La lettre juridique n°629 du 15 octobre 2015 : Autorité parentale

[Panorama] L'autorité parentale devant la Cour de cassation

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP, Directrice scientifique des Encyclopédies du pôle "Famille"

le 15 Octobre 2015

Rentrée oblige, la Cour de cassation a rendu, en septembre 2015, plusieurs décisions relatives à l'autorité parentale. Certains de ces arrêts concernent les modalités d'exercice de l'autorité parentale dans le cadre d'un couple séparé (Cass. civ. 1, 4 arrêts, 23 septembre 2015, n° 14-23.263, n° 14-25.027, n° 14-22.636, n° 14-20.725, F-D), tandis que d'autres, sans doute plus novateurs sont relatifs à des décisions parentales dont l'objet est la personne de l'enfant (Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-23.724, F-P+B ; Cass. civ. 1, 9 septembre 2015, n° 14-19.876, F-P+B). I - Les modalités d'exercice de l'autorité parentale

Les quatre arrêts fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale dans le cadre d'un couple séparé, concernent en réalité les modalités d'hébergement de l'enfant, la résidence (deux arrêts) et le droit de visite et d'hébergement (deux arrêts) sans que ne soit remis en cause le caractère conjoint de l'exercice de l'autorité parentale qui reste un principe quasiment incontournable en jurisprudence.

A - Le choix de la résidence de l'enfant

1° Les juges du fond à la recherche d'un critère pour déterminer la résidence de l'enfant

Appréciation souveraine du juge du fond. Dans un des arrêts du 23 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-23.263, F-D N° Lexbase : A8219NP4), la Cour de cassation rappelle sans grande originalité que le choix de la résidence de l'enfant, relève du pouvoir d'appréciation des juges du fond.

Conflit parental. La Cour de cassation reprend dans son arrêt les principaux éléments qui ont fondé la décision de la cour d'appel de Versailles. Cette dernière vise d'abord "la souffrance des enfants liée au conflit parental aigu et persistant". Cette mention relève d'une utilisation pédagogique de la décision de justice et a sans doute pour but d'inciter les parents à mieux mesurer les conséquences négatives de leur attitude conflictuelle à l'égard de leurs enfants.

Respect des droits de l'autre parent. La Cour de cassation constate également que la cour d'appel a relevé les besoins affectifs des enfants exprimés librement -dans le cadre de l'enquête sociale, les enfants étant âgés seulement de cinq ans lors de la procédure d'appel- ainsi que la qualité des liens entretenus avec leur père. La cour d'appel conclut "qu'il était de l'intérêt de celles-ci de maintenir leur résidence chez leur mère, apte à respecter leurs droits, et d'accorder à leur père un droit de visite et d'hébergement adapté". On notera l'importance accordée à "l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre" visé par l'article 373-2-11 du Code civil (N° Lexbase : L7191IMB), parmi les critères que le juge aux affaires familiales prend en considération lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il semble que la mère soit en réalité désignée dans la décision comme celle qui est la plus apte à respecter les droits de l'autre parent. Toutefois, le rapport d'enquête sociale faisait également état, à plusieurs reprises, de l'angoisse des deux jumelles d'être séparées de leur mère, laquelle n'apparaît pas dans la décision.

Communication avec les enfants. Il est en outre intéressant de noter que, dans cette affaire, l'arrêt d'appel (CA Versailles 24 juillet 2014), dans une partie qui ne fait pas l'objet d'une discussion devant la Cour de cassation, refuse de satisfaire la demande de la mère d'imposer au père de transmettre tous les éléments facilitant la communication de la mère avec ses filles, par l'accès aux numéros de téléphone fixes des lieux où les enfants seraient amenés à séjourner, y compris au domicile de la compagne du père. Le refus est motivé par le constat que "les parents disposent d'égales qualités éducatives, même si elles ressortent de registres différents, et sont suffisamment responsables pour prendre soin de leurs enfants quand elles vivent chez eux, tous deux devant apprendre à se faire confiance sur la manière dont ils les prennent en charge". C'est une manière délicate de dire à la mère qu'elle ne saurait continuer à exercer une surveillance sur les enfants lorsqu'ils sont chez leur père...

Carnet de santé. En outre, n'est pas non plus dénué d'intérêt, le passage de l'arrêt d'appel dans lequel est affirmé "qu'il est évident au vu de l'autorité parentale conjointe des parents à l'égard des enfants que les carnets de santé devront être remis au parent qui recevra les enfants". La remise du carnet de santé permet d'une part au parent non hébergeant de suivre l'évolution de la santé de son enfant mais est également de nature à faciliter une éventuelle consultation médicale pendant que les enfants sont avec lui.

Ces affirmations de la cour d'appel rappellent que les parents exercent à égalité l'autorité parentale sans primauté pour celui chez qui les enfants résident. Lors des droits de visite et d'hébergement, le parent qui reçoit les enfants prend en charge les enfants sans avoir de compte à rendre à l'autre et avec les mêmes moyens.

2° Détermination de la résidence de l'enfant et non-respect par un parent des droits de l'autre

Obligation de motivation. L'autre arrêt du 23 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-25.027, F-D N° Lexbase : A8389NPE), est le second arrêt, après un arrêt du 8 juillet 2015 (Cass. civ. 1, 8 juillet 2015, n° 14-22.101, F-D N° Lexbase : A7428NM3), qui casse une décision de cour d'appel relative à l'autorité parentale en se fondant sur l'article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B) selon lequel "le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif". Cette nouvelle tendance de la Cour de cassation à reprocher au juge du fond une insuffisance de motivation s'inscrit, dans chacun des arrêts, dans le contexte particulier dans lequel l'un des parents, la mère, a par une sorte de voie de fait, déménagé avec l'enfant sans prévenir le père, limitant ou empêchant l'exercice des droits de ce dernier. Par réaction, le père a demandé la fixation de la résidence de l'enfant à son domicile. La Cour de cassation a utilisé, dans les deux hypothèses, le même raisonnement mais pour parvenir à des solutions inverses.

Allaitement. Dans l'arrêt du 23 septembre 2015, la mère a quitté seule le domicile familial avec l'enfant, pour s'installer dans une autre région, privant le père de toute relation avec son fils. La cour d'appel se fonde sur l'attitude de la mère et le fait qu'elle ne s'explique pas sur ses conditions de vie actuelles tandis que celles du père n'ont pas changé depuis la séparation pour fixer la résidence de l'enfant chez ce dernier. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 455 du Code de procédure civile au motif "qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X faisant valoir qu'elle continuait d'allaiter l'enfant qui n'était pas âgé d'un an, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé". Autrement dit, la décision de la cour d'appel n'était pas suffisamment motivée, particulièrement parce qu'elle n'a pas tenu compte d'un argument, de poids, invoqué par la mère. Cette décision signifie que la seule attitude, certes répréhensible d'un parent, ne saurait à elle seule justifier la fixation de la résidence chez l'autre et qu'il convient de ne pas lui accorder un poids excessif. Il faut dire que l'argument de l'allaitement est difficilement contestable même si l'enfant était déjà âgé de neuf mois lors de la décision de la cour d'appel. On peut même se demander si la poursuite de l'allaitement ne constitue pas une décision qui relève de l'exercice en commun de l'autorité parentale et à laquelle le père devrait participer...

Déménagement. Dans l'arrêt du 8 juillet 2015, c'est, à l'inverse, l'argument du père relatif au non-respect par la mère de ses droits qui n'avait pas été pris en compte par la cour d'appel. En l'espèce, alors que les parents avaient convenu de fixer la résidence de l'enfant au domicile de la mère ainsi que les modalités du droit de visite et d'hébergement du père, celui-ci avait appris de manière incidente, le prochain déménagement de la mère. Alors que le père avait demandé à ce que la résidence de l'enfant soit fixée chez lui, la cour d'appel avait fixé la résidence de l'enfant au domicile de la mère, aux seuls motifs que celle-ci "a dû s'installer dans une autre ville pour des raisons professionnelles, qu'elle justifie de la location d'un logement spacieux et de l'inscription de l'enfant dans une école de la ville où elle s'est installée, que l'enfant, encore très jeune, n'a jamais été séparée de sa mère, de sorte que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il est de son intérêt de fixer sa résidence auprès de sa mère, qu'elle n'a jamais quittée". L'arrêt est cassé au motif qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du père faisant valoir que la mère ne respectait pas l'exercice en commun de l'autorité parentale ni le droit de l'enfant à entretenir des relations avec ses deux parents, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile. Cette fois, l'argument du défaut de respect par l'un des parents des droits de l'autre est considéré comme insuffisamment pris en compte par la Cour qui n'y a pas répondu. La décision de la Cour de cassation impose en effet au juge de tenir compte, certes parmi d'autres éléments, de l'attitude des parents, et particulièrement de "l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre" visés par l'article 373-2-11 du Code civil.

De ces deux arrêts il résulte que la cour d'appel doit impérativement répondre à tous les arguments invoqués par les parties, et notamment à celui relatif à l'attitude du parent, mais sans pour autant accorder à ce motif un poids prépondérant.

B - Le droit de visite et d'hébergement

1° Droit de visite et volonté du mineur

Résistance des juges du fond. L'un des arrêts du 23 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-22.636, F-D N° Lexbase : A8170NPB), revient sur la question récurrente du droit de visite subordonné à la volonté qui donne lieu depuis plusieurs années à de nombreuses et régulières cassations de la part de la Haute cour (1). Ainsi l'intérêt de cet arrêt réside moins dans sa motivation, qui reprend celle des arrêts précédant, reprochant à la cour d'appel d'avoir subordonné l'exécution de sa décision à la volonté du mineur et donc violé les articles du Code civil précisant les pouvoirs du juge en matière de fixation du droit de visite et d'hébergement (C. civ., art. 373-2, alinéa 2 N° Lexbase : L2905AB9, et 373-2-9, alinéa 3 N° Lexbase : L7189IM9), que dans la résistance des juges du fond qu'il révèle. Alors, en effet qu'arrêt après arrêt, la Cour de cassation répète que "lorsqu'ils fixent les modalités d'exercice de l'autorité parentale d'un parent à l'égard de ses enfants, les juges ne peuvent déléguer les pouvoirs que la loi leur confère", les juges du fond continuent à fixer des droits de visite qui doivent être exercés avec l'assentiment de l'enfant, particulièrement lorsqu'ils ont affaire à des adolescents en rupture avec l'un de leurs parents, notamment en cas de circonstances particulières comme l'illustrent les faits et la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 23 septembre 2015.

Circonstances particulières. En l'espèce, le mineur concerné, âgé de 15 ans, a été entendu dans le cadre de la procédure d'appel et a fait part des insultes de sa mère, de sa violence physique envers lui parfois, de ses critiques incessantes contre son père et a clairement exprimé sa souffrance face à certains comportements maternels. La cour d'appel constate que l'exercice du droit de visite et d'hébergement de sa mère est actuellement source de souffrance et de mal-être pour l'enfant et qu'il souhaite qu'il soit organisé librement afin "de ne plus y penser tout le temps" et de le vivre de manière plus calme et sereine. Elle en déduit qu'il importe, par souci d'apaisement du mineur, de préciser que le droit de visite et d'hébergement accordé à la mère suppose l'assentiment de ce dernier... Or, une fois encore, la Cour de cassation refuse d'admettre la possibilité de subordonner le droit de visite et d'hébergement à la volonté du mineur, même s'il s'agit d'un grand adolescent. On peut se demander si cette position de la Cour de cassation n'est pas trop rigide dans un contexte de promotion des droits participatifs de l'enfant...

2° Réduction du droit de visite

L'autre arrêt du 23 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-20.725, F-D N° Lexbase : A8366NPK) relatif au droit de visite présente surtout le mérite de rappeler que les restrictions aux relations d'un parent avec son enfant sont des atteintes aux droits parentaux qui doivent être spécialement motivées. Le fait de ne pas accorder à un parent le droit d'héberger son enfant -en l'espèce le père ne pourra recevoir sa fille que deux samedis par mois, même pendant les vacances scolaires- est incontestablement une réduction du droit de visite. La Cour de cassation contrôle donc la motivation de la cour d'appel relative à cette restriction. Les justifications avancées en l'espèce par les juges du fond, qu'elle reprend dans sa décision, ne laissent cependant pas place au doute. En effet, le père est la fois accusé d'avoir avec sa fille des comportements inadaptés sur le plan sexuel, de souffrir de problèmes d'alcool sans l'admettre et de faire preuve de rigidité et d'irrespect des décisions de justice. On peut même dans ces conditions s'interroger sur la pertinence d'un droit de visite au domicile du père et non dans un lieu neutre...

II - Les décisions relatives à la personne de l'enfant

1° Le baptême de l'enfant

Dans un autre arrêt du 23 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-23.724, F-P+B N° Lexbase : A8224NPB), la Cour de cassation accepte que la question du conflit parental relatif au baptême de l'enfant soit tranchée par le juge aux affaires familiales, ce qui, en soit, ne relevait pas de l'évidence. La question de la religion des enfants relève en effet sans conteste de l'autorité parentale et les décisions qui s'y rapportent doivent en principe faire l'objet d'une codécision des parents. On aurait ainsi pu penser, notamment au regard du principe de laïcité, qu'en l'absence d'accord des parents pour faire baptiser leur enfant, le baptême serait exclu, sauf à se fonder sur des pratiques antérieures. Ce n'est pas le sens de l'arrêt du 23 septembre 2015, qui s'inscrit d'ailleurs à la suite de plusieurs décisions de cour d'appel qui avaient accepté de trancher ce type de conflit entre les parents. Ainsi, la cour d'appel de Douai dans un arrêt du 26 juillet 2012 (2) a autorisé la profession de foi de l'enfant alors que le père la refusait au motif qu'il souhaitait que cette célébration n'intervienne qu'à la demande de l'enfant. Mais la cour d'appel a considéré que le père n'administrait pas la preuve que cette cérémonie serait imposée par la famille maternelle à l'enfant, baptisée dans le rite catholique, et qui allait intégrer l'an prochain un établissement privé relevant de l'enseignement catholique. Dans un arrêt du 14 octobre 2014 (3), la cour d'appel de Lyon, constatant que le premier juge a répondu favorablement à la demande de la mère de voir son enfant baptiser par l'église des saints des derniers jours, ne peut que rejeter la demande ultérieure du père de faire "débaptiser l'enfant" ; la cour d'appel affirme que "le baptême est un sacrement, un acte religieux qui n'a aucun effet civil et que cette question ne relève pas de la compétence du juge civil".

L'arrêt de 2015 tranche avec la décision beaucoup plus ancienne de la Cour de cassation dans laquelle celle-ci avait considéré que les juges du fond avaient souverainement apprécié, au vu du désaccord des parents, qu'il convenait de suspendre le baptême d'un enfant de quinze ans dans le cadre du mouvement des Témoins de Jéhovah, jusqu'à la majorité de l'intéressé (4). Cette dernière attitude paraît plus raisonnable. Il paraît en effet assez contestable qu'un juge puisse imposer à un parent qui n'a jamais inscrit son enfant dans une religion, des actes religieux relatifs à son enfant. Si l'on admet que tel puisse être le cas pour le baptême ou son équivalent, devrait-on aussi l'admettre pour des actes plus invasifs tels que la circoncision ? Il semble que certains actes, qui ne sont pas, comme pourraient l'être des actes médicaux ou des actes relatifs à la scolarité de l'enfant, à proprement parler, nécessaires à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant ne devraient être réalisés que si les parents sont d'accord, sans que le juge ne puisse les imposer.

Dans l'arrêt du 23 septembre 2015, la Cour de cassation approuve la cour d'appel de Limoges qui a affirmé que le conflit d'autorité parentale relatif au baptême des enfants devait être tranché en fonction du seul intérêt de ces derniers (CA Limoges, 10 septembre 2013, n° 12/00803 N° Lexbase : A8453KKB). Si la règle n'est pas surprenante au regard notamment de l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) en vertu duquel l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toute décision le concernant, on pressent rapidement combien il sera difficile de déterminer, en la matière, l'intérêt de l'enfant pris dans un conflit religieux entre ses parents. Il reste que l'argument vient primer celui de la liberté de conscience et de religion du père. Il ne s'agit donc pas de trancher un conflit entre les parents mais de se demander si l'acte demandé par la mère et refusé par le père est conforme à l'intérêt de l'enfant.

En l'espèce, le premier élément sur lequel se sont fondés les juges pour déterminer l'intérêt de l'enfant à être ou non baptisé, est la volonté des enfants en cause. La cour d'appel a en effet relevé, "que les enfants, âgés de 6 et 7 ans, ne souhaitaient pas être baptisés car ils ne comprenaient pas le sens de cette démarche". On peut toutefois s'interroger sur la capacité d'enfant de cet âge de comprendre la signification du baptême ou d'ailleurs de tout autre rite religieux...

Par ailleurs, la cour d'appel se fonde sur l'absence de relations personnelles entre les enfants et leur père, qu'ils ne souhaitaient pas, en l'état, revoir et dont les droits de visite avaient été suspendus en raison de son comportement menaçant et violent. Il est en effet assez logique de penser que l'intégration de l'enfant dans la communauté religieuse à laquelle appartient l'un de leur parent nécessite que des liens entre eux soient suffisamment forts pour que cette intégration ait un sens, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Ainsi, la Cour de cassation peut-elle logiquement considérer dans cette affaire que la cour d'appel a souverainement déduit de ces différents éléments "sans méconnaître la liberté de conscience et de religion du père, qu'en l'état du refus de la mère, la demande de ce dernier, qui n'était pas guidée par l'intérêt supérieur des enfants, devait être rejetée". Mais une telle conclusion pourrait être beaucoup moins facile dans des affaires dans lesquelles les parents sont tous deux proches de l'enfant et ne présentent pas de défaillances majeures. En acceptant que le juge aux affaires familiales tranche les conflits parentaux relatifs à la religion de l'enfant, la Cour de cassation l'a sans doute placé dans une situation peu enviable...

2° Le changement de nom de l'enfant

C'est également un désaccord entre les parents à propos d'une décision relative à l'enfant qui est en cause dans l'arrêt du 9 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 9 septembre 2015, n° 14-19.876, F-P+B N° Lexbase : A9480NNG). En l'espèce, la mère avait intenté un pourvoi contre la décision d'une cour d'appel -saisie après un juge des tutelles- qui avait autorisé le père de l'enfant à présenter pour son compte auprès du Garde des Sceaux une demande de changement de nom tendant à voir substituer le nom du père à l'un des noms de la mère que portait l'enfant. Elle soutenait que le père avait utilisé de manière détournée la procédure administrative de changement de nom régie par les articles 61 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L3182ABH) pour obtenir de l'autorité administrative une modification d'un nom résultant de l'ordre des reconnaissances que les règles de dévolution du nom de famille ne permettaient plus de demander au juge judiciaire. Toutefois, la Cour considère que "la cour d'appel a exactement retenu qu'il n'appartenait pas au juge des tutelles d'apprécier l'existence d'un éventuel détournement de la procédure administrative de changement de nom prévue à l'article 61 du Code civil, ce contrôle relevant de la seule compétence de l'autorité administrative chargée d'apprécier l'intérêt légitime de la demande, et qu'il ne lui incombait que d'apprécier si le changement envisagé, sans incidence sur le lien de filiation, présentait un intérêt pour l'enfant".

Cet arrêt permet de constater que l'attribution du nom d'un parent à l'enfant lors de sa naissance est sans doute moins définitive qu'on aurait pu le croire après la suppression par la réforme du nom de 2002 (5), de toute possibilité de modification par le juge judiciaire. Le juge administratif compétent pour connaître de la procédure de changement de nom de l'enfant en raison d'un motif légitime visé par l'article 61 du Code civil semble en effet s'engager vers l'admission de raisons socio-affectives pour admettre un tel changement et particulièrement pour substituer le nom d'un parent à celui de l'autre. Le Conseil d'Etat n'a cependant, pour l'instant, admis la substitution du nom d'un parent à celui de l'autre que dans des circonstances très particulières (6).

L'essentiel de la décision réside dans le fait que le juge des tutelles ait pu autoriser le père à intenter seul la procédure administrative de changement de nom de l'enfant. L'article 2-7° du décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 selon lequel la demande de changement de nom prévue à l'article 61 du Code civil, adressée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, faite pour le compte d'un mineur doit être accompagnée, lorsque la demande n'est pas présentée par ses deux parents exerçant en commun l'autorité parentale, de l'autorisation de juge des tutelles doit s'interpréter, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 (N° Lexbase : L5763ICG) à l'instar de tous les textes actuels du Code civil relatifs au mineur qui visent le juge des tutelles, comme désignant le juge aux affaires familiales pour délivrer l'autorisation requise.

Il est à noter que l'autorisation délivrée a été dans un premier temps annulée car le juge n'a pas entendu la mère. Or, la demande d'autorisation d'un des parents exerçant en commun l'autorité parentale en l'absence d'accord de l'autre parent, étant de nature contentieuse, l'audition du parent opposé à la décision était impérative pour respecter le principe du contradictoire. Après avoir annulé la décision sur ce fondement, la cour d'appel avait évoqué le fond de l'affaire pour délivrer l'autorisation au père.

Il n'est évidemment pas anodin d'admettre que le juge peut autoriser un parent à engager seul une procédure de changement de nom de l'enfant alors que cette question relève, en principe, d'une codécision des parents. Toutefois cette possibilité permet de trouver une solution lorsque l'un des parents a fait en sorte que l'enfant porte son nom à la naissance, sans que l'autre n'ait son mot à dire. Encore faut-il que des circonstances particulières puissent justifier qu'une telle procédure est conforme à l'intérêt de l'enfant. Dans un arrêt du 23 novembre 2011 (7), la Cour de cassation a précisé que, statuant sur une telle demande d'autorisation, le juge des tutelles n'a pas le pouvoir d'apprécier l'existence d'un motif légitime au changement de nom qui relève du juge administratif, mais seulement l'intérêt de l'enfant d'entamer une procédure de changement de nom. Dans cette affaire de 2011, la Cour de cassation a considéré que le tribunal n'a pas estimé, contrairement à ce que prétendait le moyen, que la mère ne justifiait pas d'un motif légitime au changement de nom de sa fille mais a relevé que la requête en changement du nom procédait manifestement de la volonté persistante de la mère d'exclure le père de la vie de sa fille, ce qui était contraire à l'intérêt de cet enfant. Dans un arrêt du 2 septembre 2014, la cour d'appel de Rennes (8) a également considéré qu'il appartenait au juge chargé de délivrer ou non une telle autorisation de rechercher si la demande de changement de nom fondée sur un motif légitime n'est pas contraire à l'intérêt de l'enfant. Tel n'était pas le cas dans cette affaire où la mère invoquait des motifs "d'ordre affectif liés à des circonstances exceptionnelles", le père ayant été condamné pénalement pour les graves violences qu'il a fait subir à ses enfants mineurs.

Dans l'arrêt de 2015, les circonstances paraissaient moins dramatiques. En effet, les parents s'étaient séparés pendant la grossesse et le père, qui dans un premier temps n'avait pas accepté la grossesse de sa compagne, n'avait été averti qu'après la naissance de la naissance de ses filles -l'une des jumelles est décédée alors qu'elle avait un peu plus de deux mois-. Toutefois il a reconnu les enfants deux mois plus tard et a fini par exercer pleinement son rôle de père. La cour d'appel considère que "dans ces conditions, alors même que le changement de nom envisagé a pour effet de limiter le nom de famille de la mère à un nom et que l'enfant décédée M. porte le seul nom de sa mère, il apparaît conforme à l'intérêt de L. aujourd'hui âgée de deux ans, pour marquer son double lien familial, sans attendre qu'elle ait l'âge de treize ans à partir duquel l'enfant doit consentir au changement de nom, que son père soit autorisé à engager pour son compte une procédure administrative de changement de nom". Cette affirmation semble sous-entendre qu'il est de l'intérêt d'un enfant d'être affilié par son nom à l'un et l'autre de ses parents dès lors que ces derniers participent à sa prise en charge, ce qui ouvrirait des perspectives nouvelles quant au changement de nom de l'enfant. Il n'est toutefois pas évident que le juge administratif se montre aussi ouvert...


(1) Cass. civ. 2, 7 octobre 1987, n° 86-15.026 (N° Lexbase : A6548C8Z), Bull. civ. II, n° 190, RTDCiv., 1988, 321, obs. J. Rubellin-Devichi ; Cass. civ. 2, 11 octobre 1995, n° 93-15.415 (N° Lexbase : A7811ABW), RTDCiv., 1996, 142, obs. J. Hauser ; Cass. civ. 2, 22 octobre 1997, n° 96-12.011 (N° Lexbase : A1022ACT), RTDCiv., 1998, 95, obs. J. Hauser, JCP éd. G, 1998, II, 10014, note T. Garé ; Cass. civ. 1, 4 octobre 2001, n° 99-05.088 (N° Lexbase : A1491AW7), Dr. fam., 2002, comm. n° 58, obs. P. Murat ; Cass. civ. 1, 3 décembre 2008, n° 07-19.767, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4771EBC), Dr. fam., 2008, n° 17, obs. Murat ; D., 2009. Pan. 1918, obs. Gouttenoire et Bonfils ; JCP éd. G, 2009, II, 10032, obs. Rousset ; Cass. civ. 1, 6 mars 2013, n° 11-22.770, F-D (N° Lexbase : A3089I9B), Dr. fam., 2013, comm. n° 70, obs. C. Neirinck ; Cass. civ. 1, 28 mai 2015, n° 14-16.511, F-P+B (N° Lexbase : A8295NI3).
(2) CA Douai, 26 juillet 2012, n° 12/02001.
(3) CA Lyon, 14 octobre 2014, n° 13/04353 (N° Lexbase : A3377MYQ), Dr. Fam., 2015, comm. n° 7 obs. C. Neirinck.
(4) Cass. civ. 1, 11 juin 1991, n° 89-20.878 (N° Lexbase : A4843AHT), Bull. civ. I, n° 196 ; D., 1991, 521, note Malaurie.
(5) Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L7970GTD).
(6) CE, 31 janvier 2014, n° 362444 (N° Lexbase : A9264MDH), Dr. Fam., 2014 n° 3 p. 3, obs. M. Lamarche, Changement de nom pour motifs d'ordre affectif, le Conseil d'Etat prend la main et ouvre la boîte de Pandore...
(7) Cass. civ. 1, 23 novembre 2011, n° 10-26.271, F-D (N° Lexbase : A0089H3P), RJPF, 2012, n° 1, p. 16, obs. I. Corpart.
(8) CA Rennes, 2 septembre 2014, n° 14/01216, RJPF, 2014, n° 12, p. 18, obs. I. Corpart.

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