Réf. : Instruction du 30 décembre 2005, BOI n° 4 I-1-05 (N° Lexbase : X5010ADW)
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le 07 Octobre 2010
1.1. L'interprétation du règlement comptable n° 2004-06
Rappelons, d'abord, que le règlement comptable n° 2004-06 ne laisse plus aux entreprises le choix de la méthode de valorisation des apports. Ceux-ci doivent, toujours, être valorisés à la valeur comptable, lorsque les sociétés participant à l'opération sont sous contrôle commun, au sens de la réglementation applicable à la consolidation comptable, sauf dans deux cas (celui des apports-cessions et celui où l'actif net comptable apporté à une société ayant une activité préexistante est insuffisant pour permettre la libération du capital) où les apports doivent être effectués à la valeur réelle. Lorsque l'opération met en présence des entreprises sous contrôle distinct, les apports doivent, en revanche, toujours être valorisés à la valeur réelle, sauf dans un cas (celui où la fusion permet aux actionnaires de la société absorbée de prendre le contrôle de la société absorbante, opération dite "à l'envers") où les apports doivent, alors, être réalisés à la valeur comptable.
Dans son instruction, l'administration rappelle que le règlement comptable n° 2004-06 ne concerne que les opérations entre sociétés contrôlées par une autre société. Les opérations entre sociétés contrôlées par une personne physique peuvent, donc, au choix des parties, être réalisées à la valeur comptable ou à la valeur réelle. De même, le Comité de la réglementation comptable n'a qu'une compétence limitée au territoire français. En conséquence, le règlement ne s'applique que lorsque la société absorbante (ou bénéficiaire des apports) est domiciliée en France. Les opérations pour lesquelles la société absorbante ou bénéficiaire des apports est domiciliée à l'étranger peuvent, ainsi, être librement réalisées à la valeur comptable ou à la valeur réelle, même si la société absorbée ou apporteuse est domiciliée en France. L'instruction confirme que ce règlement comptable est opposable à l'administration comme aux entreprises : "les règles de transcription comptable des apports sont fixées par le Comité de la réglementation comptable et aucune disposition fiscale ne permet d'y déroger. Il convient, donc, de se conformer à ces règles qui doivent être appliquées par les entreprises qui y sont soumises".
1.2. Le cas des opérations placées sous le régime de faveur
En premier lieu, l'instruction rappelle que, lorsque l'opération est placée sous le régime de faveur, la société absorbante doit reprendre à son bilan, en application de l'article 210 A, 3, e, du CGI , les éléments autres que les immobilisations (en pratique, les actifs circulants) pour la valeur qu'ils avaient du point de vue fiscal dans les écritures de la société absorbée. Lorsque, en application du règlement comptable, l'opération aura dû être effectuée à la valeur réelle, l'administration confirme que le non-respect de cette disposition du Code général des impôts n'entraînera pas déchéance du régime de faveur. En revanche, il entraînera l'imposition du profit, ainsi, dégagé par la société absorbée.
En second lieu, l'administration rappelle qu'une fusion, une scission ou un apport partiel d'actif non soumis au régime de faveur constitue, au plan fiscal, une cessation d'entreprise entraînant l'imposition immédiate des plus-values latentes. Elle confirme, alors, sa doctrine antérieure en indiquant que la valorisation des apports à la valeur comptable n'est admise au plan fiscal qu'à une double condition. Il faut, d'une part, que l'opération soit placée sous le régime de faveur des dispositions des articles 210 A et 210 B du CGI. Il faut, d'autre part, que la société bénéficiaire des apports reprenne à son bilan les écritures comptables de la société apporteuse (valeur d'origine, amortissements, provisions pour dépréciation) et continue de calculer les dotations aux amortissements à partir de la valeur d'origine qu'avaient les biens dans les écritures de la société apporteuse.
Concrètement, à l'occasion d'une opération effectuée à la valeur comptable en application du règlement du CRC, mais non placée sous le régime de faveur, la société absorbée (ou apporteuse) sera imposée sur les plus-values latentes qu'elle n'aura pas eu le droit de dégager. Cela sera d'autant plus pénalisant que la société absorbante (ou bénéficiaire des apports) ne pourra pas amortir ces plus-values (lorsque les actifs en cause seront amortissables), puisqu'elle aura reçu les actifs en cause pour leur valeur comptable. Toutefois, l'administration accepte que la plus-value ultérieure de cession réalisée par la société absorbante (ou bénéficiaire des apports) soit calculée à partir de la valeur fiscale que l'actif avait dans les écritures de la société absorbée (ou apporteuse). La société absorbante (ou bénéficiaire des apports) devra justifier, lors de la cession des actifs en cause, que ces valeurs fiscales ont été incluses dans l'assiette imposable de la société absorbée (ou apporteuse).
1.3. Le cas des sociétés faisant partie d'une même intégration fiscale
L'administration reprend à cet égard sa doctrine antérieure selon laquelle, entre sociétés faisant partie d'une même intégration fiscale, les apports partiels d'actif qui ne sont pas soumis au régime de faveur de l'article 210 B du CGI doivent être effectués à la valeur réelle ; à défaut, une subvention indirecte doit être constatée en application de l'article 223 R du CGI . L'administration rapporte, cependant, cette doctrine, lorsque la rémunération des apports aura été calculée sur la base des valeurs réelles des apports. Dans ce cas, il ne sera tiré aucune conséquence négative tant que l'immobilisation concernée et les sociétés parties à l'apport ne sortiront pas du groupe. En pratique, la plus-value latente non dégagée comptablement sera, alors, imposée au niveau de la société apporteuse et neutralisée au niveau du résultat d'ensemble en application de l'article 223 F du CGI . Cette plus-value deviendra imposable lors de la sortie du groupe, soit de l'immobilisation elle-même, soit d'une des deux sociétés parties à l'apport.
2. Les modalités de rémunération des apports
2.1. Une rémunération fondée sur la base des valeurs réelles des apports
L'administration rappelle, à cet égard, que la rémunération des apports doit se faire sur la base des valeurs réelles des apports et de la société qui les reçoit. Selon elle, "lorsque la valeur réelle des titres remis en rémunération est inférieure à la valeur réelle de l'apport, la société apporteuse doit constater, à concurrence de la différence, un produit taxable dans les conditions de droit commun qui correspond à la libéralité consentie".
2.2. Une rémunération qui peut être calculée sur la base des actifs nets comptables des apports
L'administration confirme ici la doctrine antérieure, selon laquelle il est possible de calculer la rémunération de l'apport sur la base des actifs nets comptables des apports et de la société bénéficiaire lorsque trois conditions sont réunies. Ces conditions sont les suivantes :
Toutefois, l'administration n'impose plus que cette tolérance soit restreinte à une seule opération au regard d'une même société bénéficiaire.
3. Le traitement des apports en cas de cession
3.1. Les apports effectués dans la perspective de la cession ultérieure des titres
Selon le règlement comptable n° 2004-06, les apports effectués dans la perspective de la cession ultérieure des titres reçus en rémunération à une société sous contrôle distinct sont effectués à la valeur réelle s'il existe un engagement préalable de cession (ou d'introduction en bourse) mentionné dans le traité d'apport. Dans ce cas, la société apporteuse est imposée sur les plus-values d'apport qu'elle a dégagées puisque, par hypothèse, elle ne peut pas conserver pendant trois ans les titres reçus en rémunération de l'apport, condition nécessaire pour bénéficier du régime de faveur de l'article 210 B du CGI.
3.2. Le traitement des apports en l'absence de réalisation de la cession des titres
Dans le cas où cette cession n'a pas lieu, le règlement comptable n° 2004-06 précise que les valeurs d'apport doivent être corrigées, afin de revenir aux valeurs comptables. L'instruction permet, dans ce cas-là, aux sociétés ayant participé à l'opération de bénéficier rétroactivement du régime de faveur et de corriger le résultat fiscal de la société apporteuse. Cette tolérance est, cependant, subordonnée au respect de quatre conditions. Ces conditions sont les suivantes :
Toutefois, dans le cas où la constatation que la cession ne se réalise pas n'intervient que lors de l'exercice qui suit celui de l'apport, la société apporteuse bénéficiera, au titre de l'exercice de constatation que la cession ne se réalise pas, d'une charge déductible égale au montant de la plus-value imposée au titre de l'exercice d'apport. Si elle avait dégagé une moins-value d'apport, elle devra réintégrer cette dernière.
4. Les modalités de transfert des déficits sur agrément
4.1. Les dispositions législatives applicables
Les dispositions de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 2004 ont modifié les articles 209, II et 223, l, 6, c du CGI, qui régissent les transferts de déficits sur agrément qui peuvent être sollicités à l'occasion de fusions ou d'opérations assimilées, en supprimant le plafonnement du montant des déficits transférables. Par ailleurs, les dispositions du nouvel article 209, II, du CGI visent, désormais, expressément les scissions et les apports partiels d'actif. En effet, selon ces dispositions : "en cas de scission ou d'apport partiel d'actif, les déficits transférés sont ceux afférents à la branche d'activité apportée". L'instruction précise, alors, qu'"il convient, donc, dans le cadre de la demande d'agrément, et conformément à la pratique antérieure, de déterminer l'origine des déficits transférables au moyen de la comptabilité analytique de l'entreprise".
5. Le traitement du mali de fusion
5.1. Définition du mali de fusion
Le mali de fusion représente l'écart négatif entre l'actif net reçu par la société absorbante à hauteur de sa participation dans la société absorbée et la valeur nette comptable de cette participation. Lorsqu'il correspond à une perte économique réelle pour la société absorbante, il est qualifié de "vrai" mali et constitue au plan comptable une charge pour cette dernière. Cette charge est susceptible de recouvrir deux éléments. Le premier élément se rapporte à la perte constatée sur les titres de la société absorbée détenus par la société absorbante. Le second élément concerne éventuellement l'actif net négatif appréhendé à l'occasion de l'opération. Cela n'est susceptible de se produire qu'en cas de fusion réalisée selon le régime simplifié ou en cas de dissolution sans liquidation, seules hypothèses où il est possible d'apporter un actif net négatif.
5.2. La déductibilité des pertes sur titres
Dans son instruction, l'administration confirme que la perte sur titres est déductible, mais rappelle "qu'il appartient à l'entreprise de démontrer la réalité de cette perte et qu'elle ne peut être admise que si les titres ont été acquis dans des conditions normales et que l'actif net reçu est inférieur au prix d'acquisition desdits titres". Cette perte suit le régime des moins-values à long terme s'il s'agit de titres de participation détenus depuis plus de deux ans. Dans le cas contraire, la perte est déductible au taux de droit commun. Toutefois, en application des dispositions de l'article 209, II, bis, du CGI modifiées par les dispositions de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 2004, la perte correspondant à l'actif net négatif apporté à l'occasion des opérations réalisées à compter du 1er janvier 2005 n'est pas déductible. Concernant les opérations réalisées antérieurement à cette date, l'administration nuance fortement sa doctrine antérieure. Elle admet, désormais, que la société absorbante ou confondante puisse déduire l'actif net reçu si elle démontre un véritable intérêt financier (prévention du renom) ou commercial (reprises de marchés) à agir de la sorte.
6. Le traitement du mali technique
6.1. Définition du mali technique
Le mali technique correspond à la partie du mali non représentative d'une perte économique et, plus précisément, au mali constaté lors des opérations réalisées à la valeur comptable. Le mali technique est égal, alors, à hauteur de la participation détenue par la société absorbante, aux plus-values latentes existant sur les actifs de la société absorbée diminuées des passifs non comptabilisés dans les comptes de cette dernière (comme les provisions pour retraites ou les impôts différés, que les entreprises n'ont pas l'obligation de constater dans leurs comptes). Le mali technique ne constitue pas une charge de la société absorbante, mais doit être inscrit à son actif dans un sous-compte du compte 207 Fonds commercial. Il n'est pas amortissable, mais doit faire l'objet de tests de dépréciation. Pour ce faire, le mali technique est affecté de manière extra-comptable aux différents actifs transmis par la société absorbée et ce au prorata des plus-values latentes existant sur ces actifs.
Concrètement, une perte doit être constatée dans deux cas. Le premier cas se rapporte à la situation dans laquelle la valeur réelle d'un des actifs sous-jacents est devenue inférieure à sa valeur comptable majorée de la part du mali technique qui lui a été affectée : dans cette hypothèse, la perte est, alors, comptabilisée sous forme de dépréciation. Le deuxième cas se rapporte à la situation dans laquelle l'un de ces actifs sort du bilan de la société absorbante : dans cette situation, la perte est, alors, comptabilisée par voie de décote directe.
6.2. Le traitement fiscal applicable aux opérations soumises au régime de faveur
Dans un tel cas, l'administration confirme que l'inscription du mali technique au bilan de la société absorbante n'est pas constitutive d'une valeur intermédiaire entre la valeur comptable et la valeur réelle susceptible de remettre en cause l'application du régime de faveur. De même, elle confirme que cette inscription ne constitue pas une augmentation de l'actif net de la société absorbante au sens de l'article 38-2 du CGI . L'administration rappelle qu'en application du 3ème alinéa de l'article 210 A, 1, du CGI tel qu'il résulte de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 2004, les pertes constatées sur le mali technique ne sont pas déductibles et précise que "cette non-déductibilité est justifiée par le fait que ce mali technique est représentatif de tout ou partie des plus-values et profits latents existant chez la société absorbée, lesquels ne font pas l'objet d'une imposition lors de l'apport en application du 1er alinéa du 1 de l'article 210 A du CGI".
En application de l'article 54 septies du CGI, la valeur comptable et fiscale du mali technique doit faire l'objet d'un état de suivi à joindre à la déclaration de résultats. Le règlement comptable étant applicable aux opérations réalisées depuis sa publication (le 8 juin 2004), le traitement fiscal du mali technique constaté à l'occasion de ces opérations est identique à celui applicable à compter du 1er janvier 2005.
6.3. Le traitement fiscal applicable aux opérations qui ne sont pas soumises au régime de faveur
Dans un tel cas, du fait qu'en régime de droit commun la société absorbée est imposée sur toutes les plus-values latentes afférentes à ses actifs, il est normal que les pertes constatées ultérieurement sur le mali technique par la société absorbante soient déductibles, puisque ce mali est représentatif d'une partie des plus-values latentes imposées. Cependant, la déductibilité de ces pertes est conditionnée par la possibilité de déduire les pertes constatées sur les actifs sous-jacents à l'origine des pertes constatées sur le mali technique. Ainsi, si l'actif sous-jacent qui se déprécie est un actif d'impôt différé, la perte correspondante constatée sur le mali ne sera pas déductible. Si l'actif sous-jacent est une ligne de titres de participation, la perte correspondante constatée sur le mali technique suivra le régime des moins-values à long terme. Par ailleurs, la valeur fiscale retenue pour calculer le montant de la plus-value imposable, lors de la cession par la société absorbante d'un actif reçu à l'occasion de la fusion, est réduite du montant de la plus-value latente prise en compte pour la détermination du mali technique.
7. La détermination de la date de réalisation des opérations de dissolution sans liquidation
7.1. La doctrine applicable
Dans son instruction du 7 juillet 2003, publiée au BOI n° 4 I-1-03 (N° Lexbase : X5337ABB), l'administration avait admis qu'une opération de dissolution sans liquidation puisse se voir conférer un effet fiscal rétroactif ou différé dans les limites de l'exercice comptable durant lequel était intervenue sa réalisation, cette réalisation s'entendant, pour l'administration, de la décision de dissolution prise par l'associé unique. Le règlement comptable a confirmé qu'au plan comptable une telle opération ne saurait se voir conférer un effet rétroactif. Par ailleurs, juridiquement, l'opération est réalisée lors de la transmission du patrimoine de la société confondue à la société confondante, c'est-à-dire à l'issue du délai d'opposition des créanciers, qui est au minimum de trente jours à compter de la publication de la décision de l'associé unique dans un journal d'annonces légales.
7.2. La modification de cette doctrine par l'instruction du 30 décembre 2005
Désormais, l'administration retient comme date de réalisation de l'opération de dissolution sans liquidation la date de la transmission du patrimoine et elle ne permet plus de conférer un effet fiscal différé au-delà de cette date. Elle permet, toujours, de conférer un effet fiscal rétroactif, qui ne peut pas être antérieur à la date d'ouverture de l'exercice au cours duquel est intervenue la réalisation de l'opération. Pour ne pas pénaliser les opérations qui sont décidées au cours du dernier mois de l'exercice, l'instruction permet que l'effet rétroactif fiscal puisse remonter jusqu'à la date d'ouverture de l'exercice au cours duquel a été prise la décision de l'associé unique. Dans cette hypothèse, la décision de l'associé unique devra expressément mentionner cette option en précisant la date d'effet fiscal retenue. Si la société confondue est membre d'un groupe fiscal intégré, il conviendra de tirer toutes les conséquences de sa sortie de l'intégration au titre de cet exercice.
Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice
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