Lexbase Fiscal n°525 du 25 avril 2013 : Procédures fiscales

[Evénement] Le contrôle fiscal et les vices de procédure - Compte-rendu du séminaire organisé le 12 avril 2013

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 25 Avril 2013

Le 12 avril 2013, au Conseil supérieur du notariat, Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne a invité étudiants et professionnels à un séminaire sur le thème du contrôle fiscal et des vices de procédure. En partenariat avec l'Université d'Evry-Val-d'Essonne et l'association 2ISF (l'institut international des sciences fiscales), ce séminaire était organisé sous forme de débats entre les intervenants, sur différents points de droit :
- la notion de début de vérification ;
- l'indépendance des procédures ;
- la substitution de base légale ;
- les propositions de rectifications successives ;
- les sanctions fiscales. Les nombreux intervenants se sont exprimés chacun sur les thèmes abordés. Ainsi, Christophe de la Mardière, Professeur de droit à l'Université de Bourgogne, Jean-Claude Drié, avocat à la cour d'appel de Paris, Didier Lecomte, avocat au barreau du Val d'Oise, ancien Bâtonnier, Maître de conférences associé à l'Université de Cergy-Pontoise, Eve Coblence, magistrate au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, Isabelle Merle, responsable départementale du contrôle fiscal de la redevance et de la recherche pour le département du Val d'Oise, DGFiP, et Thierry Lambert, Professeur à l'Université d'Aix-Marseille, ont nourri les débats tout au long de cet après-midi.

Christophe de la Mardière a introduit les débats par une allocution volontairement provocatrice. L'administration fiscale est convaincue de mener une lutte sacrée contre la fraude fiscale, qui justifie que le droit fiscal s'affranchisse des règles purement juridiques, et notamment des règles de procédure. Toutefois, il est nécessaire d'imposer le respect de garanties.

Le juge de l'impôt semble se placer plutôt du côté de l'administration, en adoptant le point de vue d'un "formalisme à l'envers", dans le sens où les formalités sont effectuées pour éviter le vice de procédure, et non pour garantir véritablement au contribuable le respect de ses droits. Ainsi, et par exemple, lorsque l'administration a un contact quelconque avec le dirigeant d'une entreprise dont elle effectue une vérification de comptabilité, on considère que le débat contradictoire a eu lieu.

Il n'existe pas de réelle sanction des vices de forme. L'arrêt rendu en assemblée par le Conseil d'Etat, le 23 décembre 2011 (CE Ass., n° 335033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9048H8M), nous en offre une illustration. L'administration est tenue, dans certaines circonstances, de recueillir l'avis d'organes consultatifs. Si l'avis recèle un vice de forme, ce dernier n'a aucune conséquence, sauf si ce vice a une répercussion sur le sens de l'avis. Au niveau de la commission départementale des impôts, il est rare que le vice de forme entraîne une annulation de l'avis. Le pire qui puisse arriver à l'administration, c'est que la charge de la preuve ne soit pas renversée, et continue de peser sur elle... De plus, les avis n'ont pas à être motivés.

Le débat contradictoire est la seule garantie qui soit assez respectée. Or, nombre de vérificateurs n'annoncent pas la totalité des points qu'ils souhaitent soulever dans la proposition de rectification. Il devient impossible au contribuable de démontrer que le vérificateur n'a pas traité tel ou tel problème dans le débat, puisque celui-ci a lieu. La preuve de l'absence du contradictoire sur un point de la procédure est impossible à apporter. Il serait souhaitable qu'un procès-verbal soit dressé à la fin de la vérification, afin de pallier cette pratique.

Le principe d'indépendance des procédures permet de dissocier les procédures d'enquête de celles de contrôle fiscal, et d'isoler la procédure viciée de façon à ce qu'elle n'entraîne pas l'annulation de l'autre. Toutefois, dans la pratique, les procédures se confondent souvent. L'enquête consiste en un relevé passif d'informations, alors que le contrôle suppose leur analyse. Mais aujourd'hui, l'administration peut interroger des personnes présentes lors de l'enquête, alors qu'une telle pratique relève du contrôle ! De plus, les garanties ne s'appliquent pas, puisqu'elles échappent aux procédures d'enquête.

Le droit de communication présente des dangers, car il est mis en oeuvre "par surprise". Le contribuable n'est pas assisté d'un conseil. Dans la pratique, l'administration adresse, au préalable, un avis de passage, sauf en cas de doute quant à la moralité fiscale du contribuable, appréciée à la discrétion de l'administration. Le juge ne contrôle pas cette appréciation.

La substitution de base légale est un procédé déloyal. L'administration peut se tromper et modifier son fondement pour échapper au rejet de ses prétentions. Elle a simplement à présenter un moyen nouveau. Heureusement, le contribuable dispose du même pouvoir de présenter des moyens nouveaux (LPF, art. L. 199 C N° Lexbase : L8352AE3), mais cela ne va pas jusqu'à la substitution de base légale. Il y a donc une inégalité en faveur de l'Etat.

La compensation (LPF, art. L. 203 N° Lexbase : L8351AEZ et suivants) est aussi une méthode déloyale. En effet, les règles de prescription ne s'appliquent pas, et il n'est pas nécessaire d'envoyer une proposition de rectification. L'administration, à laquelle il est demandé de procéder à un dégrèvement, peut donc chercher dans la situation du contribuable une anomalie, afin de compenser le dégrèvement avec la nouvelle imposition issue de cet examen. Le service sauve ainsi à tout prix l'imposition, alors que cette dernière est illégale ou prescrite.

  • La notion de début de vérification

Laurence Vapaille nous rappelle qu'en droit, la vérification débute par l'envoi d'un avis de vérification (LPF, art. L. 47 N° Lexbase : L3907ALB). C'est à ce moment que les garanties sont mises en oeuvre. Mais cet envoi s'inscrit dans la lignée d'une série d'actes antérieurs. Le fondement légal de la vérification, l'article L. 13 du LPF (N° Lexbase : L6794HWK), ne donne pas de définition du début de la vérification. Le droit de communication n'offre pas de garantie au contribuable, alors que la vérification porte sur les données collectées par ce biais. Il y a une complémentarité des procédures, malgré le principe de l'indépendance.

Trois arrêts apportent des précisions quant aux distinctions à opérer entre procédure de recherche et procédure de vérification. L'arrêt rendu le 13 mars 1967 par le Conseil d'Etat considère que le contrôle de la sincérité des déclarations souscrites par comparaison avec des écritures comptables constitue déjà une vérification de comptabilité (CE 7°, 8° et 9° s-s-r., 13 mars 1967, n° 62338, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4606AYA). Par une décision du 9 juillet 1982, la Haute juridiction administrative qualifie de vérification de comptabilité l'intervention sur place d'un agent eu égard à la durée, l'étendue, les modalités et l'examen critique (CE 9° et 7° s-s-r., 9 juillet 1982, n° 26309, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2327ALR). Enfin, l'arrêt fondateur, "SARL Trace", indique que le droit de communication a seulement pour objet "de permettre au service, pour l'établissement et le contrôle de l'assiette d'un contribuable, de demander à un tiers, ou, éventuellement au contribuable, sur place ou par courrier, de manière ponctuelle, des renseignements sans que cela nécessité d'investigations particulières [...]" (CE Sect., 8 octobre 2000, n° 208765, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9611AHG). Le droit de communication ne peut porter que sur des renseignements disponibles chez le tiers ou sur des documents existants en rapport avec l'activité professionnelle.

Bien que ces procédures soient étanches les unes par rapport aux autres, il existe de nombreux points de rencontre. Notamment, le droit de communication peut -volontairement ou non- aboutir à une forme de vérification "innommée" ou encore "occulte". Or dans cette hypothèse, le contribuable sera soumis à une vérification, sans pour autant bénéficier des garanties qui y sont attachées. En effet, l'administration n'est pas tenue d'informer au préalable le contribuable qu'elle va exercer son droit de communication, ni de lui indiquer qu'il peut se faire assister du conseil de son choix. Le droit de communication peut se répéter plusieurs fois, alors que la vérification de comptabilité est unique. Enfin, l'exercice du droit de communication n'est pas limité dans le temps alors que la vérification de comptabilité ne peut, en principe, excéder trois mois.

Les critères développés par la jurisprudence sont-ils suffisants pour permettre une réelle étanchéité juridique entre ces deux procédures ? Qu'en est-il de la preuve de l'envoi de la charte du contribuable vérifié qui doit être jointe à l'avis de vérification ? Si elle n'est jointe à cet avis ? De même dans le cadre d'un contrôle inopiné -donc ne portant que sur des éléments matériels-, que se passe-t-il en cas de "critiques" relatives à certains points ?

Isabelle Merle explique que le système français, basé sur la déclaration, rend nécessaires les contrôles de l'administration. Cette dernière effectue près de 50 000 contrôles par an. Il faut donc opérer une sélection. Le service analyse les risques en effectuant des rapprochements de données entre la déclaration et les informations détenues par des tiers, récupérées via un droit de communication ou d'enquête.

Jean-Claude Drié expose les différences de pratiques selon les directions de l'administration fiscale. En effet, les praticiens du droit, qui ont souvent des contacts avec le service, apprennent une sorte de cartographie de la pratique procédurale, et peuvent s'en servir. De plus, les agents de l'administration ont des objectifs à remplir, ce qui peut expliquer certains comportements (Isabelle Merle nie l'existence d'objectifs chiffrés portant sur les montants à recouvrer).

Avant le contrôle fiscal il n'existe pas de garantie, et une zone d'ombre se dessine au moment où l'agent passe de la collecte des informations à leur analyse. Le législateur laisse le juge se prononcer a posteriori. Notamment, une dérive régulière a pu être observée, consistant, pour l'administration, à envoyer une demande de renseignements, puis une proposition de rectification alors qu'aucun contrôle n'a été opéré. Or, pour opérer une rectification sur des renseignements fournis par le contribuable, il y a nécessairement un contrôle, et donc les garanties doivent être exécutées.

Eve Coblence insiste sur le fait que les juges ne prennent pas à la légère les vices de procédure. Beaucoup de redressements sont annulés sur ce grief. Par exemple, le défaut de mise en demeure entraîne la décharge de l'imposition. La Poste est le meilleur ennemi de l'administration dans ce type de cas, car cette dernière ne peut pas prouver qu'elle a envoyé des courriers. De plus, le juge sanctionne l'administration qui induit le contribuable en erreur.

En outre, bien souvent, ce sont les contribuables qui ne jouent pas le jeu.

Didier Lecomte considère que le problème des nullités pose une question beaucoup plus large, celle de l'égalité devant la loi. La fiscalité est devenue très compliquée, pour tout le monde. Des erreurs sont faites de bonne foi. Des problèmes humains surgissent, car avec certains vérificateurs, les contrôles se passent systématiquement mal. De façon globale, l'administration dispose d'armes que le contribuable ne possède pas. On retrouve la référence à une cartographie avec les juridictions. Dans certaines zones, il est plus aisé de défendre ses droits que dans d'autres. Cela dépend de la région, de la juridiction, voire de la chambre.

  • L'indépendance des procédures

Laurence Vapaille souligne l'origine prétorienne de cette notion d'indépendance des procédures. Selon cette dernière, la procédure fiscale suivie par l'administration à l'encontre d'un contribuable n'est pas affectée par le sort des autres procédures administratives ou judiciaires. Il existe plusieurs "types" d'indépendance des procédures. D'une part, l'irrégularité d'une procédure pénale n'a pas d'effet sur la procédure fiscale ; d'autre part, l'irrégularité d'une procédure mise en oeuvre à l'égard d'un contribuable, sauf exception, ne peut avoir d'incidence sur la procédure d'imposition d'un tiers. La première forme du principe peut conduire à des paradoxes : le juge pénal sanctionne une fraude fiscale alors que le juge de l'impôt décharge l'imposition, par exemple. Les différences d'interprétation de la loi sont aussi source d'ambiguïtés. Ainsi, alors que le juge répressif autorise à invoquer certaines irrégularités commises à l'égard d'un acte de procédure fiscale dans le cadre du contentieux pénal, le juge de l'impôt administratif refuse la symétrie dans le cadre d'un contentieux de l'imposition. Autre exemple, le juge pénal considère que la méconnaissance de l'article L. 47 du LPF (droit d'être assisté par un conseil ; obligation d'un débat oral et contradictoire) porte atteinte aux droits de la défense, ce qui entraîne une annulation de la procédure. Le juge administratif considère qu'il ne lui appartient pas d'apprécier la régularité de la procédure accomplie.

Laurence Vapaille cite Thierry Ricard qui propose, pour remédier à ces problèmes, de différer le dépôt de plainte de l'administration fiscale tant que le juge de l'impôt ne s'est pas prononcé sur son bien-fondé. Pour autant, cette solution pourrait être difficile à mettre en oeuvre du fait de la longueur excessive de l'instance fiscale devant le juge administratif. Il serait également possible d'envisager une règle procédurale visant à suspendre l'exécution de la sanction pénale, ou le délai de prescription de la peine, en utilisant la notion de "circonstances insurmontables" (C. proc. pén., art. 707 N° Lexbase : L9505IER) (Thierry Ricard, L'originalité de la procédure pénale en matière fiscale, DF, 2007, n° 3, pp. 55-58). Autre proposition avancée par la doctrine, Manon Sieraczek prône la création de chambres correctionnelles spécialisées pour les délits de fraude fiscale (Manon Sieraczek, L'indépendance des procédures pénale et fiscale : un principe prétorien contestable, DF, 2007, n° 50, p. 13).

Thierry Lambert est gêné par les procédures non contradictoires devant la commission des infractions fiscales et la Cour européenne des droits de l'Homme donne raison à l'administration car le juge intervient plus tard dans la procédure (CEDH, 11 janvier 2000, Req. 41544/98 N° Lexbase : A9797DD9). Or, le Tribunal des conflits a eu l'occasion de décider que l'avis de la commission des infractions fiscales n'était pas détachable de l'action publique (T. Confl., 19 novembre 1988, req. n° 02548 N° Lexbase : A8359BDX). Cela pose des problèmes en matière de droit au procès équitable.

  • La substitution de base légale

Laurence Vapaille indique que la substitution de base légale est une construction prétorienne, qui repose sur le principe en vertu duquel l'administration ne peut pas renoncer à percevoir l'impôt. Elle en a l'obligation (CE, 20 novembre 1942, arrêt dit "Valley").

La substitution de base légale permet de constater la légalité de l'acte d'imposition contesté sur le fondement d'autres dispositions que celles initialement retenues par le service. L'administration peut ainsi se prévaloir, à tout moment de la procédure, de tout moyen de nature à justifier le maintien des impositions litigieuses et de donner aux rectifications un nouveau fondement légal qui se substitue à celui initialement utilisé pour l'établissement de l'imposition.

La substitution de base légale n'est pas d'ordre public, mais peut être demandée à tout moment par l'administration, aussi bien en première instance qu'en appel (CE 9° et 10° s-s-r., 20 juin 2007, n° 290554, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8618DW4). Devant le Conseil d'Etat, aucune exigence de délai n'est requise, l'administration n'a donc pas à opérer une nouvelle notification de rectification. Devant la Cour de cassation, en revanche, la procédure doit être reprise depuis son début.

La substitution de base légale n'est autorisée que si le contribuable a pu bénéficier de l'ensemble des garanties normalement attachées au nouveau fondement (CE Sect., 21 mars 1975, n° 87573, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4337B87).

Il est intéressant de noter que la substitution de base légale s'applique aussi en matière de pénalités. Existe-t-il un devoir de l'administration de sanctionner ?

Le contribuable dispose d'une procédure "équivalente" à la substitution de base légale, à savoir l'invocation de moyens nouveaux (LPF, art. L. 199 C). Toutefois, y a-t-il pour autant égalité des armes entre l'administration et le contribuable ? Il est permis d'en douter...

La substitution de base légale peut être utilisée par l'administration pour lutter contre la prescription. Elle envoie une première rectification, puis une seconde, sorte de "copie de rattrapage", afin d'ajouter ce qu'elle n'avait pas eu le temps de soulever dans le premier envoi. Cette pratique pose des difficultés, notamment concernant le débat oral et contradictoire, car l'administration fait ainsi valoir ses arguments au fur et à mesure, même devant le juge.

Isabelle Merle affirme que l'administration fait attention à ce que les rectifications soient interruptives de la prescription. En pratique, la substitution de base légale permet d'avancer sur les éléments donnés au long de la procédure, par exemple des observations du contribuable. Cette pratique est surtout observée dans les ESFP, concernant la qualification des revenus, qui passent des TS aux BNC, par exemple.

Christophe de la Mardière rappelle qu'au stade du contrôle, la substitution de base légale opère un redémarrage de toute la procédure, ce qui n'est pas le cas devant le juge. Cela pose un vrai problème pour le contribuable et son conseil, qui doivent s'adapter à ce "revirement de situation" plus vite devant le juge qu'en cours de contrôle.

Eve Coblence constate que la substitution de base légale est surtout utilisée dans les réponses aux observations du contribuable ou lors du rejet de la réclamation préalable à toute saisine judiciaire. Elle est donc souvent opérée en amont.

Un arrêt du 29 juin 2001 (CE 9° et 10° s-s-r., 29 juin 2001, n° 204981, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4954AUZ) illustre la confrontation du juge à la confusion de la substitution de base légale et de la compensation.

La substitution de base légale est une arme importante, mais encadrée.

Didier Lecomte souligne qu'il n'a pas réussi à trouver un arrêt rendu par le juge judiciaire dans lequel ce dernier admettait la substitution de base légale.

Jean-Claude Drié estime que le plus gros problème posé par cette pratique légale est celui de la sécurité juridique, d'autant plus que la substitution de base légale est souvent soulevée lorsque la prescription risque de s'éteindre.

  • Les propositions de rectifications successives

Laurence Vapaille rappelle que la proposition de rectification est un document adressé, ou remis en mains propres, au contribuable ou à son représentant légal par le vérificateur, qui y expose les rectifications qui découlent du contrôle en lui précisant la nature de la procédure suivie. Les garanties du contribuable et les recours doivent être aussi indiqués (LPF, art. L. 57). C'est le premier acte de la procédure contradictoire.

La notification de la proposition de rectification est obligatoire. La charge de la preuve pèse sur l'administration. Il s'agit d'une décision (expression d'une compétence), elle a donc une réelle valeur juridique. La proposition de rectification doit comporter tous les éléments qui permettront au contribuable d'assurer efficacement sa défense (LPF, art. L. 54 B N° Lexbase : L5586G4N et L. 57). Ces éléments sont : la possibilité d'être assisté par un conseil ; le délai dont dispose le contribuable pour faire parvenir son acceptation ou ses observations ; les propositions de rectification envisagées par l'administration (propositions détaillées par impôt, chef de rehaussement et année par année, et indication du montant du rehaussement ainsi que celui des pénalités et droits en résultant, et de l'intérêt de retard) ; les motifs du rehaussement.

L'administration qui a procédé à une première notification interruptive de prescription est en droit d'y substituer, dans le délai de reprise, une nouvelle notification motivée pour rectifier les erreurs ou les omissions commises dans le premier acte (CE 9° et 7° s-s-r., 16 juin 1971, n° 81427, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1257B83). La nouvelle rectification peut même se substituer entièrement à la précédente. Le contribuable qui conteste la première notification doit contester la seconde, dans le délai légal.

Que se passe-t-il lorsque l'administration ouvre une procédure d'ESFP à la suite d'une vérification de comptabilité (cas le plus fréquent) ?

Isabelle Merle traite de la situation, la plus fréquente, dans laquelle une vérification de comptabilité est liée à un ESFP, ce qui se présente régulièrement en cas de comptes mixtes. Dans le principe, la vérification de comptabilité est mise en oeuvre, puis une rectification est adressée à l'entreprise. Si les recettes sont minorées, l'administration cherchera à démontrer que la minoration provient d'un transfert vers le compte personnel de l'exploitant.

Un vice de forme fréquent naît en cas d'envoi tardif de l'avis d'ESFP.

  • Les sanctions fiscales

Laurence Vapaille met en lumière le caractère binaire des sanctions fiscales, qui peuvent être administratives et/ou pénales. Elles poursuivent un double objectif : la réparation du préjudice et l'application d'une peine, d'une punition.

Le rapport de performance de la DGFiP de 2011 évalue à 2 446 millions d'euros de montant des pénalités recouvrées pour le contrôle externe (qui comprend 51 441 contrôles en 2011, dont environ 47 000 vérifications de comptabilité). Le contrôle de bureau a, quant à lui, rapporté 463 millions d'euros de pénalités.

Le thème des sanctions fiscales soulève deux questions : une premier est relative à la modulation des sanctions, la seconde porte sur la transaction.

Concernant la modulation des sanctions, l'arrêt "Segame" rendu par la CEDH le 7 juin 2012 (CEDH, 7 juin 2012, Req. 4837/06 N° Lexbase : A6665IN8) a permis de donner une réponse à l'un des derniers points restés en suspens, concernant le sort d'une pénalité unique qui ne pouvait pas être rattachée à une échelle de sanctions. Il est à noter, toutefois, que cette décision n'interdit pas au juge de moduler la sanction fiscale. La loi qui ne prévoit pas de modulation est compatible avec l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR). La question de la modulation des sanctions par l'ordre judiciaire n'est donc pas totalement tranchée.

Concernant la transaction, cette procédure peut porter sur tous les éléments, y compris l'intérêt de retard, sauf sur les droits dus en principal. Elle est donc intimement liée aux pénalités. Le rapport annuel du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes pour 2011 avance des chiffres très précis sur les juridictions gracieuses, mais très peu sur la transactions. L'on sait uniquement que 3 916 transactions ont été effectuées pour l'ensemble des directions départementales.

Christophe de la Mardière se dit très déçu par le dernier arrêt de la CEDH, dit "Segame", qui valide le système français des pénalités fiscales. Une pratique de l'administration doit cesser : celle d'appliquer de façon systématique la pénalité de 40 %, alors que cela est illégal, en vue de faire pression sur le contribuable pour signer une transaction.

Isabelle Merle explique que l'administration tente au maximum de motiver les pénalités, car c'est le principal problème des vérificateurs. La Cour des comptes a d'ailleurs reproché à l'administration la pratique mentionnée par Christophe de la Mardière. Une circulaire interne a enjoint les inspecteurs de stopper ces faits.

Didier Lecomte dénonce l'utilisation abusive, voire de mauvaise foi, des pénalités, notamment dans les cas de distributions occultes, dans lesquels la menace de la pénalité de 100 % est souvent brandie. Lorsque l'administration demande au dirigeant d'une société de désigner le bénéficiaire des distributions occultes, et que ce dernier est à l'hôpital, ou dans l'impossibilité de répondre, cette menace est déloyale.

Jean-Claude Drié insiste sur le caractère courant de ce type de pratique.

Dans la salle, une participante fait état d'une nouvelle pratique de l'administration fiscale, consistant à rejeter la comptabilité d'un contribuable, sans pour autant opérer de reconstitution de recettes, afin d'allonger le délai de prescription. Isabelle Merle répond que les vérificateurs utilisent des logiciels, notamment ALTO et ACL, pour effectuer des comparaisons, qui mènent parfois à des rejets de comptabilité, mais n'a pas connaissance d'une pratique visant à allonger le délai de prescription.

Thierry Lambert conclut cet après-midi en rappelant la différence entre l'erreur substantielle, qui entraîne la décharge totale de l'imposition et l'erreur non substantielle, qui entraîne une décharge limitée aux seules pénalités (LPF, art. L. 80 CA N° Lexbase : L8571AE8).

Les garanties du contribuable ne sont jamais trop étendues. Aujourd'hui, tant les professionnels de la fiscalité que l'administration s'accordent à dire que la fiscalité entre dans une nouvelle génération de garanties (rapport Aicardi, 1986 et arrêts CEDH susmentionnés).

Le débat contradictoire devrait être généralisé, car quand le contribuable et l'administration échangent, 50 % des problèmes se règlent d'eux-mêmes.

Contrairement à ce que pense Didier Lecomte, Thierry Lambert estime que la substitution de base légale ne devrait pas exister. Elle est, le plus souvent, utilisée en fin d'année, afin d'échapper à la prescription. Parallèlement, l'article L. 199 C du LPF, qui prévoit la possibilité, pour le contribuable, de présenter des moyens nouveaux, devrait être supprimé.

L'indépendance des procédures est une fiction juridique, qui n'a rien à voir avec la pratique. Des documents obtenus de façon illégale doivent entraîner la chute de la procédure. En France, il existe une tendance à l'empilement des procédures. Les avancées significatives proviennent parfois du juge, qui reprend et clarifie les règles applicables, et les adapte à la pratique, comme nous le démontre l'arrêt "SARL Trace", précité.

Finalement, la difficulté vient de la sanction des vices de procédure, et du problème de la preuve. Le juge devrait être encore plus contraignant, car l'administration tire des leçons de ses condamnations.

En conclusion, le fond du problème est la sécurité juridique, la loyauté et l'égalité des armes. Des efforts sont faits, comme avec la procédure du rescrit, par exemple (LPF, art. L. 80 C N° Lexbase : L7607HEH et suivants), mais il reste beaucoup à faire. Notamment, il serait judicieux de pointer les secteurs dans lesquels il n'est pas fait application d'une procédure contradictoire, y compris devant la commission des infractions fiscales. Le problème de l'articulation des procédures devrait aussi faire l'objet d'un examen approfondi, surtout concernant les procédures d'investigation mises en oeuvre avant le contrôle, car les deux se confondent parfois.

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