Réf. : Cass. civ. 3, 25 mai 2022, n° 21-18.518, FS-B N° Lexbase : A25547YA
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N1702BZ3
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 03 Juin 2022
► L’assureur qui n’a pas indemnisé son assuré ne peut agir par subrogation mais peut appeler en garantie le responsable s’il est lui-même poursuivi ;
► L’assureur peut être déchargé, en tout ou partie, de sa responsabilité envers l’assuré quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur.
Les conditions et l’étendue de la subrogation de l’assureur est toujours source de contentieux, malgré les dispositions de l’article L. 121-12 du Code des assurances N° Lexbase : L0088AAI, notamment dans le domaine de l’assurance dommages-ouvrage. Il faut dire que cet assureur de préfinancement a tendance à invoquer la subrogation in futurum par crainte de ne pas pouvoir exercer ses recours, soit que son action serait prescrite soit parce que le juge viendrait à revenir sur une position de refus de garantie. Il est même des cas où c’est l’action de l’assuré qui va le priver de recours. La présente espèce en est une illustration.
Un maître d’ouvrage souscrit une assurance dommages-ouvrage portant sur la construction d’une maison individuelle. Il déclare un sinistre à cet assureur après la réception des travaux mais celui-ci lui notifie un refus de garantie. Le maître d’ouvrage l’assigne en référé-expertise puis au fond après le dépôt du rapport par l’expert.
La cour d’appel de Paris condamne l’assureur aux termes d’un arrêt rendu le 4 décembre 2020 (CA Paris, 4, 6, 4 décembre 2020, n° 19/17436 N° Lexbase : A927238W). Le premier juge a rejeté l’exception de subrogation soulevée par l’assureur, considérant qu’elle ne pouvait jouer qu’en cas de faute caractérisée de la part de l’assurée. Le maître d’ouvrage n’a pas commis de faute en assignant l’assureur au-delà du délai de dix ans suivant la réception mais dans le délai de deux ans prévu à l’article L. 114-1 du Code des assurances N° Lexbase : L2081MAC. Les conseillers rappellent que l’article L. 121-12 précité dispose, en son alinéa 2, que l’assureur peut être déchargé en toute ou partie de sa responsabilité envers l’assuré quand la subrogation ne peut plus, par son fait, s’opérer en faveur de l’assureur. Ils considèrent, toutefois, que cette condition ne serait pas remplie en l’espèce en rappelant, également, que l’assureur dommages-ouvrage, même non encore subrogé, est en droit d’assigner les constructeurs en responsabilité dans le délai décennal. Il faut, simplement, qu’il indemnise l’assuré avant que le juge ne statue. C’est la fameuse subrogation in futurum.
Autrement dit, ce serait l’inaction de l’assureur et non la délivrance de l’assignation en référé postérieurement à l’expiration du délai décennal qui a empêché la subrogation. Selon les conseillers, l’assureur dommages-ouvrage aurait pu, et donc dû pour éviter la forclusion, assigner après la déclaration de sinistre, même en cas de refus de garantie.
L’assureur forme un pourvoi en cassation qui est suivi. L’assureur qui refuse sa garantie ne peut agir contre les responsables à titre subrogatoire ou les appeler en garantie avant d’avoir été lui-même poursuivi. L’assureur dommages-ouvrage n’était donc pas privé de ses recours par son inaction mais par le fait de l’assuré. Il appartenait donc à l’assuré d’assigner l’assureur dans un délai lui permettant d’appeler les responsables en garantie ou, à défaut, d’assigner elle-même ces responsables pour préserver les recours de l’assureur.
Cette solution, courageuse, mérite d’être saluée. Il y avait déjà eu des précédents en ce sens (pour exemple, Cass. civ. 3, 8 février 2018, n° 17-10.010, FS-P+B N° Lexbase : A6744XCR). D’autant que la Haute juridiction est claire : si l’assureur dommages-ouvrage est privé de recours du fait de l’assuré, il peut prétendre au bénéfice de l’exception de subrogation. Il s’agit donc d’une faute de l’assuré.
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