Cahiers Louis Josserand n°4 du 11 janvier 2024 : Actualité

[Evénement] Retour sur… le colloque « La fraude fiscale en France, en Europe et à l’international (y compris les nouvelles technologies) », du 5 mai 2023

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[Evénement] Retour sur… le colloque « La fraude fiscale en France, en Europe et à l’international (y compris les nouvelles technologies) », du 5 mai 2023. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/103789168-evenement-retour-sur-le-colloque-la-fraude-fiscale-en-france-en-europe-et-a-linternational-y-compris
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par Georges Cavalier (dir.), Maître de conférences HDR du Centre de droit de l'entreprise, Équipe de recherche Louis Josserand, Université Jean Moulin Lyon 3

le 09 Janvier 2024

Colloque organisé le 5 mai 2023, en partenariat avec les éditions Larcier-Bruylant et la Revue européenne et internationale de droit fiscal.


Le 5 mai 2023, l’Équipe de recherche Louis Josserand et le Centre de droit de l’entreprise ont organisé (mode hybride), en partenariat notamment avec les éditions Larcier-Bruylant, un colloque international ayant pour thème « La fraude fiscale en France, en Europe et à l’international – Contradictions, efficacité et nouvelles technologies », et visant à « identifier les problèmes persistants dont souffre encore la lutte contre la fraude fiscale en France, en Europe et à l’international pour suggérer des pistes d’amélioration, notamment grâce aux nouvelles technologies ». 

Jean-Luc Pierre, Alexis Bavitot, Pablo Guédon, et Georges Cavalier, membres de l’Équipe, ont notamment participé à ce colloque, avec d’autres collègues de notre Faculté (Lukasz Stankiewicz, Benjamin Ricou).

Le colloque a réuni cent soixante participants (dont de nombreux étudiants) venants de France, d’Allemagne, d’Autriche, du Brésil, du Canada, du Cameroun, des États-Unis d’Amérique, d’Irlande, d’Italie, du Maroc, de Suisse, etc.

Le colloque a été ouvert par un discours de bienvenue du Doyen Olivier Gout et du Professeur Jean-Christophe Roda (Directeur du Centre de droit des affaires), ainsi que du Professeur Thierry Lambert (Directeur de la Revue internationale et européenne de droit fiscal – éditions Larcier-Bruylant, où seront publiées les contributions – numéro 2/2023).

Les différents participants au symposium ont formulé plusieurs propositions qui pourraient être mises en œuvre notamment au niveau de l’Union européenne, par exemple afin de trouver un équilibre entre la protection du secret professionnel de l’avocat et son utilisation abusive en matière fiscale, ou la mise en place d’un système coordonné de retenues à la source remboursables à percevoir par l’Union européenne, mais aussi par les États-Unis et le Japon. Le colloque a mis l’accent sur les nouvelles technologies, qui devraient compléter et non supplanter les interventions humaines.

Plus spécifiquement, le programme du colloque formulait une première hypothèse de tendances contradictoires qui méritait d’être vérifiée. En effet, et en raisonnant de manière structuraliste, l’effort n’a pas été vain car il a permis de mettre à jour des oppositions (opposition axiologique, relative à l’objet de l’étude d’abord, opposition entre le droit commun et le droit spécial, opposition (voire conflit ?) de règles, entre notamment celles ayant pour objectif de lutter contre la fraude et celles visant à assurer le secret professionnel de l’avocat).  Ainsi, au sein des tendances contradictoires dont le colloque avait l’intuition, on peut relever une évolution ; sur la notion même de fraude fiscale qui semble maintenant toucher ce qui était encore hier légal : l’évasion fiscale. Les évolutions vers la pénalisation ne se font pas sans mettre sous tension les principes classiques du droit pénal, mais également de procédure, qu’elle soit pénale ou régissant l’activité d’avocat (CESDH, art. 8 N° Lexbase : L4798AQR ; Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 7 N° Lexbase : L0230LGM). Ces tendances contradictoires confirmées, il convenait de vérifier l’efficacité des textes.

L’efficacité des textes méritait d’être formulée en tant que deuxième hypothèse, en même temps qu’elle fait naître une nouvelle opposition visant les asymétries, entre des textes qui se superposent pour lutter contre la fraude, et une efficacité relative, sans compter que « les objectifs de clarté du droit fiscal et de sécurité juridique pour le contribuable en sortent quant à eux quelque peu malmenés ». L’autre branche de l’asymétrie est identifiée à travers un fractionnement de l’Instrument multilatéral qui réduit l’efficacité de ce texte, même s’il trouve opportunément dans les Directives européennes un autre véhicule normatif pour atteindre les législations nationales : ceci pointe vers une cinquième opposition entre cette harmonisation, et une simple coordination. Aux États-Unis, voire au Japon, le système coordonné de retenue à la source remboursable est une possible conclusion de ce colloque. Il est tout aussi simple que révolutionnaire, dans son sens initial de tourner sur lui-même. Simple, car il aurait l’avantage de réduire les coûts énormes de compliance imposés aux banques soumises au régime actuel d’échange de renseignement. Mais surtout révolutionnaire, car il inverserait la préférence traditionnelle en imposant le revenu actif principalement dans l’État de résidence et le revenu passif principalement dans l’État de la source.  Cette coordination de retenue à la source n’est pas encore de mise, car on lui préfère aujourd’hui l’échange de renseignements.

En conclusion intermédiaire, les évolutions les plus spectaculaires proviennent sans doute des juges, car les textes, même efficaces, sont toujours perfectibles, même si une opposition naît entre la divergence des juges (par exemple dans l’appréciation du bénéficiaire effectif) et au contraire une convergence entre les juridictions (le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne convergent dans les logiques d’interprétation de la notion de montage artificiel). Cette complémentarité ou cette collaboration, peut-elle aussi être technologique ? Parmi les possibles visions politiques de ce que devrait être le contrôle fiscal, l’utilisation de l’intelligence artificielle et celle du data mining seraient en elles-mêmes inefficaces : ces outils devraient compléter et non supplanter les moyens humains. C’est donc une démarche « symbiotique », à l’opposé d’une attitude conflictuelle, qu’il conviendrait d’adopter, par exemple via l’utilisation de la blockchain.

Au terme de cette recherche collective, l’évolution de la fraude fiscale dans cette triple perspective française, européenne, et internationale semble considérable. Plus éloignés de la conception formelle du droit, le législateur, les juges, la technologie, et les savants en France et hors de France participent à mettre à jour cette transformation qui affecte l’objet d’étude : la fraude fiscale. Tout cela est assez réjouissant, mais une inquiétude mérite d’être partagée : ces oppositions affectent la sécurité des contribuables. Ce questionnement est particulièrement prégnant en matière de fraude fiscale qui mobilise la matière pénale et reste encore très attachée au principe de légalité. C’est peut-être aussi le signe que les juristes fiscalistes n’ont plus le monopole du droit fiscal, et qu’ils ont besoin d’autres disciplines – économiques, technologiques, philosophiques – pour rendre compte de l’objet de leurs discours.

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