La lettre juridique n°609 du 16 avril 2015 : Assurances

[Chronique] Chronique de droit des assurances - avril 2015

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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse

le 16 Avril 2015

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver la chronique mensuelle de droit des assurances de Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse. Trois arrêts ont retenu l'attention de l'auteur. Le premier, rendu le 5 février 2015 par la Cour de cassation, énonce que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions (Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 13-28.538, F-D) ; le deuxième, rendu à la même date par la même formation, retient que la responsabilité de l'assureur ne peut être recherchée dès lors qu'il avait satisfait à son obligation d'information et de conseil en tenant compte de la situation personnelle de son assuré (Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 13-28.468, F-D). Enfin, le dernier arrêt retenu par l'auteur, rendu par la cour d'appel de Bordeaux, le 23 mars 2015, rappelle que le contrat d'assurance de groupe souscrit, qui n'était pas exclusivement un contrat d'assurance vie dans la mesure où d'autres risques étaient garantis, peut être résilié à l'expiration du délai d'un an (CA Bordeaux, 23 mars 2015, n° 13/07023). I - Déclaration des risques
  • L'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions (Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 13-28.538, F-D N° Lexbase : A2387NBZ)

Rien n'y fait ! Malgré les efforts déployés par les juges du fond (1) pour démontrer que l'assuré était, en l'espèce, particulièrement de mauvaise foi, la Cour de cassation estime qu'en l'absence de la production des questions posées à l'assuré, les déclarations qu'il a pu faire, d'où ressort clairement un mensonge, ne suffisent pas à obtenir la nullité du contrat sur le fondement de l'article L. 113-8 du Code des assurances (N° Lexbase : L0064AAM).

En l'espèce, l'assuré/conducteur dissimule une suspension du permis de conduire prononcée quelques jours avant la souscription du contrat. Dans les conditions particulières du contrat l'intéressé "a non seulement déclaré ne pas avoir fait l'objet au cours des trente-six derniers mois de sanctions pour des faits en relation avec la conduite d'un véhicule automobile, mais a également certifié l'exactitude de ses déclarations au visa des articles L. 113-8 et L. 113-9 (N° Lexbase : L0065AAN) du Code des assurances, en apposant sa signature précédée de la mention 'lu et approuvé'". Ces éléments sont soumis à l'appréciation du juge par l'assureur au soutien de sa demande en nullité du contrat. On le sait, depuis l'arrêt rendu en chambre mixte le 7 février 2014 (2), l'assureur doit produire les questions qui ont conduit aux réponses mensongères pour espérer obtenir cette sanction.

Le domaine des assurances automobiles est celui où la solution jurisprudentielle est la plus choquante dans la mesure où l'assuré connait la portée de son mensonge sans que l'assureur ait besoin de lui indiquer les éléments déterminants de son opinion sur le risque et de les formuler sous forme de questions !

On se consolera en se disant que, pour d'autres formes d'assurance, cette position ne protège pas que des personnes de mauvaise foi...

II - Information et conseil

  • La cour d'appel a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve, que l'assureur, qui n'était pas intervenu dans les choix de restructuration du patrimoine de Mme X, avait satisfait à son obligation d'information et de conseil en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressée (Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 13-28.468, F-D N° Lexbase : A2484NBM)

En l'espèce l'assurée se plaint qu'une partie de son patrimoine, anciennement constitué de biens immobiliers et investi dans des contrats d'assurance vie, a perdu de sa valeur. Au fond, elle regrette de ne pas avoir pu profiter de la santé du marché immobilier pendant la période considérée ! Elle recherche donc la responsabilité de l'assureur pour manquement à son obligation d'information et son devoir de conseil.

Sa demande est rejetée. Pour confirmer la solution des juges du fond, la Cour de cassation considère que les juges du fond ont pu constater que l'assureur avait tenu compte de la situation personnelle de l'intéressée. C'est l'élément d'appréciation qu'elle rappelle régulièrement dans ses décisions (3). L'exécution de ce devoir de conseil se fait cependant en restant dans le périmètre de l'opération d'assurance. En l'occurrence, et à moins qu'il n'ait accepté cette charge, l'assureur ne devient pas conseil en restructuration de patrimoine. De façon générale, la jurisprudence considère qu'il n'est censé conseiller l'assuré sur les éléments excédant le cadre de l'opération d'assurance (4).

Dans le domaine de l'assurance vie et des opérations de capitalisation, le Code des assurances s'est fait plus précis sur le devoir de conseil de l'assureur à l'occasion de la réforme opérée par l'ordonnance du 30 janvier 2009 (N° Lexbase : L6938ICX). L'article L. 132-27-1 (N° Lexbase : L7088ICI) indique les diligences à opérer par l'assureur en la matière.

On peut rapprocher le présent arrêt d'un autre rendu le même jour. Il illustre l'idée que le devoir de conseil se poursuit pendant la vie du contrat. Cela n'implique pas cependant que l'assureur doive effectuer un contrôle des installations des voisins de l'assuré pour vérifier que les garanties de son client sont toujours adaptées (5) !

III - Vie du contrat

  • Le contrat d'assurance de groupe souscrit, qui n'était pas exclusivement un contrat d'assurance vie dans la mesure où d'autres risques étaient garantis, pouvait être résilié à l'expiration du délai d'un an prévu à l'article L. 113-12 du Code des assurances (CA Bordeaux, 23 mars 2015, n° 13/07023 N° Lexbase : A1348NEN)

Le contentieux de la résiliation du contrat est certainement moins dense que celui de la nullité, pourtant sont régulièrement rendues des décisions qui montrent les enjeux de la question. Deux décisions rendues récemment attirent l'attention.

La première précision vient d'un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 23 mars 2015. La cour fait droit à la demande d'un assuré qui affirme que la faculté de résiliation annuelle prévue à l'article L. 113-12 du Code des assurances (N° Lexbase : L0070AAT) est applicable à l'assurance emprunteur.

"Il convient de constater que le contrat d'assurance de groupe souscrit par Madame [...], qui n'était pas exclusivement un contrat d'assurance vie dans la mesure où d'autres risques étaient garantis, pouvait être résilié par elle à l'expiration du délai d'un an prévu à l'article L. 113-12 du Code des assurances et qu'elle a donc valablement résilié le contrat en cause par courrier du 24 octobre 2012, avec effet au 31 décembre 2012".

Cet arrêt pose clairement la question du domaine d'application de l'article L. 113-12. Il est rappelé que le texte est d'ordre public et c'est incontestable. Il s'applique donc aux contrats d'assurances qui entrent dans son domaine quelle que soit la façon dont ils sont souscrits. Toute la question est donc de déterminer ce domaine. On rappellera que l'article prévoit deux dérogations (assurances individuelles maladie et risques autres que particulier) et une exclusion.

L'article L. 113-12 exclut son application aux assurances sur la vie auxquelles on pourrait, au premier abord, rattacher l'assurance emprunteur. La cour d'appel souligne cependant la spécificité des assurances emprunteur qui couvrent des risques vie et non vie. A bien y regarder, cette décision n'est pas originale, elle s'inscrit dans le fil d'un arrêt de la Cour de cassation qui avait considéré qu'une assurance emprunteur pouvait être résiliée en application de l'article L. 113-12 du Code des assurances (Cass. civ. 1, 7 juillet 1987, n° 85-14.605 N° Lexbase : A7696AG7, RGAT, 1988, 138, note J. Bigot). La solution se trouve confortée par la loi du 17 mars 2014 (N° Lexbase : L7504IZX) qui fait expressément référence à l'utilisation de cette faculté dans l'article L. 312-9 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8596IZE) (6).

La justification de cette solution est simple. La partie des risques ne relevant pas de l'assurance vie ramène le contrat vers le droit commun des assurances. Pour effectuer ce retour au droit commun, la jurisprudence ne semble tenir aucun compte de l'importance respective des risques couverts dans le contrat. Cette considération ne produirait d'ailleurs aucun résultat probant pour les assurances emprunteur.

Cet arrêt contribue à donner une cohérence à la jurisprudence rendue en matière d'assurances mixtes. On rappellera en effet que la cour de cassation décide que l'article L. 113-3 (N° Lexbase : L0444IXQ) (sanctions du non-paiement des primes) est applicable à une assurance mixte (7) ce qui nécessite de respecter les formalités et les délais qu'il impose.

La décision de la cour d'appel de Bordeaux paraît donc parfaitement fondée, mais il faut cependant en envisager les conséquences au regard du contexte contractuel et légal dans lequel elle s'inscrit. D'abord, on pourrait se demander si cette solution ne vient pas vider de son intérêt la faculté de résilier l'assurance emprunteur dans les 12 mois suivants la signature de l'offre telle que la législateur l'a prévu et organisé dans la loi du 17 mars 2014. Cependant, depuis l'adoption de la loi, puisque la faculté de résiliation est évoquée par le Code de la consommation aux côtés de la résiliation annuelle, cela semble indiquer une volonté du législateur de voir les assurés accumuler les possibilités de rompre. Il en résulte que l'assurance emprunteur peut être remise en cause régulièrement dès la première année du contrat.

Cette perspective de remise en cause doit être prise en compte à un autre point de vue. L'assurance emprunteur s'inscrit dans un ensemble dans lequel elle est un élément rendu obligatoire par le prêteur pour couvrir des risques financiers sur une période qui peut être longue. De ce point de vue, résilier n'est pas substituer. L'article L. 312-9 du Code de la consommation indique : "Au-delà de la période de douze mois susmentionnée, le contrat de prêt peut prévoir une faculté de substitution du contrat d'assurance en cas d'exercice par l'emprunteur du droit de résiliation d'un contrat d'assurance de groupe ou individuel mentionné à l'article L. 113-12 du Code des assurances ou au premier alinéa de l'article L. 221-10 du Code de la mutualité. Dans ce cas, l'existence d'une faculté de substitution ainsi que ses modalités d'application sont définies dans le contrat de prêt. Toute décision de refus doit être motivée". Cela tend, à montrer que la substitution ne va pas de soi lorsque la résiliation intervient au-delà de la première année. Les promoteurs de cette loi ont clairement souhaité créer un droit de substitution dans les douze premiers mois du contrat et s'en remettre ensuite à la volonté des parties au contrat de prêt (8). C'est une mécanique bien différente de celle que consacre la cour d'appel. Elle estime en effet que le créancier ne peut refuser un nouveau contrat présentant des garanties équivalentes au précédent : la résiliation emporte, sous quelques réserves, substitution d'assurance. Evidemment, la solution, à la lumière des dispositions de la loi du 17 mars 2014, est plus incertaine. Sous l'empire de la loi nouvelle, la résiliation pourrait n'atteindre qu'une partie des effets. L'assuré/emprunteur se trouverait donc dans une situation périlleuse.

Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (9), vient rappeler l'existence d'une autre voie d'extension de la résiliation : il s'agit de la volonté commune des parties. Les parties peuvent évidemment recourir au mutuus dissensus notamment parce qu'elles veulent conclure un autre accord (10). Ce recours à la résiliation conventionnelle peut se faire de façon plus progressive... en l'espèce, un assuré avait fait connaitre à son assureur sa volonté de mettre fin au contrat d'assurance qui les liait en dehors des cas et des modalités permis de résiliation. L'assureur a cependant pris acte de la résiliation en renvoyant le solde de prime dû (ce point est vainement discuté par l'assuré). Un incendie survient peu de temps après. La Cour de cassation considère que les juges ont pu décider que le contrat était valablement résilié. Le sinistre ne sera donc pas pris en charge. Dans cette hypothèse, il faut souligner que la résiliation prend effet au moment où les parties s'accordent sur son principe. Aucune règle, aucun accord ne vient aménager sa prise d'effet.

Cet arrêt vient rappeler une position ancienne mais contestée (11) de la jurisprudence selon laquelle, lorsque l'assuré exerce irrégulièrement une faculté de résiliation, celle-ci dégénère en simple offre de résilier que l'assureur peut accepter ou non de façon tacite ou expresse (12). On trouve dans l'arrêt de 1998 une affirmation claire qui s'applique parfaitement à l'espèce : "Un contrat d'assurance peut être résilié à la demande de l'assuré, même si celui-ci n'a pas respecté les formes légales, dès lors que l'assureur a accepté cette offre de résiliation".

Cette hypothèse de résiliation pourrait se raréfier pour certaines catégories d'assurés car le décret du 29 décembre 2014 fait de la résiliation infra-annuelle la voiture balai des cas de résiliation : elle a vocation à jouer en cas de résiliation irrégulière quand ses conditions sont réunies (13). Il en résulte notamment des différences sur les conséquences de la résiliation qui sont organisées par la loi. En particulier, la résiliation ne prend effet qu'un mois après sa notification. C'est un élément important car, dans l'espèce invoquée, l'assuré a peut être maitrisé la relation contractuelle mais pas du tout la prise en charge des risques auxquels il était exposé.


(1) Déjà : Cass. civ. 2, 11 septembre 2014, n° 13-22.429, F-D (N° Lexbase : A4327MW8), et nos obs., Chronique de droit des assurances - octobre 2014, Lexbase Hebdo n° 587 du 16 octobre 2014 - édition privée (N° Lexbase : N4106BUM).
(2) Cass. mixte, 7 février 2014, n° 12-85.107, P+B+R+I (N° Lexbase : A9169MDX), et les obs. de F. Wamba, Vers un renforcement de la charge de la preuve de la fausse déclaration du souscripteur ?, Lexbase Hebdo n° 564 du 27 mars 2014 - édition privée (N° Lexbase : N1472BU3) ; RCA, 2014, comm. 99, note H. Groutel ; RGDA, 2014, 196, note J. Kullmann et L. Mayaux ; JCP éd. G, 2014, 419, note M. Asselain ; www.actuassurance.com, n° 35, obs. A. Astegiano-La Rizza.
(3) Cass. com., 8 avril 2008, n° 07-13.013, F-P+B (N° Lexbase : A8891D7G), Bull. civ. IV, n° 77 ; Cass. civ. 2, 7 juillet 2011, n° 10-16.267, F-D (N° Lexbase : A9753HUR) ; Cass. civ. 1, 4 juin 2014, n° 13-12.770, F-P+B+I (N° Lexbase : A6788MP4), Bull. civ. I, n° 98.
(4) Cass. civ. 2, 2 juin 2002, n° 99-14.765 (N° Lexbase : A0638AZN), Bull. civ. II, n° 178 ; Cass. civ. 2, 5 juillet 2006, n° 05-13.580, FS-P+B (N° Lexbase : A3757DQ9), Bull. civ. II, n° 183 ; cependant, Cass. civ. 2, 29 octobre 2014, n° 13-19.729, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2832MZW), nos obs., Chronique de droit des assurances - décembre 2014, Lexbase Hebdo n° 595 du 18 décembre 2014 - édition privée (N° Lexbase : N5083BUS) ; RGDA, 2015, 16, note J. Kullmann.
(5) Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 13-24.856, F-D (N° Lexbase : A2331NBX), RGDA, 2015, 134, note M. Asselain.
(6) A. Pélissier, La protection par la renonciation et la résiliation : le volet substantiel de la loi "Hamon", RGDA, 2014, p. 312.
(7) Cass. civ. 2, 4 octobre 2012, n° 11-19.431, FS-P+B (N° Lexbase : A9638IT7), RGDA, 2012, 139, note J. Bigot.
(8) Assemblée nationale, séance du 16 décembre 2013.
(9) Cass. civ. 2, 5 mars 2015, n° 14-11.054, F-D (N° Lexbase : A8941NC7).
(10) Cass. civ. 2, 7 février 2010, n° 09-16.763, F-D (N° Lexbase : A3722GBH), RGDA, 2011, 57, note Abravanel-Jolly.
(11) J. Bigot et alii, Droit des assurances, Le contrat d'assurance, LGDJ, 2ème éd., T. 3, 2014, n° 1137.
(12) Cass. civ. 1, 31 mars 1998, n° 96-10.725, inédit (N° Lexbase : A7906C7X), RGDA, 1998, 713, note J. Kullmann.
(13) C. ass., art. R. 113-12, I (N° Lexbase : L4816I7I).

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