licenciement notifié pendant le congé maternité : principe et indemnité

Réf. : Cass. soc., 19 mars 2008, n° 07-40.599, Mme Taline Birgin, F-P+B (N° Lexbase : A4960D7T)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010



La femme enceinte bénéficie d'une protection exorbitante du droit commun. Cette protection s'étend de la phase d'embauche au licenciement, en passant par l'exécution du contrat de travail. La protection de droit commun accordée à la femme en état de grossesse contre le licenciement se trouve renforcée pendant le congé maternité (C. trav., art. L. 122-27 N° Lexbase : L5493ACG), période au cours de laquelle l'employeur ne peut en aucun cas la licencier. Comme le rappelle la Haute juridiction dans un arrêt du 19 mars dernier, il est impossible pour l'employeur de signifier ou de faire prendre effet au licenciement pendant le congé maternité. Le licenciement prononcé pendant cette période est nul. La salariée victime d'un licenciement nul a droit à une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite de la rupture et, au moins, égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74). Si cette solution n'est qu'une simple confirmation, elle permet, cependant, de rappeler qu'il convient de distinguer deux périodes de protection de la femme enceinte : celle normale, résultant de l'état dans lequel elle se trouve ou se trouvait, et celle renforcée, résultant de son arrêt maternité, lesquelles, a priori, ne sont toujours pas prises en compte...
Résumé

La résiliation du contrat de travail ne peut prendre effet ou être signifiée pendant la période de suspension du contrat de travail résultant du congé maternité. Cette résiliation est nulle.

La salariée, victime d'un licenciement nul, a droit au paiement d'une indemnité destinée à réparer l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond, dès lors qu'il est, au moins, égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail.

Commentaire

I - Protection absolue contre le licenciement pendant le congé maternité

  • Période de protection

L'article L. 122-25-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5495ACI) pose le principe de l'interdiction, pour l'employeur, de licencier une femme en état de grossesse médicalement constaté. Ce principe constitue un principe général du droit (CE Contentieux, 8 juin 1973, n° 80232, Mme Peynet N° Lexbase : A5658B7P).

Cette protection contre le licenciement commence à partir du moment où l'état de grossesse est médicalement constaté, court pendant toute la durée des périodes de suspension autorisées du contrat (donc la durée du congé maternité) et pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration du congé maternité.

Si l'employeur prononce un licenciement au cours de cette période, en contravention de ces dispositions, le licenciement sera annulé (Cass. soc., 30 avril 2003, n° 00-44.811, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7501BSM, Bull. civ. V, n° 152 ; lire, également, les obs. de S. Koleck-Desautel, La Cour de cassation consacre le droit à réintégration de la femme enceinte illégalement licenciée, Lexbase Hebdo n° 71 du 14 mai 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7288AA8). La salariée pourra demander et obtiendra, si elle ne demande pas à être réintégrée, une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et, au moins, égale à celle prévue à l'article L. 122-14-4 du Code du travail (Cass. soc., 9 octobre 2001, n° 99-44.353, Mme Cécile Hille c/ Société SVP Service N° Lexbase : A2229AWH, Bull. civ. V, n° 314).

Si tout licenciement n'est pas interdit pendant la grossesse, il est strictement prohibé pendant la période de congé maternité.

  • Interdiction absolue de licencier pendant le congé maternité

Pendant la grossesse et les quatre semaines suivant le congé maternité, la résiliation reste possible en cas de faute grave de la salariée ou si l'employeur peut justifier de l'impossibilité devant laquelle il se trouve, pour un motif non lié à la grossesse, de maintenir le contrat de travail de la salariée (C. trav., art. L. 122-25-2). Cette faculté de résiliation est, toutefois, limitée aux périodes de grossesse et aux quatre semaines postérieures au congé maternité.

Pendant le congé de maternité, la salarié bénéficie d'une protection absolue contre le licenciement (C. trav., art. L. 122-27). Celui-ci ne peut, en aucun cas, intervenir, même dans l'hypothèse d'une faute lourde de la salariée ou en cas de force majeure.

Il est, ainsi, interdit à l'employeur, de signifier un licenciement (Cass. soc., 10 mai 1995, n° 92-40.038, Mme Marie-Claude Garin, épouse Ollivier c/ Société anonyme Erom France N° Lexbase : A1049ABH) ou de lui faire prendre effet pendant les périodes de congé maternité ou d'adoption (Cass. soc., 27 avril 1989, n° 86-45.253, Mme Kuznicki c/ Société Betag Ingénierie N° Lexbase : A3653ABW).

La seule chose que l'employeur puisse faire est de mettre en oeuvre la procédure préalable au licenciement et de convoquer la salariée à un entretien préalable au licenciement (Cass. soc., 28 juin 1995, n° 92-40.136, Société à responsabilité limitée VBM (Votre Bureau) c/ Mme Nathalie Marc N° Lexbase : A9102AAD). Il devra, dans ce cas, attendre l'expiration du congé maternité pour envoyer la lettre de licenciement à la salariée.

Tel était le problème posé à la Cour de cassation dans la décision commentée.

  • Espèce

Dans cette espèce, une salariée engagée par contrat de travail à durée déterminée, puis par contrat de travail à durée indéterminé, avait été en arrêt maladie, puis en congé maternité. Au cours de cette dernière période, l'entreprise avait été placée en liquidation judiciaire.

Le liquidateur avait notifié à la salariée, pendant son congé maternité, son licenciement pour motif économique avec effet au terme du congé maternité et dispensé de préavis.

La salariée avait saisi le juge d'une demande en nullité de son licenciement.

La cour d'appel avait rejeté la demande de la salariée au motif que la liquidation judiciaire de l'entreprise constitue une impossibilité, pour un motif étranger à la grossesse, de maintenir le contrat de travail.

La Cour de cassation casse cette décision. Elle rappelle, en effet, que le licenciement avait été notifié pendant le congé maternité de la salariée. Cette notification étant impossible, elle rendait, par la même, nul le licenciement, ce qui ouvrait droit, au profit de la salariée, à une indemnité réparant le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fonds et, au moins, égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail.

Cette solution ne peut qu'être approuvée.

II - Sanction "générale" du licenciement prononcé pendant le congé maternité

Cette solution n'est que la stricte application des textes régissant la matière.

  • Une solution conforme à la lettre et l'esprit des textes régissant la protection de la femme enceinte contre le licenciement

Comme nous l'avons vu, l'article L. 122-25-2 du Code du travail pose le principe de l'interdiction de licencier une femme enceinte, qu'il accompagne de deux exceptions : la faute grave et l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse.

Cette disposition, s'agissant du congé maternité, doit être lue à la lumière de l'article L. 122-27 du Code du travail. Ce texte prévoit, ainsi, que la résiliation du contrat de travail, par l'employeur, pour l'un des motifs prévus à l'article L. 122-25-2 ne peut prendre effet ou être signifiée pendant la période de suspension prévue à l'article L. 122-26 du même code (N° Lexbase : L8813HWC). Ce dernier article fixe les périodes et la durée du congé maternité.

La résiliation du contrat de travail d'une salariée en congé maternité est donc totalement impossible pendant toute la durée de son congé maternité. Comme le prévoit l'article L. 122-27 du Code du travail, la résiliation ne peut ni pendre effet, ni même être signifiée pendant cette période.

Ainsi, même un licenciement régulièrement signifié avant la période de congé maternité ne peut prendre effet au cours de cette période (Cass. soc., 2 mai 1989, n° 86-45.343, Mme Ben Rejeb c/ Mme Skop, inédit au bulletin N° Lexbase : A2799CLA).

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, la seule chose que l'employeur peut faire est d'initier la procédure de licenciement et de convoquer la salariée à un entretien préalable (Cass. soc., 28 juin 1995, n° 92-40.136, préc.), la signification devant attendre l'expiration du congé maternité.

Si l'employeur, son représentant ou, comme dans l'espèce commentée, le liquidateur, contrevient à cette interdiction stricte, le licenciement est nul (Cass. soc., 7 avril 2004, n° 02-40.333, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8065DBC et nos obs., La portée de la nullité du licenciement de la femme enceinte, Lexbase Hebdo n° 116 14 avril 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1270ABN).

  • Sanction du licenciement annulé

L'article L. 122-25-2, alinéa 2, dispose, en effet, que le licenciement prononcé en violation des règles de protection de la femme enceinte est nul.

La conséquence de cette nullité est que la salariée a la possibilité de demander sa réintégration, réintégration à laquelle l'employeur ne peut s'opposer (Cass. soc., 30 avril 2003, n° 00-44.811, préc., Dr. soc., 2003, p. 831, chron. B. Gauriau).

L'employeur encourt, en outre, des sanctions civiles et pénales (C. trav., art. L. 122-30 N° Lexbase : L3138HI3 et R. 152-3 N° Lexbase : L8749ACZ). L'indemnisation de la salariée licenciée en contravention des articles L. 122-25-2 et/ou L. 122-27 du Code du travail est complète.

Cette dernière peut, en effet, prétendre, en plus de l'indemnité de licenciement, au versement de dommages et intérêts, au paiement des salaires qu'elle aurait dû percevoir pendant la période couverte par la nullité (C. trav., art. L. 122-30) et, encore, à l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés.

L'allocation de ces dommages et intérêts est automatique si la salariée ne demande pas sa réintégration. Le montant des dommages et intérêts versés à la salariée est souverainement déterminé par les juges du fond, mais ils doivent, néanmoins, respecter le minimum prévu par l'article L. 122-24-4 du Code du travail. L'indemnité versée à la salariée ne peut, ainsi, être inférieur à 6 mois de salaire.

Ce principe d'indemnisation et le montant minimum accordé à la salariée qui ne demande pas à être réintégrée a déjà été affirmé par la Cour de cassation (Cass. soc., 9 octobre 2001, n° 99-44.353, FS-P N° Lexbase : A4963A4L et les obs. de S. Koleck-Desautel, Les conséquences indemnitaires de l'annulation du licenciement de la salariée enceinte, Lexbase Hebdo n° 53 du 8 janvier 2003 - édition sociale N° Lexbase : N5341AA3), l'arrêt commenté n'en n'est que la confirmation.


Décision

Cass. soc., 19 mars 2008, n° 07-40.599, Mme Taline Birgin, F-P+B (N° Lexbase : A4960D7T)

Cassation de CA Aix-en-Provence, 11 mai 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 122-27 (N° Lexbase : L5493ACG), L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74), L. 122-25-2 (N° Lexbase : L5495ACI) et L. 122-26 (N° Lexbase : L8813HWC)

Mots clefs : femme enceinte ; licenciement ; impossibilité de maintenir le contrat ; liquidation de l'entreprise ; notification du licenciement pendant le congé maternité ; illicéité du licenciement ; nullité du licenciement ; allocation de dommages et intérêts ; minimum 6 mois de salaire.

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