Selon le principe de la concentration des moyens, le demandeur ne peut, dans une deuxième demande, invoquer un moyen qu'il n'avait pas soulevé dans le cadre de sa première demande. Toutefois, cette condition est impossible à remplir lorsque le fondement juridique de la deuxième demande repose sur un revirement de jurisprudence postérieur à la première demande. Aussi, le demandeur ne saurait prétendre avoir été privé du droit protégé par l'article 1 du Protocole n° 1 (
N° Lexbase : L1625AZ9) en raison du refus de lui accorder le bénéfice d'une nouvelle jurisprudence dont il n'a pas sollicité l'application. Telle est la solution retenue par la CEDH dans un arrêt du 9 avril 2015 (CEDH, 9 avril 2015, Req. 12686/10
N° Lexbase : A2538NG4). En l'espèce, la grand-mère de M. B. était propriétaire d'une maison dont les époux V. étaient les gardiens salariés et y demeuraient à titre gracieux leur vie durant. Après le décès de sa mère qui en avait hérité, M. B. et son père devinrent respectivement nu-propriétaire et usufruitier de la maison. Souhaitant y loger son fils, M. B. et son père décidèrent de mettre un terme au prêt à usage dont bénéficiaient les époux V. Ceux-ci ayant refusé de quitter les lieux, M. B. et son père les assignèrent en justice. Le tribunal de grande instance de Lisieux fit droit à leur demande mais la cour d'appel infirma ce jugement. Estimant que cet arrêt était conforme aux principes qui se dégageaient de la jurisprudence de la Cour de cassation, M. B. et son père décidèrent de ne pas se pourvoir devant cette juridiction. Par la suite, la Cour de cassation, faisant évoluer sa jurisprudence, décida qu'un prêt à usage à durée indéterminée pouvait être résilié à tout moment. C'est alors que M. B. et son père assignèrent de nouveau les époux V. devant le TGI en demandant la résiliation du prêt à usage pour défaut d'entretien par les occupants et leur expulsion. Le TGI ainsi que la cour d'appel les déboutèrent de leur demande ; la cour d'appel retenant notamment que, si une expertise révéla un défaut d'entretien imputable aux occupants, ce défaut ne présentait aucune nouveauté depuis la dernière décision. M. B. saisit la Cour de cassation qui rejeta son pourvoi au motif notamment qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Devant la CEDH, il a argué de ce que l'on ait appliqué à sa demande le principe de la concentration des moyens et il se trouve dans l'impossibilité de mettre un terme au prêt à usage à durée indéterminée, dont l'immeuble lui appartenant est l'objet depuis plus de cinquante ans, et de récupérer son bien. A tort, selon la CEDH qui rejette sa requête et ne retient aucune violation des articles 6 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR) et 1er du Protocole n° 1 (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E4639EUD).
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