Cahiers Louis Josserand n°4 du 11 janvier 2024 : Sociétés

[Chronique] Droit des sociétés

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N7886BZ4

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par Brune-Laure Dugourd, docteure et ATER et Quentin Némoz-Rajot, Maître de conférences, centre de droit de l’entreprise, Équipe de recherche Louis Josserand, Université Jean Moulin Lyon 3

le 09 Janvier 2024

Primauté des statuts sur les actes extra‑statutaires

♦ CA Lyon, 3e ch. civ. A, n° 18/04457 N° Lexbase : A33511M3

Mots‑clés : statuts acte extra‑statutaire pacte d’actionnaires force obligatoire liberté contractuelle SAS révocation dirigeant juste motif

Solution : en vertu des articles L. 227‑1 et L. 227‑5 du Code de commerce, les statuts fixent les conditions dans lesquelles la SAS est dirigée. S’il est admis que des actes extrastatutaires puissent les compléter, ils ne peuvent y déroger.

Portée : la cour d’appel de Lyon vient rappeler la primauté des statuts sur les actes extra‑statutaires.


L’analyse contractualiste de la société s’épanouit pleinement en présence de la SAS. Disposant d’une grande liberté contractuelle, les actionnaires déterminent les règles de fonctionnement de la société, et notamment les conditions dans lesquelles elle est dirigée. Par principe, ces éléments doivent figurer dans les statuts. Il est néanmoins admis que ces derniers soient complétés par des actes extra‑statutaires, tels qu’un règlement intérieur ou un pacte d’associés. Si la pratique en est friande, la prolifération de ces sources crée un risque de contrariété entre les différents actes établis. La question de leur articulation est ainsi au cœur de l’arrêt commenté.

En l’espèce, après leur modification, les statuts d’une SAS prévoyaient que le président était révocable pour juste motif. Un pacte d’actionnaires conclu le même jour, et signé par le président, rappelait quant à lui que le dirigeant était révocable à tout moment, sans mentionner la nécessité d’un juste motif de révocation. Quelques années plus tard, le président de la SAS est révoqué et licencié pour faute grave. Il conteste alors son licenciement devant le Conseil des prud’hommes et sa révocation devant le tribunal de commerce.

Après une lecture attentive des statuts, le tribunal de commerce de Bourg‑en‑Bresse estime que la révocation du président de la SAS est conditionnée à l’existence de justes motifs, caractérisés en l’espèce. Il constate également que les conditions de versement d’une indemnité de départ forfaitaire sollicitée par l’ex‑président ne sont pas remplies. L’ex‑président interjette appel, contestant le jugement concernant l’existence d’un juste motif et le rejet de sa demande de versement de l’indemnité de départ. C’est cependant la demande de la SAS qui est au centre de la solution. Celle‑ci sollicitait que le jugement soit réformé en ce qu'elle considérait que la révocation du dirigeant était conditionnée à l'existence de justes motifs. En effet, le pacte d’actionnaires signé postérieurement, notamment par le président, laissait entendre qu’il était révocable ad nutum. Après analyse des différents actes litigieux, la cour d’appel de Lyon estime que le pacte d’associés est simplement moins complet que les statuts. Dès lors, il ne peut être déduit de son silence et de sa ratification concomitante à la mise à jour des statuts, que les parties entendaient écarter la stipulation statutaire. La révocation du président de la SAS devait donc s’effectuer pour un juste motif, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Reprenant la solution rendue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 octobre 2022 [1], la cour d’appel profite de cet arrêt pour rappeler la hiérarchie existant entre les normes statutaires et extra‑statutaires. S’il est admis que les actes extra‑statutaires peuvent compléter les statuts, ils ne peuvent y déroger. Cette prééminence des statuts sur un pacte d’actionnaire, a déjà pu être affirmée par le passé [2] et concerne également les autres actes extra‑statutaires, notamment les règlements intérieurs ou les conventions de direction. En l’espèce, cette primauté s’explique par le fait que les articles L. 227‑1 et L. 227‑5 du Code de commerce imposent aux statuts de déterminer les conditions de direction de la société. Une lecture stricte de ces articles conduirait à écarter l’intervention de tout acte extra‑statutaire en la matière. Néanmoins, dans le sillage de la Cour de cassation, la cour d’appel estime que les actes extra‑statutaires ne sont pas interdits et peuvent compléter les statuts. Ils ne peuvent donc s’y substituer et sont limités à un rôle subsidiaire.

La règle réaffirmée par la cour d’appel de Lyon ne devrait cependant pas se cantonner aux cas où la loi donne compétence aux statuts, comme en matière d’organisation de la direction. Elle devrait s’appliquer plus largement, dans la mesure où la force obligatoire des statuts de la SAS tend à être affirmée [3]. En effet, la solution rendue est parfaitement justifiée au regard de la nature particulière des statuts et de leur force obligatoire. Ces derniers instituent la société et ont pour raison d’être de régir son fonctionnement. Cela justifie qu’ils s’imposent à ses différents organes et soient publiés. Les tiers peuvent ainsi se fier aux statuts pour décider ou non de contracter avec la société. Dès lors, les grandes règles de fonctionnement de la société ne sauraient être fixées et modifiées dans des actes confidentiels qui n’en ont pas la fonction et ne liant que les associés, même s’il s’agit de tous les associés.

À cet égard, tirant les conséquences logiques de la hiérarchie entre les normes statutaires et extra‑statutaires établie, les juges du fond rappellent que l’acte contraire aux statuts doit être écarté, et ce même s’il a été consenti par tous les associés. Au cas d’espèce, la précision n’est pas inutile, car le pacte d’associés affirmait qu’il prévalait sur les statuts. À ce titre, la sanction pourrait être critiquée au regard de la liberté contractuelle. En effet, cette dernière permet aux associés de régir leurs relations et le fonctionnement de la société au sein des statuts, mais également au sein de pactes extra‑statutaires. Dès lors, qu’il soit recueilli au sein des statuts ou d’un acte extra‑statutaire, l’accord des associés devrait produire le même effet. En ce sens, la Chambre commerciale a occasionnellement pu estimer que les associés d’une SARL pouvaient déroger à une clause des statuts par l'établissement d'actes extrastatutaires établis postérieurement et ayant recueillis le consentement de tous les associés [4].

Une telle approche ne tient cependant pas compte de la différence de nature existant entre les statuts et les autres actes extra‑statutaires. Elle est ainsi justement abandonnée par la cour d’appel, dans le prolongement de l’arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. La nouvelle solution ne contrarie pas pour autant la liberté contractuelle des associés. Ces derniers sont effectivement libres de déterminer les modalités de direction de la société dans les statuts et de se réserver une marge de manœuvre dans des actes extra‑statutaires. La force obligatoire des statuts commande donc de faire prévaloir cet accord initial dans lequel ils fixent leurs propres contraintes.

In fine, la solution de l’arrêt d’appel invite les praticiens à organiser les grandes règles de la direction de la SAS dans les statuts, et uniquement à les compléter par le biais d’actes extra‑statutaires. Ils devront également éviter de se servir d’actes extra‑statutaires pour modifier les règles de fonctionnement de la société, sans procéder à une modification statutaire.

Par Brune-Laure Dugourd

 

[1] Cass. com., 12 octobre 2022, n° 21‑15.382, F‑B N° Lexbase : A55138NI.

[2] V. not. Cass. com., 9 mars 2022, n° 19‑25.795, F‑B N° Lexbase : A94347P4.

[3] V. not. Cass. com., 27 juin 2018, n° 16‑14.097, F‑D N° Lexbase : A6118XU7 sur l’efficacité de la clause statutaire prévoyant la nullité d'une cession d’actions en violation d’un pacte d'associés ; Cass. com., 15 mars 2023, n° 21‑18.324, FS‑B N° Lexbase : A80079HZ, sur la nullité des décisions collectives adoptées en violation d’une clause statutaire.

[4] Cass. com., 12 mai 2015, n° 14‑13.744, F‑D N° Lexbase : A8754NHP ; v. aussi Cass. civ. 1, 22 novembre 1994, n° 92‑21.792 N° Lexbase : A8418CYG ; Cass. civ. 1, 2 mars 2004, n° 01‑14.243 N° Lexbase : A3966DBI.


Transformation avant cession : attention à la publication !

♦ CA Lyon, 1re ch. civ., sect. A, 6 juillet 2023, n° 20/05110 N° Lexbase : A99341A8              

Mots-clés : actions • cession de droits sociaux • droits d’enregistrement • opposabilité, parts sociales • transformation

Solution : la transformation d’une SARL en SAS n’est opposable à l’administration fiscale qu’à compter de sa publication.

Portée : la transformation avant cession des titres est licite. Toutefois, l’accomplissement des formalités de publicité doit être effectué avant de réaliser la cession pour bénéficier des conséquences fiscales tirées du changement de forme sociale, notamment en matière de droits d’enregistrement.


Transformation et droits d’enregistrement. Changer de forme sociale au cours du fonctionnement de la société est courant. À ce titre, la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme, qu'elle soit civile ou commerciale, n'entraîne aucunement la création d'une personne morale nouvelle [1]. Cependant, comme le démontre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon, le 6 juillet 2023 [2], il convient de se montrer particulièrement attentif au respect des formalités de publicité afin de bénéficier pleinement des conséquences de la transformation, notamment en matière de droits d’enregistrement. Pour ces derniers, dans le cadre d’une cession de droits sociaux, il n’existe pas de neutralité du droit fiscal. Bien au contraire, il faut distinguer entre cession de parts sociales et cession d’actions car le taux applicable varie en fonction du type de titre cédé. « Il demeure qu’il revient nettement plus cher de céder des parts sociales que des actions » [3]. Dès lors, réaliser la transformation avant cession d’une société dont le capital social est composé de parts sociales en une société par actions constitue-t-il un stratagème appréciable pour les cessionnaires afin de contourner cette distinction inopportune ? Aux dires du Professeur Gutmann, « l’histoire enseigne en effet que la différence entre les taux des droits d’enregistrement est discutable d’un point de vue théorique et absurde d’un point de vue pratique » [4].

Les faits. En l’espèce, la SARL TDA International fut opportunément transformée en SAS avec effet immédiat à la suite d’un vote en assemblée générale extraordinaire des associés en date du 24 juillet 2012. Aux termes de l’arrêt, « le même jour a été ouvert au nom de la société TDA International un registre des mouvements de titres ». Le lendemain de l’assemblée générale, comme constaté dans le nouveau registre des mouvements de titres, la cession de l’intégralité de la société TDA International à la société Cegid était réalisée. La déclaration de cession de droits sociaux fut ensuite déposée le 3 août 2012 auprès du SIE entrainant le paiement, par la société Cegid, de droits d’enregistrement pour un montant de 37 303 euros.

Dans un second temps, le 7 août 2012, le procès-verbal de l’assemblée ayant décidé de la transformation était enregistré auprès du SIE puis publié dans un journal d’annonces légales le 1er septembre 2012. Par la suite, ce même procès-verbal était déposé au greffe du tribunal de commerce de Lyon le 25 septembre 2012 et, enfin, faisait l’objet d’une publication au Bodacc le 25 octobre de la même année.

La rectification. En décembre 2015, l’administration a adressé une proposition de rectification contradictoire à la société Cegid. Elle considérait que la transformation en SAS lui était inopposable à la date de la cession. Autrement dit, la cession des titres devait être soumise aux droits d’enregistrement applicables aux cessions de parts de SARL et non d’actions de SAS. Elle demanda alors le paiement de droits supplémentaires à hauteur de 75 455 euros et d’intérêts de retard pour 10 564 euros. Il n’était donc plus possible pour la Cegid de bénéficier du taux de droit d’enregistrement applicable aux cessions d’actions octroyé par l’habile transformation réalisée avant cession.

Taux des droits d’enregistrement en matière de cession de titres. En effet, pour une vente de parts sociales réalisée avant le 1er août 2012, l’opération était soumise à un droit d'enregistrement dont le taux était fixé comme suit : 3 % pour la fraction d'assiette inférieure à 200 000 euros, 0,5 % pour la fraction comprise entre 200 000 euros et 500 000 000 euros et 0,25 % pour la fraction excédant 500 000 000 euros. En droit positif, en vertu de l’article 726, I, 1 bis, du Code général des impôts N° Lexbase : L4144MGL, le taux est désormais de 3 % avec application, sur la valeur de chaque part sociale, d’un abattement égal au rapport entre la somme de 23 000 euros et le nombre total de parts sociales de la société [5]. À l’inverse, pour les cessions d’actions, le taux est de 0,1 % (CGI, art. 727, I, 1° N° Lexbase : L7960HLE).

Procédure. En l’espèce, l’opportunité économique de procéder à une transformation de la SARL en SAS préalablement à la cession apparaissait évidente. Aussi, après rejet de sa réclamation, la société Cegid a-t-elle assigné l’administration devant le tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir la décharge des droits d’enregistrement pour la somme de 86 019 euros. La juridiction de première instance a fait droit à sa demande et le Directeur général des finances publiques a alors interjeté appel. Dans son arrêt en date du 6 juillet 2023, la cour d’appel de Lyon lui donne raison à travers une décision qui invite les praticiens à la plus grande vigilance en matière de transformation avant cession.
Abus de droit et transformation avant cession. Avant tout, rappelons qu’une transformation avant cession ne porte pas en elle-même le germe d’un abus de droit au sens de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L9266LNI [6]. Selon l’arrêt dit « RMC-France », une opération de transformation en SA suivie de la cession des titres ne peut être analysée comme un montage constitutif d'un abus de droit, sans constater que la société transformée était revenue à sa forme antérieure de SARL [7]. Dans une autre décision confirmant la licéité d’une transformation avant cession, la Cour de cassation a estimé que lorsque la cession de droits sociaux est subordonnée à la transformation préalable de la forme de la société (SARL en SA), cette clause présente le caractère d'une condition suspensive, excluant toute perception de l'impôt tant que la condition n'est pas réalisée. En revanche, après la transformation, le droit de mutation peut être perçu en fonction de la nature des biens transmis [8]. Il est vrai qu’une transformation décidée par les associés entraîne différents effets qui ne se limitent pas à la question des droits d’enregistrement. Aux dires de la Cour de cassation dans l’arrêt précité de 1996, « la transformation régulière et effective d'une société à responsabilité limitée en société anonyme, décidée par les associés à la majorité requise pour la modification des statuts entraîne des effets multiples et est une opération nécessairement distincte de la cession ultérieure des actions par les associés individuellement ». Cependant, et comme le démontre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, encore faut-il accomplir des formalités de publicité pour rendre opposable la transformation à l’administration.

La solution des magistrats lyonnais. Pour faire droit à la demande de l’administration, les magistrats lyonnais considèrent que l’inscription sur le registre des mouvements de titres indiquant qu’il s’agissait d’une cession d’actions de SAS ne rend pas la transformation de la société opposable à l’administration puisqu’il s’agit de deux opérations distinctes. Il est relevé que la transformation n’avait pas encore été publiée au moment de la cession et « que l’administration était dans l’impossibilité d’avoir connaissance de la transformation de la société TDA International avant, au plus tôt, la publication du procès-verbal de délibération de l’assemblée générale extraordinaire de transformation qui n’a été enregistré auprès du SIE que le 7 août 2012 ». La cession devait donc être analysée comme une cession de parts sociales et taxée en conséquence. D’autant plus qu’il est ajouté dans l’arrêt que le rapport du commissaire à la transformation avait été, certes, déposé au greffe du tribunal de commerce antérieurement à la vente, mais qu’il ne permettait pas à l’administration d’être informée de la nouvelle forme qui n’avait pas encore été adoptée. Dans l’attente d’un éventuel arrêt de la Cour de cassation sur la question, une extrême attention doit donc être apportée au respect et à l’ordre d’accomplissement des formalités rituelles : « d’abord la transformation et sa publicité, toujours, puis la cession et sa publicité, toujours ». En l’absence d’une disposition légale l’affirmant expressément, un temps certain doit désormais s’écouler entre la transformation suivie de sa publicité et la cession des titres.

Une solution critiquable. Pour éviter toute difficulté et diminuer la charge fiscale du cessionnaire, il est donc indispensable de rendre la transformation opposable à l’administration. Cependant, l’analyse suivie par la cour d’appel de Lyon interroge. Le Professeur Dondero décèle « une appréciation erronée retenue par la cour d’appel » [9], là où le Professeur Vabres remarque « un arrêt critiquable » [10]. En effet, la cour d’appel se fonde sur l’article L. 123-9 du Code de commerce N° Lexbase : L5567AIZ et notamment son alinéa premier aux termes duquel : « la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l’exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s’en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre ».

Si de toute évidence le fait générateur de l’impôt est bien la date de la cession, on peut s’interroger sur la date d’opposabilité à retenir à l’égard de l’administration. En effet, la société Cegid avait publié la transformation très largement avant la proposition de rectification contradictoire et une cession d’actions a bien été, dans les faits, réalisée. Certes, l’arrêt énonce « qu’à la date de la cession comme à la date de la présentation à l’enregistrement des déclarations de cession, la transformation de la SARL TDA International en société par actions simplifiée n’était pas opposable à l’administration fiscale qui était dans l’impossibilité d’en avoir connaissance ». Mais est-ce bien ces dates qui doivent être retenues dans le cadre d’une rectification et, au demeurant, laquelle de ces deux dates faut-il faire primer si la publicité est réalisée entre les deux ?

Dans la même veine, le raisonnement suivi paraît remettre en cause le délai d’un mois, certes non respecté en l’espèce, pour procéder aux mesures de publicité déterminé par l’article R. 123-66 du Code de commerce N° Lexbase : L8305L3Y. Si ce délai est respecté, la transformation cession ne devrait-elle pas être opposable à l’administration ? Une réponse positive réduirait drastiquement la portée de la décision et s’avèrerait rassurante pour les praticiens. Néanmoins, la lettre de l’arrêt ne semble absolument pas aller en ce sens.

Enfin, l’alinéa 3, de l’article L. 123-29 du Code de commerce N° Lexbase : L7904LCQ pourrait justifier une autre lecture de la situation. Ce texte précise que les tiers comme les administrations qui avaient personnellement connaissance des faits et actes non publiés ne peuvent se prévaloir de l’absence de publication. Le Conseil d’État a d’ailleurs eu l’occasion de le rappeler dans différentes affaires en énonçant « qu’il résulte de ces dispositions que les faits ou actes qui doivent être mentionnés au registre du commerce et des sociétés ou déposés en annexe à ce registre sont opposables aux administrations qui en ont eu connaissance, alors même que les faits ou actes en cause n'auraient pas fait l'objet de la formalité correspondante » [11]. Or en l’espèce, les juges lyonnais remarquent que « la déclaration de cession des droits sociaux déposée le 3 août 2012 ne fait aucunement état de la transformation préalable de la société TDA International, la société TDA international y étant présentée comme une société par actions simplifiée ». Informer l’administration d’une vente d’actions de SAS et non de parts sociales d’une SARL paraît cependant éclairant et suffisant. Dès lors, en dépit de la non-réalisation des formalités de publicité, pourquoi ne pas reconnaître que l’administration avait connaissance de la transformation qui devrait alors être taxée conformément à la volonté des parties mais aussi à la réalité ?

Face à toutes ces interrogations, une décision de la Haute juridiction est attendue avec insistance.

Par Quentin Némoz-Rajot

 

[1] M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, coll. Manuel, 36e éd., 2023, p. 300, n° 749.

[2] CA Lyon, 1re ch. civ., 6 juillet 2023, n° 20/05110 N° Lexbase : A99341A8 : BRDA 21/23, n° 25, note B. Dondero.

[3] C. de la Mardière, Droit fiscal de l’entreprise, Bruylant, coll. Paradigme, 1re éd., 2022, p. 538, n° 1615.

[4] D. Gutmann, Droit fiscal des affaires, LGDJ, coll. Domat Droit privé, 14e éd., 2023, p. 822, n° 954.

[5] V. not. D. Gutmann, op. cit., p. 822, n° 954.

[6] V. not. R. Vabres, Droit fiscal 2023, Dalloz, coll. Hypercours, 3e éd., 2023, n° 1484.

[7] Cass. com., 10 décembre 1996, n° 94-20.070, publié au bulletin N° Lexbase : A2547ABX ; H. Hovasse , note, JCP E, 1997, II, 923 ; add. BOI-ENR-DMTOM-40-10-10, n° 140 N° Lexbase : X4781ALN.   

[8] Cass. com., 9 février 1999, n° 97-10.907, publié au bulletin N° Lexbase : A6402AG9 ; Dr. fisc., 1999, n° 27, comm. 550.

[9] B. Dondero, note sous CA Lyon, 6 juillet 2023, op. cit.

[10] R. Vabres, note sous CA Lyon, 6 juillet 2023, op. cit.

[11] Pour un changement de la date de clôture de l’exercice d’une société : CE, 3e-8e ch. réunies, 24 juillet 2019, n° 416243 et n° 416244 N° Lexbase : A7261ZK7. Pour un changement d’adresse du siège social d’une société : CE, 9e ch.,11 mai 2022, n° 443029 N° Lexbase : A83077WL.

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