Pour prévenir tout délit d'initié, une information doit être divulguée au public même si son détenteur ne sait pas quelle influence précise elle aura sur le cours des instruments financiers. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 11 mars 2015 (CJUE, 11 mars 2015, aff. C-628/13
N° Lexbase : A0297NDD). Dans l'affaire au principal, dans le cadre d'une enquête sur les conditions de montée au capital de Saint-Gobain par Wendel, l'AMF a conclu que Wendel avait, dès l'origine, la volonté de prendre une participation significative dans le capital de Saint-Gobain. Reprochant à Wendel de n'avoir divulgué au public ni les principales caractéristiques de l'opération financière destinée à l'acquisition de cette participation, ni l'information privilégiée consistant en la mise en place de l'opération financière en cause, Wendel et le président de son directoire se sont vu infliger chacun une amende de 1,5 million d'euros. Alors que les initiés estimaient que l'information sur l'opération financière en cause n'avait pas à être rendue publique, car elle n'était pas suffisamment précise pour que l'on puisse en tirer une conclusion quant à son effet possible, à la hausse ou à la baisse, sur le cours des actions, l'AMF rétorquait qu'il est indifférent, pour la qualification du caractère précis de l'information, de savoir si une opération financière s'exerce dans un sens déterminé, le plus important étant qu'un effet soit attendu sur le cours des actions. La Cour de cassation a donc posé une question préjudicielle sur ce sujet (Cass. com., 26 novembre 2013, n° 12-21.361, FS-P+B
N° Lexbase : A4751KQZ ; lire
N° Lexbase : N9677BTL). La CJUE déclare qu'il ne ressort pas du libellé des Directives 2003/6 (
N° Lexbase : L8022BBQ) et 2003/124 (
N° Lexbase : L0340DMK) que les informations à caractère précis viseraient uniquement celles qui permettent de déterminer dans quel sens le cours des instruments financiers concernés est susceptible de varier. Seules les informations vagues ou générales qui ne permettent de tirer aucune conclusion quant à leur effet possible sur le cours des instruments financiers concernés peuvent être considérées comme étant non précises. La Cour souligne, à cet égard, qu'un investisseur raisonnable est susceptible de fonder sa décision d'investissement sur des informations qui ne lui permettent pas forcément d'anticiper dans un sens déterminé la variation du cours des instruments financiers concernés. En outre, la complexité accrue des marchés financiers rend particulièrement difficile une estimation exacte du sens dans lequel les cours des instruments financiers peuvent varier. Si une information ne pouvait être considérée comme précise qu'à la condition qu'elle permette de déterminer le sens de variation du cours des instruments financiers concernés, le détenteur de l'information pourrait prétexter l'existence d'une incertitude à cet égard pour s'abstenir de rendre publiques certaines informations et ainsi en tirer profit au détriment des autres intervenants sur le marché.
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