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le 07 Octobre 2010
Contenu :
Le Parlement européen a adopté le 14 décembre 2005, en première lecture, la Directive proposée par la Commission européenne. L'objectif de ce texte est d'harmoniser les différentes législations européennes en matière de conservation des données pour la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions graves telles que définies par chaque Etat membre dans leur législation nationale ; seraient principalement concernés le terrorisme et la criminalité organisée.
Aux termes de la Directive, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile ainsi que les fournisseurs d'accès à internet seront tenus de conserver les données de localisation pour les appels reçus, y compris pour les appels infructueux, SMS et protocoles internet. Aucune donnée révélant le contenu de la communication ne pourra être conservée au titre de cette Directive.
Les données devraient être conservées pour une période minimale de six mois pouvant être prolongée jusqu'à deux ans. La conservation des données devra être effectuée de manière à éviter qu'elles soient conservées plus d'une fois. Une disposition a été ajoutée par les euro-députés prévoyant des sanctions pénales "effectives, proportionnées et dissuasives" pour les opérateurs qui auraient manqué, délibérément ou par négligence, à leurs obligations de stockage et de protection des informations.
Seules les autorités compétentes désignées par les Etats membres seraient autorisées à accéder aux données conservées par les opérateurs de téléphonie et les fournisseurs d'accès à internet. L'accès aux données devrait, de plus, être accordé au cas par cas et dans un but précis. Les autorités ne devraient donc pas être en mesure d'accéder à l'intégralité de la base.
Enfin, la durée de conservation pourra être prolongée pour une période limitée, sur autorisation de la Commission, si un Etat membre justifie de circonstances particulières. La Commission pourra approuver ou rejeter les mesures nationales concernées dans un délai de six mois suivant la notification de la part de l'Etat membre.
Commentaire :
L'adoption d'un compromis sur ce texte a été accélérée par la présidence britannique à la suite des attentats de Londres.
Il convient de noter que la mise en conformité avec les dispositions de la Directive devrait être coûteuse pour les opérateurs de téléphonie et les fournisseurs d'accès à internet. A titre d'exemple, actuellement, les opérateurs de téléphonie n'enregistrent pas les appels manqués. Pour le faire, ils doivent recourir à de nouvelles technologies exigeant des investissements coûteux. Cependant, les euro-députés ont retiré du texte de la Directive le paragraphe prévoyant que soient entièrement remboursés des frais engagés à cette occasion par les autorités compétentes des Etats membres.
Le texte doit encore être approuvé par le Conseil des ministres avant sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.
II - Données personnelles
Contenu :
Les dispositifs d'alerte professionnelle sont des systèmes mis à la disposition des employés d'un organisme public ou privé pour les inciter, en complément des modes normaux d'alerte sur les dysfonctionnements de l'organisme, à signaler à leur employeur des comportements qu'ils estiment contraires aux règles applicables.
A la suite de l'adoption, le 10 novembre 2005, d'un document d'orientation établissant les conditions de conformité des dispositifs d'alerte professionnelle avec la loi "Informatique et Libertés" (N° Lexbase : L8794AGS), la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a adopté une décision d'autorisation unique pour ces dispositifs par une délibération en date du 8 décembre 2005.
Sont soumis à cette autorisation les traitements mis en oeuvre par les organismes publics ou privés dans le cadre d'un dispositif d'alerte professionnelle répondant à une obligation législative ou réglementaire de droit français visant à l'établissement de procédures de contrôle interne dans les domaines financier, comptable, bancaire et de la lutte contre la corruption. Les traitements mis en oeuvre dans les domaines comptable et de l'audit par la loi américaine Sarbanes Oxley entrent dans le champ d'application de la décision.
La CNIL précise aussi les catégories de données à caractère personnel pouvant être enregistrées, la durée de conservation de ces données, ainsi que les informations devant être données aux utilisateurs potentiels du dispositif mais aussi aux personnes faisant l'objet d'une alerte professionnelle.
Les entreprises mettant en oeuvre un dispositif d'alerte professionnelle doivent ainsi simplement remettre à la CNIL un engagement de conformité à la décision. Dès réception du récépissé de la CNIL, les entreprises pourront mettre en oeuvre leur dispositif.
Cette décision vaut également, sous certaines conditions, autorisation de transfert des données à l'extérieur de l'Union européenne.
Commentaire :
Dans le contexte de la loi américaine Sarbanes Oxley, des sociétés françaises filiales de sociétés cotées aux Etats-Unis ou des sociétés françaises cotées aux Etats-Unis avaient mis en place des systèmes d'alerte éthique permettant aux employés de faire état de leurs inquiétudes quant à une comptabilité ou un audit douteux sous couvert d'anonymat.
Le 26 mai 2005, la CNIL a refusé d'autoriser deux projets de système d'alerte professionnelle au regard de la loi "Informatique et Libertés".
De plus, le 15 septembre 2005, le tribunal de grande instance de Libourne a ordonné en référé des mesures conservatoires à une société afin de faire cesser le risque d'un dommage potentiel imminent créé par des notes de services instituant une procédure d'alerte éthique (TGI de Libourne, 15 septembre 2005, n° 05/00143, CE BSN Glasspack c/ SAS BSN Glasspack N° Lexbase : A7227DMM).
Consciente des difficultés suscitées par ces décisions pour l'application de la loi Sarbanes Oxley par les filiales françaises de sociétés cotées aux Etats-Unis ou par les sociétés françaises cotées aux Etats-Unis, la CNIL a entamé un large processus d'information et de discussion sur ces questions avec les autorités américaines et européennes compétentes, ainsi qu'avec les représentants d'entreprises, les syndicats et divers experts. Cette décision d'autorisation unique de système d'alerte professionnelle devrait ainsi faciliter la mise en conformité des entreprises avec leurs obligations légales ainsi que leurs formalités de déclaration.
Dans l'hypothèse où un dispositif d'alerte professionnelle sortirait du cadre fixé par la décision d'autorisation unique, l'entreprise devra adresser un dossier complet de déclaration normale qui fera l'objet d'un examen de la CNIL dans les deux mois de son dépôt sur le fondement de l'article 23 de la loi "Informatique et Libertés" (N° Lexbase : L5612GTZ).
III - Droits d'auteur
Contenu :
Face à un cadre juridique actuel ne garantissant ni les droits des auteurs ni la sécurité juridique des investisseurs du fait de son incertitude, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique propose, dans son avis du 7 décembre 2005, la mise en place d'un régime unitaire propre aux oeuvres multimédias.
Le Conseil se donne pour objectif de concilier les intérêts des auteurs et des investisseurs par la création d'un nouveau statut qui serait cumulable avec les statuts propres à chacune des composantes de l'oeuvre multimédia et qui aurait vocation à s'appliquer à l'ensemble des oeuvres multimédia.
Malgré le manque d'unanimité sur ce point, il faut noter que le Conseil propose que le statut de l'oeuvre multimédia soit d'ordre public, afin de pouvoir remédier à l'insécurité juridique actuelle.
La définition de l'oeuvre multimédia, sur tout type de support ou par tout mode de communication, est donnée à travers l'énoncé de critères cumulatifs qui sont :
- la réunion d'éléments de genres différents ;
- l'interactivité pour celui qui utilise l'oeuvre ;
- le fait d'avoir une identité propre, différente de celles des éléments qui la composent et de la simple somme de ces éléments et enfin le fait que la structure et l'accès à l'oeuvre multimédia soient régis par un programme informatique.
L'identification des auteurs serait facilitée par l'instauration d'un régime de présomption simple de la qualité d'auteur de l'oeuvre multimédia, au bénéfice des contributeurs dont l'apport revêt un caractère déterminant pour l'identité de l'oeuvre regardée comme un tout.
Le caractère déterminant de l'apport s'entend pour le Conseil, de la participation à quatre fonctions qui sont la fonction de réalisation, de création du scénario interactif, de conception graphique et de création de la composition musicale spécialement réalisée pour l'oeuvre multimédia.
Le Conseil considère, ensuite, que si l'auteur personne physique demeure le titulaire originel des droits patrimoniaux, la transmission de ceux-ci à l'exploitant devrait être sécurisée par une présomption simple de cession.
La présomption de cession s'appliquerait aux contributeurs déterminants de l'oeuvre multimédia ainsi qu'aux contributeurs non déterminants qui n'ont pas la qualité d'auteur de l'oeuvre considérée comme un tout, mais qui sont néanmoins les auteurs d'une contribution spécialement créée pour cette oeuvre. Le bénéficiaire de la présomption de cession serait l'opérateur qui prend l'initiative et la responsabilité de la création de l'oeuvre multimédia.
La cession, de caractère exclusif, porterait sur l'exploitation principale de l'oeuvre dans son domaine d'origine, le multimédia, ainsi que sur ses exploitations hors du domaine du multimédia qui constituent l'accessoire nécessaire (indispensable) de l'exploitation principale.
Le fait générateur de la présomption serait un contrat écrit, mentionnant au minimum l'existence de la présomption de cession et son périmètre, ainsi que la rémunération de l'auteur ; ce contrat pouvant viser toutes les oeuvres que l'auteur est susceptible de réaliser dans le cadre de ses fonctions. En présence d'un tel contrat, la présomption de cession pourrait jouer pour tous les droits patrimoniaux qu'elle concerne.
En ce qui concerne la rémunération des auteurs, le droit moral et la copie privée, le Conseil considère que l'oeuvre multimédia ne nécessite pas qu'il soit dérogé aux règles du droit commun de la propriété littéraire et artistique qui régiront donc ces différents points.
Commentaire :
L'avis du 7 décembre 2005 a été rendu par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique à la suite de sa saisine par le ministre de la Culture et de la Communication sur la question des moyens juridiques propres à améliorer la place des créateurs des oeuvres multimédias sur le plan national et international.
Dans la situation actuelle, l'oeuvre multimédia ne peut être rattachée à aucune des catégories définies par le Code de la propriété intellectuelle, que ce soit par référence à la nature même de l'oeuvre ou à son processus de création. La pratique contractuelle a donc conduit à qualifier l'oeuvre en fonction du but recherché par les parties, créant une multitude de qualifications possibles, ayant parfois peu de rapport avec les caractéristiques de l'oeuvre.
L'objectif de la proposition du Conseil est donc de regrouper la diversité des oeuvres multimédias en un cadre juridique unitaire, permettant de garantir les droits des auteurs ainsi que la sécurité juridique des exploitants des oeuvres.
Pour garantir cette unité de statut, le Conseil requiert que celui-ci soit cumulable avec les statuts propres à chacune des composantes de l'oeuvre multimédia, mais que l'oeuvre en tant que tout, ne puisse se cumuler avec un autre statut. Ce statut unique aurait alors vocation à s'appliquer à l'ensemble des oeuvres multimédias et serait d'ordre public, afin de garantir l'effectivité de l'objectif d'unité et de remédier à l'insécurité juridique actuelle.
Le Conseil propose de renforcer les droits des auteurs d'oeuvres multimédias par une présomption simple d'auteur concernant les contributeurs déterminants de la création de l'oeuvre.
Enfin, ayant conscience de la diversité des secteurs susceptibles d'être impactés par la mise en place du statut de l'oeuvre multimédia, le Conseil invite les organisations professionnelles concernées à "poursuivre l'évaluation des particularités et des besoins spécifiques à leur secteur, afin que le statut de l'oeuvre multimédia puisse comporter les adaptations nécessaires, élaborées notamment par voie de conventions sectorielles".
Faits :
La société canadienne Softimage Inc. (devenue la société Softimage Co.) a conclu un contrat avec la société Syn'x lui permettant d'intégrer et de développer au sein d'un logiciel qu'elle exploite, sous la dénomination Créative Environnement, les fonctions du logiciel d'assistance à la création d'images animées, dénommé Character, le 1er juin 1992. Ce contrat a été dénoncé le 15 novembre 1994 avec effet le 8 mars 1995.
La société Syn'x a assigné la société Softimage Inc. en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire car les auteurs du logiciel Character considéraient que la nouvelle version du logiciel 3D de la société Softimage Inc. commercialisée en France constituait la contrefaçon du logiciel Character.
La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 9 octobre 2003, a rejeté l'action en contrefaçon et a, toutefois, condamné la société Softimage Co. à payer aux auteurs du logiciel Character des dommages-intérêts au titre du parasitisme (CA Versailles, 12ème ch., sect. 2, 9 octobre 2003, n° 01/07525, SARL Microsoft France c/ Monsieur Raymond PERRIN N° Lexbase : A1107DBM).
La société Syn'x ainsi que les auteurs dudit logiciel se sont pourvus en cassation.
Décision :
La Cour de Cassation rejette le pourvoi.
Elle confirme ainsi que les fonctionnalités d'un logiciel, définies comme la mise en oeuvre de la capacité de celui-ci à effectuer une tâche précise ou à obtenir un résultat déterminé, ne "bénéficient pas, en tant que telles, de la protection du droit d'auteur dès lors qu'elles ne correspondent qu'à une idée".
La Cour constate, en effet, que bien que les résultats recherchés soient identiques, il n'existe aucune similitude de forme entre les deux logiciels permettant de conclure à la contrefaçon. Elle confirme, cependant, qu'en utilisant le travail de recherche des auteurs du logiciel Character, la société Softimage Inc. avait bien détourné un savoir-faire constitutif d'un acte de parasitisme rendu possible grâce aux relations contractuelles qu'elle avait dénoncées.
Commentaire :
Cette décision de la Cour de Cassation permet de rappeler que si la composition du logiciel, c'est-à-dire la structure, l'architecture et l'enchaînement des programmes, est protégeable au titre du droit d'auteur, les fonctions et fonctionnalités sont exclues de cette protection. Leur traitement pourra, cependant, être protégé à condition d'être original. Par ailleurs, rappelons que ne sont pas protégeables au titre du droit d'auteur, les principes et algorithmes qui sont à la base des éléments du logiciel.
Ainsi, le détournement du travail de conception sera sanctionné sur le seul fondement du parasitisme ou de la concurrence déloyale.
IV - Droit des marques
Faits :
La société Faits et Chiffres, dont l'activité consiste en la création, l'organisation et l'exploitation d'expositions et de salons, a déposé, le 14 octobre 1999 à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI), la marque "Application Service Providers - ASP" en classes 35, 38, 41 et 42 pour désigner, notamment, des services d'organisation d'exposition à buts commerciaux ou de publicité, la gestion de fichiers informatiques, des services de télécommunications, de messageries électroniques par réseaux internet. Elle organise depuis 2000 un salon intitulé ASP.
La société Fairwell, exerçant une activité concurrente de celle de la société Faits et Chiffres, a organisé en novembre 2001 un salon également intitulé ASP. La société Faits et Chiffres a alors assigné cette dernière en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale.
Dans un jugement rendu le 22 septembre 2003, le tribunal de grande instance de Nanterre a considéré que les termes "Application Service Providers" et l'acronyme ASP étaient couramment utilisés en France pour désigner la fourniture d'applications hébergées et qu'ils représentaient la désignation nécessaire de ce produit. Le tribunal a ainsi prononcé la nullité de la marque estimant que les signes la composant étaient descriptifs des produits et services désignés dans le dépôt.
La société Faits et Chiffres a interjeté appel du jugement considérant, au contraire, que la marque ASP est parfaitement distinctive car elle désigne des services d'organisation à buts commerciaux ou de publicité et, qu'à la date du dépôt, ce signe était totalement arbitraire même s'il est devenu par la suite d'usage courant. Partant, la société Fairwell se serait rendue coupable de contrefaçon de marque et d'actes de concurrence déloyale en proposant un salon concurrent avec le même intitulé moins de deux mois après le sien et dans le même lieu d'exposition.
Décision :
Au visa de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3711ADS), la cour d'appel de Versailles confirme le jugement du TGI de Nanterre.
La cour considère que le vocable "Application Service Providers - ASP" fait partie du langage courant en France depuis 1998 au vu d'attestations remises par des professionnels de l'informatique. De plus, la cour constate que la clientèle de la société Faits et Chiffres est une clientèle de professionnels habituée à utiliser cette expression technique d'origine américaine et que l'acronyme ASP était uniquement utilisé pour un salon rassemblant les prestataires ASP. Elle en conclut alors que le signe "Application Service Providers - ASP" est dénué de toute distinctivité car il désigne nécessairement les services et produits pour lesquels il a été déposé comme marque.
Commentaire :
Le signe dénominatif "Application Service Providers - ASP" appartient au domaine public. Le dépôt de cette marque constitue ainsi, selon la cour d'appel de Versailles, une fraude qui a pour but d'empêcher l'usage commun de cette expression par des concurrents qui "pour parler de fournisseurs d'application hébergés seraient contraints d'utiliser des mots ne correspondants pas à la définition du produit".
Pour le 2ème partie de ce Bulletin, lire (N° Lexbase : N5997AKC)
Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance
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