Réf. : Cass. civ. 3, 16 mars 2022, n° 20-16.829, FS-B N° Lexbase : A86467QB
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 01 Avril 2022
► Le principe d’unicité de la réception ne fait pas obstacle à la réception partielle ;
► il faut, toutefois, que les travaux constituent une tranche indépendante ou forment un ensemble cohérent.
La réception partielle continue d’alimenter les contentieux. Elle constitue, a priori, une exception au principe de l’unicité de la réception prévu aux dispositions de l’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX qui précise que la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Par principe, il y a donc une seule réception pour l’ouvrage dans son ensemble. L’objectif du législateur était de simplifier ce qui pouvait l’être en instaurant un point de départ unique (une seule réception) aux différents délais de prescription.
Mais, depuis quelques années maintenant, la jurisprudence admet que les parties puissent opter pour une réception partielle, par lots ou par tranche, si cela est expressément prévu dans le contrat. En présence de travaux de reprise de désordres affectant le même ouvrage, il y aura autant de points de départ des délais qu’il y a de réceptions (pour exemple Cass. civ. 3, 2 mars 2011, n° 10-15.211, FS-P+B N° Lexbase : A3486G4U). Certaines cours d’appel ont bien tenté d’écarter la réception par lots en relevant que les lots sont constitutifs d’un ensemble mais la Haute juridiction ne s’est pas laissée convaincre (Cass. civ. 3, 7 février 2012, n° 11-11.449, F-D N° Lexbase : A3615ICU). Il ne peut, en revanche, y avoir de réception partielle à l’intérieur d’un même lot (Cass. civ. 3, 2 février 2017, n° 14-19.279, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0246TBQ).
La caractérisation de la réception partielle, comme la réception par lot d’ailleurs, est toujours sujette à un abondant contentieux comme l’illustre l’arrêt rapporté.
En l’espèce, des maîtres d’ouvrage confient à un architecte la maîtrise d’œuvre de l’agrandissement d’un hôtel. Ils mettent fin à sa mission après l’obtention du permis de construire puis confient les travaux à plusieurs entreprises en corps d’état séparés. Les travaux sont arrêtés à la suite d’un problème d’implantation. Un permis de construire modificatif est déposé et obtenu mais les travaux ne reprennent pas.
Se plaignant de désordres ainsi que de l’inachèvement des travaux, les maîtres d’ouvrage assignent les constructeurs et leur assureur.
La cour d’appel de Chambéry, dans un arrêt du 18 février 2020 (CA Chambéry, 18 février 2020, n° 17/02443 N° Lexbase : A85833EM), considère que les dispositions relatives à la responsabilité des constructeurs n’ont pas vocation à s’appliquer, faute de réception. Selon eux, la réception partielle qui est intervenue alors que les travaux étaient inachevés et ont été, à la suite, définitivement arrêtés, n’a pas été effectuée par lots mais concerne les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage sans précision.
Un pourvoi est formé mais la Haute juridiction le rejette. Elle relève que les juges du fond ont souverainement apprécié que la réception partielle ne portait pas sur une réception par lots mais sur les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage. Elle ajoute qu’il n’était pas soutenu que ces travaux constituaient des tranches de travaux indépendantes ou formaient un ensemble cohérent.
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