Réf. : Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 21-23.176, FS+B N° Lexbase : A18009GR
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 08 Mars 2023
► L’harmonisation du point de départ des délais de prescription se poursuit : l’action en paiement de travaux exercée par le professionnel à l’encontre du consommateur court à compter de l’exécution de la prestation.
Il faut s’en féliciter, la Haute juridiction continue son travail d’harmonisation et, par la même, de simplification, des délais de prescription en ce compris quant à leur point de départ. La prescription étant une notion transverse, elle s’applique au droit de la construction comme à d’autres branches du droit, comme en atteste la décision rapportée.
Mais il y a un « mais ». Cela peut conduire à réduire le délai de prescription pour celui qui tarde à facturer.
En l’espèce, un maître d’ouvrage confie des travaux de construction d’un mur de soutènement et de réfection de terrasses à un constructeur. Le constructeur lui adresse une facture pour le solde de ses travaux le 19 décembre 2011. Après une expertise amiable, l’entreprise assigne en paiement par acte du 23 septembre 2014.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 27 mai 2011, déclare sa demande irrecevable pour être prescrite.
Le constructeur forme un pourvoi en cassation. Il articule, d’une part, que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrivent certes par deux ans mais que ce délai court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Ce n’est donc pas la date d’émission de la facture, contrairement à ce qu’ont considéré les juges du fond. Le point de départ devrait être le jour où la créance est devenue exigible. Il expose, d’autre part, que ce point de départ ne peut en tout état pas être la date de contestation de l’achèvement ou de la bonne réalisation des travaux.
La Haute juridiction, par une motivation dite enrichie particulièrement pédagogue, rappelle que :
1° l’article L. 218-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L1585K7T prévoit une prescription biennale de l’action des professionnels des biens et des services qu’ils fournissent aux consommateurs ;
2° l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC précise que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Partant, elle explique que doit être abandonnée la jurisprudence antérieure qui fixait le point de départ des délais au jour de l’établissement de la facture (Cass. civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-10.908, FS-P+B N° Lexbase : A2287NKW ; Cass. civ. 3, 14 février 2019, n° 17-31.466, F-D N° Lexbase : A3425YX7) même lorsque l’action est enfermée dans le court délai de prescription biennale prévu par le Code de la consommation.
Afin d’harmoniser le point de départ des délais de prescription, précise la Haute juridiction, il y a désormais lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en dispose autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.
La décision avait déjà été amorcée il y a quelques mois : il y a lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle peut être l’achèvement des travaux (Cass. civ. 1, 19 mai 2021, n° 20-12.520, FS-P N° Lexbase : A10004ST).
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