Lecture: 25 min
N5657A9E
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
le 07 Octobre 2010
Telle est la solution rappelée par la Haute juridiction dans un arrêt rendu le 28 novembre 2006 et destiné à paraître au Bulletin.
Au premier rang des effets pécuniaires du mariage entre les époux, figure, nul ne l'ignore, le devoir, pour chacun d'eux, de contribuer aux charges du mariage. C'est ce qui résulte de l'article 214 du Code civil (N° Lexbase : L2382ABT), ce texte prévoyant que les époux participent proportionnellement à leurs ressources aux dépenses entraînées par le train de vie du ménage. Traditionnellement, la jurisprudence refuse d'étendre par analogie, aux concubins, les règles applicables aux personnes mariées et partenaires d'un PACS, faisant valoir qu'aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de leur vie commune, chacun d'eux doit supporter les dépenses de la vie courante qu'il a exposées (Cass. civ. 1, 19 mars 1991, n° 88-19.400, M. Chen c/ Mme Devos N° Lexbase : A3990AHA ; Cass. civ. 1, 17 octobre 2000, n° 98-19.527, M. X c/ Mlle Y N° Lexbase : A7781AHN). En témoigne encore l'arrêt rapporté qui censure une cour d'appel qui avait condamné un concubin à rembourser à son ex concubine la moitié des dépenses de la vie courante effectuées pendant leur cohabitation, retenant que les comptes entre concubins doivent être établis sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Au visa des articles 214 et 1371 (N° Lexbase : L1477ABC) du Code civil, la Haute juridiction énonce "qu'aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu'il a exposées" (lire D. Bakouche, La règle de la contribution aux charges de la vie commune de l'article 214 du Code civil n'est pas applicable au concubinage, Lexbase Hebdo n° 240 du 13 décembre 2006 - édition privée générale N° Lexbase : N3032A98).
II - Le mariage et ses conséquences
Un arrêt du 31 janvier 2006 a été l'occasion, pour la Cour de cassation, de se prononcer sur un pourvoi sollicitant la cassation d'un arrêt ayant rejeté une demande en nullité de mariage. En l'espèce, M. V. a, par testament du 18 février 1996, institué Mme J., sa compagne depuis 1992, légataire de ses meubles. Le 10 avril 1996, alors qu'il se trouvait en phase terminale d'une maladie, M. V. a quitté l'hôpital afin d'épouser Mme J.. Le mariage a été célébré le 12 avril 1996 au domicile de ses oncle et tante avec l'autorisation du procureur de la République. Par acte notarié du 13 avril 1996, M. V. a fait donation à son épouse de l'intégralité des biens composant sa succession, puis il est décédé le 14 avril 1996. Au mois de juillet 1997, le père du défunt a déposé plainte contre personne non dénommée pour faux, usage de faux et escroquerie en prétendant que son fils était en réalité décédé le 12 avril 1996, et a assigné Mme J. en nullité de mariage pour absence de consentement de M. V.. Par un arrêt du 8 avril 1999, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et, par un arrêt du 27 juin 2002, la même cour d'appel a débouté le père de sa demande en nullité du mariage. La Haute cour rejette le pourvoi formé par ce dernier, dans la mesure où "les juges du fond, appréciant souverainement la valeur et la portée des témoignages versés aux débats ont, sans les dénaturer", relevé que l'ensemble des témoins directs du mariage avait interprété le râle émis par M. V., au moment où l'officier d'état civil lui avait posé la question du consentement au mariage, comme une volonté d'épouser Mme J., conformément au souhait qu'il avait déjà exprimé à plusieurs reprises devant le personnel soignant lors de sa sortie de l'hôpital, et estimé que le père du défunt ne rapportait pas la preuve d'une absence de consentement.
Aux termes d'un arrêt rendu le 28 février 2006 et destiné à figurer au Bulletin, la première chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur le pouvoir des juges du fond en matière d'appréciation du consentement à un mariage posthume.
En l'espèce, par décret du 28 mars 1997, le Président de la République a autorisé le mariage posthume de M. C., décédé en 1996, avec Mlle C.. Le mariage a été célébré en avril 1997. Or, Mlle A., faisant valoir que M. C. était le père de ses enfants nés en 1996, a demandé l'annulation du décret présidentiel et du mariage posthume. La cour d'appel la déboute de sa demande en annulation du mariage au motif "qu'il appartient seulement au juge de vérifier l'existence de formalités officielles dont le Président de la République apprécie souverainement si elles sont de nature à marquer sans équivoque le consentement au mariage de l'époux décédé". Ainsi, la cour se fonde sur une notification d'intention de mariage constituant par là même une formalité officielle répondant aux exigence de l'article 171 du Code civil (N° Lexbase : L1760ABS). L'arrêt est cassé au double visa des articles 146 (N° Lexbase : L1571ABS) et 171 du Code civil. En effet, pour la Haute juridiction, les juges du fond ont méconnu l'étendue de leurs pouvoirs : "s'il résulte de l'article 171 du Code civil que le Président de la République apprécie la réalité du consentement du futur époux décédé au moment des formalités officielles, il appartient au juge, saisi d'une demande d'annulation de mariage posthume, de vérifier si ce consentement a persisté jusqu'au décès".
Adoptée définitivement le 23 mars 2006, la loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a été publiée au Journal officiel du 5 avril 2006. Ce texte vise à mettre en place un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression. Ainsi l'article 144 du Code civil (N° Lexbase : L1569ABQ) est modifié, l'âge légal du mariage pour les femmes, qui était auparavant de 15 ans, étant désormais fixé à 18 ans comme pour les hommes. La notion de circonstance aggravante, qui existe pour les époux et concubins, est par ailleurs étendue aux couples pacsés ainsi qu'aux anciens conjoints, concubins et pacsés, que ce soit en cas de violence, de meurtre ou de viol (C. pén., nouvel article 132-80). Dans le but de protéger la victime, la loi prévoit également l'éloignement de l'auteur des violences du domicile. Le vol n'étant pas reconnu entre les époux, un délit spécifique a été crée, à l'article 311-12 du Code pénal (N° Lexbase : L1953AMB) si l'un des membres ou anciens membres du couple prive son conjoint de ses pièces d'identité ou de documents relatifs au séjour.
La loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006, relative au contrôle de la validité des mariages, récemment promulguée, entend identifier et priver d'effets ceux des mariages qui peuvent être dits "simulés", c'est-à-dire ceux qui ne reposent pas sur la volonté libre et éclairée de vouloir se prendre pour mari et femme, et plus particulièrement ceux qui sont entachés d'un défaut de sincérité d'intention matrimoniale, en clair, les mariages de complaisance (dits "mariage blanc") conclus exclusivement à des fins migratoires ou pour obtenir un avantage professionnel, social, fiscal ou successoral. La loi nouvelle se concentre essentiellement sur le contrôle des mariages contractés par les ressortissants français à l'étranger. Alors qu'auparavant, ce contrôle ne s'exerçait qu'a posteriori, à l'occasion de la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français, la loi du 14 novembre soumet, désormais, les mariages de Français à l'étranger aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que les mariages célébrés sur le territoire national et prévoit, en outre, que la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français sera une condition de son opposabilité en France (lire le commentaire de Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice (1ère ch.), La loi du 14 novembre 2006 et le renforcement du contrôle des mariages, Lexbase Hebdo n° 241 du 20 décembre 2006 - édition privée générale N° Lexbase : N5424A9R).
Aux termes d'un arrêt rendu le 10 mai 2006, la Cour de cassation a jugé que les soins dentaires dispensés à un époux constituent des dépenses engagées pour l'entretien du ménage. En l'espèce, Mme J. a été condamnée par un jugement du tribunal d'instance de Cannes à payer une somme de 18 402,67 francs (environ 2 805 euros) au titre de soins dentaires, que son employeur, M. V., a réglée pour son compte.
Pour débouter M. V. de sa demande de remboursement formée à l'encontre du mari de Mme J., la cour d'appel a jugé qu'il ne démontrait ni la nécessité, ni l'urgence des soins reçus par Mme J. et n'établissait pas que leur coût correspondait au train de vie apparemment modeste du ménage J. (CA Aix-en-Provence, 11ème ch., 11 mars 2003, n° 01/04647, Robert V. c/ Patrick J. N° Lexbase : A6505DGZ).
L'arrêt est cassé par la Haute juridiction au visa des articles 220, alinéas 1 et 2, (N° Lexbase : L2389AB4) et 1315 (N° Lexbase : L1426ABG) du Code civil.
En effet, la Cour énonce "que les soins dentaires dispensés à un époux constituent des dépenses engagées pour l'entretien du ménage et qu'il appartenait à son conjoint, qui entendait écarter la solidarité, d'établir que la dépense était manifestement excessive eu égard au train de vie du ménage et à l'utilité de l'opération".
III - Le divorce et ses conséquences
La demande de report de l'effet du jugement de divorce à la date où les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer, accessoire à la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel tant que la décision de divorce n'a pas acquis force de chose jugée. Telle est la solution rappelée par la première chambre civile de la Cour de cassation aux termes d'une décision rendue le 14 mars 2006 et destinée à paraître au Bulletin.
En l'espèce, un jugement du 8 novembre 2001 a prononcé à leurs torts partagés le divorce de M. B. et de Mme R. et a dit qu'en application des dispositions de l'article 262-1 du Code civil (N° Lexbase : L2644ABK), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 (N° Lexbase : L2150DYB), le jugement prenait effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date du 14 juin 2001, date de l'assignation.
Pour déclarer irrecevable la demande de M. B. tendant au report des effets du divorce entre les époux, quant à leurs biens, à une date antérieure à l'assignation, la cour d'appel énonce qu'une telle demande n'a pas été formée en première instance et est présentée en appel.
Cette solution va être censurée par la Haute juridiction au double visa des articles 262-1 du Code civil et 566 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2816ADN).
En effet, la Cour énonce que la demande de report, accessoire à la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel dès lors que la décision de divorce n'a pas acquis force de chose jugée.
Après avoir rappelé qu'en matière de divorce la règle de conflit de juridiction n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, la Cour de cassation dans un arrêt récent du 28 mars 2006, précise, néanmoins, que le tribunal étranger "est reconnu compétent si le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux".
Dans l'espèce rapportée, M. K. et Mme B., après s'être mariés en Algérie se sont installés en France. En mai 1997 Mme B. a déposé une requête en divorce devant le tribunal de grande instance de Versailles. Parallèlement, M. K. a saisi de la même demande le tribunal de Bougea (Algérie) en novembre 1997, lequel a prononcé le divorce en février suivant.
La cour d'appel de Versailles ayant rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. K. du fait du prononcé du divorce par le tribunal algérien, ce dernier s'est pourvu en cassation.
Mais la juridiction suprême ne fera pas davantage droit à sa demande après avoir rappelé qu'au vu de la chronologie des procédures M. K. avait "délibérément choisi la juridiction algérienne postérieurement à la procédure engagée en France par Mme B. pour échapper aux conséquences financières du divorce prononcé en France", apportant ainsi des précisions sur la notion de fraude déjà retenue en la matière (Cass. civ. 1, 28 janvier 2003, n° 00-15.344, FS-P+B, N° Lexbase : A8455A4W).
Aux termes d'un arrêt rendu le 14 novembre 2006, la Haute juridiction a rappelé que les prescriptions de l'article 215 du Code civil (N° Lexbase : L2383ABU) s'appliquent tant que le divorce n'est pas prononcé. A contrario, une fois le divorce prononcé les dispositions de l'article susvisé ne peuvent être invoquées par l'un des ex époux.
En l'espèce, une décision de justice, dans le cadre d'une procédure de divorce, a attribué le logement familial des époux L., lequel était un bien commun, à l'épouse.
Cet immeuble avait été assuré le 20 juillet 1982 auprès du Groupe des populaires d'assurances par M. L. qui a résilié ce contrat, un an après le prononcé du divorce, pour le remplacer par un autre contrat souscrit en sa qualité de propriétaire non-occupant. L'immeuble ayant été détruit en partie, en 1997, par un incendie, Mme L., qui avait accepté sous réserve le montant des indemnités versées par l'assureur, a assigné ce dernier en paiement de dommages-intérêts.
La cour d'appel a déclaré son action irrecevable et la Haute juridiction va confirmer l'analyse des juges du fond. En effet elle énonce que la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne peut être invoquée qu'en tant que moyen de défense opposé à une demande d'exécution d'un acte irrégulièrement passé et non par la demanderesse qui agit par voie d'action (sur ce sujet, lire D. Bakouche, Obligations : retour sur les conditions du jeu de l'exception de nullité N° Lexbase : N4881ALD).
Enfin, la Cour rappelle que la résiliation par un époux, sans le consentement de son conjoint, d'un contrat d'assurance relatif à un bien commun n'encourant la nullité que dans la seule mesure où ce bien est affecté au logement de la famille en application de l'article 215, alinéa 3, du Code civil, l'action en nullité ne peut être exercée que dans le délai d'un an prévu par ce texte.
L'article 242 du Code civil (N° Lexbase : L2795DZK) précise que le divorce par l'un des époux lorsque les faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. A cet égard, la Haute cour a précisé qu'il était possible d'invoquer, à l'appui d'une demande en divorce, des griefs postérieurs à l'ordonnance de non-conciliation ou à l'assignation. En l'espèce, les juges, ayant constaté que le comportement méprisant de l'épouse à l'égard de son mari était révélatrice d'une intention de nuire et mettait délibérément en danger son avenir professionnel, les juges du fond ont pu souverainement estimer que ces éléments constituaient une faute au sens de l'article 242 du Code civil. Par ailleurs, en vertu de l'article 16 du NCPC (N° Lexbase : L2222ADN), le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. En l'espèce, les juges du fond avaient, dans le cadre d'une procédure de divorce, alloués à l'épouse un capital de 130 000 euros au titre de la prestation compensatoire en autorisant l'époux à s'acquitter de cette somme par versements mensuels sur une période de huit ans. Au visa de l'article 16 du NCPC, la Cour de cassation a censuré cette décision puisque, d'une part, les juges n'avaient pas au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur la question et, d'autre part, l'époux qui s'opposait dans ses conclusions d'appel au versement d'une prestation compensatoire n'avait sollicité aucune modalité pour le paiement d'un capital (sur cet arrêt lire N° Lexbase : N3537ALL).
IV - Les régimes matrimoniaux
Aux termes d'un arrêt en date du 31 janvier 2006, la première chambre civile a jugé que sont prohibées les conventions visant à altérer l'économie du régime matrimonial de la communauté de biens réduite aux acquêts. En l'espèce, Mme A., mariée sous le régime conventionnel de la communauté de biens réduite aux acquêts, en 1956, a acquis en 1976 un studio avec stipulation par M. L., son époux, d'une clause de remploi de laquelle il résulte que le bien acquis appartient en propre à son épouse. Par divers actes notariés, les époux ont fait donation à leur fils de la nue-propriété de divers immeubles avec réserve à leur profit et au profit du survivant de l'usufruit des biens donnés. Les époux L. ont divorcé en 1991. Pour retenir que le studio acheté par l'épouse était un bien propre de celle-ci, la cour d'appel énonce qu'il résulte de la clause de remploi, bien que l'acquisition soit intégralement financée par des deniers communs et que le bien concerné aurait dû constituer, en application de l'article 1401 du Code civil (N° Lexbase : L1532ABD), un acquêt de communauté, que l'achat avait été effectué au nom propre de l'épouse, ce dont il s'induit que le mari avait voulu lui accorder un avantage matrimonial. L'arrêt est cassé aux visas des articles 1396, alinéa 3 (N° Lexbase : L1522ABY), et 1401 du Code civil. En effet, la Cour de cassation affirme que la convention qui altère l'économie du régime matrimonial de la communauté de biens réduite aux acquêts en ce qu'elle modifie, sans intervention judiciaire, la répartition entre les biens propres et les biens communs telle qu'elle résulte des dispositions légales, est prohibée.
Selon l'ancien article 888 du Code civil, "l'action en rescision est recevable contre tout acte qui a pour objet de faire cesser l'indivision entre cohéritiers, encore qu'il fût qualifié de vente, d'échange et de transaction, ou de toute autre manière" (N° Lexbase : L3529ABC). La règle a été reprise, à la faveur de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités (loi n° 2006-728 N° Lexbase : L0807HK4), à l'article 890, alinéa 1er (N° Lexbase : L0031HPT), qui dispose, désormais, que "l'action en complément de part est admise contre tout acte, quelle que soit sa dénomination, dont l'objet est de faire cesser l'indivision entre copartageants". L'alinéa 2, en prévoyant cependant que "l'action n'est plus admise lorsqu'une transaction est intervenue à la suite du partage ou de l'acte qui en tient lieu sur les difficultés que présentait ce partage ou cet acte", confirme lui, en en modifiant à peine les termes, la règle de l'alinéa 2 de l'ancien article 888. Toujours est-il que ces solutions, qui concernent au premier chef le droit des successions, trouvent également à s'appliquer, en droit des régimes matrimoniaux, au partage des biens communs puisque l'article 1476 du Code civil (N° Lexbase : L1613ABD), figurant dans une section III "De la dissolution de la communauté" du Chapitre I "Du régime en communauté" du Titre V "Du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux" du Livre III du Code civil, énonce expressément que "le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l'indivision et l'attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre 'Des successions' pour les partages entre cohéritiers". L'égalité est, dit-on, l'âme du partage, ce qui explique au demeurant que, par exception au refus de principe de prendre en compte la lésion en droit français, le Code civil ait admis, outre la protection de certaines personnes (les mineurs, les majeurs protégés), la possibilité d'une sanction de la lésion en matière de vente immobilière et, donc, de partage, à condition, dans ce dernier cas de figure, qu'il s'agisse d'une lésion de plus du quart (ancien article 887, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L3528ABB ; article 889 issu de la loi du 23 juin 2006 N° Lexbase : L0030HPS). Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 14 novembre 2006, à paraître au Bulletin, revenant sur les conditions de l'action en rescision pour lésion entachant l'acte faisant cesser l'indivision post-communautaire, mérite à cet égard d'être, ici, signalé (lire D. Bakouche, Régimes matrimoniaux : l'action en rescision pour lésion contre l'acte ayant pour objet de faire cesser l'indivision, Lexbase Hebdo n° 238 - édition privée générale N° Lexbase : A3351DSW).
La loi applicable au régime matrimonial n'exclut pas, si les époux sont d'accord, une liquidation sur des bases différentes. C'est le principe qui vient d'être dégagé par la Cour de cassation dans un arrêt du 23 mai 2006. En l'espèce, après s'être mariés en France sous le régime légal, Mme B. et M. V., de nationalité française, s'étaient installés à New york. Ils avaient, par la suite, acheté un immeuble à Paris, pour lequel, par acte passé devant un "public notary", M. V. avait renoncé à ses droits au profit de sa femme. Les époux ayant divorcé, M. V. a demandé l'annulation de cet acte. Il reproche à la cour d'appel de l'avoir débouté de sa demande alors que, selon la loi française, loi applicable au régime matrimonial, la liquidation anticipée de la communauté impose le recours à un notaire. Cette analyse sera écartée. Après avoir rappelé "que dans le cadre de la procédure de divorce déclarée exécutoire en France, les époux avaient pu valablement prendre des accords dans les formes de la loi du pays où le divorce a été prononcé, de sorte que la loi française, même si elle était applicable au régime matrimonial, ne pouvait pas avoir pour effet d'imposer l'intervention d'un notaire", la Cour de cassation confirme la validité de l'acte litigieux.
V - La filiation
Aux termes d'un arrêt en date du 14 février 2006 et destiné à figurer tant au Bulletin qu'au Rapport de la Cour de cassation, la première chambre civile a jugé que la mention du nom de la mère dans un acte de naissance permettait d'établir la filiation maternelle suffisant à acquérir la nationalité française.
En l'espèce, Mme B. avait engagé une action déclaratoire de nationalité française fondée sur l'article 18 du Code civil, aux termes duquel est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français (N° Lexbase : L1937ABD). A cette fin elle arguait que son père avait la nationalité française et l'avait conservée à la suite de l'indépendance de l'Algérie, puisque sa propre mère, franco israélienne, avait bénéficié des dispositions du décret "Crémieux" du 24 octobre 1870 (décret donnant la citoyenneté française aux Israélites d'Algérie). La cour d'appel rejette la demande au motif que la grand-mère de la demanderesse n'avait pas reconnu son fils et que, en l'absence de possession d'état ou de mariage, l'acte de naissance ne pouvait suffire à établir cette filiation.
C'est au visa des articles 8 (droit au respect de la vie privée N° Lexbase : L4798AQR) et 14 (principe de non-discrimination N° Lexbase : L4747AQU) que la Haute juridiction va censurer les juges du fond. En effet, elle rappelle que la mention du nom de la grand-mère, désignée en tant que mère dans l'acte de naissance, suffit à établir la filiation maternelle du père de la demanderesse.
Aux termes d'un arrêt qui ne passera sans doute pas inaperçu, la Haute juridiction a jugé, le 7 avril 2006, que l'absence d'établissement de filiation maternelle ne peut priver d'effet la reconnaissance volontaire par le père.
En l'espèce, un litige opposait un père qui avait reconnu in utero l'enfant porté par sa compagne, alors que celle-ci avait choisi d'accoucher sous X, et la famille d'adoption de l'enfant qui avait été admis à titre provisoire comme pupille de l'Etat dès sa naissance.
Pour déclarer irrecevable la demande de restitution formée par M. X., donner effet au consentement du conseil de famille à l'adoption et pour prononcer l'adoption plénière de Benjamin Damien Y. par les époux Z., le premier arrêt rendu retient d'abord que la reconnaissance s'est trouvée privée de toute efficacité du fait de la décision de la mère d'accoucher anonymement. Le second arrêt énonce que le consentement à adoption, donné le 26 avril 2001, par le conseil de famille, est régulier, et que la réclamation de M. X. a été faite le 19 janvier 2001, à une date où le placement antérieur en vue de l'adoption faisait obstacle à toute demande de restitution. Ces deux arrêts sont cassés par la Haute juridiction au visa de l'article 7.1 de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant, et ensemble les articles 335 (N° Lexbase : L2807ABL), 336 (N° Lexbase : L2808ABM), 341-1 (N° Lexbase : L2838ABQ), 348-1 (N° Lexbase : L2859ABI) et 352 (N° Lexbase : L2868ABT) du Code civil. En effet, l'enfant ayant été identifié par M. X. à une date antérieure au consentement à l'adoption, la reconnaissance prénatale avait établi la filiation paternelle de l'enfant avec effet au jour de sa naissance, de sorte que le conseil de famille des pupilles de l'Etat, qui était informé de cette reconnaissance, ne pouvait plus, le 26 avril 2001, consentir valablement à l'adoption de l'enfant, ce qui relevait du seul pouvoir de son père naturel.
La Cour de cassation vient de rappeler le principe selon lequel la filiation est régie par la loi personnelle de la mère avant d'affirmer "qu'une loi étrangère qui ne permet pas l'établissement d'une filiation naturelle n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international, dès lors qu'elle n'a pas pour effet de priver un enfant de nationalité française ou résidant habituellement en France du droit d'établir sa filiation". Après avoir donné naissance à une fille en Algérie, Mme B., de nationalité algérienne, avait fait assigner M. S. en recherche de paternité devant les juridictions françaises. Pour écarter la loi algérienne qui ne connaît que l'établissement de la filiation légitime, la cour d'appel avait retenu que le principe d'égalité entre enfants légitimes et naturels rendait cette loi contraire à l'ordre public international. L'arrêt est cassé au visa des articles 311-14 (N° Lexbase : L2732ABS) et 3 (N° Lexbase : L2228AB7) du Code civil. L'enfant n'ayant pas la nationalité française et ne vivant pas en France, la loi personnelle de sa mère devait s'appliquer.
VI - L'autorité parentale
Aux termes d'un arrêt, destiné à un maximum de publication, la première chambre civile de la Haute juridiction a jugé que les dispositions de l'article 377, alinéa 1er (N° Lexbase : L2924ABW) ne s'opposent pas à la délégation totale ou partielle de l'autorité parentale à la femme avec laquelle la mère vit en union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce, le Procureur général faisait grief à l'arrêt attaqué d'avoir délégué partiellement à Mme Y. l'exercice de l'autorité parentale dont Mme X. était seule titulaire et d'avoir partagé entre elles cet exercice partiellement délégué. La cour d'appel, pour rendre sa décision, a pris en compte la notion de l'intérêt des enfants. A cet égard, elle relève, d'une part, que les filles de Mme X. sont décrites comme des enfants épanouies, équilibrées et heureuses, et d'autre part, que l'absence de filiation paternelle laisse craindre qu'en cas d'événement accidentel plaçant la mère, astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l'incapacité d'exprimer sa volonté, sa concubine ne se heurte à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu'elle a toujours eu aux yeux des enfants.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve les juges du fond d'avoir jugé que l'intérêt supérieur des enfants peut justifier, en pareilles circonstances, que l'autorité parentale soit partagée entre une mère et sa compagne.
Aux termes des articles 371-1 (N° Lexbase : L2894ABS), 372 (N° Lexbase : L2899ABY) et 373-2-8 (N° Lexbase : L6975A44) du Code civil, le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant. Telle est la solution que la Haute juridiction vient de rappeler dans un arrêt en date du 14 mars 2006 et destiné à paraître au Bulletin.
En l'espèce, le divorce des époux V. a été prononcé aux torts de l'époux. En effet, les juges pour fonder leur décision avaient retenu un comportement violent à l'égard de son ex épouse, la soustraction de l'enfant commun du domicile conjugal par son père et le manquement par ce dernier à son devoir de secours pendant la durée de l'instance.
De plus, les juges avaient réservé le droit de visite et d'hébergement de M. V. sur son fils, alléguant d'une perturbation possible de l'équilibre psychologique de l'enfant.
Saisie d'un pourvoi à l'encontre ce cette décision, la Haute juridiction va censurer le point relatif à l'exercice de l'autorité parentale. En effet, elle estime, au visa des articles précités, que la cour n'aurait pas dû prendre cette décision alors même qu'il n'existait aucun motif grave permettant de supprimer le droit de visite et d'hébergement.
VII - L'adoption
Aux termes de l'article 370-3, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L8428ASX), l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. Au regard de cette disposition, un couple français peut-il solliciter en France l'adoption d'un jeune enfant né au Maghreb qu'ils ont recueilli par décision algérienne ou marocaine de kafala ? Deux décisions rendues par la Cour de cassation, et destinées à une publicité conséquente, apportent un certain nombre de précisions sur la question : l'une a été rendue dans le cadre d'une décision de kafala algérienne, l'autre, d'une décision de kafala marocaine. Dans un premier temps, la Cour de cassation a relevé que la kafala n'est pas une adoption et ne doit pas être assimilée à une adoption. Et puisque la loi personnelle de l'enfant (en l'espèce, loi algérienne dans la première décision, et loi marocaine dans la seconde) interdit justement l'adoption, les juges du fond ne pouvaient à bon droit prononcer l'adoption de l'enfant dans la mesure où l'enfant n'était pas né en France et ne résidait pas habituellement en France.
VIII - Les successions
La loi portant réforme des successions et des libertés a été publiée au Journal officiel du 24 juin 2006. Cette loi était très attendue par les professionnels puisque les dispositions sont demeurées quasiment inchangées depuis 1804. C'est essentiellement la procédure de règlement des successions qui est modifiée.
Parmi les nouvelles mesures prévues par cette loi, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2007, l'on peut citer la mise en place d'un nouveau pacte successoral, l'élargissement du champ d'application des donations-partages, l'assouplissement de la gestion des indivisions, l'instauration des donations graduelles, la mise en place du mandat posthume ou encore la facilitation des changements de régimes matrimoniaux. Par ailleurs, plusieurs dispositions renforcent le régime du PACS en créant une obligation de vie commune, d'aide matérielle et d'assistance réciproque. Près de 200 articles du Code civil sont concernés par cette loi.
Anne-Laure Blouet Patin
Rédactrice en chef du pôle Presse
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:265657