Lexbase Public n°700 du 23 mars 2023 : Domaine public

[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Les préoccupations des acteurs privés occupant le domaine public maritime et portuaire

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N4758BZA

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[Actes de colloques] Les transformations contemporaines du droit domanial - Les préoccupations des acteurs privés occupant le domaine public maritime et portuaire. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/94360788-actes-de-colloques-les-transformations-contemporaines-du-droit-domanial-les-preoccupations-des-acteu
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par Sylvie Laridan, Avocat au barreau de Marseille

le 22 Mars 2023

S’il est indispensable que les personnes publiques valorisent leur domaine public, il n’en reste pas moins que la situation des acteurs privés est précaire et – pour les activités exercées sur le domaine public maritime et portuaire -   soumises à des aléas et contraintes : la météo, la durée saisonnière de l’activité etc …

Il est de l’intérêt des personnes publiques de pouvoir déterminer au mieux le montant de la redevance et pour cela il me semble indispensable qu’elles connaissent les contraintes qui pèsent sur les bénéficiaires en fonction des activités exercés.

Dans le cadre des mises en concurrence si le montant de la redevance versée par le bénéficiaire du titre devient le critère principal des critères de jugement des offres, le risque est grand d’avoir des offres qui ne soient pas sérieuses. Le Conseil d’Etat considère – s’agissant des conventions de délégation de service public - qu’un critère d’appréciation portant sur l’estimation du montant du chiffre d’affaires des candidats pendant toute la durée de la concession était irrégulier, motif pris de ce qu’il repose sur les seules déclarations des soumissionnaires, sans engagements contractuels de leur part et sans possibilité pour la personne publique d’en contrôler l’exactitude [1]. Cette jurisprudence trouverait certainement à s’appliquer dans le cadre des mises en concurrence de conventions d’occupation domaniale.

Et au-delà même de ne pas avoir des offres sérieuses financièrement le risque est d’avoir ensuite une exécution non conforme aux exigences de la convention : je pense au restaurant de plage ou il est souvent demandé dans les cahiers des charges « une ambiance familiale » avec l’interdiction de « fêtes et d’alcool sur l’espace dédié aux matelas ». Or, si le candidat retenu est celui qui a fait la meilleure offre financière au regard d’un chiffre d’affaires très élevé, il y a un risque que l’ambiance de la plage ne soit pas si familiale que cela….

Pour appréhender les préoccupations des acteurs privés qui occupent le domaine public, l’exemple des sociétés de locations de voiliers est intéressant.

Les sociétés de locations de voiliers doivent avoir une flotte d’une vingtaine ou trentaine de bateaux pour être attractives et rentables (première contrainte un nombre significatif de places doit donc être mis en concurrence). Ces sociétés sont généralement liées à un constructeur (Jeanneau, Bénéteau Dufour…) par un contrat de distribution qui fixe une exclusivité dans un périmètre donné et qui impose des objectifs annuels d’achat de voiliers.

Même en anticipant la fin de la convention, il est quasiment impossible d’avoir des places dans un autre port dans le périmètre du contrat de distribution et il est évidemment impossible de trouver un emplacement pour des voiliers en dehors d’un port.

L’occupant se voit en fin de contrat devoir reprendre son personnel et matériel sans savoir où mettre ses voiliers.

La mise en concurrence est problématique pour ces sociétés car elle leur impose de se préparer à la perte possible de l’emplacement longtemps à l’avance (diminution de la flotte de bateaux, non remplacement des bateaux) avec du coup une perte d’attractivité et de rentabilité et avec in fine, le risque de la perte du contrat de distribution.

Si la mise en concurrence reste le principe en cas d’exploitation économique du domaine public (CGPPP, art. L. 2122-1-1 N° Lexbase : L9569LDR), il ne faut pas perdre de vue que le législateur a introduit de nombreuses exceptions.

Je n’en citerai qu’une seule : l’article L. 2122-1-3 4° du CGPPP N° Lexbase : L9571LDT autorise qu’il n’y ait pas de mise en concurrence « lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d'occupation ou d'utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l'exercice de l'activité économique projetée ».

Une réponse du ministre de l’Économie publiée au JO du 4 décembre 2018 est venue préciser ces dispositions en s’appuyant sur les travaux interministériels qui ont précédé l'adoption de l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, relative à la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L8339LD9 [2]. Il ressort entre autres de cette circulaire que les « ‘caractéristiques particulières de la dépendance’ peuvent s'appliquer aux dépendances domaniales situées à proximité d'un site donné, d'un équipement spécifique ou encore des parcelles adjacentes à une parcelle déjà concédée et nécessaire à l'extension et à la réalisation de l'activité (caractéristiques techniques ou fonctionnelles) ».

Il y a donc des pistes à creuser sur les exceptions à la mise en concurrence pour concilier activité économique et occupation du domaine public. Il me semble que la bonne méthode serait pour les gestionnaires de rédiger une doctrine (comme le fait le Grand Port Maritime de Marseille) qui expliciterait et justifierait en amont les raisons qui font que l’attribution d’un emplacement pour telles ou telles activités n’est pas soumise à concurrence.

Par ailleurs, dans les ports de plaisance la durée d’attribution des postes à quai pour des activités économiques est limitée à cinq ans par l’article R. 5314-31 du Code des transports N° Lexbase : L3525I7P ce qui est souvent très insuffisant pour amortir les investissements.

La question se pose de savoir si les gestionnaires de port sont tous tenus par cette limitation de durée.

Une lecture combinée des articles R. 5314-28 N° Lexbase : L3398KWR et R. 5314-31 du Code des transports pourrait laisser penser que non.

En effet, l’article R. 5314-28 dispose que « Les dispositions de la présente section sont applicables aux dépendances du domaine public naturel ou artificiel, maritime ou fluvial, mises à la disposition des régions, des départements, des communes ou des groupements de collectivités territoriales en application de l'article 9 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 (…) ».

L’article R. 5314-31 du Code des transports qui limite à cinq ans l’attribution des postes à quai ne serait donc applicable qu’aux ports de plaisance qui n’auraient pas encore fait l’objet d’un transfert en pleine propriété.

On sait que les gestionnaires de ports de plaisance, une fois délimités les contours du port (en application de l’article R. 5311-1 du Code des transports N° Lexbase : L3289I7X, peuvent demander des transferts en pleine propriété de leur port (cela a été fait par la commune de Cavalaire par exemple).

Un transfert en pleine propriété des ports semble donc donner plus de marge de manœuvre aux gestionnaires des ports pour accorder les titres et permettre des durées d’occupation non plus limitées à cinq ans mais sur une durée qui sera déterminée en tenant compte des investissements et de la durée des amortissements dans les conditions prévues à l’article L. 2122-2 du CGPPP N° Lexbase : L9591LDL.

 

[1] CE, 8 avril 2019, n° 425373 N° Lexbase : A8880Y8E.

[2] QE n° 6259 de M. Patrick Vignal, JOANQ, 13 mars 2018, réponse publ. 4 décembre 2018, p. 11020, 15ème législature N° Lexbase : L7379LNM.

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