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N9268BUS
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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
le 01 Octobre 2015
Solution
Est incluse dans l'activité de bar-restaurant autorisée par le bail, la vente de billets d'accès à un château, cette activité offrant un service de proximité correspondant à l'évolution des usages locaux commerciaux aux abords de ce château.
Faits
En l'espèce, dénonçant l'adjonction, sans autorisation, d'une activité de vente de billets d'entrée au château, connexe et complémentaire à celle autorisée par le contrat de bail commercial, le bailleur avait sommé, le 18 mai 2011, le locataire de mettre fin à cette activité. Après protestation du locataire, le bailleur a saisi le tribunal de grande instance d'une demande d'acquisition de la clause résolutoire et d'expulsion. Débouté par les juges du fond (CA Versailles, 8 avril 2014, n° 13/00643 N° Lexbase : A7195MIC), le bailleur s'est pourvu en cassation. La question se posait de savoir si l'activité litigieuse était incluse ou non dans l'activité expressément stipulée au bail. A défaut, l'infraction du locataire aurait pu conduire à la résiliation du bail.
Observations
Le preneur est tenu de deux obligations principales, dont celle "d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail" (C. civ., art. 1728 N° Lexbase : L9302I3W). La violation de la destination du bail peut justifier sa résiliation (Cass. civ. 3, 28 mai 2003, n° 02-11.155, FS-P+B N° Lexbase : A6867CKK) ou un refus de renouvellement pour motif grave et légitime (Cass. civ. 3, 24 octobre 1990, n° 88-18.644 N° Lexbase : A7839AGG). L'article L. 145-47 du Code de commerce (N° Lexbase : L5775AIQ) prévoit, toutefois, que le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires. Il doit, au préalable, demander l'accord du bailleur et, en cas de refus de ce dernier, il pourra saisir le juge.
A côté de ces activités connexes ou complémentaires, la jurisprudence a dégagé la notion d'activité incluse. La proximité de cette activité avec l'activité initiale est encore plus grande que celle des activités connexes ou complémentaires. Il en résulte que le preneur n'a pas à suivre la procédure de déspécialisation. Il pourra donc exercer cette activité sans l'accord préalable du bailleur sans encourir les sanctions inhérentes à la violation de la destination du bail.
La question de savoir si une activité est incluse dépend non seulement des usages commerciaux mais aussi de leur évolution.
Il a pu ainsi être jugé que les usages commerciaux incluaient dans l'activité de débit de tabac, l'activité de vente de carte téléphonique pour cabines téléphonique et qu'eu égard à l'évolution normale des usages commerciaux, cette activité incluait désormais la vente de cartes de recharge pour téléphones mobiles, étant précisé "qu'il s'agit d'un même commerce qui s'adresse à la même clientèle avec le même but, celui de rendre un service de proximité au public" (Cass. civ. 3, 6 janvier 2009, n° 07-21.057, F-D N° Lexbase : A1587ECR).
Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt rapporté, le bail autorisait l'activité de "café, bar, salon de thé, restauration incluant la vente à emporter". La question se posait de savoir si la vente de billets d'entrée au château de Versailles était incluse ou non dans cette activité. La Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir répondu par l'affirmative en relevant que "la vente de billets d'accès au château de Versailles était un service offert à leur clientèle par l'ensemble des bars restaurants situés à proximité et que cette activité offrait un service de proximité correspondant à l'évolution des usages locaux commerciaux aux abords du château".
Est donc, ici, repris le critère des usages commerciaux dont le périmètre géographique d'appréciation peut ainsi être très localisé (les abords du château).
Plus curieux est le critère du "service de proximité", qui apparaît également dans l'arrêt du 6 janvier 2009 précité (Cass. civ. 3, 6 janvier 2009, n° 07-21.057). Si, dans ce dernier arrêt, il avait été recouru à la notion de service de proximité, c'était pour établir une analogie entre l'objectif de l'activité initialement incluse et la nouvelle activité, qui bien que différente, s'inscrivait dans la continuité de la précédente. Dans l'arrêt du 16 septembre 2015, le caractère de service de proximité de l'activité litigieuse n'est pas relevé pour établir un parallèle avec une activité préexistante, sauf à se référer à l'activité principale. Il est difficile de justifier le recours à cette notion de service de proximité pour elle-même, à moins de vouloir favoriser le service de proximité, ce qui est louable, mais pas nécessairement juridiquement justifiable.
Solution
L'acceptation de principe du renouvellement du bail résultant de l'absence de réponse du bailleur à une demande de renouvellement formée par son locataire ne présente qu'un caractère provisoire et ne fait pas obstacle à l'exercice ultérieur du droit d'option du bailleur qui refuse le renouvellement du bail en offrant le paiement d'une indemnité d'éviction.
Faits
En l'espèce, divers locaux avaient été donnés le 1er octobre 1979 à bail commercial. Les locataires avaient notifié au bailleur, le 11 avril 2006, une demande de renouvellement du bail à effet du 1er octobre 2006. Le bailleur n'avait pas répondu à cette demande de renouvellement. Par acte du 5 décembre 2007, il avait fait délivrer au locataire, une sommation, visant la clause résolutoire figurant au bail, d'effectuer divers travaux de remise en état et de mettre fin à une activité qu'il estimait contraire à la destination du bail. Le bailleur avait ensuite délivré, le 30 janvier 2008 un congé déniant, en raison de la persistance des manquements visés à la sommation, tout droit du locataire au renouvellement du bail échu le 30 septembre 2006 et à une indemnité d'éviction. Il invoquait la possibilité, tant qu'une décision judiciaire définitive n'était pas acquise concernant le renouvellement du bail, de notifier un congé avec refus de renouvellement du bail. Il a alors demandé que le congé trouve effet à la date du 1er août 2008, sans être tenu à verser une indemnité d'éviction au locataire eu regard de la gravité des motifs invoqués. La cour d'appel de Reims, le 8 avril 2014 (CA Reims, 8 avril 2014, n° 12/01909 N° Lexbase : A8178MIQ), le déboute de cette demande au motif que le congé du 30 janvier 2008 ne pourrait prendre effet qu'au 30 septembre 2015 et que le bail se poursuivrait jusqu'à cette date aux conditions antérieures. La question se posait, en conséquence, de la portée des effets de l'acceptation tacite par le bailleur d'une demande de renouvellement.
Observations
Un bail commercial ne cesse, fût-ce pour être renouvelé, que par l'effet d'un congé ou d'une demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-9 [LXB=L2009KG]). Le preneur qui souhaite obtenir le renouvellement de son bail doit notifier une demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-10 N° Lexbase : L2008KGH). Le bailleur dispose, à compter de la notification de la demande de renouvellement, d'un délai de trois mois pour faire connaître au locataire s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus (C. com., art. L. 145-10). A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le "principe" du renouvellement du bail précédent (C. com., art. L. 145-10).
La jurisprudence est venue préciser les conséquences d'une telle acceptation qui ne porte pas sur le montant du loyer. Le bailleur, qui est réputé avoir accepté le principe du renouvellement, peut en effet demander la fixation d'un nouveau loyer (Cass. civ. 3, 4 mai 2011, n° 10-15.473, FS-P+B N° Lexbase : A2543HQA). Cette règle découle, notamment et implicitement, de l'article L. 145-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L5739AIE) qui prévoit que, si le bailleur n'a pas fait connaître le loyer qu'il propose dans une demande de renouvellement, le nouveau prix ne sera toutefois dû qu'à compter de la demande qui en est faite ultérieurement.
Il a également été jugé que l'acceptation du principe du renouvellement n'a qu'un caractère provisoire et qu'elle n'interdit pas au bailleur de refuser par la suite le renouvellement s'il établi que la location litigieuse n'entre pas dans le champ d'application du statut des baux commerciaux (Cass. com., 16 mai 1962, n° 58-10.643, publié N° Lexbase : A7874NR3), étant rappelé que le bailleur peut aussi dénier au locataire le droit au statut, alors même qu'il aurait préalablement offert le renouvellement (Cass. civ. 3, 5 mars 2008, n° 05-20.200, FS-P+B N° Lexbase : A3216D7A).
La Cour de cassation a aussi précisé que l'acceptation de principe du renouvellement du bail n'a qu'un caractère provisoire et qu'elle n'interdit pas au bailleur de refuser ensuite le même renouvellement pour un motif grave et légitime (Cass. civ. 3, 7 décembre 1977, n° 75-15.462 N° Lexbase : A7182AG4), sauf si ce motif était connu lors de l'acceptation du renouvellement (Cass. civ. 3, 4 mai 1982, n° 80-16.305 N° Lexbase : A7514AGE).
En l'espèce, la cour d'appel avait estimé que les motifs invoqués par le bailleur à l'appui de son refus de renouvellement sans indemnité d'éviction n'étaient pas fondés (CA Reims, 8 avril 2014, n° 12/01909, préc.). En principe, le bailleur qui a initialement refusé le renouvellement pour un motif grave qui s'avère infondé peut toujours, ensuite, refuser le renouvellement en payant une indemnité d'éviction (Cass. civ. 3, 25 novembre 2009, n° 08-21.029, FS-P+B N° Lexbase : A1636EPB). Cette solution n'était pas transposable s'agissant de la décision rapportée puisque le bailleur avait initialement accepté (tacitement) le renouvellement.
Si la cour d'appel a refusé de valider le congé, c'est au motif que si le bailleur a accepté le principe du renouvellement, il ne pourrait plus exercer son droit d'option. Toutefois, ce droit, en principe, permet au bailleur qui a initialement accepté le renouvellement de le refuser en payant une indemnité d'éviction (C. com., art. L. 145-57 N° Lexbase : L5785AI4).
Pour justifier sa solution, la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions de l'article L. 145-11 du Code de commerce qui précisent que si le bailleur est d'accord sur le principe du renouvellement, il doit faire connaître le loyer qu'il propose s'il veut obtenir une modification du prix du bail. L'acquiescement vaudrait pour le tout, selon les juges du fond, à défaut d'une telle demande. Le raisonnement de la cour semble reposer sur l'idée que le droit d'option ne pourrait être exercé qu'en cas de désaccord sur le montant du loyer. Or, à défaut de demande de modification du loyer, il n'y aurait pas désaccord et le droit d'option ne pourrait être exercé. Il faudrait donc, pour que le droit d'option puisse être exercé, que le bailleur forme une demande de modification du loyer et ce, a priori, dans le délai de trois mois. Cette solution est contraire au caractère provisoire de l'acceptation et impliquerait en outre l'accomplissement de formalités que la loi ne prévoit pas.
La décision des juges du fond est donc à juste titre censurée par la Cour de cassation qui précise que "l'acceptation de principe du renouvellement du bail résultant de l'absence de réponse du bailleur à une demande de renouvellement formée par son locataire ne présente qu'un caractère provisoire et ne fait pas obstacle à l'exercice ultérieur du droit d'option du bailleur qui refuse le renouvellement du bail en offrant le paiement d'une indemnité d'éviction".
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