Réf. : Cass. crim., 11 mai 2023, n° 22-85.425, FS-B N° Lexbase : A39619TU
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par Adélaïde Léon
le 24 Mai 2023
► L’infraction de traite des êtres humains définie par l’article 225-4-1 du Code pénal ne peut être caractérisée que s’il est établi que la victime est mise à disposition afin d’être contrainte à commettre tout crime ou délit, ou de permettre la commission envers elle de l’une des infractions limitativement prévues par cet article.
Rappel des faits et de la procédure. Un homme et une femme ont été interpellés à la frontière serbe, accompagnés d’une mineure dont ils détenaient un extrait d’acte de naissance et une fausse autorisation parentale de sortie de territoire.
L’enquête puis l’instruction entreprises dans ce dossier ont permis d’établir que les intéressés avaient accompagnées plusieurs filles mineures depuis des pays d’Europe de l’Est vers des pays de l’Ouest afin de les marier moyennant rémunération.
Le tribunal correctionnel a déclaré l’homme coupable et l’a condamné à sept ans d’emprisonnement.
Le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement.
En cause d’appel. La cour d’appel a relaxé le prévenu du chef de traite des êtres humains au motif que cette infraction suppose notamment que l’auteur ait poursuivi un but particulier, soit la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d’agressions ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, ou bien qu’il ait voulu contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit.
Or en l’espère, les juges ont considéré qu’aucun élément ne permettait d’incriminer le prévenu dans la poursuite de l’un de ces buts fixés par la loi et notamment celui tendant à offrir de jeunes filles à des hommes en vue d’une atteinte ou d’une agression sexuelle. Selon la cour d’appel, le prévenu a toujours contesté avoir mis les jeunes filles à dispositions de leurs futurs maris en poursuivant un autre but que de préparer leur mariage. Également, selon la cour, les personnes concernées n’avaient subi aucune atteinte ou agression sexuelle.
Si les juges soulignent que l’aspect mercantile d’un mariage arrangé, même s’il relève d’une pratique culturelle, est moralement choquant, ils constatent que les comportements imputés au prévenu, dont il n'est pas démontré qu'il était motivé par une volonté de livrer les jeunes filles à leurs futurs maris aux fins d'agressions sexuelles, d'atteintes sexuelles ou de toute autre forme d'exploitation sexuelle, ne caractérisent pas l'infraction de traite d’être humain.
L’article 225-4-1 du Code pénal N° Lexbase : L6570IXM, lequel définit cette infraction, doit, selon la cour, être interprété strictement.
Relaxé de ce chef, le prévenu a, pour détention frauduleuse de faux documents administratifs, été condamné à trois ans d’emprisonnement dont un an avec sursis probatoire.
Le procureur général près la cour d’appel a alors formé un pourvoi contre l’arrêt de la juridiction d’appel.
Moyens du pourvoi. Selon le procureur général, la traite des êtres humains est une infraction formelle et n’implique pas, pour être constituée, qu’elle soit suivie d’un des comportements incriminés par l’article 225-4-1 du Code pénal.
Le pourvoi critique également le raisonnement de la cour d’appel qui a consisté à se fonder notamment sur le consentement des victimes, lequel ne permet pas d’écarter l’infraction.
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi et affirme que la cour d’appel a exactement justifié sa décision.
Selon la Cour, il est exact que l’infraction en cause n’est constituée que si la victime est mise à disposition afin d’être contrainte à commettre tout crime ou délit, ou de permettre la commission envers elle de l’une des infractions limitativement énumérées à l’article 225-4-1 du Code pénal.
La Chambre criminelle considère ensuite que c’est à bon droit que les juges d’appel ont, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, relevé que les seules infractions prévues par le texte précité et susceptibles d’avoir été favorisées par l’intervention du prévenu étaient celles d’agressions sexuelles ou d’atteintes sexuelles.
Or, la cour d’appel a constaté à cet égard que les âges respectifs des victimes et de leurs fiancés ne permettaient pas d’envisager la commission d’atteintes sexuelles.
S’agissant de l’infraction d’agression sexuelle, faute de n’avoir constaté aucune contrainte, violence, menace ou surprise exercée contre les jeunes filles, et après avoir vérifié qu’aucune n’avait ensuite été soumise contre son gré à des faits de nature sexuelle, les juges n’ont pu que conclure que le risque que des agressions sexuelles aient pu être facilitées à raison des faits reprochés au prévenu n’était pas caractérisé.
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