Réf. : Cass. civ. 1, 9 juillet 2015, n° 14-24.287, F-P+B (N° Lexbase : A7503NMT) ; CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 3 juillet 2015, n° 15/07127 (N° Lexbase : A4668NMT)
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
le 02 Octobre 2015
Dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, la caution a indiqué, dans chacun des actes litigieux (trois), qu'elle s'engageait, quant à la mention "pour la durée de" : "jusqu'au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d'accord partie entre le [créancier] et le [débiteur]". Les créanciers soutenaient que les actes de caution comportent une durée d'engagement clairement déterminée en ce qu'ils précisent qu'en l'absence d'accord, la date de fin d'engagement est le 31 janvier 2014, que les actes de caution comprennent toutes les mentions obligatoires et manuscrites requises, enfin, que cette option quant à la date n'a pas été mise en oeuvre et qu'elle a été accordée au bénéfice de la société débitrice dont la caution est le principal associé et le dirigeant. Les juges parisiens annulent les actes de cautionnement litigieux : la mention visée dans les trois actes de caution en ce qu'elle ne prévoit pas une durée d'engagement déterminée ne répond pas aux exigences des dispositions de l'article L. 341-2 du Code de la consommation.
En définitive, il ressort de ces deux arrêts que la mention manuscrite doit contenir (i) elle-même la durée de l'engagement qui doit être (ii) précise et déterminée.
En imposant, dans la mention manuscrite de la caution personne physique envers un créancier professionnel, une durée de l'engagement, le législateur de 2003 (2) a, semble-t-il, évacuer la possibilité des cautionnements à durée illimitée. On rappellera que le "droit commun" du cautionnement autorise de tels engagements, dès lors que la caution a la possibilité de révoquer unilatéralement le cautionnement à durée indéterminée. Ainsi la clause qui tend à priver d'effet l'exercice par la caution d'une telle faculté est nulle, mais, ne pouvant recevoir application, elle n'est pas pour autant de nature à affecter la validité du cautionnement (3). Il en va donc différemment pour les cautionnements soumis au Code de la consommation dont la mention doit préciser la durée de l'engagement de caution.
Depuis quelques années, la Cour de cassation fait preuve de moins de rigorisme en admettant que la mention apposée par la caution puisse diverger quelque peu du modèle imposé par les articles L. 341-2 et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7, mention manuscrite spécifique au cautionnement solidaire) du Code de la consommation dès lors que les omissions ou substitutions constituent de simples erreurs matérielles et n'affectent pas la portée des mentions manuscrites conformes pour le surplus aux dispositions légales. Ainsi, par exemple, ni l'omission d'un point, ni la substitution d'une virgule à un point entre la formule caractérisant l'engagement de caution et celle relative à la solidarité, ni l'apposition d'une minuscule au lieu d'une majuscule au début de la seconde de ces formules, n'affectent la portée des mentions manuscrites (4). Il a encore été jugé que l'évocation du caractère "personnel et solidaire" du cautionnement, d'une part, la substitution du terme "banque" à ceux de "prêteur" et de "créancier", d'autre part, n'affectent ni le sens, ni la portée des mentions manuscrites prescrites (5).
Il importe, par conséquent, que les altérations de la mention manuscrite ne puissent remettre en question la pleine connaissance qu'a la caution de la portée de son engagement. Or, la durée du cautionnement est assurément, comme le relève la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté du 9 juillet 2015, un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement. Ainsi, pour s'assurer qu'elle a pleinement connaissance de cette durée, celle-ci doit être expressément portée dans la mention manuscrite, sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses de l'acte. Ajoutons que, lorsqu'il existe une contradiction sur la durée de l'engagement entre la mention manuscrite et les clauses du contrat, la première l'emportera, et ce, même si la durée du cautionnement indiquée dans la mention manuscrite est moins favorable à la caution que celle portée dans l'acte. La Cour de cassation a jugé, en effet, que le formalisme imposé par l'article L. 341-2 du Code de la consommation vise à assurer l'information complète de la caution quant à la portée de son engagement et que les mentions manuscrites conformes à ce formalisme l'emportent nécessairement sur les clauses imprimées de l'acte de caution, de sorte que la mention portée de la main de la caution dans l'acte litigieux exprime, sans équivoque, son engagement de se rendre caution pour une durée de trois ans et qu'il n'y a pas lieu d'interpréter cette mention au regard de la clause stipulant un engagement d'une durée d'un an (6). C'est donc sans surprise que la Cour de cassation annule, dans l'arrêt rapporté du 9 juillet 2015, l'engagement de caution dont la mention manuscrite indique une durée correspondante à "l'opération garantie + deux ans".
Si la durée de l'engagement doit être portée clairement dans la mention manuscrite, cette durée doit aussi être précise. Or, tel n'est pas le cas des indications de "durée" portées par la caution dans le second arrêt rapporté, rendu par la cour d'appel de Paris le 3 juillet 2015. En effet, il est prévu, dans les trois actes de caution une alternative entre le 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d'accord entre le créancier et le débiteur principal. Ceci ne permet donc pas à la caution de connaître au moment de son engagement la date limite de celui-ci. En outre, la durée des cautionnements est susceptible de dépendre de la volonté commune du débiteur et du créancier et non d'une date précise comme l'exige l'article L. 341-2 du Code de la consommation. La nullité du cautionnement est là aussi prononcée sans surprise.
Enfin, lorsqu'elle n'indique pas la durée d'engagement comme cela est prévu par l'article L. 341-2 du Code de la consommation ("pour la durée de..."), mais comporte bien la date d'échéance du cautionnement, l'imperfection de la mention manuscrite requise ad validitatem par les textes ne doit pas, à notre sens, entraîner la nullité de l'acte. La cour d'appel de Lyon en a bien jugé ainsi et nous ne pouvons que souscrire à cette solution dans la mesure où la caution a parfaitement conscience de la durée de l'engagement qu'elle prenait, et l'imperfection de forme n'affectait, ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite puisque la date butoir donne la limite dans le temps de l'engagement, sans équivoque (7).
(1) CA Montpellier, 25 mars 2014, n° 13/00251 (N° Lexbase : A8193MHW).
(2) Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 (N° Lexbase : L3557BLC), dite loi "Dutreil".
(3) Cass. civ. 1, 7 mars 2006, n° 04-12.914, FS-P+B (N° Lexbase : A4967DNB).
(4) Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n° 12-19.094, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1490KLR), G. Piette, Mentions manuscrites dans le cautionnement : la Cour de cassation tiraillée entre pointillisme et pragmatisme, Lexbase Hebdo n° 354 du 10 octobre 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N8835BTE).
(5) Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, F-P+B+I (N° Lexbase : A0814KC7), D., 2013, p. 1460, note J. Lasserre-Capdeville et G. Piette.
(6) Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-18.118, F-D (N° Lexbase : A2204MR3).
(7) CA Lyon, 2 avril 2015, n° 13/06706 (N° Lexbase : A9084NE8).
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