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par David Chrétien, Avocat, Landwell
le 12 Décembre 2013
Nous commencerons par un rappel de ce qu'est cette législation américaine puis nous verrons comment et dans quelle mesure elle a été transformée en un accord bilatéral (et même, une série d'accord bilatéraux).
I - Rappels sur la législation "FATCA"
"FATCA" désigne un dispositif légal américain adopté par le Congrès et ratifié par le Président Obama en mars 2010, qui vise à réduire l'évasion fiscale des contribuables américains détenant des actifs financiers à l'étranger.
Pour ce faire, la technique adoptée est, pour l'essentiel, extraterritoriale.
En effet, le "FATCA" impose aux institutions financières non-américaines ("Foreign Financial Institutions", ou FFI), tous pays confondus, de déclarer leurs clients américains (personnes physiques, personnes morales et entités) à l'administration fiscale américaine (l'Internal Revenue Services -IRS).
Les institutions financières ainsi appelées à collaborer sont (i) les établissements bancaires (ii) les assureurs-vie et (iii) l'industrie de la gestion d'actifs ; de mêmes, certains véhicules patrimoniaux, les holdings et les centres de trésorerie de groupes non-financiers pourraient également être affectés selon la nature de leurs activités.
Pour assurer l'effectivité du dispositif et susciter une collaboration de la part des institutions financières non-américaines, la loi "FATCA" crée un prélèvement à la source de 30 % ayant vocation à s'appliquer à un vaste ensemble de types de flux financiers payés à partir des Etats-Unis et reçus par une institution financière non-américaine (soit pour son compte propre, soit pour ses clients) qui ne souhaiteraient pas participer au mécanisme "FATCA" ("Non Participating Foreign Financial Institution").
Toujours pour assurer l'effectivité de cette législation, le législateur américain a prévu que, pour participer valablement au mécanisme FATCA, -et ainsi être protégé contre le prélèvement de 30 %- une institution financière non-américaine doit conclure un contrat (FFI agreement) avec l'administration fiscale, ce contrat étant standardisé et ayant pour but de créer, directement, dans le chef d'une FFI, les droits et les obligations qui concrétisent le régime FATCA.
Précisément quelles obligations ? La loi FATCA repose sur trois piliers pour identifier les ressortissants américains qui détiennent des avoirs conservés et gérés en dehors du territoire américain ou qui ouvrent des comptes dans des institutions financières non-américaines. Une FFI doit effectivement, pour satisfaire à FATCA :
1. respecter des obligations précises de diligence en matière d'identification de comptes détenus par un ressortissant américain (US person) ;
2. déclarer un ensemble d'informations administratives et financières concernant le ou les comptes gérés par l'institution financière non-américaine détenus par une US person ;
3. procéder au prélèvement de 30 % lorsque l'institution financière est confrontée à un client (identifié, ou non, comme américain) récalcitrant, i.e. un client qui ferait entrave à la déclaration par l'institution financière des données concernant ses avoirs ou comptes. L'obligation d'effectuer le prélèvement se dédouble puisque, aux termes de la loi FATCA et du contrat qui la lie avec l'administration américaine, une institution financière non-américaine participante (Participating Foreign Financial Institution) doit également retenir 30 %, au titre de FATCA, quand elle gère à titre de simple intermédiaire un paiement sourcé aux Etats-Unis et qu'elle doit adresser à la suite à une institution financière non-américaine ne participant pas au mécanisme FATCA.
Après la publication de divers projets et de discussions avec le secteur financier, le Trésor et l'administration fiscale américains ont publié la réglementation de mise en oeuvre de FATCA en janvier 2013.
Par ailleurs, après différents reports, l'entrée en vigueur de la loi FATCA a été fixée au 1er juillet 2014 ; cette fois-ci, sans perspective d'un nouveau report.
On le comprend, cette législation peut être perçue comme intrusive ; elle est en tous cas complexe car elle s'insère parfois difficilement dans les ordres juridiques nationaux qui, pour certains, peuvent prévoir des principes de respect des données bancaires, de non-transmission de données nominatives... Le fait d'avoir à effectuer un prélèvement prévu par le droit américain mais en-dehors du territoire américain peut également sembler difficilement concevable (même si c'est un effet de la correcte application du contrat FFI agreement que l'administration américaine propose aux institutions financières tout autour du monde).
Enfin, ce nouveau prélèvement méritera d'être articulé avec les conventions fiscales que les Etats-Unis ont conclu avec un certain nombre d'Etats ; ces conventions, notamment celles régissant l'évitement des doubles-impositions, partagent le droit à imposer entre chacun des Etats signataires et encadrent (ou plafonnent) les retenues à la source qu'un Etat signataire peut appliquer.
Ceci explique, peut-être, le succès et la multiplication des accords bilatéraux conclus par les Etats-Unis pour mettre en oeuvre FATCA de façon plus efficiente et sécurisée sur le plan juridique.
II - Les accords inter-gouvernementaux en vue d'améliorer le reporting fiscal international et de mettre en place FATCA (les "InterGovernmental Agreement, IGA")
FATCA a été "converti" et proposé par les Etats-Unis sous forme d'un accord bilatéral (avec quelques variantes et possibilités d'adaptations locales), en s'inspirant des modèles d'accords ou de clauses d'échanges systématiques d'informations.
Dans le cas de la France, l'article 27 de la Convention fiscale du 31 août 1994 modifiée en 2004 et en 2009 avec les Etats-Unis (N° Lexbase : L5151IEI), prévoit précisément le principe d'un échange d'informations à des fins fiscales.
Sur cette base, la conclusion d'un IGA permet d'atteindre les objectifs et de concrétiser certaines simplifications de FATCA :
Par ailleurs, les IGA prévoient une mise en oeuvre en partie simplifiée de la réglementation FATCA, avec les points notables suivants :
- travaux d'investigation du stock de comptes préexistants à l'entrée en vigueur de FATCA (c'est-à-dire au 30 juin 2014) ;
- mise en place d'une procédure d'investigation et d'ouverture pour les comptes créés à compter du 1er juillet 2014 (date d'entrée en vigueur de FATCA) ;
III - Les points notables de l'accord franco-américain
L'accord est complété par une annexe I qui détaille les diligences à respecter et une annexe II qui liste, spécifiquement au cas français, les institutions ou les types de produits financiers considérés comme exonérés des obligations-FATCA. Sur ce dernier volet, on note les points suivants :
IV - Quelles suites à FATCA ? Les suites directes et le "FATCA européen"
Au regard du délai restant avant l'entrée en vigueur de FATCA, les institutions financières françaises devront prendre des mesures basées sur cet accord-FATCA (et dans certains cas, la réglementation US), pour s'assurer qu'ils sont prêts à se conformer.
De même, les groupes non financiers devront analyser dans quelle mesure ils sont pourvus d'institutions financières répondant aux critères posés par FATCA en ce domaine.
Au-delà, et en termes plus prospectifs, FATCA pourrait bien constituer un accélérateur pour les promoteurs d'une plus grande transparence fiscale.
On retiendra à ce sujet en particulier que le Commissaire européen chargé de la fiscalité, Algirdas emeta, a présenté le 13 juin 2013 une proposition de Directive du Conseil visant à lutter contre la fraude fiscale en élargissant le champ d'application de l'échange automatique d'informations entre les Etats membres sur les "dividendes, plus-values, tous les autres revenus financiers et soldes de comptes" et dont l'entrée en vigueur est prévue à compter du 1er janvier 2015, au titre de l'année financière commençant le 1er janvier 2014. Un tel échange accru d'informations aboutirait à ce que l'Union européenne se dote de l'un des systèmes d'échange de renseignements fiscaux les plus aboutis au monde et de nature à servir de référent ou de modèle disponible pour être étendu plus largement à l'avenir.
FATCA et, en particulier, les accords bilatéraux liés à cette législation, ont été un fait déclencheur dans la recherche d'une plus grande transparence fiscale. Compte tenu d'une part du fait que les Etats membres de l'UE sont régis par une "clause de la nation plus favorisée", issue de l'article 19 de la Directive 2011/16/UE du sur la coopération administrative (N° Lexbase : L5101IPM), et d'autre part du fait que certains Etats membres de l'UE partageront des informations fiscales avec les Etats-Unis, cela impliquerait que ces Etats membres doivent partager la même information au sein de l'UE. Par conséquent, dans le but de créer un système plus efficace et d'éviter une myriade d'accords bilatéraux et multilatéraux au sein de l'Union européenne, la proposition présentée par Monsieur emeta étendrait l'article 8 de la Directive sur la coopération administrative pour y inclure le partage de l'information incluse dans FATCA et les IGAs. Monsieur emeta a ajouté que les renseignements devant être partagés aux termes de sa proposition seraient plus vastes que ce qui est requis par FATCA, ceci dans le but d'éviter de déclencher la clause de la nation la plus favorisée à l'avenir.
Clairement, la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale, ainsi que le renforcement de la transparence fiscale, est devenue et reste un enjeu important dans de nombreux pays. La Commission européenne a franchi une étape importante avec les modifications proposées à l'actuelle Directive sur les échanges d'informations qui a des effets multiples, notamment : (i) une plus grande transparence fiscale au sein de l'UE ; (ii) la création d'un standard au sein de l'UE pour l'échange d'informations ; (iii) la moindre nécessité de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux au sein de l'UE et, (iv) la définition d'une norme éventuellement réutilisable pour les échanges d'informations avec ou dans d'autres régions du monde.
(1) Le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie.
(2) Treasury Regulations par.1.1471-1.1474. Certains amendements à portée technique ont été effectués sur cette réglementation ; ils ont été publiés en septembre 2013.
(3) Dispense généralement applicable, à l'exception cependant des établissements bancaires qui ont formulé une option pour appliquer le régime Qualified Intermediary -un régime prévu par la réglementation américaine et visant à simplifier l'accès au bénéfice des différentes conventions fiscales conclus par les Etats-Unis- et assumant une responsabilité particulière de prélèvement de certaines retenues à la source dans ce cadre.
(4) Notons que certaines mesures nationales ont d'ores-et-déjà été adoptées en ce sens. En particulier, la loi bancaire du 26 juillet 2013 a ajouté un nouvel article 1649 AC au CGI (N° Lexbase : L5065IXU), afin de prévoir les nouvelles obligations déclaratives résultant de FATCA. Article 1649 AC du CGI : "Les teneurs de compte, les organismes d'assurance et assimilés et toute autre institution financière mentionnent, sur la déclaration visée à l'article 242 ter (N° Lexbase : L0101IWN), les informations requises pour l'application des conventions conclues par la France organisant un échange automatique d'informations à des fins fiscales. Ces informations peuvent notamment concerner tout revenu de capitaux mobiliers ainsi que les soldes des comptes et la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature".
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