Le caractère inopiné d'un vol de marchandises considérées comme "sensibles", de même que la violence de l'agression, ne constituent pas un évènement imprévisible de force majeure de nature à exonérer le transporteur et le commissionnaire de transport de leur responsabilité. En outre, la carence du transporteur quant à la sécurité des marchandises est constitutive d'une faute lourde excluant les limitations de responsabilité prévue au contrat. Tels sont les apports de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 29 janvier 2015 (CA Paris, 29 janvier 2015, n° 13/03536
N° Lexbase : A4732NAI). En l'espèce, la société S., filiale du groupe C., avait, par contrat du 3 avril 2002, confié à la société N., les opérations de transport et de logistique de ses produits de téléphonie mobile destinés à approvisionner les magasins du groupe en région parisienne. Pour la réalisation de ces opérations, la société N. a, confié à la société T. le transport de 19 palettes de marchandises de la société S. devant être livrées en région parisienne. Cette marchandise a été prise en charge le même jour par la société T. et chargée dans un camion pour être transportée à son établissement de Trappes. Alors que le chauffeur était descendu du camion pour effectuer le déchargement, il a été agressé par deux individus cagoulés et armés qui se sont emparés du camion et de son contenu. Dans un premier arrêt, la cour d'appel a rejeté les demandes des assureurs et de la société S., en ce que les circonstances de l'agression par des individus déterminés et organisés, ayant choisi un créneau horaire ciblé caractériseraient l'irrésistibilité constitutive de la force majeure. Dans un arrêt du 22 janvier 2013 (Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-28.083, F-D
N° Lexbase : A8736I3X), la Cour de cassation a censuré cet arrêt au motif que la cour d'appel aurait dû rechercher si le dommage n'était pas prévisible au moment de la conclusion du contrat. La cour d'appel de renvoi abonde dans le sens de la Cour de cassation et du jugement de première instance. Le contrat de sous-traitance stipulant explicitement le caractère sensible des marchandises, et l'obligation du transporteur de prendre les mesures adéquates en termes de sécurité, le caractère imprévisible de l'agression n'est pas caractérisé. La seule irrésistibilité de l'agression ne suffit donc pas. En outre, la négligence du transporteur est constitutive d'une faute lourde de nature à écarter la clause limitative de responsabilité incluse dans le contrat de transport (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E0490EXG).
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