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N8528BUE
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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse
le 23 Juillet 2015
"Est-ce à dire que l'existence de questions doit nécessairement apparaître de façon explicite, avec inversion du verbe et du sujet et point d'interrogation ?" Avec cette interrogation formulée dans le commentaire d'un arrêt rendu le 12 juin 2014 (1) par la deuxième chambre civile, notre collègue Anne Pélissier résumait la précision que certains auteurs appelaient de leurs voeux après la décision adoptée par la chambre mixte le 7 février 2014 (2). Dans la mesure où il ne peut plus y avoir de nullité pour fausse déclaration intentionnelle sans production des questions, il est demandé que les assureurs aient au moins la possibilité de démontrer l'existence de ces questions par un autre moyen que la production d'un questionnaire écrit. Il semble que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s'oriente vers cette voie. Il reste à savoir si la Chambre criminelle est prête à suivre le même chemin.
De l'arrêt cité en exergue il faut rapprocher un arrêt rendu le même jour selon lequel, en décidant que la déclaration faite lors de la souscription du contrat constitue une fausse déclaration intentionnelle justifiant le prononcé de la nullité de celui-ci "sans relever que l'inexactitude de cette déclaration procédait d'une réponse à une question précise posée par l'assureur lors de la conclusion du contrat de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" (3).
Dans la première affaire, une personne assure son véhicule automobile. A cette occasion, elle remplit une demande d'adhésion très détaillée : "la 'demande d'adhésion automobile' versée aux débats mentionne notamment à la rubrique 'conducteur principal et expérience assurance' : 'Le conducteur principal du véhicule est Mme X Angèle née le 17 juillet 1971 dont l'activité professionnelle est 'salarié', date du permis 12/1990, il n'a jamais été assuré comme conducteur secondaire à Pacifica, il a été assuré dix-huit mois au cours des dix-huit mois écoulés, le coefficient de réduction majoration était de 0,50 depuis le 1/2008 pour le véhicule immatriculé, il a un CRM de 0,50 depuis le 1/2004, au cours des trois dernières années il a eu zéro sinistre, au cours des trois dernières années il n'a pas fait l'objet d'une suspension de permis de plus de deux mois, d'une condamnation pour état d'ivresse, il n'a pas eu de sinistre en état d'ivresse, et n'a pas été résilié par son assureur précédent Pacifica".
Les éléments de l'arrêt d'appel sont reproduits afin de souligner à quel point les informations reproduites sont précises et ne procèdent pas d'une formule stéréotypée. A l'occasion d'un sinistre, il apparaît à l'assureur qu'en cours de contrat le compagnon de l'assurée est devenu conducteur habituel du véhicule. Il a des antécédents judiciaires de conduite en état d'ivresse. Pour l'assureur il s'agit là d'une aggravation du risque non déclarée qui justifie la nullité du contrat. Les juges du fond prononcent celle-ci et le pourvoi contre cette décision est rejeté. L'arrêt de la Cour de cassation est d'ailleurs l'occasion de rappeler que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'une aggravation (4), comme d'ailleurs l'existence de la mauvaise foi de l'assuré. Le fait que le litige porte sur une aggravation ne change pas fondamentalement les données du débat. L'obligation de déclaration de l'assuré a, en la matière, pour fondement un changement qui modifie les réponses apportées aux questions posées lors de la souscription. On en revient ainsi au système question/réponse.
Dans la deuxième espèce évoquée, une personne assure une caravane. Le contrat mentionne un usage à titre d'agrément et pour une habitation semi-permanente. A l'occasion d'un sinistre, il apparaît que le compagnon de l'assurée utilisait la caravane à l'occasion de déplacements professionnels. La nullité du contrat est demandée par l'assureur. La décision des juges du fond qui prononce cette nullité est cassée par la Cour de cassation.
Ces deux arrêts conduisent à apprécier différemment l'attendu de principe, dans sa proposition finale, adopté depuis l'arrêt des chambres mixtes : "l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions". Alors que l'on pouvait y voir le rejet de tout autre support que le questionnaire, que le Code des assurances ne propose que comme possibilité (5), certains souhaitent la consécration d'une solution plus subtile. Il faudrait distinguer, parmi les conditions du contrat portant des informations sur l'assuré entre les formules stéréotypées et les indications personnelles. Les premières n'induiraient aucune question alors que les secondes si.
Les décisions évoquées semblent consacrer cette position. La première de façon plus franche que la deuxième notamment dans l'affirmation reproduite en présentation du commentaire. Cette solution a le mérite d'apporter un peu d'assouplissement à une position qui a pu paraître excessive. Il est important de souligner qu'elle comporte deux défauts. Elle fait rebondir une controverse que l'on pouvait croire éteinte, entretenant un intérêt à produire en justice les documents contractuels comportant des informations relatives à l'assuré. Par ailleurs, et surtout, elle ouvre le champ d'un contentieux d'un nouveau genre où les juges du fond devront rechercher si les informations reproduites dans les documents contractuels permettent de déduire l'existence de questions.
Le deuxième arrêt évoqué rappelle à cet égard qu'il ne suffit pas de démontrer que l'information tronquée est une réponse à une question. Il faut encore démontrer que cette question a les qualités requises. Il découle de l'interprétation de l'article L. 112-3, alinéa 4, du Code des assurances (N° Lexbase : L9858HET), qu'elle doit être suffisamment claire, précise, qu'elle aurait dû conduire l'assuré à déclarer l'information dissimulée (6). Cela fait beaucoup d'éléments à déduire de réponses même personnalisées. En l'occurrence, dans cette espèce, la question est écrite et résulte de la simple présence du mot "usage" qui ouvre une rubrique que l'assuré doit renseigner en choisissant parmi deux possibilités. La Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si l'inexactitude de la déclaration procédait ou non d'une réponse à une question précise. Au fond, ils auraient dû s'interroger sur le degré d'élaboration des mécanismes d'information sur le risque pris en charge.
Ces considérations conduisent à se demander si autoriser la démonstration de questions implicites ne revient pas à se perdre dans un contentieux factuel sans fin. Puisque l'article L. 113-2 du Code assurances (N° Lexbase : L0061AAI) insiste sur le recours au questionnaire, sans l'imposer, il indique peut être une voie plus simple. Les moyens techniques offrent différentes possibilités de recourir à l'écrit afin de soumettre l'assuré à un questionnement facile à prouver et conforme aux exigences jurisprudentielles. Sa mauvaise foi en sera d'autant plus facile à établir.
Si la solution ne peut évidemment être envisagée pour les déclarations antérieures pour lesquelles la position jurisprudentielle commentée est bienvenue, elle paraît la plus sûre pour le présent.
Pour éviter de s'interroger sans fin sur l'existence des questions...
II - Vie du contrat
Le présent arrêt, auquel nous rapprocherons deux autres décisions, met en oeuvre le dispositif organisé par les articles L. 132-5-1 (N° Lexbase : L4969I3G) et L. 132-5-2 (N° Lexbase : L4302I7H) du Code des assurances qui lient deux prérogatives du consommateur d'assurances sur la vie et de capitalisation : un droit de renonciation (L. 132-5-1) et un droit d'être informé sur le contenu du contrat (L. 132-5-2). En cas de non-respect du droit à l'information, le droit de renonciation est prorogé jusqu'à l'accomplissement des diligences dans la limite de huit années. Autant dire, ce que démontre le présent arrêt, que la rédaction défectueuse de la notice d'information a des conséquences lourdes.
L'article A. 132-8, 5°, du Code des assurances (N° Lexbase : L1795IRW) impose que l'encadré figurant dans la proposition d'assurance, qui vaut note d'information, mentionne notamment les frais en montant ou pourcentage. La Cour de cassation estime, avec les juges du fond, que la formulation de ces frais en "points", pour le contrat objet du litige, ne satisfait pas aux exigences du texte. De fait, elle ne permet pas de se faire une idée exacte du coût réel de ceux-ci car la mention des "points" est assez théorique. L'assuré peut donc renoncer en 2010 à un contrat souscrit en 2006. On sait que les souscripteurs bien renseignés sur les dispositions du droit de la consommation n'hésitent pas à user de cette prorogation.
Une récente intervention législative en a limité l'usage en exigeant qu'elle soit exercée par un souscripteur de bonne foi (loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 N° Lexbase : L3994I73) (7). Un arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mai 2015 vient apporter des précisions sur l'application dans le temps de cette disposition en décidant que "ces dispositions nouvelles, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2015, ne sauraient être appliquées à l'exercice d'une faculté de renonciation adressée le 29 septembre 2011 à l'assureur conformément aux dispositions de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances alors applicables en l'espèce" (CA Paris, Pôle 2, 5ème ch., 5 mai 2015, n° 11/15947 N° Lexbase : A9036NH7). La solution s'imposait. La nouvelle disposition ne peut s'appliquer à une renonciation exercée antérieurement à son entrée en vigueur et qui vient en limiter l'exercice ! Il est d'ailleurs admis qu'elle ne s'applique qu'aux contrats conclus postérieurement à celle-ci (8).
Un troisième arrêt permet d'éprouver la solidité du dispositif consistant à lier droit de renonciation et droit à l'information. Dans une décision de la deuxième chambre civile du 21 mai 2015, la Cour de cassation estime que l'ensemble est conforme au droit de l'Union européenne (9). La solution n'est pas nouvelle (10). La conformité à la Constitution ne paraît pas faire de doute : la Cour de cassation a eu l'occasion de rejeter une QPC critiquant ce dispositif (11).
La prorogation du droit de renonciation est un moyen pour pousser l'assureur à exécuter correctement son devoir d'information, l'exigence de bonne foi permet d'éviter que les souscripteurs n'en abusent. L'ensemble apparaît équilibré.
(1) RGDA, 2014, 443.
(2) Cass. mixte, 7 février 2014, n° 12-85.107, P+B+R+I ([LXB=A9169MDXJ]). J. Kullmann et L. Mayaux, Déclaration pré-rédigée des risques : deux voix pour un arrêt, RGDA, 2014, 196.
(3) Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-14.336, FS-P+B (N° Lexbase : A8980NKS).
(4) V. aussi, Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-20.161, F-D (N° Lexbase : A8962NK7).
(5) "[...] notamment dans le formulaire de déclaration du risque, [...]" : C. assur., art. L. 113-2, 2°.
(6) Pour un rappel de ces qualités v. obs. sous : Cass. civ. 2, 18 mars 2014, n° 12-87.195, F-P+B+I (N° Lexbase : A0745MH3), et nos obs., Chronique de droit des assurances - Mai 2014, Lexbase Hebdo n° 571 du 22 mai 2014 - édition privée (N° Lexbase : N2230BU7).
(7) J. Bessermann, Prise en compte de la bonne foi dans l'exercice du droit de renonciation, Lexbase Hebdo n° 598 du 22 janvier 2015 - édition privée (N° Lexbase : N5586BUG). Ph. Pierre, La modification du régime de la renonciation du preneur d'assurance sur la vie, RCA, 2015, étude 4.
(8) J. Bessermann, précité ; Ph. Pierre, précité.
(9) Cass. civ. 2, 21 mai 2015, n° 14-18.350, F-D (N° Lexbase : A5441NID) (rendu relativement à un état du droit antérieur).
(10) Cass. civ. 2, 7 mars 2006, n° 05-10.366, FS-P+B (N° Lexbase : A5091DNU), Bull. civ. II, n° 63 ; JCP éd. G, 2006, II, 10056, obs. F. Descorps Declère ; Cass. civ. 2, 9 juillet 2009, n° 08-18.730, FS-P+B (N° Lexbase : A7480EIU), Bull. civ. II, n° 189.
(11) Cass. QPC, 13 janvier 2011, n° 10-16.184, F-D (N° Lexbase : A1512GQ3), RCA, 2011, comm. 123.
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