Le Quotidien du 31 mars 2021 : Droit pénal général

[Brèves] Impartialité et irresponsabilité dans l’affaire « Rémi Fraisse » : la Cour de cassation rejette les pourvois des parties civiles

Réf. : Cass. crim., 23 mars 2021, n° 20-82.416, FS-D (N° Lexbase : A68114M9)

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[Brèves] Impartialité et irresponsabilité dans l’affaire « Rémi Fraisse » : la Cour de cassation rejette les pourvois des parties civiles. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66251057-breves-impartialite-et-irresponsabilite-dans-laffaire-remi-fraisse-la-cour-de-cassation-rejette-les-
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par Adélaïde Léon

le 30 Mars 2021

► Le fait de confier une enquête de flagrance à un service de gendarmerie limitrophe à un village où se sont déroulés des faits dans lesquels des gendarmes étaient susceptibles d’être mis en cause ne suffit pas à porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure ni à compromettre l’équilibre des droits des parties ;

Le seul rejet des demandes d'actes d'instruction, dont la chambre de l'instruction a souverainement estimé qu'ils n'étaient pas nécessaires, n'est pas de nature à créer à l'encontre des magistrats instructeurs un doute raisonnable, objectivement justifié, de nature à mettre en cause leur impartialité ;

Ne peut être qualifié d’homicide involontaire le tir de grenade volontaire destiné à impressionner les manifestants, quel qu'en soit le mobile et quand bien même le mis en cause n'aurait pas voulu les conséquences qui en sont résultées.

Rappel des faits. À la suite du décès d’un manifestement par l’explosion d’une grenade OF-F1, survenue lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, la famille de la victime a déposé plainte contre personne non dénommée des chefs d’homicide volontaire et violences ayant entraîné la mort aggravée et s’est constituée partie civile.

Les juges d’instruction du premier degré ont rendu une ordonnance de non-lieu contre laquelle les parties civiles ont interjeté appel.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de non-lieu entreprise.

Elle a rejeté le moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable, estimant que l’enquête et l’instruction n’étaient pas entachées de partialité et que les investigations nécessaires avaient été réalisées de façon impartiale et objective.

La Chambre de l’instruction a également confirmé l’ordonnance de non-lieu du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner reprochées à un membre des forces de l’ordre, estimant qu’eu égard à l’extrême violence des assaillants, les forces de l’ordre ont adapté leur riposte de manière parfaitement proportionnée et que l’usage de la grenade était permis par la loi dans ces circonstances, était absolument nécessaire et entrait dans le cadre de l’article 122-4 du Code pénal (N° Lexbase : L7158ALP), instituant une cause d’irresponsabilité pénale.

La juridiction d’appel a également confirmé le non-lieu du chef d’homicide involontaire concernant le même membre des forces de l’ordre dès lors que le jet de grenade, s’il n’avait pas pour objectif d’atteindre les manifestants, demeurait intentionnel.

Enfin, la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de non-lieu du chef d’homicide involontaire concernant plusieurs supérieurs hiérarchiques jugeant que, s’agissant d’une causalité indirecte, la responsabilité pénale du chef d’homicide involontaire est subordonnée à l’existence d’une faute caractérisée ou d’une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité, de prudence imposée par la loi ou le règlement et qu’en l’espèce, la réglementation en matière de maintien de l’ordre et d’usage des armes a été respectée par la hiérarchie.

Les parties civiles ont formé un pourvoi.

Moyens du pourvoi. Les parties civiles contestaient, à l’appui de leur pourvoi, la régularité de l’enquête, le non-lieu concernant les violences volontaires sans que le caractère nécessaire et proportionné de l’emploi des grenades ait été formellement apprécié, les critères sur lesquels se fondaient la chambre de l'instruction pour refuser de retenir la qualification d’homicide involontaire à l’égard du gendarme en cause et enfin la confirmation du non-lieu s’agissant des supérieurs hiérarchiques alors que ceux-ci s’étaient abstenus de s’assurer du caractère adapté des armes de leur peloton et avaient compensé la carence d’équipement par l’utilisation d’une arme dont la dangerosité était supérieure à celle de la munition qui aurait dû prévaloir et que l’ordre avait été donné d’utiliser ces grenades sans tenir compte du contexte inadapté.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé par les parties civiles.

Sur la question de la partialité de l’enquête et de l’instruction, elle juge que les griefs allégués ne sont pas de nature à caractériser un manquement au devoir d’impartialité. Selon la Cour, le recours à un service de gendarmerie limitrophe à un village où se sont déroulés des faits dans lesquels des gendarmes étaient susceptibles d’être mis en cause n’a pas compromis le caractère équitable et contradictoire de la procédure ni l’équilibre des droits des parties. Par ailleurs, le seul rejet de demandes d’actes d’instruction par des magistrats instructeurs ne suffit pas à créer un doute raisonnable de nature à mettre en cause leur impartialité. Enfin, selon la Cour, la connivence invoquée entre les enquêteurs et les magistrats restait en l’espèce à l’état de simple allégation.

S’agissant des violences volontaires, la Cour estime que la chambre de l’instruction a justifié sa décision en établissant le caractère absolument nécessaire et proportionné de l’usage d’une grenade autorisée et l’absence d’obligation en l’espèce de procéder à des avertissements en raison de violences exercées contre les forces de l’ordre ou d’impossibilité de défendre autrement le terrain qu’elles occupent. Dès lors, « les exigences légales de l'article 122-4 du Code pénal, selon lesquelles n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ou qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, ont été respectées ».

Sur le chef d’homicide involontaire, la Cour accueille le raisonnement de la chambre de l’instruction selon lequel les faits ne pouvaient recevoir la qualification d’homicide involontaire dès lors que le tir de grenade destiné à impressionner les manifestants était volontaire. La Haute juridiction souligne « quel qu’en soit le mobile et quand bien même le mis en cause n’aurait pas voulu les conséquences qui en sont résultées ».

Enfin, sur la responsabilité des gradés, la Chambre criminelle estime que la chambre de l’instruction a justifié sa décision en retenant qu’en l’espèce, la réglementation en matière de maintien de l’ordre et d’usage des armes a été respectée par la hiérarchie.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité pénale, Le cas particulier de l'usage d'une arme par les forces de l'ordre, in Droit pénal général, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E1530GAW).

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