Lexbase Affaires n°413 du 19 février 2015 : Internet

[Panorama] Panorama d'actualité en droit des nouvelles technologies du cabinet FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE, société d'avocats - Février 2015

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le 17 Mars 2015

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, le panorama d'actualité en droit des nouvelles technologies réalisé par le cabinet d'avocats FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE. Ce cabinet, fondé par des avocats spécialistes dans les technologies, se concentre sur la négociation et la contractualisation de projets innovants et technologiques, sur la gestion des droits de propriété intellectuelle et sur la médiation, l'arbitrage ou les contentieux associés. Composé de 15 avocats et juristes spécialisés, le cabinet FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE, leader dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, sélectionne donc, tous les mois, l'essentiel de l'actualité du droit des NTIC. Les auteurs ont, notamment, sélectionné plusieurs arrêts de la Cour de cassation, tels que celui rendu le 15 janvier 2015 par sa première chambre civile le relatif à la mise en ligne d'une vidéo d'un contrôle fiscal sans autorisation ou encore l'arrêt de la Chambre criminelle du 6 janvier 2015 sur le caractère public d'un courriel diffamatoire en l'absence de communauté d'intérêts entre les destinataires. La CJUE a également rendu d'importantes décisions signalées dans ce panorama, au premier rang desquelles l'arrêt du 22 janvier 2015 sur critère de l'accessibilité au site en matière de contrefaçon en ligne. Enfin, les auteurs ont sélectionné une série de décision des juges du fond ; on relèvera, en particulier, le jugement du juge de proximité de Nantes qui a confirmé, le 19 décembre 2014, la validité d'un acte introductif d'instance effectué par l'intermédiaire du site "demanderjustice.com". I - Dématérialisation
  • Signature électronique d'un acte introductif d'instance (Jurid. prox. Nantes, 19 décembre 2014, n° 91-13-000015 N° Lexbase : A6827M9Q)

Par un jugement du 19 décembre 2014, la juridiction de proximité de Nantes a confirmé la validité d'un acte introductif d'instance effectué par l'intermédiaire du site "demanderjustice.com". Le juge de proximité a constaté que le client du site avait lui-même rempli sa déclaration, formulé ses demandes, apposé et confirmé sa signature puis validé sa requête par un clic. Il a considéré que le dispositif ayant reçu la certification CertEurop, la signature électronique revêtait "la même force probante que la signature papier". Le juge a ainsi considéré que la "preuve contraire permettant de faire échec à la présomption de fiabilité" n'ayant pas été rapportée, l'identité du signataire était bien assurée.

II - Procédure

  • Simplification de la procédure relative à la saisie-contrefaçon (décret n° 2014-1550 du 19 décembre 2014, pris pour l'application de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon N° Lexbase : L0721I7T)

Un décret du 19 décembre 2014 a modifié le point de départ du délai imparti aux titulaires de droits d'auteur pour engager une action au fond après une saisie contrefaçon, ainsi que celui du délai de contestation de l'ordonnance de saisie-contrefaçon, le cas échéant, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 332-2 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L1778H3A). Auparavant, ce délai de vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils courait à compter du jour de la signature du procès-verbal de saisie ou de l'exécution de l'ordonnance. Son point de départ est désormais fixé au jour où est intervenue la saisie ou la description.

III - Acteurs de l'internet

  • Blocage abusif de pages Facebook : réparation du préjudice commercial (CA Lyon, 18 décembre 2014, n° 13/10118 [LXB=A0769M8])

Par un arrêt du 18 décembre 2014, la cour d'appel de Lyon a condamné une société de vente en ligne au versement de la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi par son concurrent du fait d'un blocage abusif de ses deux pages Facebook. La cour a considéré que ce blocage, dû au signalement opéré par la société, avait causé un préjudice commercial à son concurrent en lui faisant perdre, pendant près d'un an, l'exposition dont il bénéficiait auparavant sur ce réseau social.

  • Création de l'Agence du numérique (décret n° 2015-113 du 3 février 2015, portant création d'un service à compétence nationale dénommé "Agence du numérique" N° Lexbase : L8184I7A)

Un décret du 3 février 2015 a créé un nouveau service à compétence nationale dénommé l'Agence du numérique. L'Agence est chargée de "l'impulsion, de l'animation et de l'accompagnement des projets et des initiatives numériques développés dans les territoires par les collectivités publiques, les associations et les particuliers". Elle assure ainsi le pilotage et la mise en oeuvre du plan France très haut débit relatif au déploiement de réseaux à très haut débit sur tout le territoire, ainsi que du programme "Quartiers numériques" qui a pour objet d'encourager l'innovation dans les entreprises. L'Agence a aussi pour mission de favoriser la "diffusion des outils numériques et le développement de leur usage auprès de la population".

IV - Données personnelles

  • Google condamné à déréférencer un lien (TGI Paris, référé, 19 décembre 2014, n° 14/59124 N° Lexbase : A1302NBT)

Par une ordonnance de référé du 19 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné à Google Inc. le déréférencement d'un lien renvoyant à un article de 2006 qui faisait état d'une condamnation pénale prononcée à l'encontre de la demanderesse. Se fondant sur la nature des données à caractère personnel, le temps écoulé depuis cette condamnation et l'absence de mention de la condamnation au casier judiciaire de l'intéressée, le tribunal a jugé que cette dernière justifiait de "raisons prépondérantes et légitimes prévalant sur le droit à l'information", notamment du fait que ce référencement nuisait à sa recherche d'emploi.

V - Droit de l'internet

  • Usage commercial de bases de données : validité des limitations contractuelles (CJUE, 15 janvier 2015, aff. C-30/14 N° Lexbase : A1933M9H)

Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la CJUE a statué à titre préjudiciel sur une question soulevée dans le cadre d'un contentieux relatif à une compagnie aérienne qui reprochait à un comparateur de prix d'avoir utilisé les données de son site internet à des fins commerciales, en violation de ses conditions générales. La question était de savoir si la Directive 96/9/CE, sur la protection juridique des bases de données (N° Lexbase : L7808AUQ) s'appliquait aux bases de données qui ne sont protégées ni par le droit d'auteur, ni par le droit sui generis, et si l'utilisation d'une telle base de données par des tiers pouvait être contractuellement limitée. La CJUE a considéré que la Directive n'était pas applicable à une telle base de données et en a déduit qu'il n'était pas fait "obstacle à ce que [son] créateur [...] établisse des limitations contractuelles à l'utilisation de celle-ci par des tiers".

VI - Commerce électronique

  • Responsabilité pour vices cachés du vendeur professionnel sur "ebay.fr" (Cass. civ. 1, 18 décembre 2014, n° 13-23.868, F-D N° Lexbase : A2994M8E)

Dans un arrêt du 18 décembre 2014, la Cour de cassation a approuvé la cour d'appel de Rennes (CA Rennes, 5 juillet 2013, n° 10/06533 N° Lexbase : A4496KID) qui avait jugé que le vendeur d'un véhicule sur ebay.fr était responsable des vices cachés, peu important que les certificats de cession et d'immatriculation ne soient pas à son nom. En effet, après avoir constaté que l'internaute avait contracté avec un garagiste à qui il avait réglé le montant de la vente contre remise desdits certificats, la Cour de cassation a considéré que "le garagiste, professionnel de l'automobile, avait engagé sa responsabilité du fait des vices caches affectant le véhicule, en dissimulant à l'acquéreur sa qualité de mandataire et en se comportant comme le vendeur du véhicule".

VII - Vie privée et données personnelles

  • Mise en ligne d'une vidéo d'un contrôle fiscal sans autorisation (Cass. civ. 1, 15 janvier 2015, n° 13-25.634, F-P+B N° Lexbase : A4557M9N)

Par un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt d'appel qui avait jugé que la mise en ligne non autorisée d'une vidéo relative à un contrôle fiscal portait atteinte au droit à l'image de l'inspecteur des impôts. En l'espèce, l'inspecteur des impôts avait assigné le gérant d'une société ayant fait l'objet d'un contrôle fiscal, aux fins de voir ordonner le retrait d'une vidéo filmée à cette occasion et mise en ligne par ce dernier. La Cour a considéré qu'une telle vidéo ne saurait illustrer avec pertinence un évènement d'actualité ou un débat d'intérêt général et que, dès lors, rien ne justifiait que le visage du fonctionnaire des impôts procédant à un contrôle fiscal soit diffusé sans son consentement.

  • Norme simplifiée de la CNIL pour les écoutes téléphoniques sur le lieu de travail (CNIL, délibération n° 2014-474 du 27 novembre 2014 N° Lexbase : X3061AP3)

La CNIL a publié le 6 janvier 2015 une norme simplifiée n° 57, relative à la déclaration des traitements visant à écouter et enregistrer les appels émis et reçus par l'employé sur son lieu de travail. Cette norme concerne les enregistrements téléphoniques ponctuels utilisés dans le cadre de la formation et de l'évaluation des employés, ou dans celui de l'amélioration de la qualité du service proposé par l'entreprise. Elle permet aux employeurs, respectant l'ensemble des conditions posées par la norme, d'effectuer une déclaration de conformité en ligne. Elle prévoit également que les employés et leurs interlocuteurs doivent être informés des modalités du traitement, ainsi que de leurs droits d'accès, de rectification et d'opposition.

  • Communiqué du G29 sur la mise en place d'un "Passenger Name Record" européen (G29, communiqué de presse du 5 février 2015 -document en anglais-)

Au cours de leur séance plénière des 3 et 4 février 2015, les membres du G29 ont abordé la question de la mise en place d'un système "Passenger Name Record" (PNR) européen. Le G29 a rappelé que dans la mesure où la collecte des données PNR est susceptible d'interférer sérieusement avec les droits fondamentaux, celle-ci ne peut intervenir que s'il est démontré qu'elle est nécessaire et qu'elle respecte le principe de proportionnalité. Dans ce cas, des garanties suffisantes devront être envisagées. Le G29 souhaite étudier la question du PNR européen de manière constructive pour garantir sa conformité à la Charte des droits fondamentaux européens ainsi qu'à la règlementation européenne en vigueur en matière de protection des données personnelles.

VIII - Contrats informatiques

  • Audits de licences de logiciel : Oracle débouté de ses demandes (TGI Paris, 3ème ch., 6 novembre 2014, n° 12/04940 N° Lexbase : A4333M4A)

Par un jugement du 6 novembre 2014, le TGI de Paris a débouté l'éditeur Oracle de son action en contrefaçon à l'encontre d'un de ses clients, opérateur de formation professionnelle, auquel il réclamait 13,5 millions d'euros (licence et support). Le tribunal a requalifié le fondement de la demande d'Oracle (action en contrefaçon), estimant que le litige portait uniquement sur l'interprétation et l'exécution du contrat. Il a été jugé que l'opérateur "exploit[ait] le logiciel sans aucune faute", le logiciel étant inclus dans des CD livrés par l'éditeur lui-même. Le tribunal a jugé que l'usage répété par Oracle de la pratique de l'audit (concomitamment à des appels d'offres) démontrait que celui-ci exerçait une pression sur son client pour obtenir de nouveaux contrats et que le choix d'introduire une action sur le fondement de la contrefaçon (responsabilité délictuelle) dans le but d'échapper à la prescription démontrait l'abus du droit d'agir en justice.

  • Obligation pour le vendeur d'ordinateurs d'informer les consommateurs sur les conditions d'utilisation des logiciels préinstallés (CA Versailles, 22 janvier 2015, n° 11/07687 N° Lexbase : A8810M98)

Par un arrêt du 22 janvier 2015 rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-18.807, FS-P+B+I N° Lexbase : A7512IQB), la cour d'appel de Versailles a considéré qu'une société commercialisant des ordinateurs portables équipés de logiciels d'exploitation préinstallés était soumise à l'obligation d'informer les consommateurs sur les conditions d'utilisation de ces logiciels. Les juges ont en effet estimé que, bien que le vendeur ne soit pas partie au contrat de licence, il était tenu à cette obligation de renseignement et d'information, "dans la mesure où c'est bien[lui] qui vend la prestation de service constituée par l'accès à l'usage des logiciels". La cour ne l'a, en revanche, pas astreint à l'obligation d'indiquer le prix des logiciels préinstallés dans les ordinateurs qu'il commercialise.

IX - Droit d'auteur et oeuvres numériques

  • Titularité des droits d'auteur sur un logiciel et personne morale (Cass. civ. 1, 15 janvier 2015, n° 13-23.566, F-P+B N° Lexbase : A4599M99)

Par un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de cassation rappelle qu'une personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur. En l'espèce, un professeur de médecine et un informaticien avaient participé à la création d'une société dont l'objet social était "la conception, la création, la réalisation, ainsi que la distribution d'un logiciel céphalométrique". Des dissensions étaient apparues quant à l'attribution des droits d'auteur sur le logiciel créé et ses développements. La société, dont le professeur de médecine était devenu gérant majoritaire, a assigné deux sociétés dirigées par l'informaticien et qui avaient participé aux développements du logiciel, aux fins de voir consacrer son entière propriété sur ledit logiciel et ses développements. La Cour a cassé l'arrêt d'appel (CA Rennes, 28 mai 2013, n° 11/05770 N° Lexbase : A2366KED), qui avait décidé que la société demanderesse était le seul auteur des logiciels puisque leurs développements étaient le fruit du travail de ses associés, rappelant qu'une personne morale ne peut avoir qualité d'auteur.

  • Contrefaçon en ligne : critère de l'accessibilité au site (CJUE, 22 janvier 2015, aff. C-441/13 N° Lexbase : A6841M9A)

Par un arrêt du 22 janvier 2015, la CJUE a statué à titre préjudiciel sur renvoi du juge autrichien à l'occasion d'un litige dans lequel une photographe autrichienne reprochait à une agence d'architecture allemande d'avoir rendu ses photographies accessibles à la consultation et au téléchargement depuis son site internet, sans son accord. L'agence avait soulevé l'incompétence du juge autrichien, au motif que son site internet n'était pas destiné à l'Autriche. La Cour a interprété l'article 5 point 3 du Règlement n° 44/2001 sur la compétence judiciaire (N° Lexbase : L7541A8S) en ce sens qu'"en cas d'atteinte alléguée aux droits d'auteur et aux droits voisins du droit d'auteur garantis par l'Etat membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente, au titre du lieu de la matérialisation du dommage, pour connaître d'une action en responsabilité pour l'atteinte à ces droits du fait de la mise en ligne de photographies protégées sur un site Internet accessible dans son ressort". Elle a, en revanche, précisé que cette juridiction n'était "compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'Etat membre dont elle relève".

X - Infractions de presse

  • Caractère public d'un courriel diffamatoire en l'absence de communauté d'intérêts entre les destinataires (Cass. crim., 6janvier 2015, n° 13-87.885, F-D N° Lexbase : A0804M9N)

Par un arrêt du 6 janvier 2015, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt d'appel qui avait condamné deux personnes pour diffamation publique en raison d'un courriel imputant à des personnes nommément identifiées des faits précis de pédophilie, voyeurisme, détention d'images pornographiques prohibées et usage de substances stupéfiantes dans le but de procéder à des actes de pédophilie. Elle a en effet confirmé que ce courriel avait un caractère public "en l'absence de communauté d'intérêts liant les différents destinataires", composés d'un "nombre important de personnes, d'entreprises, d'institutions publiques diverses, organes de presse". En outre, le message précisait "Pour que tout le monde sache", ce qui indiquait bien, selon les juges, que l'expéditeur "avait pour projet d'en assurer la plus grande diffusion possible afin d'exposer les personnes citées à la vindicte populaire".

XI - Cybercriminalité

  • Blocage administratif de sites diffusant des contenus pédopornographiques ou provoquant à des actes de terrorisme (décret n° 2015-125 du 5 février 2015, relatif au blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique N° Lexbase : L8303I7N)

Un décret du 5 février 2015 est venu préciser la procédure de blocage administratif des sites incitant à la commission d'actes de terrorisme, en faisant l'apologie ou diffusant des contenus pédopornographiques prévue par la loi du 13 novembre 2014 (loi n° 2014-1353, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme N° Lexbase : L8220I49). La liste des adresses à bloquer sera établie par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, et transmise aux fournisseurs d'accès à internet. Ces derniers auront vingt-quatre heures pour empêcher l'accès à ces sites "par tout moyen approprié". Le décret prévoit également les modalités de la compensation financière allouée par l'Etat aux FAI à raison des charges que cette procédure fait peser sur eux.

FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE, société d'avocats
www.feral-avocats

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