La lettre juridique n°551 du 12 décembre 2013 : Fiscalité internationale

[Textes] Conclusion d'un accord fiscal complémentaire entre la France et les Etats-Unis - Accord "FATCA" signé le 14 novembre 2013

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par David Chrétien, Avocat, Landwell

le 12 Décembre 2013

La liste des accords fiscaux conclus entre la France et les Etats-Unis s'est enrichie d'un nouveau texte, désigné comme suit "Accord en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations concernant les comptes étrangers (dite loi FATCA')" et signé le 14 novembre 2013 par Pierre Moscovici, ministre de l'Economie et des Finances, et par l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en France.

Comme son nom l'indique, l'objet de cet accord bilatéral est de mettre en place certains principes de fiscalité internationale entre les deux Etats et de mettre en oeuvre le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA,), cette législation-phare et particulièrement innovante adoptée par les Etats-Unis en vue de lutter contre l'évasion fiscale internationale de ses ressortissants.

Rappelons que la France, aux côtés de certains autres pays avaient annoncé, en février, 2012 vouloir collaborer bilatéralement avec les Etats-Unis dans la mise en oeuvre de FATCA, en particulier pour simplifier la mise en oeuvre de cette législation et à charge de réciprocité de la part des Etats-Unis. Parmi ces pays leaders, certains ont déjà franchi le pas (Royaume-Uni et Allemagne). Depuis lors, une véritable "dynamique" de conclusion d'accords bilatéraux-FATCA est apparue, créant ainsi un "maillage" de traités autour du monde et "gravitant" autour des Etats-Unis. Mi-2013, une cinquantaine de pays avaient soit formalisé un accord bilatéral-FATCA, soit entamé des négociations à ce sujet ou montré un intérêt pour un tel accord bilatéral. Par cet accord, la France a donc concrétisé son engagement auprès des Etats-Unis et marqué son implication pour la transparence fiscale internationale.

Nous commencerons par un rappel de ce qu'est cette législation américaine puis nous verrons comment et dans quelle mesure elle a été transformée en un accord bilatéral (et même, une série d'accord bilatéraux).

I - Rappels sur la législation "FATCA"

"FATCA" désigne un dispositif légal américain adopté par le Congrès et ratifié par le Président Obama en mars 2010, qui vise à réduire l'évasion fiscale des contribuables américains détenant des actifs financiers à l'étranger.

Pour ce faire, la technique adoptée est, pour l'essentiel, extraterritoriale.

En effet, le "FATCA" impose aux institutions financières non-américaines ("Foreign Financial Institutions", ou FFI), tous pays confondus, de déclarer leurs clients américains (personnes physiques, personnes morales et entités) à l'administration fiscale américaine (l'Internal Revenue Services -IRS).

Les institutions financières ainsi appelées à collaborer sont (i) les établissements bancaires (ii) les assureurs-vie et (iii) l'industrie de la gestion d'actifs ; de mêmes, certains véhicules patrimoniaux, les holdings et les centres de trésorerie de groupes non-financiers pourraient également être affectés selon la nature de leurs activités.

Pour assurer l'effectivité du dispositif et susciter une collaboration de la part des institutions financières non-américaines, la loi "FATCA" crée un prélèvement à la source de 30 % ayant vocation à s'appliquer à un vaste ensemble de types de flux financiers payés à partir des Etats-Unis et reçus par une institution financière non-américaine (soit pour son compte propre, soit pour ses clients) qui ne souhaiteraient pas participer au mécanisme "FATCA" ("Non Participating Foreign Financial Institution").

Toujours pour assurer l'effectivité de cette législation, le législateur américain a prévu que, pour participer valablement au mécanisme FATCA, -et ainsi être protégé contre le prélèvement de 30 %- une institution financière non-américaine doit conclure un contrat (FFI agreement) avec l'administration fiscale, ce contrat étant standardisé et ayant pour but de créer, directement, dans le chef d'une FFI, les droits et les obligations qui concrétisent le régime FATCA.

Précisément quelles obligations ? La loi FATCA repose sur trois piliers pour identifier les ressortissants américains qui détiennent des avoirs conservés et gérés en dehors du territoire américain ou qui ouvrent des comptes dans des institutions financières non-américaines. Une FFI doit effectivement, pour satisfaire à FATCA :

1. respecter des obligations précises de diligence en matière d'identification de comptes détenus par un ressortissant américain (US person) ;

2. déclarer un ensemble d'informations administratives et financières concernant le ou les comptes gérés par l'institution financière non-américaine détenus par une US person ;

3. procéder au prélèvement de 30 % lorsque l'institution financière est confrontée à un client (identifié, ou non, comme américain) récalcitrant, i.e. un client qui ferait entrave à la déclaration par l'institution financière des données concernant ses avoirs ou comptes. L'obligation d'effectuer le prélèvement se dédouble puisque, aux termes de la loi FATCA et du contrat qui la lie avec l'administration américaine, une institution financière non-américaine participante (Participating Foreign Financial Institution) doit également retenir 30 %, au titre de FATCA, quand elle gère à titre de simple intermédiaire un paiement sourcé aux Etats-Unis et qu'elle doit adresser à la suite à une institution financière non-américaine ne participant pas au mécanisme FATCA.

Après la publication de divers projets et de discussions avec le secteur financier, le Trésor et l'administration fiscale américains ont publié la réglementation de mise en oeuvre de FATCA en janvier 2013.

Par ailleurs, après différents reports, l'entrée en vigueur de la loi FATCA a été fixée au 1er juillet 2014 ; cette fois-ci, sans perspective d'un nouveau report.

On le comprend, cette législation peut être perçue comme intrusive ; elle est en tous cas complexe car elle s'insère parfois difficilement dans les ordres juridiques nationaux qui, pour certains, peuvent prévoir des principes de respect des données bancaires, de non-transmission de données nominatives... Le fait d'avoir à effectuer un prélèvement prévu par le droit américain mais en-dehors du territoire américain peut également sembler difficilement concevable (même si c'est un effet de la correcte application du contrat FFI agreement que l'administration américaine propose aux institutions financières tout autour du monde).

Enfin, ce nouveau prélèvement méritera d'être articulé avec les conventions fiscales que les Etats-Unis ont conclu avec un certain nombre d'Etats ; ces conventions, notamment celles régissant l'évitement des doubles-impositions, partagent le droit à imposer entre chacun des Etats signataires et encadrent (ou plafonnent) les retenues à la source qu'un Etat signataire peut appliquer.

Ceci explique, peut-être, le succès et la multiplication des accords bilatéraux conclus par les Etats-Unis pour mettre en oeuvre FATCA de façon plus efficiente et sécurisée sur le plan juridique.

II - Les accords inter-gouvernementaux en vue d'améliorer le reporting fiscal international et de mettre en place FATCA (les "InterGovernmental Agreement, IGA")

FATCA a été "converti" et proposé par les Etats-Unis sous forme d'un accord bilatéral (avec quelques variantes et possibilités d'adaptations locales), en s'inspirant des modèles d'accords ou de clauses d'échanges systématiques d'informations.

Dans le cas de la France, l'article 27 de la Convention fiscale du 31 août 1994 modifiée en 2004 et en 2009 avec les Etats-Unis (N° Lexbase : L5151IEI), prévoit précisément le principe d'un échange d'informations à des fins fiscales.

Sur cette base, la conclusion d'un IGA permet d'atteindre les objectifs et de concrétiser certaines simplifications de FATCA :

  • réciprocité des échanges d information, c'est-à-dire que les Etats-Unis s'engagent sur le principe d'adresser aux autorités fiscales françaises des informations sur les comptes ouverts par des contribuables français aux Etats-Unis ;
  • plus grande sécurité juridique dans le cadre de la transmission des données à caractère nominatif ;
  • suppression de la nécessité de la conclusion d'un contrat entre les institutions financières françaises et l'administration fiscale américaine ;
  • protection des institutions financières résidentes en France contre l'application, à leur niveau, du prélèvement-FATCA de 30 % et dispense d'appliquer ce prélèvement envers les clients récalcitrants et les institutions financières résidant en dehors de la France et ne participant pas au mécanisme-FATCA ;
  • substitution, pour l'essentiel, de cet accord et des diverses mesures nationales d'application dont il fera l'objet (ratification, lois, réglementation, bulletins officiels,...) à la législation-FATCA et la réglementation-FATCA américaine en tant que telle. Cependant, on insiste sur le fait que cette réglementation américaine n'est pas complètement "effacée" puisque l'accord franco-américain établit certaines passerelles techniques avec les Treasury Regulations par.1.1471-1.1474, notamment lorsque ses dispositions sont plus favorables que celles de l'accord dans certains domaines ;
  • mention d'une clause de la nation la plus favorisée ;
  • synchronisation du calendrier de mise en oeuvre de FATCA tel qu'il est prévu par l'accord franco-américain avec les dispositions et les dates-clefs de la réglementation américaine Treasury Regulations par. 1.1471-1.1474, à commencer par son entrée en vigueur le 1er juillet 2014 ;
  • application possible, par les institutions financières qui y seront éligibles, de l'ensemble des statuts permettant "l'allègement" des obligations-FATCA et prévus directement par la réglementation américaine en la matière (ces statuts sont désignés dans la réglementation américaine sous les concepts de "Deemed Compliant FFI" et "Exempt Beneficial Owner").

Par ailleurs, les IGA prévoient une mise en oeuvre en partie simplifiée de la réglementation FATCA, avec les points notables suivants :

  • application obligatoire des principes posés par l'accord pour toutes les institutions financières qui résident en France. Il est à noter que l'accord franco-américain ne régit pas la situation des succursales détenues à l'étranger par les sociétés françaises. En conséquence, et en pratique, cet accord ne s'appliquera pas aux succursales à l'étranger des FFI françaises mais s'appliquera aux succursales en France de FFI étrangères ;
  • définition adaptée des institutions financières visées et des institutions financières -ainsi que des produits financiers ou types de comptes financiers- pouvant bénéficier d'une exemption ou de règles allégées ;
  • définition de la procédure et du calendrier des diligences sur les clients des institutions financières françaises en vue d'identifier les US persons, en distinguant comme suit :

    - travaux d'investigation du stock de comptes préexistants à l'entrée en vigueur de FATCA (c'est-à-dire au 30 juin 2014) ;
    - mise en place d'une procédure d'investigation et d'ouverture pour les comptes créés à compter du 1er juillet 2014 (date d'entrée en vigueur de FATCA) ;

  • définition des informations-FATCA à déclarer par une institution financière à l'administration fiscale française qui, à son tour, les communiquera à l'administration américaine, au titre de l'échange automatique de données.

III - Les points notables de l'accord franco-américain

  • Le corpus de l'accord est composé comme suit :
  • un article 1, consacré aux définitions ;
  • un article 2, qui définit les obligations d'échanges d'informations ;
  • un article 3, relatif à la périodicité et aux modalités des échanges d'informations ;
  • un article 4, relatif à l'application des règles FATCA aux institutions financières françaises ;
  • des articles 5 à 10, sur diverses modalités d'application. L'article 7 contient une clause de la nation la plus favorisée.

L'accord est complété par une annexe I qui détaille les diligences à respecter et une annexe II qui liste, spécifiquement au cas français, les institutions ou les types de produits financiers considérés comme exonérés des obligations-FATCA. Sur ce dernier volet, on note les points suivants :

  • l'industrie de la gestion d'actifs devrait bénéficier d'une exemption complète dans le domaine de l'épargne salariale et un statut particulier est prévu pour réduire les obligations-FATCA des véhicules d'investissement ou les sociétés de gestion qui garantiront l'absence de clients US persons et d'institutions financières non-conformes à FATCA ;
  • il existe une exemption pour certaines banques locales avec une clientèle presque exclusivement locale. Une application pratique dans le secteur mutualiste pourra être envisagée ;
  • au sein des produits bancaires, l'épargne administrée (épargne sur livret et plans d'épargne) sera également largement hors du champ ; le PEA reste néanmoins concerné ;
  • dans le domaine de l'assurance, les produits dédiés à la préparation de la retraite (Madelin, PERP, ...) seront également exempts, de même que les Caisses de retraite.

IV - Quelles suites à FATCA ? Les suites directes et le "FATCA européen"

Au regard du délai restant avant l'entrée en vigueur de FATCA, les institutions financières françaises devront prendre des mesures basées sur cet accord-FATCA (et dans certains cas, la réglementation US), pour s'assurer qu'ils sont prêts à se conformer.

De même, les groupes non financiers devront analyser dans quelle mesure ils sont pourvus d'institutions financières répondant aux critères posés par FATCA en ce domaine.

Au-delà, et en termes plus prospectifs, FATCA pourrait bien constituer un accélérateur pour les promoteurs d'une plus grande transparence fiscale.

On retiendra à ce sujet en particulier que le Commissaire européen chargé de la fiscalité, Algirdas emeta, a présenté le 13 juin 2013 une proposition de Directive du Conseil visant à lutter contre la fraude fiscale en élargissant le champ d'application de l'échange automatique d'informations entre les Etats membres sur les "dividendes, plus-values, tous les autres revenus financiers et soldes de comptes" et dont l'entrée en vigueur est prévue à compter du 1er janvier 2015, au titre de l'année financière commençant le 1er janvier 2014. Un tel échange accru d'informations aboutirait à ce que l'Union européenne se dote de l'un des systèmes d'échange de renseignements fiscaux les plus aboutis au monde et de nature à servir de référent ou de modèle disponible pour être étendu plus largement à l'avenir.

FATCA et, en particulier, les accords bilatéraux liés à cette législation, ont été un fait déclencheur dans la recherche d'une plus grande transparence fiscale. Compte tenu d'une part du fait que les Etats membres de l'UE sont régis par une "clause de la nation plus favorisée", issue de l'article 19 de la Directive 2011/16/UE du sur la coopération administrative (N° Lexbase : L5101IPM), et d'autre part du fait que certains Etats membres de l'UE partageront des informations fiscales avec les Etats-Unis, cela impliquerait que ces Etats membres doivent partager la même information au sein de l'UE. Par conséquent, dans le but de créer un système plus efficace et d'éviter une myriade d'accords bilatéraux et multilatéraux au sein de l'Union européenne, la proposition présentée par Monsieur emeta étendrait l'article 8 de la Directive sur la coopération administrative pour y inclure le partage de l'information incluse dans FATCA et les IGAs. Monsieur emeta a ajouté que les renseignements devant être partagés aux termes de sa proposition seraient plus vastes que ce qui est requis par FATCA, ceci dans le but d'éviter de déclencher la clause de la nation la plus favorisée à l'avenir.

Clairement, la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale, ainsi que le renforcement de la transparence fiscale, est devenue et reste un enjeu important dans de nombreux pays. La Commission européenne a franchi une étape importante avec les modifications proposées à l'actuelle Directive sur les échanges d'informations qui a des effets multiples, notamment : (i) une plus grande transparence fiscale au sein de l'UE ; (ii) la création d'un standard au sein de l'UE pour l'échange d'informations ; (iii) la moindre nécessité de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux au sein de l'UE et, (iv) la définition d'une norme éventuellement réutilisable pour les échanges d'informations avec ou dans d'autres régions du monde.


(1) Le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie.
(2) Treasury Regulations par.1.1471-1.1474. Certains amendements à portée technique ont été effectués sur cette réglementation ; ils ont été publiés en septembre 2013.
(3) Dispense généralement applicable, à l'exception cependant des établissements bancaires qui ont formulé une option pour appliquer le régime Qualified Intermediary -un régime prévu par la réglementation américaine et visant à simplifier l'accès au bénéfice des différentes conventions fiscales conclus par les Etats-Unis- et assumant une responsabilité particulière de prélèvement de certaines retenues à la source dans ce cadre.
(4) Notons que certaines mesures nationales ont d'ores-et-déjà été adoptées en ce sens. En particulier, la loi bancaire du 26 juillet 2013 a ajouté un nouvel article 1649 AC au CGI (N° Lexbase : L5065IXU), afin de prévoir les nouvelles obligations déclaratives résultant de FATCA. Article 1649 AC du CGI : "Les teneurs de compte, les organismes d'assurance et assimilés et toute autre institution financière mentionnent, sur la déclaration visée à l'article 242 ter (N° Lexbase : L0101IWN), les informations requises pour l'application des conventions conclues par la France organisant un échange automatique d'informations à des fins fiscales. Ces informations peuvent notamment concerner tout revenu de capitaux mobiliers ainsi que les soldes des comptes et la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature".

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