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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 23 Juillet 2015
La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU), a instauré la convention de procédure participative, qui constituait l'une des propositions de la Commission "Guinchard". Ce nouveau dispositif, codifié aux articles 2062 (N° Lexbase : L9826INA) et suivants du Code civil, s'analyse en un véritable mode alternatif de résolution des litiges, formalisé par une convention signée entre les parties, obligatoirement assistées de leurs avocats.
Champs d'application. Selon les dispositions de l'article 2062 du Code civil, "la convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. Cette convention est conclue pour une durée déterminée". Si l'article 2062 du Code civil est rédigé en des termes généraux, la loi a néanmoins exclu certaines matières du champ de la procédure participative. Il résulte ainsi de l'article 2064 du Code civil (N° Lexbase : L9824IN8) que la convention de procédure participative doit porter sur les droits dont la personne a la libre disposition.
Par exception, l'article 2067 du Code civil (N° Lexbase : L9821IN3) prévoit qu'une convention de procédure participative peut être conclue par des époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps. Par ailleurs, la convention de procédure participative est réservée aux litiges civils et commerciaux, à l'exclusion de ceux qui surviennent à l'occasion des relations individuelles du travail.
L'article 2064, alinéa 2, du Code civil dispose ainsi qu'aucune convention "ne peut être conclue à l'effet de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient".
L'exclusion des litiges individuels du travail du champ de la procédure participative peut s'expliquer au moins à deux titres. D'une part, les parties au procès prud'homal peuvent être assistées par d'autres personnes que les avocats (salariés ou employeurs appartenant à la même branche d'activité, délégués des organisations d'employeurs et de salariés, conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin). Or, la procédure participative requiert nécessairement l'assistance d'un avocat.
D'autre part, la procédure prud'homale implique une audience de conciliation et la procédure participative semblait donc, d'une certaine manière, faire double emploi avec ce préalable obligatoire de conciliation.
A la différence d'une transaction, la convention de procédure participative n'a pas pour objet de régler immédiatement un différend mais constitue plutôt une sorte d'accord de méthode, aux termes duquel les parties organisent les modalités de résolution amiable de leur différend.
Une des principales originalités du dispositif consiste dans le rôle confié par la loi aux avocats, lesquels disposent en la matière d'un monopole d'assistance des parties.
En ce sens, l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), dispose que : "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le Code civil".
Durée. La convention de procédure participative est nécessairement à durée déterminée (C. civ., art. 2062) et doit être, à peine de nullité, contenue dans un écrit précisant :
- son terme ;
- l'objet du différend ;
- les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ;
- les modalités de l'échange de ces pièces et informations.
La convention doit, outre les éléments précités, comprendre les noms, prénoms et adresses des parties et de leurs avocats.
S'il y a recours à un technicien (C. pr. civ., art. 1547 N° Lexbase : L8362IR7 à 1554), il doit être choisi d'un commun accord et rémunéré par les parties.
Avant de l'accepter, le technicien doit révéler toutes circonstances susceptibles d'affecter son indépendance pour que les parties en tirent toutes conséquences utiles. Il commence les opérations, dès qu'il y a accord sur les conditions du contrat et les exécute avec conscience, diligence, impartialité dans le respect du contradictoire. Tout tiers accepté par l'ensemble des parties et le technicien peut intervenir aux opérations ; le technicien informe le tiers qu'elles lui sont opposables. Le technicien ne peut être révoqué que par le consentement unanime des parties.
Si l'inertie d'une partie empêche le technicien de mener à bien sa mission, il doit convoquer l'ensemble des parties en indiquant les diligences nécessaires. Si la partie ne défère pas, il continue sa mission à partir des éléments dont il dispose.
La procédure participative conventionnelle s'éteint par l'arrivée du terme de la convention, par la résiliation anticipée et par écrit de la convention, par la conclusion d'un accord mettant fin en totalité au différend, par l'établissement d'un acte constatant la persistance de tout ou partie d'un différend.
Effets. La signature d'une convention de procédure participative emporte des effets légaux, destinés tant à garantir l'application de la convention qu'à préserver les droits des parties.
Sur le premier point, l'article 2065 du Code civil (N° Lexbase : L9823IN7) dispose que "tant qu'elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour qu'il statue sur le litige".
Cette disposition a pour objet de donner toute sa portée à la convention, en contraignant les parties, assistées de leurs avocats, à en assurer l'application.
Ce n'est qu'en cas d'inexécution de la convention par l'une des parties que l'autre pourra saisir le juge pour qu'il statue sur le litige (C. civ., art. 2065, al. 2).
Afin de limiter les incertitudes entourant la notion "d'inexécution de la convention", les parties doivent délimiter précisément l'objet et les obligations de la convention de procédure participative.
Sur le second point, la loi a modifié l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L9827INB) relatif à la prescription, dont l'alinéa 1er a été complété par la phrase suivante : "la prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative".
Ainsi, en signant une convention de procédure participative, les parties ne courront pas le risque de se voir objecter la prescription, surtout si les négociations prennent du temps.
Précisons que le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois (C. civ., art. 2238, al. 2).
Les droits des parties sont également préservés en ce que la signature de la convention ne fait pas obstacle, en cas d'urgence, à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties (C. civ., art. 2065, al. 2).
Issue. Il résulte de l'article 2066 du Code civil (N° Lexbase : L9822IN4) que les parties qui, au terme de la convention de procédure participative, parviendront à un accord réglant en tout ou partie leur différend pourront soumettre cet accord à l'homologation du juge.
A l'exception des procédures de divorce et de séparation des corps qui doivent suivre ensuite la procédure traditionnelle, il y a deux possibilités de saisir un juge à l'issue de la procédure qui peuvent se combiner :
- l'homologation d'un accord mettant fin à l'entier différend ou de l'accord partiel ;
- la procédure de jugement pour statuer sur la partie du litige persistant ou sur l'entier litige persistant avec des dispositions communes.
L'homologation. La convention de procédure participative doit être annexée sous peine d'irrecevabilité à la requête de la partie la plus diligente ou de l'ensemble des parties. Si l'accord concerne un mineur capable de discernement (modalités de l'exercice de l'autorité parentale), la requête doit mentionner les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat.
Pour l'homologation, le juge compétent est celui du contentieux de la matière considérée.
Il statue sans débat à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties. En cas de refus d'homologation, la décision est susceptible d'appel selon la procédure gracieuse.
La procédure de jugement du différend persistant. Le différend persistant peut être résiduel ou entier. Si le différend est résiduel, la requête conjointe devra comprendre : les points faisant l'objet d'un accord entre les parties ; les prétentions respectives des parties sur les points de désaccord avec moyens de fait et de droit sur chacune des prétentions avec l'indication des pièces invoquées pour chaque prétention ; la convention de procédure participative ; les pièces visées à l'article 2063 du Code civil et celles échangées en cours de procédure conventionnelle ; et le rapport du technicien.
Si le différend est entier, le juge peut en connaître de quatre façons :
- la procédure de droit commun ;
- la procédure de saisine accélérée devant une audience de jugement (pas de tentative obligatoire de médiation, conciliation et de mise en état sauf exceptions de l'article 1561 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1478I8A) ;
- la procédure de requête conjointe du différend résiduel ;
- la procédure sur requête unilatérale.
II - La procédure participative et l'avocat
Le développement des modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) est un enjeu majeur de la justice du XXIème siècle et un marché émergent que les avocats doivent pleinement embrasser.
La procédure participative permet de contribuer à un objectif d'intérêt général : le redressement des finances publiques. De plus, l'amiable correspond, ainsi que le rappelle le Professeur Natalie Fricero, "à un besoin du corps social" et les avocats doivent répondre à ces aspirations.
Alors, quels sont les avantages pour les avocats de maîtriser cette procédure participative ?
Natalie Fricero en relève quatre.
La maîtrise du temps. La procédure participative permet de maîtriser le temps du déroulement des opérations, à la différence du temps judiciaire. La convention prévoit un terme et pendant sa durée sont suspendues prescription, irrecevabilité et, depuis le 11 mars 2015 (décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends N° Lexbase : L1333I8U), l'assignation. En effet, si la remise de la copie de l'assignation au greffe doit être faite dans les quatre mois de celle-ci, faute de quoi celle-ci serait caduque, le décret prévoit, toutefois, le cas particulier d'une convention de procédure participative qui aurait été conclue avant l'expiration de ce délai. Dans ce cas spécifique, le délai de quatre mois est suspendu jusqu'à l'extinction de la procédure conventionnelle (C. proc. civ., art. 757 N° Lexbase : L1468I8U).
La maîtrise de l'objet. Lors de la procédure participative les avocats ont une maîtrise conjointe de l'objet du litige. La solution peut être innovante et "ajuridique" parfois. En effet, à la différence d'un juge qui va appliquer les textes, les avocats de la procédure participative peuvent étendre leur champ d'action. L'avocat devra donc avoir un long entretien avec son client afin d'être le plus exhaustif possible sur l'objet du litige, puisque la suspension de la prescription est en corrélation avec cet objet.
La maîtrise de la mise en état du dossier. Avec la procédure participative ce sont les parties et leurs avocats qui font la mise en état conventionnelle du dossier. En effet, contrairement à d'autres modes amiables, le processus participatif est très structuré et peut donner lieu à une passerelle simplifiée vers le juge compétent en cas d'accord partiel ou de différend persistant. Dans ces deux cas l'objectif du législateur a été d'ouvrir un accès facilité vers le juge qui prenne en compte cette procédure participative. Cela se traduit, d'une part, par l'absence de mise en état (elle a déjà été conventionnellement réalisée) et, d'autre part, par des modalités procédurales simplifiées.
La rédaction de l'accord. L'accord de procédure participative revêt la forme d'un acte sous seing privé qui peut être contresigné par un avocat. L'acte d'avocat vaut présomption d'information. Cet acte sera dématérialisé et archivé. Il aura une force obligatoire s'il est homologué par un juge.
III - Les formations proposées par le CNB
Le Conseil national des barreaux va proposer dès le mois d'octobre 2015 un module de formation de dix-huit heures qui se déroulera sur deux jours (vendredi 2 et samedi 3 octobre 2015).
La première journée sera consacrée à la formation théorique, cette formation se déroulera en séance plénière dans l'auditorium du CNB.
Le Président Pascal Eydoux et le Bâtonnier Elizabeth Menesguen ouvriront la journée, la matinée sera consacrée à deux tables rondes portant respectivement sur les outils de négociation et la technique de la procédure participative. L'après-midi sera consacrée à la technique de l'écoute active puis à la négociation raisonnée.
Interviendront à ce module Hélène Poivey-Leclerq, Elodie Mulon et Carine Denoit-Benteux, toutes deux membres de la Commission formation, Madame le Professeur Natalie Fricero, Monsieur Fabrice Vert et Madame Isabelle Rohart-Messager, tous deux magistrats.
La seconde journée sera en revanche résolument pratique. Des ateliers de 15 à 20 personnes seront mis en place. Au programme : jeux de rôle, mises en situation et cas pratiques. Ces ateliers seront animés par des intervenants en binôme. Ce module sera reproduit au mois de novembre.
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