Réf. : Cons. const., décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021 (N° Lexbase : Z950561D)
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par Vincent Téchené
le 26 Avril 2021
► Sont contraires à la Constitution les dispositions de l’article L. 464-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L0142LZB), dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 (N° Lexbase : L2117LDR), qui permettent à l’Autorité de la concurrence de prononcer une sanction pécuniaire contre une entreprise qui a fait obstruction à l'investigation ou à l'instruction.
Les dispositions contestées. Selon l’article L. 464-2 du Code de commerce (second alinéa du paragraphe V) :
« Lorsqu'une entreprise a fait obstruction à l'investigation ou à l'instruction, notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts, ou en communiquant des pièces incomplètes ou dénaturées, l'Autorité peut, à la demande du rapporteur général, et après avoir entendu l'entreprise en cause et le commissaire du Gouvernement, décider de lui infliger une sanction pécuniaire. Le montant maximum de cette dernière ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ».
QPC. Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une QPC, la requérante faisant grief à cette disposition de ne pas être conforme à plusieurs principes constitutionnels (Cass. QPC, 13 janvier 2021, n° 20-16.849, F-D N° Lexbase : A72964C9 ; lire N° Lexbase : N6158BYQ).
Décision. Le Conseil évacue, en premier lieu, les griefs tirés de la méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines, de proportionnalité des peines et d'individualisation des peines, ainsi que de la méconnaissance du principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait. Il en va de même des griefs tirés de la violation des droits de la défense et des principes de présomption d'innocence, de séparation des pouvoirs et d'impartialité.
En second lieu, toutefois, il retient le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines.
Il relève d’abord que l'article L. 450-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L7898IZK) punit de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros le fait pour quiconque de s'opposer, de quelque façon que ce soit, à l'exercice des fonctions dont les agents de l'Autorité de la concurrence sont chargés. Ces dispositions permettent de sanctionner toute entrave intentionnelle aux mesures d'investigation ou d'instruction conduites par ces agents. Dès lors, en ce qu'elles permettent de sanctionner des entraves au contrôle de l'Autorité de la concurrence, commises par des entreprises de manière intentionnelle, les dispositions de l'article L. 450-8 du Code de commerce et les dispositions contestées tendent à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel reteint que la sanction administrative instaurée par les dispositions contestées vise, comme le délit prévu à l'article L. 450-8 du Code de commerce, à assurer l'efficacité des enquêtes conduites par l'Autorité de la concurrence pour garantir le respect des règles de concurrence nécessaires à la sauvegarde de l'ordre public économique. Ces deux répressions protègent ainsi les mêmes intérêts sociaux.
Enfin, lorsqu'il s'applique à des entreprises, le délit prévu à l'article L. 450-8 du Code de commerce est, conformément aux règles énoncées par l'article 131-38 du Code pénal (N° Lexbase : L0410DZ9), puni d'une amende de 1 500 000 euros. La nature de cette sanction n'est donc pas différente de celle de l'amende prévue par les dispositions contestées, dont le montant ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise.
Par conséquent, le Conseil en conclut que la répression administrative prévue par les dispositions contestées et la répression pénale organisée par l'article L. 450-8 du Code de commerce relèvent de corps de règles identiques protégeant les mêmes intérêts sociaux aux fins de sanctions de même nature. Les dispositions contestées méconnaissent donc le principe de nécessité et de proportionnalité des peines.
Le Conseil constitutionnel précise que dans les procédures en cours fondées sur les dispositions contestées, la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée lorsque l'entreprise poursuivie a préalablement fait l'objet de poursuites sur le fondement de l'article L. 450-8 du Code de commerce.
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