Réf. : Cass. com., 24 mars 2021, n° 19-20.033, FS-P (N° Lexbase : A67754MU)
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par Vincent Téchené
le 01 Avril 2021
► Le créancier qui exerce l’action paulienne contre la caution est recevable si l’absence de certitude de sa créance est imputée aux agissements frauduleux qui fondent l'action paulienne, de sorte qu’il appartient au juge de vérifier, lorsque le créancier se prévaut de l’article L. 341-4 (N° Lexbase : L8753A7C) devenu L. 343-4 (N° Lexbase : L1103K7Y) du Code de la consommation, si, en l'absence des actes argués de fraude paulienne, le patrimoine des cautions ne leur aurait pas permis de faire face à leur obligation au moment où elles ont été appelées et si, par conséquent, le créancier ne pouvait pas, en dépit de la disproportion de leurs engagements au moment de leur souscription, invoquer un principe certain de créance contre les cautions.
Faits et procédure. Une banque a consenti deux prêts, garantis par deux cautionnements. La société emprunteuse ayant été mise en liquidation judiciaire le 19 mars 2013, la banque a assigné les cautions en paiement. Au cours de cette instance, la banque a découvert que, par un acte sous seing privé du 22 juin 2012, les cautions avaient créé une SCI, dont le capital social était détenu à parts égales, à laquelle elles ont apporté leur propriété immobilière. Puis, par un acte notarié du même jour, les cautions ont fait, toutes les deux, donation à chacun de leurs deux enfants de la nue-propriété de 112 parts sociales, de sorte qu'elles ne possédaient plus, chacune, que la pleine propriété d'une part sociale et l'usufruit des 224 autres. La banque, considérant que cette donation avait eu pour objet d'organiser l'insolvabilité des cautions, les a assignées ainsi que leurs enfants, en invoquant la fraude paulienne, sur le fondement de l'article 1341-2 du Code civil (N° Lexbase : L0672KZW), afin que lui soient déclarés inopposables l'apport en société de l'immeuble litigieux et la donation subséquente.
Déboutée de ses demandes par la cour d’appel de Chambéry, la banque a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Haute juridiction rappelle qu’il résulte de l’article 1341-2 du Code civil que, si le créancier qui exerce l'action paulienne doit invoquer une créance certaine au moins en son principe à la date de l'acte argué de fraude et au moment où le juge statue sur son action, il est néanmoins recevable à exercer celle-ci lorsque l'absence de certitude de sa créance est imputée aux agissements frauduleux qui fondent l'action paulienne.
En l’espèce, pour débouter la banque, l'arrêt d’appel énonce que les engagements de caution ont été jugés manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus et la banque a été déboutée de ses demandes en paiement. Dès lors, au jour où il se prononce, la banque n'a plus de créance certaine contre les cautions, peu important l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel : « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitait la banque en se prévalant de l’article L. 341-4 devenu L. 343-4 du Code de la consommation, si, en l'absence des actes que celle-ci arguait de fraude paulienne, le patrimoine des cautions ne leur aurait pas permis de faire face à leur obligation au moment où elles ont été appelées et si, par conséquent, la banque ne pouvait pas, en dépit de la disproportion de leurs engagements au moment de leur souscription, invoquer un principe certain de créance contre eux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Pour aller plus loin : v. : ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, L'exigence de proportionnalité du cautionnement des personnes physiques envers les créanciers professionnels, in Droit des sûretés, Lexbase (N° Lexbase : E7177E9P). |
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