Ouvrez votre Quotidien à la page des "opinions" (parfois agrémentées de "débats",
sans liberté de blâmer...), et vous y trouverez, à coup sûr, l'article d'un éditorialiste fustigeant, tantôt, l'immobilisme et les peurs primales des Français, tantôt, le libéralisme sauvage et carnassier nécessitant, des pouvoirs publics, une contre-Réforme (avant toute Réforme d'ailleurs), sur des accents de patriotisme économique. Bref, entre les Hermès du déclin, et les chantres du sauvetage de la France par l'international (
le salut viendra de l'extérieur), on ne peut pas dire que la confiance générale en l'économie du pays règne. On parierait même sur un sentiment de paranoïa (méfiance, orgueil, hypertrophie du Moi, susceptibilité, jugement faux, rigidité du psychisme) du corps social français transfigurant, du même coup, le corps professionnel. Et la loi du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, en est l'un des symptômes les plus flamboyants. Le remède annoncé : la transparence à tous les étages de la société ; il faut dire que le scandale outre-atlantique de l'affaire Enron était, et est encore, dans tous les esprits. Moins criards, mais encore plus désastreux furent les déboires comptables et bancaires des sociétés japonaises, au cours de la décennie 90, ayant porté un frein à la légendaire croissance nippone. Ceci expliquant sans doute cela, la France, comme de nombreux Etats occidentaux, se dote progressivement d'un arsenal dédié à la transparence économique dont deux illustrations nous ont été données cette semaine. Mais après avoir consacré la transparence au temple des vertus économiques, la (fameuse) intelligence française aura été de l'encadrer sévèrement, pour que cette vertu ne devienne pas "incorruptible" (souvenir d'une époque où la "transparence" totale était mère de Terreur). D'une part, en permettant à un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, de poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, l'article L. 225-231 du Code de commerce répond assurément aux craintes de l'actionnariat quant au devenir "éthique" de son investissement (pensons au développement croissant des investissements socialement responsables ou placements "éthiques"). Mais, en conditionnant la légitimité de ces questions au sérieux et à la précision de la demande, et en rappelant qu'il appartient au juge saisi d'une demande d'expertise formée par un actionnaire invoquant le défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants à ses questions écrites, de rechercher si les éléments de réponse communiqués présentent ou non un caractère satisfaisant, la Cour de cassation encadre cette transparence afin d'éviter toute obstruction systématique à la gestion des affaires courantes, condamnant la "rapportite aiguë". D'autre part, si elle adopte une décision d'autorisation unique pour les systèmes d'alerte professionnelle, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) joue les arbitres entre la loi américaine
Sarbanes Oxley (droit commun international ?), imposant aux sociétés françaises filiales de sociétés cotées aux Etats-Unis ou aux sociétés françaises cotées aux Etats-Unis de mettre en place des systèmes d'alerte éthique, et les dérives de délations préjudiciables au bon fonctionnement de l'entreprise, rappelant que l'existence d'alertes anonymes est une réalité qu'il est difficile pour les responsables de l'entreprise de ne pas prendre en compte. Le traitement de telles alertes doit s'entourer de précautions particulières, notamment en ce qui concerne leur diffusion. En tout état de cause, il ne doit pas y avoir d'incitation à l'utilisation anonyme de la procédure. Alors, oui à la transparence, mais elle ne doit pas servir aux "inventeurs méconnus", c'est-à-dire, en matière de paranoïa, à ceux qui doivent s'efforcer de prendre des précautions et de déjouer les complots, pendants des "quérulents processifs" ou procéduriers qui se ruinent en procès. Aussi, réjouissons-nous que de la transparence absolue l'économie française ne joue pas trop, sinon, comme les petits ruisseaux, cette économie s'avèrerait peu profonde (Voltaire). Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de revenir sur
Les conditions préalables à la nomination d'un expert de gestion, au travers du commentaire comparé de
Vincent Téchené, SGR - Droit des sociétés. Par ailleurs, nous vous fixons un nouveau rendez-vous mensuel, animé par le
département Communication Média & Technologies du cabinet Clifford Chance, qui sous la plume
Marc d'Haultfoeuille, Avocat associé, dressera, régulièrement, un panorama de l'actualité en droit de l'informatique et des médias.
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