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le 07 Octobre 2010
Faits :
A la suite de la signature d'un contrat de location pour quatre ans, la SA CEGID, fournisseur de solutions informatiques, a livré des matériels informatiques et deux logiciels à la SARL Kilove Location dont l'activité consiste en la location de véhicules utilitaires et d'engins spécifiques. La SA CEGID s'est aussi engagée à fournir des prestations d'assistance et de formation du personnel à cette même société par des contrats annexes. Considérant la solution informatique livrée impropre aux besoins de son activité, la SARL Kilove Location a fait désigner, par ordonnance de référé, un expert et a assigné la SA CEGID en résolution du contrat de location/fourniture.
Dans un jugement rendu le 24 octobre 2003, le tribunal de commerce de Lyon, a débouté la demanderesse au motif que la "solution informatique acquise s'analysait en un progiciel, donc standard, et que la SA CEGID n'était tenue que d'une obligation de moyens" et l'a condamné à payer à cette dernière le montant des factures pour la formation du personnel de Kilove Location.
La SARL Kilove Location a interjeté appel.
Décision :
La cour d'appel de Lyon infirme le jugement du tribunal de commerce de Lyon.
La cour relève dans le rapport d'expertise judiciaire, que le logiciel générique fourni ne traite pas des problématiques pour lesquelles la SARL Kilove Location avait entendu migrer du simple système de facturation en place vers un système intégré de gestion.
La cour considère que la SA CEGID "s'est contentée de fournir un logiciel standard [...] sans se préoccuper de savoir s'il répondait aux besoins de la SARL Kilove Location". Ainsi, la Cour estime que la SA CEGID a manqué à son obligation de moyens d'informer et de conseiller son client en s'abstenant de toute étude quant aux besoins de celui -ci et/ou en s'abstenant de les définir avec son concours en l'aidant à les exprimer.
Commentaire :
Dans un attendu de principe, la cour d'appel de Lyon considère que, dans le cadre d'un contrat informatique clé en main, "il pèse sur le fournisseur d'une solution informatique ou d'un ensemble informatique une obligation de conseil et d'information de l'utilisateur et également une obligation renforcée d'éclairer son cocontractant profane dans son choix et notamment en se renseignant au préalable sur les besoins exacts de l'utilisateur et, si nécessaire, en les lui faisant préciser dans un cahier des charges ou tout autre document par lequel il s'évince que le fournisseur a pris l'exacte mesure des besoins de l'utilisateur".
Cette décision rappelle une jurisprudence constante soulignant l'importance de l'obligation de conseil du professionnel en informatique. Le fournisseur d'une solution informatique doit donc être en mesure de prouver qu'il a effectué une étude sur les besoins précis de son client (même dans le cas de la fourniture d'un progiciel) et qu'il a sollicité de ce dernier des informations afin de prendre l'exacte mesure de ses besoins.
VI - Internet
Contenu :
La vidéo à la demande (VOD) a enfin trouvé un cadre légal.
L'accord signé, le 20 décembre 2005, par les fournisseurs d'accès internet, les professionnels du cinéma, Canal + et France Télévisions va permettre aux internautes de visionner des films 33 semaines (environ huit mois et demi) après leur sortie en salle en France.
Les prestataires VOD devront, quant à eux, cofinancer la production audiovisuelle française et européenne.
Les films pourront être téléchargés de manière définitive ou provisoire. Par ailleurs, des formules à la carte ou des offres groupées ainsi que des abonnements seront également proposés aux internautes. Cependant, en ce qui concerne les abonnements, les internautes ne pourront pas visionner plus de quinze films par mois et ne seront concernés que les films sortis depuis plus de 36 mois.
Le communiqué du Ministre de la Culture et de la Communication présente cet accord interprofessionnel comme une arme, s'alliant au concept de "riposte graduée", pour lutter contre le piratage des oeuvres sur internet.
L'accord ne porte ni sur les prix des offres de VOD, ni sur la rémunération des ayants-droits.
L'accord est valable un an.
Commentaire :
Cet accord est intervenu après plus d'un an de négociations. Les négociations avaient surtout rencontré des difficultés quant à la détermination du délai de diffusion d'un film après sa sortie en salle. Les professionnels du cinéma proposaient un délai entre neuf et douze mois, alors que les fournisseurs d'accès à internet plaidaient pour un délai de six mois.
Finalement, la diffusion des films en ligne sur les plates-formes légales VOD interviendra 33 semaines après leur sortie en salle et s'insèrera dans la chronologie des médias entre la location et la vente de vidéos (6 mois après la sortie en salle) et le pay per view (9 mois après la sortie en salle).
Mais surtout, cet accord est intervenu quelques heures avant que l'Assemblée nationale ne commence à examiner le projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI). Cet accord était nécessaire au ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, pour présenter le concept de "riposte graduée" prévu par le projet de loi DADVSI contre le téléchargement illégal de fichiers sur les réseaux peer to peer. Ce concept consiste en l'envoi d'avertissements aux internautes téléchargeant des fichiers sur ces réseaux. Des sanctions plus fortes ne seront prises que si les internautes avertis ne tiennent pas compte de ces avertissements. L'examen du projet de loi DADVSI par l'Assemblée nationale a été suspendu le 22 décembre 2005 et reprendra, en principe, entre le 6 et le 20 février 2006.
Un comité de suivi est chargé de contrôler l'application de cet accord.
L'accord, valable un an, devrait être renégocié trois mois avant son terme.
Contenu :
A la suite de l'adoption du projet loi relative à la lutte anti-terrorisme (devenu loi n° 2006-64, 23 janvier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers N° Lexbase : L4643HG3), le 22 décembre 2005 par l'Assemblée nationale et le Sénat, plus de soixante sénateurs avaient saisi le Conseil Constitutionnel.
Ces derniers contestaient la constitutionalité des articles 6 et 8 de cette loi, portant respectivement sur la réquisition administrative des "données de trafic" auprès d'opérateurs de communications électroniques et, sur la photographie automatique des véhicules et de leurs occupants sur certains axes routiers ainsi que l'enregistrement provisoire de ces photographies aux fins de rapprochement avec les fichiers de véhicules volés ou signalés.
Il est, ainsi, reproché à la procédure de l'article 6 d'être destinée à la fois à la prévention et à la répression des actes de terrorisme par l'autorité administrative, sans surveillance de l'autorité judiciaire, et, par conséquent, de méconnaître la liberté individuelle, la vie privée ainsi que le principe de séparation des pouvoirs.
Le Conseil Constitutionnel a jugé cet article conforme à la Constitution mais a, toutefois, déclaré les mots "et de réprimer" contraires à la Constitution sur le fondement du principe de séparation des pouvoirs figurant à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D). En prenant connaissance d'un crime ou d'un délit, l'autorité administrative est, en effet, tenue d'en informer l'autorité judiciaire.
Quant à l'article 8, le Conseil n'a pas considéré qu'il portait atteinte à la liberté d'aller et de venir ainsi qu'au respect de la vie privée.
Commentaire :
Le Conseil Constitutionnel a, ainsi, jugé que la majorité des dispositions prévues par le projet de loi adopté le 22 décembre 2005 étaient conformes à la Constitution.
Rappelons que l'article 6 du projet de loi avait pour objet d'insérer dans le Code des postes et des communications électroniques une disposition concernant la conservation des données par les opérateurs de télécommunications, mais aussi par les cybercafés, et permettant un accès à ces données par des agents de police et de gendarmerie nationales.
L'absence d'autorisation judiciaire pour l'accès aux données de trafic n'a donc pas été jugée contraire à la Constitution dès lors que "les personnes ayant un intérêt à agir ne sont pas privées par la disposition critiquée des garanties juridictionnelles de droit commun dont sont assorties les mesures de police administrative". En revanche, les données ne peuvent être conservées que dans un but de prévention des actes de terrorisme, et non pas de répression.
La loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006, publiée au Journal officiel du 24 janvier 2006, est à présent en vigueur. Le décret d'application est maintenant attendu.
Faits :
Madame B. a créé un site internet comprenant un forum de discussion.
MM. M. et C., tous deux inscrits sur ce site, ont reçu en novembre 2003, à leur adresse e-mail, des messages insultants et outrageants.
Ils ont alors attrait devant le tribunal de grande instance de Melun, Madame B. et Monsieur B., pris respectivement en leur qualité de webmaster et de co-webmaster du site incriminé.
Se fondant sur les dispositions de l'article 6.2 de la loi du 21 juin 2004 (loi n°2004-575, 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique, art. 6 N° Lexbase : L2655DZD) et des articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil, les deux demandeurs cherchent à engager la responsabilité de Madame B. en qualité de propriétaire du site pour les injures et diffamations subies et, notamment, pour ne pas avoir utilement surveillé le site et exercé ses prérogatives de modérateur.
Décision :
Tout d'abord, le tribunal de grande instance de Melun considère que l'article 6.2 de la loi du 21 juin 2004 met à la charge des personnes mettant en ligne des écrits, une obligation de diligence et écarte, ainsi, la possibilité de rechercher la responsabilité civile de droit commun de Mme B. pour le contenu des messages sur ce fondement.
Ensuite, constatant que les propos pouvaient manifestement constituer des injures publiques ou à porter atteinte à l'honneur de MM. M. et C., le tribunal refuse de rechercher la responsabilité civile de droit commun, qui ne peut être invoquée en matière de presse ou de communication audiovisuelle que pour des faits étrangers au domaine d'application de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW) et pour obtenir réparation des dommages dont le fait générateur n'entre pas dans les prévisions de cette loi.
Enfin, le tribunal écarte des débats un constat d'huissier des pages du forum de discussion qui, n'étant pas accessibles à tous, constituent un lieu privé ouvert au public. L'huissier, s'il a bien décliné son identité, a procédé sans préciser sa qualité et sans autorisation judiciaire.
Par conséquent, les demandeurs se trouvent déboutés de leurs prétentions.
Commentaire :
Cette décision permet de rappeler que la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 (loi n° 2004-575 N° Lexbase : L2600DZC) ne soumet pas les personnes physiques mettant en ligne et à la disposition du public des écrits à une obligation générale de surveillance. Elles sont donc soumises à une obligation de diligence consistant à retirer toute donnée illicite dès qu'elles en ont eu connaissance.
Ce jugement présente, également, un intérêt eu égard à la définition qu'il donne des forums de discussion, ceux-ci ne constituant, pour le TGI de Melun, "ni un lieu public, ni un lieu privé mais un lieu privé ouvert au public". Cette qualité implique donc qu'un constat d'huissier ne peut avoir lieu sur ces pages qu'avec une autorisation préalable du juge et que l'huissier doit préciser son identité et sa qualité au moment où il procède au constat.
Contenu :
Le principe énoncé dans la proposition de Règlement communautaire relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) est que "la liberté des parties de choisir le droit applicable doit constituer la clé de voûte du système de règles de conflit de lois en matière d'obligations contractuelles".
Néanmoins, dans un souci de renforcement de la prévisibilité juridique, il est précisé qu'en l'absence de choix émanant des parties au contrat, la loi applicable sera celle de la résidence habituelle de celui qui fournit la prestation caractéristique. Cependant, en matière de contrats de consommation, c'est la loi de la résidence habituelle du consommateur qui sera appliquée.
Pour que cette règle supplétive soit applicable, il faut cependant que le "contrat ait été conclu avec un professionnel qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre de la résidence habituelle du consommateur". Toutefois, la Commission précise dans son exposé des motifs que pour les contrats conclus à distance, à savoir principalement les contrats internet de consommation, "le simple fait qu'un site internet soit accessible ne suffit pas à rendre la règle applicable, encore faut -il que ce site internet invite à la conclusion de contrats à distance et qu'un contrat ait effectivement été conclu à distance, par tout moyen".
S'il n'est plus exigé pour les contrats conclus par internet que le consommateur ait accompli les actes nécessaires à la conclusion du contrat dans le pays de sa résidence habituelle, une clause de sauvegarde a été introduite pour protéger le professionnel contractant avec un consommateur qui a menti sur le lieu de sa résidence habituelle. Il est alors précisé qu'"il appartient au professionnel de s'assurer que son formulaire standard lui permet d'identifier le lieu de résidence du consommateur".
En dehors de l'hypothèse particulière du contrat internet de consommation, la proposition de Règlement prévoit, à défaut d'accord entre les parties, quelle sera la loi applicable pour chaque type de contrat et l'on peut noter que pour les contrats portant sur la propriété intellectuelle ou industrielle, la loi applicable sera celle du pays dans lequel celui qui transfert ou concède les droits a sa résidence habituelle.
Commentaire :
Le 15 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a présenté la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil, relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
La Commission, après une large consultation des Etats membres notamment, propose de transformer la Convention de Rome de 1980 en un Règlement communautaire. Cette modification de la nature de l'instrument permettra, par exemple, aux Etats membres d'émettre des réserves ou d'adopter de nouvelles règles de conflits après une procédure de ratification.
L'objectif de cette proposition est aussi l'uniformisation des règles relatives à la loi applicable aux obligations contractuelles, dans le but d'une amélioration de la prévisibilité des décisions de justice en la matière et surtout la modernisation de certaines règles en raison de l'évolution des techniques relatives aux obligations contractuelles.
Dans le souci de faire prévaloir la liberté de choix des parties quant à la loi applicable, il est également prévu qu'afin de renforcer l'autonomie de la volonté, les parties sont autorisées à choisir comme droit applicable, un droit non étatique, comme par exemple les principes UNIDROIT, les Principles of European Contract Law ou un éventuel futur instrument communautaire optionnel.
Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & TechnologiesCabinet
Clifford Chance
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