Cahiers Louis Josserand n°4 du 11 janvier 2024 : Actualité

[Evénement] Retour sur… le colloque « Regards croisés sur l’actualité du droit de la famille », du 19 octobre 2023

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[Evénement] Retour sur… le colloque « Regards croisés sur l’actualité du droit de la famille », du 19 octobre 2023. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/103943416-evenement-retour-sur-le-colloque-regards-croises-sur-lactualite-du-droit-de-la-famille-du-19-octobre
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par Blandine Mallet Bricout, Professeure des universités, AGSE Cour de cassation

le 09 Janvier 2024

Colloque sous la direction scientifique de : Blandine Mallet‑Bricout, Professeure des universités, AGSE Cour de cassation ; Hugues Fulchiron, Professeur des universités ; Christine Bidaud, Professeure des universités, co‑directrice de l’Équipe Louis Josserand, organisé le 19 octobre 2023.


 

Ce colloque s’inscrit dans le cadre d’un partenariat créé entre l’Équipe de recherche Louis Josserand et le groupe québécois de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française. Il s’agit de la cinquième manifestation organisée depuis 2012, alternativement à Lyon et au Québec, sur des thèmes diversifiés, plus particulièrement en droit privé (mais sans être exclusive).

Cette année, le droit de la famille était à l’honneur, ce qui ne surprend pas au regard des profonds bouleversements que connaît la matière depuis une vingtaine d’années, aussi bien en France qu’au Québec, sous la poussée des progrès de la science ainsi que des évolutions des notions de couple et de famille. Le droit québécois est en effet en pleine reconstruction dans ce domaine, deux lois importantes étant récemment entrées en vigueur, la loi du 2 juin 2022 (LQ 2022, c 22), portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation,  qui a notamment modifié le Code civil du Québec « en matière de droits de la personnalité et d’état civil » (elle s’intéresse en particulier aux droits des personnes trans et non binaires), puis la loi du 6 juin 2023 (LQ 2023, c 13), relative notamment à la filiation, ainsi qu’aux « droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui ». Un second volet de la réforme du droit de la famille est attendu au Québec, qui portera sur la parentalité. Quant au droit français de la famille, il a connu de nombreuses évolutions depuis le début des années 2000, à travers des textes de loi ou de jurisprudence, et encore récemment le législateur a opéré des modifications ponctuelles dans la loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021, relative à la bioéthique N° Lexbase : L4001L7C, en autorisant notamment l’accès à la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes.

Cette journée de réflexion franco‑québécoise a permis de croiser ces évolutions juridiques, l’approche comparative étant particulièrement précieuse en ce qu’elle force à sortir des schémas de pensée habituels, alors même que les questions qui se posent sont, assez logiquement, les mêmes ou similaires dans les deux droits.

Parmi les nombreuses questions actuellement en débat, en France et au Québec, ont été retenues pour cette journée bilatérale trois grandes problématiques.

Le premier panel, réunissant les professeurs Solange Becqué‑Ickowicz (Université de Montpellier), Hugues Fulchiron (Université Lyon 3) et Andréanne Malacket (Université de Sherbrooke), s’est intéressé aux fondements de la filiation, entre la biologie, le vécu et la volonté individuelle, ce qui a permis de mettre au jour un questionnement profond sur le renouvellement de ces fondements et la difficulté que rencontrent le législateur et le juge (régulièrement saisi de questions inédites) pour établir une cohérence d’ensemble. Des pistes ont été envisagées, telles que celle d’une reconstruction de l’ensemble du droit de la filiation à partir du concept de « projet parental » (donc de la volonté individuelle ou partagée au sein d’un couple), ou encore celle d’un nouveau modèle combinant les différents fondements de la filiation autour de la notion d’engagement. Un débat nourri a ensuite eu lieu entre les membres du panel et le public sur la convention de mère porteuse tout récemment introduite dans le droit québécois, qui soulève nombre de questions aussi bien théoriques que pratiques.  

Le second panel a réuni les professeurs Johanne Clouet (UdeM, Montréal), Philippe Guez (Université de Nanterre) et Guillaume Kessler (Université de Savoie), autour des concepts modernes de pluriparenté (hypothèse de l’établissement de plus de deux liens de filiation) et de pluriparentalité (hypothèse dans laquelle plusieurs personnes tiennent un rôle parental). Sur la pluriparenté, pour l’heure non reconnue en France, M. Kessler s’est intéressé au droit comparé (USA, Cuba, Canada), certains États proposant des modèles ex‑post ou ex‑ante. Au Québec, Mme Clouet a exposé que la reconnaissance de la pluriparenté est actuellement en débat, dans le cadre d’un contentieux spécifique porté devant les hautes juridictions de cette province. À propos de la pluriparentalité, M. Guez a évoqué la figure juridique de la délégation‑partage de l’autorité parentale, et notamment la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur le « Faamou » utilisé comme préalable à l’adoption en Polynésie française. Les discussions se sont poursuivies autour des conséquences pratiques de la pluriparenté et de la pluriparentalité, sur lesquelles on commence à réfléchir en France ; Me Thouret (Avocat), notamment, a exposé un exemple de contentieux portant sur une « convention de coparentalité » conclue entre deux femmes mariées et un homme.

L’après‑midi du colloque a ensuite été consacré aux questions liées à l’identité. En premier lieu, la transition légale de genre a été abordée par les professeurs Christine Bidaud (Université Lyon 3), Louise Langevin (Université Laval), et Benjamin Moron‑Puech (Université Lyon 2), qui ont croisé les regards français et québécois à partir d’une série de questions : l’identification des caractéristiques sexuées et du genre, la pertinence de retenir ces informations dans des documents officiels, le rôle de la société civile pour faire évoluer le droit sur ces questions, l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme, les spécificités concernant les peuples autochtones (en Nouvelle‑Calédonie), la procédure de changement de « mention du sexe », outre l’évocation d’intéressantes statistiques en ce domaine.

Dans un second temps, un dernier panel composé des professeurs Michelle Giroux (Université d’Ottawa) et Fabien Marchadier (Université de Poitiers), ainsi que de Mme Claire Brunerie (doctorante, Université Lyon 3), s’est intéressé à la problématique de l’accès aux origines, en revenant sur l’historique de la jurisprudence européenne et du droit québécois sur ce sujet, puis en évoquant plusieurs questions actuelles, notamment la différence de traitement juridique du secret des origines en France (aucune obligation d’informer l’enfant) et au Québec (principe de transparence depuis 2016, en matière d’adoption et de don de gamètes). Les procédures applicables pour répondre aux demandes de connaissance de ses origines ont par ailleurs été exposées, ainsi que les enjeux de sites internet tels que MyHéritage (qui propose aux particuliers de réaliser des tests génétiques puis de croiser les données recueillies).

Une table ronde finale a permis de clôturer cette journée extrêmement riche avec les réactions de professionnels du droit sur les sujets abordés. Ainsi, les deux Présidentes de chambre de droit de la famille à la cour d’appel de Lyon, Mmes Bordenave et Dumurgier, Me Courtiade (Notaire) et Me Thouret (Avocat), ont pu mettre en lumière leurs expériences pratique, sous la modération de M. Richard Vessaud (Docteur en droit, Lyon 3).

La publication des actes du colloque en 2024 est à l’étude.

Par Blandine Mallet‑Bricout

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