Réf. : CAA Lyon, 27 août 2015, n° 14LY00085, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2999NQ7)
Lecture: 6 min
N9435BUY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Christian Louit, Professeur agrégé des Facultés de droit et Avocat
le 15 Octobre 2015
Un contribuable a souscrit, au titre de l'année 2008, des déclarations complémentaires mentionnant une plus-value sur cession de titres de 299 905 euros consécutive à la cession d'actions dans une société par actions simplifiée (SAS) dont il était le dirigeant et unique associé.
Il s'est alors placé sous le régime des articles 150-0 D bis (N° Lexbase : L0119IWC) et 150-0 D ter (N° Lexbase : L9704I3S) du CGI : exonération à 100 % des dirigeants de PME partant à la retraite.
A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de la plus-value et a réévalué celle-ci à 330 020 euros, d'où est résulté, bien sûr, une majoration d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour 2008.
L'existence de l'abattement de 100 % pour les chefs d'entreprise a été très brève et les raisons de sa remise en cause ne sont pas expliquées dans l'arrêt. On peut supposer que l'une des nombreuses conditions exigées pour le bénéfice de cet abattement n'était pas remplie (cession portant sur l'intégralité des titres, exercice de l'activité dans la société pendant au moins 5 ans, détention directe ou indirecte d'au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux, cessation de toute fonction dans la société, etc.).
A la suite de ce redressement, les contribuables ont contesté l'imposition de la plus-value rectifiée en 2008, avec pour eux un premier problème : ils avaient déclaré la plus-value au titre de cette année et, comme le souligne le jugement, il leur incombe, dès lors, d'établir que cette plus-value ne pouvait être imposée au titre de cette année.
2 - De la condition suspensive à la condition résolutoire
Quant à la date de la réalisation de la plus-value, les requérants considéraient que les trois conditions suspensives prévues dans un protocole d'accord conclu le 12 novembre 2008 (le contribuable s'était engagé à céder à une société de droit luxembourgeois la totalité des titres d'une SARL, devenue SAS, pour un prix de 350 000 euros), à savoir le paiement comptant d'une partie du prix, la présentation d'une garantie bancaire à première demande et la remise d'une attestation homme clé avaient été prorogées au 16 janvier 2009.
Les textes prévoyaient qu'à défaut de réalisation à cette date, la cession serait résolue de plein droit rétroactivement au 23 décembre 2008 : les termes sont maladroits.
Par ailleurs, la convention de séquestre qui avait été mise en place établissait que "la cession de l'intégralité des actions de la SAS (ancienne SARL) est intervenue à la date de ce jour" (23 décembre 2008).
La cour analyse, à notre avis à juste titre, que toutes ces maladresses commises (cession résolue rétroactivement, cession intervenue le 23 décembre 2008) transformaient les conditions suspensives posées à la vente en conditions résolutoires.
Or, les conséquences, différentes, des conditions suspensives et des conditions résolutoires sont connues :
- en ce qui concerne les ventes sous conditions suspensives, le transfert de propriété intervient, du point de vue fiscal, à la date de réalisation de la condition ;
- lorsque la cession est affectée d'une condition résolutoire, la plus-value est imposable dès la signature de l'accord de vente. La résolution ultérieure de la vente par suite de la réalisation de la condition autorise seulement le cédant à demander un dégrèvement de l'imposition initiale (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-10 n° 60, 20 mars 2015 N° Lexbase : X7098ALH).
Il convient également de noter qu'il existe une jurisprudence relativement abondante en la matière, notamment sur les conditions suspensives (CE 7° et 8° s-s-r., 11 avril 1973, n° 81154, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7904B7U, Dupont, 1973, p. 267 ; CE 7° et 8° s-s-r., 30 juin 1976, n° 92674 et 93186, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0846B99, RJF, 9/76, n° 397 ; CE 3° et 8° s-s-r., 11 décembre 2008, n° 296429, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7010EBA, RJF, 3/09, n° 209, et BDCF, 3/09, n° 28, concl. Olléon ; ou encore CE 3° et 8° s-s-r., 4 mai 2011, n° 324579, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0944HQZ).
Le juge, de façon générale, considère que les modalités de paiement dans le temps (CE Contentieux, 22 mars 1991, n° 67966, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9308AQS, RJF, 5/91 n° 615) ou les évènements postérieurs à la cession (CE 7° et 8° s-s-r., 2 octobre 1989, n° 74200, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1454AQW, RJF, 12/1989, n° 1317- non-paiement du prix) sont sans incidence sur le fait générateur de la plus-value constitué par la date de la cession.
La Haute assemblée a déjà eu l'occasion de requalifier une condition suspensive : la clause qualifiée par les parties de condition suspensive, selon laquelle le vendeur garantissait à l'acheteur, au titre des exercices suivants, un certain niveau de bénéfices, faute de quoi l'acheteur aurait le droit de demander la non réalisation de la transaction, constitue en fait une condition résolutoire dès lors que le prix a été payé et le transfert de titres effectué dès la passation du contrat. Ainsi, la plus-value de cession des titres est imposable au titre de l'année de cession, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le cédant ait dû ultérieurement, par le jeu de la condition résolutoire, racheter ces titres (CE 7° et 9° s-s-r., 30 novembre 1990, n° 80567, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4828AQU, RJF, 1/91, n° 63).
3 - La définition du fait générateur selon la nature des titres
La SARL ayant été transformée, avant la cession, en SAS, la cour analyse précisément les conditions différentes du fait générateur existant entre des cessions de titres en général et les cessions d'actions de sociétés par actions.
De façon générale, en vertu de l'article 1583 du Code civil (N° Lexbase : L1669ABG), "la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé".
En revanche, pour les sociétés par actions, "le transfert de propriété résulte de l'inscription des voleurs mobilières au compte de l'acheteur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat" (C. mon. et fin., art. L. 330-1 N° Lexbase : L4340I7U).
Et l'article L. 431-2 du même code (N° Lexbase : L9418DYH) précise que "le transfert de propriété de titres financiers résulte de l'inscription de ces titres au compte titre de l'acquéreur".
Au cas d'espèce, s'agissant des titres d'une SAS, "les requérants n'établissent, ni même n'allèguent qu'à la suite de la vente, intervenue le 23 décembre 2008, l'inscription des actions cédées au compte titre de l'acquéreur a eu lieu après le 31 décembre 2008".
Si l'on se réfère à la jurisprudence évoquée supra, les considérants suivants sont classiques : un évènement postérieur au 31 décembre 2008 est sans incidence sur l'imposition de la plus-value au titre de l'année 2008 ; il en est de même de la non perception de la totalité du prix, le dégrèvement ultérieur lié à ce fait ne trouvant pas, au cas d'espèce, les conditions de son application.
C'est sur ce dernier point que l'arrêt est le moins éclairant. En effet, le contribuable, qui avait été imposé sur une plus-value évaluée à 330 020 euros, n'avait perçu de l'acquéreur qu'une somme de 90 000 euros versée en 2009. Il faisait valoir qu'aucune somme complémentaire ne serait versée en raison du décès de l'actionnaire majoritaire de la société acquéreuse et de la carence de cette dernière.
Or, la doctrine administrative (BOI-IRPPM-PVBMI-30-10-10, n° 70) prévoit l'annulation de la plus-value et le dégrèvement de l'imposition en cas de résolution ou d'impayé, lorsque les sommes s'avèrent irrécouvrables.
Ici encore, le requérant est débouté de sa demande, sans explication particulière. Sans doute le juge a-t-il suivi l'argumentation du ministre des Finances et des Comptes publics qui faisait valoir qu'il n'était pas démontré que la vente était effectivement résolue ou que la partie du prix de vente non acquittée était définitivement irrécouvrable.
En conclusion, nous sommes ici en présence d'un arrêt tout à la fois complexe et clair, et l'on peut simplement regretter que les conclusions du rapporteur public ne soient pas publiées.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:449435