La lettre juridique n°204 du 2 mars 2006 : Fiscalité financière

[Jurisprudence] Donation de titres non cotés : valeur vénale, valeur objective

Réf. : Cass. com., 14 février 2006, n° 03-18.742, Directeur général des impôts c/ Mme Marie-Claude Oberti, épouse Fabres, F-D (N° Lexbase : A9791DML)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Le coût fiscal de la transmission d'un bien ne peut pas être pris en compte pour déterminer la valeur vénale des biens transmis. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 14 février 2006. Au cas particulier, la valeur d'actions ne pouvait être affectée par la charge fiscale incombant au nouveau propriétaire à la suite de la donation dont ces actions avaient fait l'objet. Cette décision conforte incontestablement la notion de valeur objective, seule retenue pour la détermination de l'assiette des droits de mutation à titre onéreux ou à titre gratuit. 1. La valeur vénale doit être une valeur objective

1.1. Principe

La valeur vénale réelle, sur laquelle l'impôt de transmission est dû par application des dispositions des articles 666 et 761 du CGI, est définie comme le prix qui pourrait être obtenu d'un bien dans un marché réel, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve avant la mutation et des clauses de l'acte de vente (Cass. com., 23 octobre 1984, n° 82-17.054, Directeur général des impôts c/ Groupement Foncier Agricole de Plaimpied N° Lexbase : A0032AHN). Cette dernière précision ne vaut que pour les ventes. En effet, pour les mutations à titre gratuit, la référence à la valeur vénale n'autorise pas à supposer que le propriétaire le vendrait dans un état différent de celui dans lequel il se trouve. Ainsi, la valeur à laquelle s'attache la loi fiscale est une valeur objective, seule de nature à satisfaire aux voeux d'efficacité et d'égalité de ladite loi.

1.2. Application

Une appréciation objective de la valeur conduit à écarter les valeurs de "convenance". Ainsi, une valeur ne peut être établie en fonction de l'intérêt personnel de l'acheteur (Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-13.468, M. Pierre Heral et autres c/ M. le directeur général des impôts et autres N° Lexbase : A6565CZ8). Au cas particulier, c'est le service des impôts qui avait, lui-même, procédé au rehaussement du prix de la partie afférente à l'habitation, lors de l'acquisition d'un immeuble à usage mixte par un pharmacien, au motif que le contribuable avait un intérêt personnel à acquérir un tel bien. En effet, le pharmacien avait pu, ainsi, rapprocher son officine de son habitation, ce qui justifiait un prix supérieur au marché pour la seule partie habitation. La Haute juridiction a censuré la décision qui avait validé le redressement en précisant que la détermination de la valeur d'un bien ne peut se faire en fonction d'éléments intéressant la personne de l'acquéreur, mais uniquement en retenant le critère objectif du prix sur le marché à la date de la mutation.

2. La valeur objective est la valeur de marché

2.1. Principe

La valeur vénale d'un bien ne peut être confondue avec sa valeur intrinsèque, sa valeur de remplacement, voire sa valeur d'assurance. A cet égard, la Cour de cassation a clairement énoncé que cette valeur "ne se confond pas nécessairement avec la valeur économique théorique du bien" (Cass. com., 22 janvier 1991, n° 89-12.357, Société Bartissol Cruse diffusion c/ Directeur général des impôts et autres N° Lexbase : A2615ABH s'agissant de l'évaluation d'une marque de vin). En pratique, cette valeur, comme l'a précisé l'administration (QE n° 48462 de M. Aeschlimann Manuel, JOANQ, 12 octobre 2004, p. 7867, min. de l'Eco., réponse publ. 14 décembre 2004, p. 1007, 12ème législature N° Lexbase : L8354HGI), "est celle observée lors de transactions portant sur des biens similaires à une date proche et antérieure" du fait générateur. La valeur d'un bien s'entend du prix moyennant lequel il est susceptible d'être cédé, compte tenu des données du marché et de ses caractéristiques physiques et juridiques. Le principe est, donc, établi : la valeur vénale découle de l'analyse du marché de biens similaires. Il est vrai qu'un juge de première instance a pu relever que le prix obtenu dans une vente de gré à gré ne révèle pas la valeur vénale réelle du bien cédé, mais cette décision apparaît erronée en droit comme étant contraire à cette notion même de valeur vénale qui ne peut résulter que du marché (Cass. com., 16 janvier 1996, n° 94-13.400, Mlle Coudert c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A6423AHD). On sait que le marché, point de rencontre entre l'offre et la demande, est considéré comme "parfait" lorsque les offres et les demandes sont concomitantes et portent sur des biens identiques et substituables les uns aux autres. Tel est le cas du marché boursier avec, comme conséquence, une absence de difficultés pour évaluer les titres cotés. En revanche, le marché est "imparfait", lorsqu'il n'y a pas réunion simultanée des vendeurs et des acquéreurs et que, de surcroît, les biens ne sont pas identiques et substituables, ce qui est, généralement, le cas du marché immobilier.

2.2. Application

Puisque la valeur vénale d'un bien est déterminée par référence au marché de biens similaires à celui à évaluer, sa recherche impose de recourir à la méthode par comparaison. Ce qui a été confirmé par le juge. Ainsi, la valeur vénale d'un fonds de commerce ne peut pas être déterminée sans qu'il soit procédé à des comparaisons tirées de la cession, au moment de la mutation, de fonds de commerce de même nature (Cass. com., 9 mai 1990, n° 89-10.474, Mme Yvette Courtin, épouse Granson c/ Directeur général des impôts, Ministère de l'Economie, des Finances et du Budget, 139, rue de Bercy à Paris (12ème), inédit au bulletin, Cassation N° Lexbase : A2624CQA). Mais, la situation idéale, c'est-à-dire celle dans laquelle on dispose de cessions portant sur des biens strictement identiques se rencontrant rarement, les prix de cessions, s'agissant principalement des immeubles, sont ramenés à un étalon de mesure qui sert de facteur commun. La pratique a, ainsi, dégagé, en ce qui concerne les immeubles, des "réductions" pour la mise en oeuvre de la méthode par comparaison, qui sont, pour l'essentiel, le prix au m² de superficie développée pondérée hors oeuvre (SDPHO) et le prix au m² de superficie utile ou habitable. S'agissant des biens immobiliers, la méthode d'évaluation par le revenu, qui aboutit à des "valeurs occupées" et ne peut être utilisée pour évaluer des immeubles qui ne sont pas loués à partir d'une valeur locative supposée, permet de valider le résultat de la méthode précédente. Cependant, pour la mise en oeuvre de cette méthode toute la difficulté réside dans le choix du taux de capitalisation appliqué aux revenus réellement procurés par le bien à évaluer.

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