Réf. : T. corr. Paris, 29 mars 2021
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par Laïla Bedja
le 31 Mars 2021
► L’affaire du Mediator est sans doute l’un des plus grands scandales sanitaires français. Commercialisé par les laboratoires Servier comme antidiabétique, mais prescrit comme un coupe-faim, il a provoqué de nombreuses valvulopathies et de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie mortelle.
Alors que de premières alertes surgissent dans les années 1990, les Laboratoires Servier tardent à agir. Les victimes, et leurs ayants droit quand elles sont décédées, décident de porter l’affaire devant les tribunaux. Une information judiciaire est alors ouverte. Elle durera près de dix ans.
Le 29 mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris, aux termes de près de 517 heures d’audience, a rendu son délibéré.
Quels étaient les chefs d’accusation ? Quelles sont les réponses du tribunal ?
I. L’action publique
A. Les délits reprochés concernant le Mediator
Le délit d'obtention indue : extinction de l’action publique concernant ce délit d’obtention indue de renouvellement d’autorisation de mise sur le marché du fait de l’acquisition de la prescription le 22 avril 2010.
Le délit d'escroquerie : relaxe de la SAS Biofarma, la SARL Biopharma (devenue Servier France), la SAS les Laboratoires Servier, la SAS les Laboratoires Servier Industrie, la SAS ORIL Industrie, la SAS Servier et M. Seta, privant la Caisse nationale d’assurance maladie d’une réparation, la caisse avançant un contournement de la réglementation sur les médicaments. La Caisse avait évalué le préjudice à 322 millions d’euros, la somme correspondant aux remboursements du Mediator pour la période 1996 à 2009.
Le délit de tromperie aggravée (les demandes de requalification des faits de tromperie en délits d'homicide involontaire ou de blessures involontaires ou en contraventions de blessures involontaires – rejet de la requalification) :
Les homicides involontaires et blessures involontaires reprochés aux sociétés du groupe Servier et à M. Seta :
Pour SAS Servier, la SAS les Laboratoires Servier, la SAS les Laboratoires Servier Industrie, la SAS Biofarma, la SARL Biopharma (devenue Servier France), la SAS ORIL Industrie coupables : coupable, total des amendes : 2 718 000 euros.
Pour M. Seta : condamnation à quatre d’ans d’emprisonnement avec sursis et 90 600 euros d’amende.
Les homicides et blessures involontaires reprochés à l'autorité sanitaire ANSM : coupable en raison du maintien sur le marché du Mediator, montant de l’amende : 303 000 euros d’amendes délictuelles et contraventionnelles.
Diffusion de la décision. En complément de ces amendes, le tribunal correctionnel a prononcé une peine complémentaire de diffusion de l’intégralité ou d’une partie de la décision, peine rendue nécessaire pour prévenir la réitération des faits et proportionnée, s'agissant d'infractions se déroulant pendant plusieurs années.
Cette diffusion devra intervenir dans le délai d'un mois à compter du jugement définitif dans les journaux « le Figaro » et « le Monde » ainsi que le prochain numéro de la revue « 60 millions de consommateurs », « le quotidien du pharmacien » et « le quotidien du médecin » aux frais des prévenus, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
B. Les délits d'atteinte à la probité
Le délit défini par l’article 432-12 du Code pénal (N° Lexbase : L9471IYG) : prise illégale d’intérêt
Cinq prévenus, trois relaxes et deux culpabilités : un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour M. Rouveix et 18 mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour M. Massol
Le délit défini par l’article 432-13 du Code de pénal (N° Lexbase : L6030LCC)
Deux prévenus, deux déclarations de culpabilité : 18 mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour les deux prévenus.
Le délit de recel de prise illégale d’intérêts reproché à Mme Ibar-Abadie : relaxe
II. L’action civile
A. Les demandes formées au titre du délit de tromperie aggravée
Pour les victimes : condamnation solidaire de la SAS les Laboratoires Servier Industrie, la SAS Servier, la SAS les Laboratoires Servier, la SARL Biopharma (devenue Servier France), la SAS Biofarma et la SAS ORIL Industrie et M. Seta, à verser des sommes au titre d’indemnités.
Sont indemnisés : le préjudice moral (victime directe et victime par ricochet), le dol contractuel, le préjudice d’anxiété.
Pour les associations : condamnation des laboratoires Servier et M. Seta
B. Les demandes indemnitaires formées au titre des homicides et blessures involontaires
Sur ces demandes, des mesures d’expertises sont ordonnées. Le tribunal condamne les laboratoires Servier et M. Seta au versement de provisions à valoir sur l’indemnisation future.
Lorsque les expertises ont été diligentées, le tribunal condamne les laboratoires Servier et M. Seta à des sommes en réparation des divers préjudices subis par les victimes.
L’indemnisation des organismes de Sécurité sociale : condamnation des laboratoires Servier et M. Seta à verser aux caisses primaires d’assurance maladie des sommes au titre de l’indemnité forfaitaire.
Concernant l’action civile, le montant de l’indemnité totale avoisine les 180 millions d'euros, dont 158 au titre de la tromperie.
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