Lecture: 5 min
N4906BUA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 20 Décembre 2014
Les questions posées étaient assez générales : une consultation en matière de droit des étrangers (arrêt n° 14/04618) ; une consultation en matière d'exécution défectueuse d'un contrat de prestation de service conclu avec un chauffagiste (arrêt n° 14/06556) ; une consultation en matière de droit des assurances (arrêt n° 14/06561) ; et une consultation en matière de divorce (arrêt n° 14/06567)
Les rapports se sont noués à distance par le truchement du site internet de cet avocat. Sur ce site, dans les conditions générales de vente, rédigées de manière claire, sans équivoque, et dans un langage simple afin que les profanes soient clairement avisés, figurent expressément et clairement les montants des honoraires pratiqués par l'avocat. Le particulier coche donc une case acceptant les conditions générales de vente ; il expose brièvement son problème et un rendez-vous téléphonique est fixé. Les coordonnées bancaires des particuliers ont été recueillies par le secrétariat de l'avocat en amont de cette consultation et un certain montant estimmédiatement débité correspondant aux frais d'ouverture de dossiers et de première consultation.
Or, les clientes n'ont pas souhaité poursuivre plus en amont les rapports : la première n'ayant pas répondu au rendez-vous téléphonique s'est vue recréditer la somme liée à la consultation ; la deuxième n'a rien obtenu du tout et a, parallèlement, déposé plainte au pénal ; la troisième n'a eu qu'un remboursement partiel ; et enfin la quatrième a fait procéder à l'annulation des prélèvements en se prévalant d'une utilisation frauduleuse de ses moyens de paiement.
Mais en définitive jamais la totalité des frais débités n'aura été restituée.
Le Bâtonnier a été saisi et a prononcé la restitution de toutes les sommes indûment prélevées.
L'avocat a formé appel et il invoque que le fait que les particuliers aient accepté les conditions générales de vente, accepté la consultation qui a suivi l'envoi d'un devis et fourni leurs coordonnées bancaires, marquait bien leur acceptation aux conventions d'honoraires en cause.
Le formalisme de la convention d'honoraires. En matière de convention d'honoraires, les parties sont libres de matérialiser leur accord selon la forme la plus appropriée. Ainsi, la convention d'honoraires n'est soumise à aucune forme particulière (Cass. civ. 1, 19 mai 1999, n° 97-13.984 N° Lexbase : A1410CI3 ; Cass. civ. 2, 19 février 2004, n° 02-13.004 N° Lexbase : A3213DBM). Partant elle est soumise aux règles du Code civil sur les conventions et notamment celles de l'article 1108 (N° Lexbase : L1014AB8) qui impose la réunion de quatre conditions essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; et une cause licite dans l'obligation.
Et la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déjà eu l'occasion de juger que, si l'écrit n'est pas une exigence formelle pour la validité d'une convention d'honoraires, encore faut-il que la preuve de la rencontre du consentement de l'avocat et de son client sur les modalités de fixation des honoraires soit rapportée (CA Aix-en-Provence, 9 mai 2012, n° 10/04061 N° Lexbase : A8579IKX). Dès lors sera annulée la convention d'honoraires pour laquelle la signature de la cliente lui avait été extorquée la veille de l'audience, alors qu'elle était en pleine dépression (Cass. civ. 1, 29 juin 1999, n° 96-20647, publié N° Lexbase : A4725CK9) ; et il en va ainsi lorsque le client se trouvait dans un état de moindre résistance en raison du besoin qu'il avait de percevoir rapidement les dommages-intérêts qui lui étaient dus compte tenu de son état de surendettement et qu'il se trouvait dans un état de faiblesse psychologique attesté par les pièces médicales produites (Cass. civ. 2, 5 octobre 2006, n° 04-11.179, F-D N° Lexbase : A4938DRC).
Dans le même sens, la prudence est de mise lorsque le client signataire est placé sous tutelle, la convention faisant l'objet le plus souvent d'une annulation (Cass. civ. 1, 27 mai 2003, n° 00-18.136, F-P N° Lexbase : A6708CKN ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n° 03-19.188, F-D N° Lexbase : A9131DLR).
Le formalisme particulier du contrat électronique. Le contrat électronique étant un contrat entre absent, se pose la question de savoir à quel moment il est considéré comme reçu, et surtout comme accepté. Selon l'article 1369-9 du Code civil (N° Lexbase : L6360G9G) un écrit électronique est considéré comme reçu lorsque le destinataire a eu la possibilité d'en prendre connaissance et qu'il en a accusé réception. L'article 1369-5 du Code civil soumet le contrat conclu par voie électronique aux formalités suivantes : pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation ; l'auteur de l'offre doit accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi adressée. Ainsi, la personne qui s'oblige doit manifester en réalité deux fois sa volonté de conclure le contrat : c'est ce que l'on appelle le double clic.
La solution de la cour d'appel. Dans les quatre arrêts rendu les 4 et 25 novembre 2014, les juges aixois prononcent la nullité des conventions d'honoraires.
A cet égard, ils rappellent dans un premier temps l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 aux termes duquel les honoraires sont fixés en accord avec le client ; puis dans un second temps, les règles sus-énoncées de l'article 1369-5 du Code civil.
Or, dans les faits des espèces, en aucun cas les particuliers, destinataires de l'offre de service, n'ont eu la possibilité de vérifier le détail de leur commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celles-ci pour exprimer leur acceptation. En effet, dans chaque affaire, les juges relèvent que c'est par téléphone que le montant de l'honoraire a été indiqué au client.
Et le fait que chacun d'entre eux ait communiqué les références de sa carte bancaire au secrétariat de l'avocat n'implique pas qu'il ait parfaitement compris la portée de son engagement et ne saurait en tous cas remplacer la garantie du "double clic".
Dès lors, l'engagement n'était pas parfait faute d'acceptation éclairée des clients manifestée conformément à l'exigence légale du "double clic".
Ainsi, la conclusion d'une convention d'honoraires sur internet est possible si les garanties du client sont respectées, si son consentement est clairement exprimé et qu'il sait surtout à quoi il s'engage. Et le seul fait d'avoir coché la case acceptant les conditions générales de vente n'est pas suffisant pour assurer l'effectivité du consentement.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:444906