La lettre juridique n°204 du 2 mars 2006 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Annulation du plan de sauvegarde de l'emploi : le périmètre de l'obligation de réintégration

Réf. : Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-43.282, M. Antoine Baro c/ Société PGA Group, nouvelle dénomination de la société Sonauto, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8880DMT)

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le 07 Octobre 2010

La réintégration des salariés ordonnée par le juge consécutivement à l'annulation judiciaire d'un plan social (aujourd'hui appelé "plan de sauvegarde de l'emploi") est une situation rare et très exceptionnelle, d'abord parce que les licenciements économiques collectifs de plus de 10 salariés sur une même période de 30 jours sont très minoritaires parmi les autres formes de licenciement ; ensuite, parce que le juge est très rarement saisi sur la validité d'un plan social (sur la masse générale du contentieux) ; enfin, parce que l'annulation d'un plan social n'est, bien-sûr, pas prononcée systématiquement. Au final, les décisions de réintégration sont rarissimes, ce qui rend l'arrêt rapporté encore plus précieux (et explique probablement qu'il comporte les mentions FS-P+B+R+I). La Cour de cassation comble un vide juridique, jusqu'alors ni tranché par les textes, ni résolu par les juges, relatif au cadre de la réintégration des salariés à la suite de l'annulation du plan social : l'employeur est-il tenu de réintégrer les salariés au sein de l'entreprise stricto sensu ou au sein du groupe ? La Cour de cassation retient ici l'hypothèse basse d'un cadre de réintégration limité à l'entreprise, et non au groupe, alors qu'en amont, avant que les licenciements ne soient prononcés, au stade du reclassement, elle retient une obligation large. En effet, l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur est appréciée au niveau du groupe, et non au niveau de l'entreprise.
Décision

Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-43.282, M. Antoine Baro c/ Société PGA Group, nouvelle dénomination de la société Sonauto, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8880DMT)

Cassation (CA Paris, 18ème ch., sect. A, 9 mars 2004 et CA Paris, 18ème ch., sect. A, 21 septembre 2004)

Texte visé : C. trav., art. L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74)

Mots-clefs : plan de sauvegarde de l'emploi ; licenciement ; annulation ; réintégration ; domaine ; entreprise ; groupe.

Lien bases :

Résumé

Après annulation d'un licenciement pour nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, l'obligation de réintégration résultant de la poursuite alors ordonnée du contrat de travail ne s'étend pas au groupe auquel appartient l'employeur.

Faits et procédure

1. M. Baro a été licencié pour motif économique le 16 avril 1997 par la société Sonauto dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif avec mise en oeuvre d'un plan social. La cour d`appel de Paris rend, les 9 mars 2004 et 21 septembre 2004, deux arrêts, relatifs à la réintégration à la suite de l'annulation d'un plan social.

2. L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 9 mars 2004 est un arrêt rendu sur renvoi après cassation (Cass. soc., 12 février 2003, n° 01-40.342, F-D N° Lexbase : A0073A7T).

3. Le premier arrêt ayant déclaré nuls le plan social et le licenciement, mais impossible la réintégration de M. Baro, le second arrêt le révise en ordonnant la réintégration sous astreinte du salarié au sein du groupe PGA Group auquel appartient la société employeur et condamne cette société au paiement des salaires depuis le 18 octobre 1997.

4. Cassation.

Commentaire

1. Conditions de la réintégration

1.1. Réintégration matérielle

La jurisprudence distingue deux hypothèses dans lesquelles se réalise la réintégration ; elle est matériellement possible ou impossible, selon la situation de l'entreprise, la fermeture d'un site, son maintien partiel...

La jurisprudence de la Cour de cassation retient une lecture très restrictive : sauf impossibilité insurmontable, la réintégration du salarié est de droit s'il la demande en cas de nullité du plan social. Ainsi, la Cour de cassation a censuré plusieurs arrêts de cours d'appel qui n'avaient pas fait droit à des demandes de réintégration, au motif que ces arrêts ne caractérisaient pas une impossibilité matérielle absolue de réintégrer un salarié.

Par exemple, ne suffisent pas à caractériser l'impossibilité de réintégrer :

- lorsque la fermeture de l'usine s'accompagne du démantèlement du site (notamment la vente du matériel). Le conseil de prud'hommes de Soisson avait pourtant ordonné la réintégration des salariés, mais la cour d'appel d'Amiens s'y était refusée. Selon la Cour de cassation, l'entreprise ayant disparu, la réintégration demandée dans les seuls emplois que les salariés occupaient dans cette entreprise avant leurs licenciements, était devenue matériellement impossible (Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-48.094, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6829DIR, lire les obs., de Ch. Radé, Affaire "Wolber" : à l'impossible nul n'est tenu !, Lexbase Hebdo n° 173 du 23 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5701AIY) ;

- le fait que l'entreprise a pratiquement cessé son activité sur le site où le salarié était employé et qu'il n'existe aucun emploi correspondant à sa qualification (Cass. soc., 13 décembre 1994, n° 92-42.454, M. Vanderghote c/ Société Entrepose Montalev, publié N° Lexbase : A3909AAZ, Dr. soc. 1995. 513, obs. Cohen) ;

- la cessation de parution des publications auxquelles participait le journaliste licencié, dès lors qu'elle ne rend pas impossible la réintégration dans un emploi équivalent (Cass. soc., 8 juillet 1997, n° 94-43.351, M. de Lestapis c/ Société africaine de presse et d'éditions fusionnées, publié N° Lexbase : A1632ACG), alors pourtant que le licenciement avait été prononcé pour faute grave ;

- le fait que l'entreprise soit dans une situation de crise certaine et grave, ne permettant pas la réintégration en un autre lieu que celui où le poste a été supprimé (Cass. soc., 24 juin 1998, n° 95-44.757, Monsieur Vanderghote c/ Entrepose Montalev, publié N° Lexbase : A5384ACE).

La Cour de cassation a formulé de manière très ferme le principe selon lequel ce n'est que si l'entreprise a disparu, ou s'il existe une impossibilité absolue de réintégration, que l'employeur est libéré de son obligation (1).

Le domaine de cette jurisprudence est large : réintégration de salariés protégés licenciés sans autorisation administrative (Cass. soc., 24 juin 1998, n° 95-44.757, Monsieur Vanderghote c/ Entrepose Montalev, publié N° Lexbase : A5384ACE : "impossibilité absolue" ; Cass. soc., 30 juin 2004, n° 02-41.686, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8129DC3, lire les obs. de G. Auzero, La mise en disponibilité d'un salarié protégé ne vaut pas réintégration, Lexbase Hebdo n° 129 du 15 juillet 2004 - édition sociale N° Lexbase : N2300ABS), de grévistes (Cass. soc., 2 février 2005, n° 02-45.085, F-P+B N° Lexbase : A6210DG4, lire les obs. de Ch. Radé, Seule une impossibilité matérielle peut s'opposer à la réintégration d'un gréviste illégalement licencié, Lexbase Hebdo n° 155 du 17 février 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4618ABN) ou de salariés lorsque le plan social a été annulé (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-43.717, Société SEPR (Société les éditions de la prévention routière) c/ M. Michel Michelon, FS-P N° Lexbase : A9819C88, lire S. Martin Cuenot, L'annulation du plan social, Lexbase Hebdo n° 79 du 10 juillet 2003 - édition sociale N° Lexbase : N8080AAI).

En revanche, constitue une impossibilité matérielle le fait pour les salariés de s'être rendus coupables de concurrence déloyale (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-46.479, M. Jean-Marc Masse c/ Société d'édition et de protection route, publié N° Lexbase : A9827C8H, Dr. soc. 2003, p. 1024, obs. P. Waquet).

1.2. Réintégration par compensation financière

Les textes prévoient que lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 12 derniers mois (C. trav., art. L. 122-14-4, al. 1er). Dans les faits, la réintégration étant matériellement impossible dans l'écrasante majorité des cas (les juges se prononçant sur la validité du plan de sauvegarde de l'emploi 2 ou 3 ans après sa mise en oeuvre et le site étant probablement fermé), c'est bien cette voie financière qui sera choisie par les salariés dont le licenciement aura été annulé par le juge, à la suite d'une annulation du plan de sauvegarde de l'emploi, ou si la réintégration s'est avérée impossible.

Les salariés réintégrés après l'annulation de leur licenciement n'ont droit, au titre des salaires perdus, qu'à une indemnité compensant leur perte effective de rémunération, et non à un forfait comprenant l'ensemble des salaires dus (Cass. soc., 3 juillet 2003, n° 01-44.522, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A0223C97, lire Ch. Radé, Réintégration du salarié et réparation du préjudice salarial : la jurisprudence retient une solution réaliste, Lexbase Hebdo n° 79 du 10 juillet 2003 - édition sociale N° Lexbase : N8124AA7 ; Cass. soc., 28 octobre 2003, n° 01-40.762, FS-P+B N° Lexbase : N9355AAQ, lire Indemnités issues de la nullité du licenciement du salarié réintégré et allocations chômage : deux revenus non cumulables, Lexbase Hebdo n° 94 du 13 novembre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9355AAQ).

2. Régime de la réintégration

2.1. Régime légal imprécis

Avant la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (N° Lexbase : L1304AW9), l'article L. 122-14-4 du Code du travail prévoyait simplement que le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pouvait être sanctionné par une obligation, à la charge de l'employeur, de réintégrer le salarié, avec maintien de ses avantages acquis.

L'article L. 122-14-4, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L5569ACA) est modifié très sensiblement par la loi de modernisation sociale. Outre le défaut de cause réelle et sérieuse, la réintégration peut être ordonnée dans une nouvelle hypothèse, la nullité du licenciement consécutive à la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi. Le tribunal ayant constaté une nullité du licenciement alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, dans le cas des licenciements économiques collectifs donnant lieu à mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (C. trav., art. L. 321-4-1, al. 5 N° Lexbase : L8926G7Q), il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail.

La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (art. 77) (N° Lexbase : L6384G49) organise et encadre les conditions de la réintégration, qui n'est pas de droit, lorsqu'elle est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié (2). Il est clair que la volonté du législateur était d'assouplir les hypothèses dans lesquelles la réintégration est impossible en consacrant des obstacles légaux, dont la liste n'est pas limitative (usage de l'adverbe "notamment") et au titre desquels figurent, désormais, la fermeture de l'établissement ou du site et l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié.

Le Conseil constitutionnel a validé cette réforme législative (Cons. const., décision n° 2004-509 DC, du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : A9528DEM) (3). En édictant ces dispositions, qui définissent une règle suffisamment claire et précise qu'il appartiendra au juge de mettre en oeuvre, le législateur n'a méconnu ni la compétence qui est la sienne en vertu de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi (considérant 27). Le législateur a ainsi opéré entre le droit de chacun d'obtenir un emploi, dont le droit au reclassement de salariés licenciés découle directement, et la liberté d'entreprendre, à laquelle la réintégration de salariés licenciés est susceptible de porter atteinte, une conciliation qui n'est entachée d'aucune erreur manifeste (considérant 28).

Il a été relevé (4) que la loi de cohésion sociale conduit à un infléchissement de la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, si le caractère illustratif des exemples fournis par l'article 77 de la loi du 18 janvier 2005, ainsi que la marge d'interprétation touchant aux expressions utilisées par le législateur, laissent encore une latitude au juge judiciaire, la direction que ce dernier est invité à prendre est nettement indiquée. La volonté du législateur est non de renverser la jurisprudence "La Samaritaine" (Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.874, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre, publié N° Lexbase : A4174AAT) comme cela a été, un moment, la tentation de nombre de parlementaires de la majorité, mais de voir abandonnée la théorie de "l'impossibilité absolue" utilisée par la Chambre sociale.

Cet infléchissement conduit à une conciliation présentée comme acceptable (5) entre, d'une part, cette expression particulière du droit d'obtenir un emploi que constitue le maintien du salarié dans les effectifs d'une entreprise faisant l'objet d'une restructuration et, d'autre part, deux exigences constitutionnelles (liberté d'entreprendre, difficilement dissociable de celle d'embaucher et de licencier ; droit d'obtenir un emploi des personnes dépourvues d'emploi, qui serait amoindri si des solutions législatives ou jurisprudentielles très protectrices pour les salariés en place avaient un effet dissuasif sur les futures décisions de recrutement des petites et moyennes entreprises et des investisseurs étrangers, incitant, par exemple, les entreprises à localiser leurs activités hors de France).

2.2. Emergence d'un régime jurisprudentiel de la réintégration consécutive à l'annulation d'un plan de sauvegarde de l'emploi

La loi ne donne que très peu d'indications sur le cadre de la réintégration qui peut être ordonnée par le juge à la suite de l'annulation du licenciement consécutif à l'annulation elle-même d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Il est seulement précisé (C. trav., art. L. 122-14-4, al. 1er) que la réintégration peut être impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site.

Mais, comment apprécier l'obligation de réintégration, en dehors de ce cadre de l'établissement ou du site ? Faut-il apprécier le périmètre de la réintégration dans un autre établissement de l'entreprise ou dans une autre entreprise du groupe et de l'unité économique et sociale ?

Jusqu'à présent, la Cour de cassation considérait que l'impossibilité matérielle de réintégrer les salariés dans leur emploi n'interdisait pas de rechercher les possibilités de réintégration soit dans l'établissement (Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-41.013, Association laïque pour l'Education et la formation professionnelle c/ Mme Berthelin et autres, publié N° Lexbase : A4729AGA), soit en dehors de l'établissement, lorsqu'il existe un groupe de personnes morales ou physiques constitutif d'une seule entreprise, ce qui est le cas lorsqu'une unité économique et sociale est reconnue, le périmètre de réintégration s'étendant alors à toutes les personnes juridiques constituant ce groupe (Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 99-44.037, FS-P N° Lexbase : A4913AWU, D. 2002, p. 770, obs. E. Peskine).

Dans son arrêt "Wolber", la Cour de cassation avait implicitement confirmé cette jurisprudence (v. analyses de Ch. Radé, préc.). En l'espèce, selon la Cour de cassation, après annulation d'un licenciement pour nullité du plan social/de sauvegarde de l'emploi, l'obligation de réintégration résultant de la poursuite alors ordonnée du contrat de travail ne s'étend pas au groupe auquel appartient l'employeur.

La solution est surprenante, car elle marque une rupture avec l'obligation de reclassement (qui n'est, après tout, qu'une figure inversée, à rebours, de l'obligation de réintégration), laquelle est bien appréciée dans le cadre du groupe, et non de l'entreprise stricto sensu. Depuis 1995, la Cour de cassation admet que les possibilités de reclassement des salariés doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-43.866, Société TRW Repa c/ Mme Mabon et autres, publié N° Lexbase : A4026AAD ; Cass. soc., 7 octobre 1998, n° 96-42.812, Société Landis et Gyr Building Control c/ M. Bellanger, publié N° Lexbase : A5643ACY, Dalloz, 1999 n° 21, juris. p. 310, note K. Adom ; Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-40.304, M. Henri Jean Aimetti c/ Société Hudig Lan-geveldt SECA, actuellement société Aon France, inédit N° Lexbase : A3686C7N).

Cette obligation de reclassement est entendue de manière particulièrement extensive, puisque les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même si certaines de ces entreprises sont situées à l'étranger, dès l'instant où la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi de salariés étrangers (instruction DGEFP n° 2006-01du 23 janvier 2006 relative à l'appréciation de propositions de reclassement à l'étranger N° Lexbase : L6137HGE, lire nos obs., (Im)précisions réglementaires sur l'emploi de reclassement à l'étranger, Lexbase Hebdo n° 203 du 23 février 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4881AKY).

Un périmètre aussi étroit de la réintégration consécutive à l'annulation des licenciements eux-mêmes consécutifs à l'annulation d'un plan social/de sauvegarde de l'emploi est, enfin, en contradiction avec l'approche très large du périmètre du reclassement, entendu sous la formule du "bassin d`emploi". L'obligation de revitalisation du bassin d'emploi avait été mise en place par l'article 118 de la loi de modernisation sociale (6), et maintenu par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005.

Lorsqu'une entreprise procède à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l'équilibre de son bassin d'emploi, elle est tenue, sauf en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, de contribuer à la création d'activités et au développement des emplois et d'atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi. Le montant de la contribution ne peut être inférieur à deux fois le Smic mensuel par emploi supprimé (plafonné à quatre fois ce montant).

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) Ce qui conduit le doyen Waquet à écrire que, pour éviter une condamnation à réintégrer un salarié sous astreinte, l'employeur doit démontrer une impossibilité "totale et insurmontable" de proposer un nouvel emploi (Dr. soc., novembre 2003, p. 1026).
(2) G. Couturier, L'impossibilité de réintégrer (sur l'article 77-V de la loi de programmation sociale), Dr. soc. 2005, p. 403 ; Ch. Radé, Le droit du travail après la loi du 18 janvier 2005 : la cohésion sociale comme affichage, la flexibilité comme objectif, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4353ABT) ; X. Pretot, De la liberté d'entreprendre au droit à un emploi, ou les bases constitutionnelles du droit du licenciement, Dr. soc. 2005, pp. 371-376.
(3) Les requérants soutenaient qu'en illustrant l'impossibilité de réintégration par une liste non limitative de cas qui ne traduiraient pas nécessairement une réelle impossibilité, le législateur a conféré à cette notion un "sens obscur et contradictoire" et aurait ainsi méconnu sa compétence et le principe de clarté de la loi ; que la disposition contestée, en faisant obstacle à la jurisprudence qui permet la réintégration dans un emploi équivalent, lorsqu'elle est impossible dans le même emploi, porte une atteinte disproportionnée au droit à l'emploi ; que le législateur n'a pas concilié de façon équilibrée le droit de chacun d'obtenir un emploi et la liberté d'entreprendre. Selon le Conseil constitutionnel, il appartiendra au juge, saisi d'une demande en ce sens, s'il constate la nullité de la procédure de licenciement en l'absence du plan de reclassement, d'ordonner la réintégration du salarié, sauf si cette réintégration est devenue impossible. A titre d'illustration d'une telle impossibilité, le législateur a mentionné certains exemples, tels que la fermeture de l'établissement ou du site, ou l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié (considérant 26).
(4) Cahiers du Conseil constitutionnel n° 18.
(5) Cahiers du Conseil constitutionnel n° 18, préc.
(6) F. de Panafieu et D. Dord, Assemblée nationale, Rapport n° 1930, Tome 1. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale, 51 conventions de redynamisation ont été signées entre l'Etat et des entreprises de plus de 1 000 salariés, dans 29 départements ; une seule convention a une dimension interdépartementale. Le nombre de conventions signées chaque semestre a constamment augmenté : il y a eu 4 conventions en 2002, 14 en 2003, 21 au premier semestre 2004. Durant le deuxième semestre 2004, 7 conventions ont déjà été signées et 93 sont en cours de négociation, dans 50 départements. Sur ces 51 conventions signées, une seule concerne les services, les autres concernant des entreprises industrielles. Dans 68 % des cas, les conventions ont été signées après la fermeture totale d'un site. L'ensemble des conventions couvre 13 120 suppressions d'emplois, soit près de 260 emplois supprimés par convention ; quatre fois sur cinq, le nombre d'emplois supprimés est compris entre 50 et 500. Le contenu des actions prévues par les conventions de redynamisation est très variable : recherche de projets de réindustrialisation ; prêts participatifs à la création ou à la reprise d'entreprise ; vente à prix préférentiel ou don de locaux ou de terrains appartenant à l'entreprise signataire ; aides à l'embauche accordées à des sociétés recrutant des salariés de l'entreprise signataire ; formations offertes aux ex-salariés pour pourvoir des postes proposés par un repreneur, etc. Dans 50 % des cas, il est prévu que les ex-salariés de l'entreprise signataire bénéficient d'une priorité d'embauche pour les emplois créés dans le cadre des actions de reconversion inscrites à la convention.

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