La lettre juridique n°651 du 14 avril 2016 : Licenciement

[Jurisprudence] L'obligation de l'employeur en matière de reclassement d'un salarié protégé après un refus d'autorisation de licenciement

Réf. : CE, 4° et 5° s-s-r., 23 mars 2016, n° 386108, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7142Q9E)

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par Samuel Deliancourt, premier conseiller, Rapporteur public, cour administrative d'appel de Marseille, Ecole de droit - Centre Michel de l'Hospital EA n° 4232 - Université d'Auvergne

le 14 Avril 2016

Un employeur n'est pas tenu, au titre de son obligation de reclassement, d'adresser à nouveau au salarié, avant de présenter une seconde demande d'autorisation de licenciement après que la première a été refusée, les propositions de reclassement encore valides qu'il lui a déjà faites avant de présenter sa première demande d'autorisation de licenciement et que le salarié a refusées. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 23 mars 2016. La SA Sotralentz Packaging, qui est une société de fabrication spécialisée dans l'emballage industriel, a sollicité le 27 décembre 2010 l'autorisation de licencier pour motif économique M. D. qui exerçait les fonctions de délégué du personnel suppléant. Un premier refus lui a été opposé le 23 février 2011, au motif que la consultation du comité d'entreprise était entachée d'un vice substantiel. La société a déposé le 18 mars 2011 une nouvelle demande et a essuyé un nouveau refus le 16 mai 2011. Elle a introduit un recours hiérarchique auprès du ministre du Travail, lequel, par décision du 17 novembre 2011, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et lui a accordé l'autorisation sollicitée. Le salarié protégé a contesté cette décision ministérielle devant le tribunal administratif de Strasbourg (1), qui a rejeté sa demande d'annulation par jugement du 15 octobre 2013. En appel, la cour administrative d'appel de Nancy a, par arrêt lu le 30 septembre 2014, fait droit aux conclusions du salarié en annulant le jugement et la décision ministérielle (2) au motif que l'employeur avait méconnu ses obligations de reclassement en n'adressant à celui-ci aucune nouvelle offre de reclassement, en France ou à l'étranger, malgré un délai de plus de cinq mois écoulé depuis les dernières propositions faites. En cassation, le Conseil d'Etat, dans l'arrêt du 23 mars 2016, annule cet arrêt pour erreur de droit et renvoie l'affaire devant la cour au motif que cette dernière ne pouvait déduire "cette méconnaissance des obligations de reclassement du seul écoulement du temps entre les deux demandes, alors que cette circonstance n'était pas, à elle seule, de nature à établir qu'à la date à laquelle le ministre a autorisé le licenciement, la recherche, par l'employeur, des possibilités de reclassement n'était pas complète". Cette décision précise les obligations à la charge de l'employeur s'agissant du reclassement d'un salarié protégé faisant suite à une première décision de refus d'autorisation de licenciement.
Résumé

Un employeur n'est pas tenu, au titre de son obligation de reclassement, d'adresser à nouveau au salarié, avant de présenter une seconde demande d'autorisation de licenciement après que la première a été refusée, les propositions de reclassement encore valides qu'il lui a déjà faites avant de présenter sa première demande d'autorisation de licenciement et que le salarié a refusées.

I - Le contrôle, par l'administration, du travail de la régularité et du bien-fondé de la procédure de licenciement à l'égard d'un salarié protégé

Un salarié protégé ne peut être licencié que si l'employeur a préalablement obtenu l'autorisation de la part de l'administration du travail (3), lequel doit se prononcer dans un délai de quinze jours (4), mais ce délai n'est pas à peine de nullité (5) et une décision implicite de rejet ne naît pas à l'expiration de ce délai (6), mais seulement au bout d'un délai de deux mois, par exception au principe selon lequel le silence vaut acceptation. L'inspecteur du travail, sous le contrôle éventuel du juge administratif, est tenu de vérifier que l'employeur s'est conformé à l'ensemble de ses obligations légales et conventionnelles. Il doit, à cet effet, contrôler la régularité de la procédure préalable à sa saisine (7), et notamment la tenue et la régularité de l'entretien préalable au licenciement du salarié (8), qui est une formalité prévue dans le seul intérêt des salariés (9) au cours duquel l'employeur doit indiquer les motifs de la décision envisagée (10) et recueillir les explications du salarié (11), ainsi que la convocation et la consultation des membres du comité d'entreprise (12). Il vérifie la succession de ces deux procédures, puisque l'entretien doit, à peine d'irrégularité (13), précéder la consultation du comité d'entreprise (14) avant que ne soit saisi l'inspecteur du travail (15), ainsi que le respect des délais imposés par le Code du travail entre les consultations et la saisine de l'inspecteur du travail (16). De telles irrégularités sont opérantes à l'appui de la contestation de l'autorisation de licenciement délivrée par l'administration du travail (17). En revanche, elles ne le seront pas devant le juge du contrat du travail, ce dernier n'étant pas compétent pour apprécier la régularité de la procédure avant l'autorisation délivrée en vertu du principe de la séparation des pouvoirs (18). Une fois l'autorisation accordée, l'inspecteur du travail ne peut plus apprécier la régularité de la procédure suivie après. Par exemple, l'irrégularité affectant la lettre de licenciement, laquelle est au surplus postérieure à la décision d'autorisation, est sans incidence sur la légalité de cette dernière (19).

L'inspecteur du travail doit également contrôler les éléments de fond, comme le motif économique invoqué, sauf hypothèse de cessation totale et définitive d'activité de l'entreprise (20) ou lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire (21), ou que l'employeur a bien satisfait à son obligation de recherche de reclassement des salariés protégés dans le périmètre requis (établissement, société puis groupe), la manière dont elle a été remplie, c'est-à-dire qu'elle doit avoir été faite de manière loyale et sérieuse et que les propositions éventuellement faites au salarié répondent aux exigences posées par l'article L. 1233-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2149KGP).

II - La recherche des possibilités de reclassement par l'employeur au sein du groupe

En vertu de l'article L. 1233-4 du Code du travail, "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient [...]". Il s'agit d'une obligation de moyens renforcée (22). La recherche des possibilités de reclassement par l'employeur doit se faire au niveau de l'entreprise, puis, s'il existe, au niveau du groupe. Dans l'arrêt du 9 mars 2016, "Société Etudes technique Ruiz", le Conseil d'Etat, se ralliant à la position de la Cour de cassation (23), précise cette dernière notion, laquelle est autonome de celle du Code du commerce : "il résulte de l'article L. 1233-4 du Code du travail que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à l'obligation qu'il pose, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel" (24). Le groupe n'est pas celui défini par le Code de commerce (25), ni par la notion de contrôle (26). Le critère qui importe et qui doit fonder l'appréciation est celui tiré de la "permutabilité de l'emploi" (27). L'autorité administrative, tout comme l'employeur, doivent ainsi faire porter leur examen sur les entreprises du groupe dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé la possibilité d'exercer des "fonctions comparables" (28) ou des "emplois équivalents au sein du groupe auquel elle appartient" (29). Le contrôle de la part de l'administration, comme celui des juridictions en cas de litige, est concret : le seul fait qu'existe un groupe, par exemple, en raison d'activités comparables et de dirigeants communs, ne suffit pas, il est nécessaire de vérifier si les relations entre ces sociétés sont ou non de nature à permettre la permutation de personnels et si le salarié protégé, dont l'autorisation de licenciement est sollicitée, aurait pu être reclassé.

III - Les propositions écrites et précises faites par l'employeur en cas de licenciement pour motif économique

La recherche de possibilité de reclassement d'un salarié de la part de son employeur dans le cadre d'un licenciement pour motif économique doit présenter un caractère préalable, effectif, loyal et sérieux (30). Une fois que ces recherches ont été effectuées et qu'un délai suffisant de réponse a été laissé aux sociétés du groupe interrogées, l'employeur doit, lorsque c'est possible, faire des propositions aux salariés. L'article L. 1233-4 du Code du travail, relatif au licenciement pour motif économique, prévoit que le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites (31) et précises. "Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de rechercher les possibilités de reclassement du salarié dans l'entreprise, l'autorité administrative ne peut prendre en compte que les propositions écrites de l'employeur" (32). C'est ainsi que dans l'affaire commentée, des offres avaient été faites à M. D. dans le cadre de la procédure dont il faisait l'objet. Quelles offres aurait dû lui faire son employeur à la suite du refus opposé par l'inspecteur du travail à sa première demande d'autorisation ? La légalité de la décision de l'inspecteur du travail, s'agissant notamment de la vérification que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de recherche de reclassement, s'apprécie à la date de la décision contestée.

IV - La date d'appréciation de la légalité de la décision

Le Conseil d'Etat juge, dans l'arrêt présentement commenté du 23 mars 2016, que "si, après qu'une première demande d'autorisation de licenciement d'un salarié a été refusée par l'administration, celle-ci est à nouveau saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licencier le même salarié, il lui appartient d'apprécier cette nouvelle demande compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle elle prend sa nouvelle décision". Toute autorité administrative doit, en effet, statuer en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle elle se prononce. Lorsque le ministre du Travail annule la décision de l'inspecteur du travail dans le cadre d'un recours hiérarchique, comme c'était le cas en l'espèce, il doit prendre en considération des éléments de droit et de fait à la date à laquelle il se prononce : "lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision" (33). Il en va de même qu'il s'agisse d'un recours gracieux devant l'inspecteur du travail, d'un recours en annulation devant le tribunal administratif territorialement compétent, puisque, dans un litige pour excès de pouvoir, le juge administratif se placera à la date de la décision querellée pour apprécier sa légalité, ainsi que lorsque plusieurs demandes d'autorisation se succèdent.

V - A quel moment l'employeur doit-il reprendre la procédure ?

Dans la présente affaire, le premier refus opposé par l'inspecteur du travail était fondé sur un vice de procédure lors de la consultation du comité d'entreprise. Une annulation d'une autorisation de licenciement comme un refus d'autorisation de la part de l'inspecteur du travail comme du ministre du Travail n'oblige jamais l'employeur à déposer une nouvelle demande. Mais s'il le fait, doit-il reprendre l'ensemble de la procédure ?

En droit administratif général, lorsqu'une décision administrative fait l'objet d'une annulation contentieuse, l'administration peut reprendre la procédure en purgeant le vice dont celle-ci était affectée, sans avoir, en principe, à reprendre l'ensemble de la procédure (34). Qu'en est-il s'agissant de la procédure interne (et donc non administrative) à l'entreprise dans le cadre d'une procédure de licenciement d'un salarié protégé ? La situation est identique. Le Conseil d'Etat juge ainsi que, "lorsqu'une de ses décisions est annulée par une juridiction, l'autorité administrative n'est pas tenue, avant de se prononcer à nouveau, de reprendre les éléments de la procédure qui n'ont pas été affectés par des changements dans les circonstances de fait ou de droit" (35). Il en va de même lorsque l'employeur retire sa demande ou après un refus opposé par l'inspecteur du travail pour un vice, comme c'était le cas en l'espèce.

S'agissant de l'entretien préalable, le Conseil d'Etat avait d'abord admis qu'il n'était pas nécessaire de convoquer de nouveau le salarié protégé dès lors qu'un bref délai séparait les deux demandes d'autorisations, à condition que celles-ci soient toutes deux fondées sur le même motif (36). Mais si la seconde demande d'autorisation est motivée par un autre motif que la première demande déposée et annulée, refusée ou retirée, un nouvel entretien sera nécessaire, quand bien même un bref délai séparerait les deux (37), ce qui est logique puisque l'entretien doit aborder le motif du licenciement envisagé. La Haute juridiction a, par la suite, précisé sa position avec l'arrêt du 19 septembre 2014, "Cezilly-Guichard" (38). Désormais, peu importe le délai qui s'est écoulé entre les deux demandes d'autorisation (deux ans dans cette affaire) fondées sur un même motif, dès lors qu'il n'y a pas eu de changements de circonstances de droit ou de fait. Dans ce cas, l'employeur n'est pas tenu de procéder à un nouvel entretien du salarié. Cette position s'inspire directement de la position de la jurisprudence administrative concernant l'édiction des actes administratifs pour lesquels une consultation, même donnée plusieurs années avant la décision prise, reste valide en l'absence de changement de circonstance (39).

Dans le même ordre d'idée, le comité d'entreprise n'a pas à être de nouveau consulté dès lors que le motif de la demande reste inchangé et en l'absence de circonstance de droit ou de fait nouvelle. C'est d'ailleurs ce qu'avait jugé le tribunal administratif de Strasbourg en première instance, même si la brièveté du délai n'est plus un élément pertinent d'appréciation : "eu égard à la brièveté du délai écoulé entre les deux demandes d'autorisation de licenciement et au fait que ces deux demandes étaient fondées sur le même motif, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est alléguée par M. D., qu'existerait entre ces deux demandes une modification de la situation économique de l'entreprise, l'employeur n'était pas tenu de solliciter à nouveau l'avis du comité d'entreprise sur le projet de licenciement pour motif économique et sur la suppression d'un poste, alors que celui-ci avait donné un avis lors de la réunion du 30 juillet 2010".

Il en va de même s'agissant de l'enquête contradictoire que doit mener en principe l'inspecteur du travail (40). Ce dernier serait, en revanche, tenu d'entendre de nouveau le salarié s'agissant d'un licenciement pour motif personnel fondé, par exemple, sur des griefs postérieurs.

Qu'en est-il de la recherche des possibilités de reclassement par l'employeur ?

VI - L'appréciation des possibilités de reclassement du salarié par l'employeur

L'arrêt du 23 mars 2016 apporte des précisions utiles sur l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur.

Tout d'abord, les offres de reclassement doivent être faites à compter du moment où le licenciement est envisagé, selon la formule consacrée par les textes et reprise par les juridictions. Les questions de savoir quand débute cette période tout comme la date à laquelle elle se termine sont intéressantes en droit. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, les recherches comme les offres doivent être faites avant la notification du licenciement (41) : les possibilités de reclassement doivent être appréciées antérieurement à la date du licenciement, à compter du moment où le licenciement est envisagé (42). Pour les salariés protégés, le Conseil d'Etat a posé comme principe, dans l'arrêt du 3 juillet 2013, "Letavernier", que "les possibilités de reclassement dans l'entreprise, et éventuellement au sein du groupe, s'apprécient antérieurement à la date d'autorisation du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé ; que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de rechercher les possibilités de reclassement du salarié, des propositions de postes faites par l'employeur ne peuvent être prises en compte qu'à la condition que le salarié ait connaissance que de telles offres, faites par l'employeur au cours de cette période, le sont dans le cadre du reclassement prévu par l'article L. 1233-4 du Code du travail" (43). La recherche comme les propositions doivent être faites dans ce laps de temps, ce qui semble induire que la demande d'autorisation déposée auprès de l'inspection du travail ne dispense pas l'employeur de poursuivre ses recherches et de proposer des offres au salarié concerné jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail, qui appréciera, à cette date, si l'employeur a bien satisfait à son obligation (44).

Ensuite, l'inspecteur du travail, saisi une nouvelle fois par l'employeur, doit vérifier que l'employeur a bien satisfait à ses obligations des recherches des possibilités de reclassement. A cet effet, il doit prendre en compte les changements des circonstances survenus postérieurement au premier refus. On pourrait, en effet, imaginer cette obligation non satisfaite si un poste correspondant au profil du salarié protégé a été ouvert et pourvu entre la première décision de refus et la date à laquelle l'inspecteur du travail se prononce.

Reste, enfin, à apprécier si l'employeur doit, à peine de vicier la procédure, de nouveau proposer au salarié protégé les offres qui lui avaient été déjà faites dans le cadre de la première procédure ayant abouti à un refus. La cour administrative d'appel de Nancy avait jugé que oui, et s'était fondée sur ce motif pour annuler la décision du ministre, comme le jugement attaqué : "l'employeur a transmis à M. D., le 26 août 2010, une offre de reclassement à l'étranger et, le 8 octobre 2010, trois offres de reclassement en France, que l'intéressé a refusées ; que, à la suite d'un premier refus de l'inspecteur du travail, en date du 23 février 2011, d'autoriser le licenciement, la société Sotralenz a présenté, le 18 mars 2011, une nouvelle demande d'autorisation de licenciement ; qu'il est constant que, se fondant sur les premiers refus opposés par l'intéressé, l'employeur n'a adressé aucune nouvelle offre de reclassement, en France ou à l'étranger, à M. D., alors qu'un délai de plus de cinq mois s'était écoulé depuis les dernières propositions ; que, par suite, M. D. est fondé à soutenir que l'employeur a méconnu ses obligations de reclassement". Le Conseil d'Etat censure cette motivation pour erreur de droit. Il estime au contraire, et ce, dans la logique découlant de l'absence de nécessité de reprendre la procédure dans son ensemble une fois le vice purgé, que l'employeur n'est nullement tenu de proposer de nouveau au salarié les offres qui lui avaient déjà été faites et qu'il avait déjà refusées dans le cadre de la première demande d'autorisation : "l'employeur n'est, en revanche, pas tenu, au titre de cette obligation, d'adresser à nouveau au salarié, avant de présenter cette seconde demande, celles des propositions de reclassement encore valides qu'il avait déjà faites au salarié avant de présenter sa première demande d'autorisation de licenciement et que ce dernier aurait refusées". Le seul fait que plusieurs mois se soient écoulés entre les deux procédures ne suffit pas à justifier que l'employeur aurait méconnu son obligation. Cependant, le salarié pourrait reprocher à son employeur de ne pas avoir poursuivi ses recherches dans le cadre de la deuxième procédure d'autorisation de licenciement s'il s'avère que, à la date de la seconde décision de l'inspecteur du travail, des postes auraient dû lui être proposés, étant précisé que les possibilités de reclassement s'apprécient antérieurement à la date d'autorisation du licenciement, sans que puissent être prises en compte les propositions qui seraient faites postérieurement à cette décision (45). Mais il n'y aura pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur est capable de justifier de l'absence de poste disponible à l'époque du licenciement dans l'entreprise ou, s'il y a lieu, dans le groupe auquel elle appartient (46).


(1) CE 5° et 3° s-s-r., 11 mars 1998, n° 120017, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6551ASG).
(2) CAA Nancy, 30 septembre 2014, n° 13NC02257 (N° Lexbase : A1636NAT).
(3) C. trav., art. L. 2411-1 (N° Lexbase : L1932KIE) et s..
(4) C. trav., art. R. 2421-4 (N° Lexbase : L0057IAD). Ce délai est réduit à huit jours en cas de mise à pied du salarié protégé.
(5) Par ex., CE, 10° et 7° s-s-r., 17 novembre 1986, n° 60219, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7178AMS).
(6) CE, 4° s-s., 22 février 1988, n° 73747, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8748APP).
(7) Voir Cass. soc., 30 avril 1997, n° 94-45.418 (N° Lexbase : A1680AC9), Bull. civ. V, n° 149, p. 108 ; Dr. soc., 1997, p. 645.
(8) Par ex., CE contentieux, 12 octobre 1990, n° 99640, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6102AQ3) (irrégularité de la lettre de convocation à l'entretien préalable).
(9) Cass. soc., 19 mai 1991, n° 89-44.670 (N° Lexbase : A9485AAK), Bull. civ. V, n° 235, p. 143 ; Dr. soc., 1991, p. 513.
(10) Voir CE, 4° et 5° s-s-r., 19 mars 2008, n° 289433, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5024D79), rec. tables, p. 954 ; CE, 4° s-s., 11 juin 2014, n° 365135, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6709MQK), RJS 11/14, n° 795.
(11) Par ex., Cass. soc. 14 novembre 1985, n° 82-42.582 (N° Lexbase : A5891AAG), Bull. civ. V, n° 538, p. 591.
(12) Par ex., CE contentieux, 18 octobre 1991, n° 83934, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0508ARA), rec. tables, p. 1229 (procédure irrégulière pour absence de convocation du salarié devant le comité d'entreprise) ; CE contentieux, 24 mai 1991, n° 68272, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1689ARY) (irrégularité en raison de l'absence de convocation régulière des membres du comité d'entreprise).
(13) Par ex., CE, 6° s-s., 5 juin 1987, n° 69014, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3789APZ), rec. tables, p. 78 ; CE contentieux, 30 novembre 1998, n° 173491, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9092ASK).
(14) C. trav., art. R. 2421-8 (N° Lexbase : L0048IAZ).
(15) Voir C. trav., art. R. 2421-3 (N° Lexbase : L0060IAH).
(16) Voir C. trav., art. R. 2421-14 (N° Lexbase : L0032IAG). Hypothèse de la faute grave et de mise à pied du salarié. Voir, CE, 6° et 2° s-s-r., 16 janvier 1987, n° 65315, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3580APB), rec. tables, p. 978 (appréciation de la brièveté du délai écoulé entre la délibération du comité d'entreprise et l'envoi de la demande d'autorisation de licenciement).
(17) Par ex., CE, 6° s-s., 7 mars 1986, n° 39277, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5589AMX) ; CE, 6° s-s., 5 juin 1987, n° 76589, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3804APL), rec. tables, p. 978 ; CE, 3 avril 1991, n° 107079, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1403ARE) (entretien après la consultation du comité d'entreprise).
(18) Par ex., Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-40.071, FS-P (N° Lexbase : A5232DCR), Bull. civ. V, n° 159, p. 150 ; RJS, 2004, n° 904.
(19) CE contentieux, 2 juin 1993, n° 107508, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1793ANQ), rec. tables, p. 1068.
(20) CE, 4° et 5° s-s-r., 8 avril 2013, n° 348559, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7203KBE), rec. p. 59 ; RDT, 2013, p. 394, concl. G. Dumortier ; AJDA, 2013, p. 769 ; CE, 4° et 5° s-s-r., 22 mai 2015, n° 375897, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5581NIK). En cas de transfert partiel en raison de la cession d'une partie des actifs, voir CE, 4° et 5° s-s-r., 27 janvier 2016, n° 386656, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5061PKN). En cas de reprise de l'activité, voir CE, 4° et 5° s-s-r., 22 mai 2015, n° 371061, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5573NIA). Voir M. Gadrat, Le contrôle administratif du licenciement d'un salarié protégé fondé sur la cessation d'activité, Dr. soc., 2015, p. 602.
(21) CE, 4° et 5° s-s-r., 3 juillet 2013, n° 361066, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4596KI3). Cette absence d'appréciation est fondée sur la procédure mise en place par laquelle le législateur a entendu que, pendant cette période d'observation, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.
(22) Voir B. Lardy-Pélissier, L'obligation de reclassement, D., 1998, Chron., p. 399 ; Ph. Waquet, La cause économique du licenciement, Dr. soc., 2000, p. 168 ; F. Géa, Licenciement pour motif économique : l'obligation générale de reclassement, RJS, 2000, p. 511.
(23) Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, (N° Lexbase : A4018AA3).
(24) CE 4° et 5° s-s-r., 9 mars 2016, n° 384175, publié aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5428QYP) et les obs. de Ch. Radé, A propos du reclassement au sein du "groupe" des salariés licenciés pour motif économique : quand le Conseil d'Etat adopte la définition de la Cour de cassation, Lexbase, éd. soc., n° 648, 2016 (N° Lexbase : N1900BWB).
(25) Voir, par ex., CAA Marseille, 26 juin 2012, n° 11MA01780 (N° Lexbase : A4007IRT).
(26) C. com., art. L. 233-3 (N° Lexbase : L5817KTM) et s.. Voir, par ex., CAA Marseille, 18 décembre 2012, n° 11MA03306 (N° Lexbase : A5357KIA) et nos obs., JCP éd. S, 2013, n° 1125.
(27) Par ex., Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.535 (N° Lexbase : A2438DZC).
(28) CE, 8° et 3° s-s-r., 17 novembre 2000, n° 206976, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9603AH7), rec. p. 523; CE, 8° et 3° s-s-r., 17 novembre 2000, n° 208993, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9613AHI) ; CE, 8° et 3° s-s-r., 31 janvier 2001, n° 198352, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4535AQZ) ; CE, 8° s-s., 28 janvier 2004, n° 225435, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2191DBR).
(29) CE, 4° s-s., 12 janvier 2011, req. n° 327191, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8734GP8).
(30) Par ex., Cass. soc., 7 juillet 2009, n° 07-45.584, F-D (N° Lexbase : A7237EIU).
(31) La Cour de cassation vient de préciser que, s'agissant des licenciements motivés par l'inaptitude du salarié, les propositions de reclassement n'ont pas à être faites par écrit en l'absence de dispositions en ce sens : Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-28.314, FS-P+B (N° Lexbase : A1501RB9).
(32) CE, 4° et 5° s-s-r., 3 juillet 2013, n° 342477, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4562KIS), rec. tables, p. 866 ; AJDA 2013, p. 1838.
(33) CE, 4° et 5° s-s-r., 5 septembre 2009, n° 303992, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1008EAL), rec. p. 319.
(34) CE, 24 février 1956, rec. tables, p. 735.
(35) CE, 1° s-s., 16 mars 1988, n° 65103, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8907APL).
(36) CE, 1° et 4° s-s-r., 24 octobre 1984, n° 40555, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5628ALZ), rec. tables, p. 763 ; CE contentieux, 12 février 1988, n° 55446, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7981APB), rec. tables, p. 1053 ; CE, 1° et 4° s-s-r., 13 novembre 1991, n° 91226, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2817ARR) (deux demandes présentées à un mois d'intervalle).
(37) CAA Bordeaux, 18 novembre 2004, n° 03BX00355 (N° Lexbase : A8533DER), RJS, 2005, n° 295.
(38) CE, 4° et 5° s-s-r., 19 septembre 2014 n° 362660, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8595MWA), rec. tables, p. 810-819 ; Dr. soc., 2015, p. 25, concl. G. Dumortier ; RJS, 2014, n° 874.
(39) Par exemple, s'agissant d'un délai de dix ans écoulé : CE, 6° et 2° s-s-r., 27 février 1998, n° 182760, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6463AS8) ; RDImm. 1998, p. 199, obs. Y. Jégouzo et F. Jamay. Pour un exemple, voir CE, 4° et 1° s-s-r., 22 juin 1992, n° 96473, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7075ARH).
(40) Par ex., CE, 4° et 1° s-s-r., 16 mars 1988, n° 65103, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8907APL) ; CE, 4° et 1° s-s-r., 12 octobre 1990, n° 80533, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8216AQD).
(41) Par ex., Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-41.265 (N° Lexbase : A4730AGB), Bull. civ. V, n° 146 ; Dr. soc., 1999, p. 635, note G. Couturier.
(42) CE, 1° s-s., 24 janvier 1982, n° 17873 (N° Lexbase : A9734AKQ).
(43) CE, 4° et 5° s-s-r., 3 juillet 2013, n° 342477, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4562KIS), rec. tables, p. 866 ; AJDA, 2013, p. 1838.
(44) Jugeant au contraire que les propositions de postes doivent intervenir avant que soit présentée la demande d'autorisation par l'employeur auprès de l'inspection du travail : CAA Lyon, 28 juin 1999, n° 97LY21160 (N° Lexbase : A3595BGA).
(45) Par ex., CE, 8° s-s., 18 novembre 1996, n° 162142, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1747APE).
(46) Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-13.876, FS-P+B (N° Lexbase : A2764MTK), Bull. civ. V, n° 165 ; RJS 10/14, n° 672 ; Cass. soc., 29 septembre 2015, n° 14-17.774, F-D (N° Lexbase : A5575NSB).

Décision

CE, 4° et 5° s-s-r., 23 mars 2016, n° 386108, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7142Q9E).

Cassation (CAA Nancy, 30 septembre 2014, n° 13NC02257 N° Lexbase : A1636NAT).

Textes visés ou concernés : C. trav., art. L. 1233-4 (N° Lexbase : L2149KGP).

Mots-clés : salarié protégé ; obligation de reclassement ; refus d'autorisation de licenciement.

Liens base : (N° Lexbase : E9309ESL).

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