Le Quotidien du 3 décembre 2020 : Maritime

[Brèves] Utilisation par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes utilisées : obligation pour le capitaine de s’assurer de la conformité à la législation du combustible utilisé

Réf. : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-87.651, FS-P+B+I+L (N° Lexbase : A165938X)

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par Vincent Téchené

le 16 Décembre 2020

► Le capitaine, garant de la sécurité du navire et de son équipage, de la protection de l’environnement et de la sûreté, et tenu personnellement à ce titre de connaître et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires, doit s’assurer de la conformité à la législation du combustible utilisé ;

Il ne peut dès lors s’exonérer de sa responsabilité pénale au seul motif qu’il suivait les instructions de sa compagnie et qu’il pouvait légitimement penser qu’elles étaient conformes à la législation qu'il devait respecter.

Faits et procédure. Le 29 mars 2018, le centre de sécurité des navires de Marseille a effectué un contrôle du combustible utilisé par un navire de croisière. Ce contrôle avait notamment pour objet de vérifier le respect des prescriptions de l'article L. 218-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L9674KUT) relatif aux limitations de la teneur en soufre des combustibles. Il s’est avéré que le bon de soutage du combustible utilisé indiquait une teneur en soufre de 1,75 % et l'analyse d’un échantillon a révélé une teneur de 1,68 %, alors qu’elle aurait dû être inférieure ou égale à 1,50 %. Un procès-verbal de constatation d'infraction a été établi. Le capitaine du navire a été cité devant le tribunal correctionnel pour pollution de l’air en raison de l’utilisation, par un navire en mer territoriale, de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées. Le propriétaire du navire a été cité, en sa qualité de propriétaire et exploitant du navire, sur le fondement de l'article L. 218-23 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2504IN3). Le tribunal a déclaré le capitaine coupable, l’a condamné à une amende de 100 000 euros mise à la charge du propriétaire à hauteur de 80 000 euros, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.

Sur appel formé par les prévenus et le ministère public, la cour d’appel a relaxé le capitaine du chef d'utilisation par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes utilisées. Le procureur général a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Chambre criminelle constate que l’arrêt d’appel énonce qu’il résulte des déclarations du capitaine du navire qu’il n'a jamais admis avoir eu connaissance de l'obligation d'utiliser un combustible dont la teneur en soufre ne devait pas dépasser 1,5 % et qu’il a expliqué ne disposer d'aucune maîtrise sur l'approvisionnement en combustible qui était décidé par un service de la compagnie.

Les juges ajoutent que les décisions d'approvisionnement en combustible sont prises par ce service spécialisé qui détermine quel navire va s'approvisionner dans tel port avec tel type et telle quantité de fioul, en fonction, notamment, soit des disponibilités dans les futures escales et des prix variables pratiqués d'un port à l'autre, soit des besoins du bateau qui dépendent non seulement du nombre de miles nautiques à parcourir mais également des législations environnementales applicables dans les ports concernés.

Ils précisent, en outre, que, dans ce processus, l'intervention du bord est limitée à la communication à la compagnie par le chef mécanicien ou ses subordonnés des quantités de fioul de différentes qualités restant dans les cuves du bateau et que ce système est basé notamment sur des nécessités juridiques résultant de la diversité des législations, fluctuantes et complexes, applicables dans les eaux traversées.

Par ailleurs, le capitaine a suivi les instructions de sa compagnie, en pouvant vérifier qu'elles étaient conformes au système International Safety Management (ISM) dont les données, établies par cette compagnie, mentionnaient bien la possibilité d'utiliser sur le trajet Barcelone-Marseille un combustible présentant un taux maximum en soufre de 3,5 % contre un taux de 1,50 % pour rejoindre le port italien de La Spezia. La cour d'appel en conclut que, le capitaine qui suivait les instructions de sa compagnie, pouvait légitimement penser qu’elles étaient conformes à la législation qu'il devait respecter.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel : en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé que le bon de soutage découvert à bord indiquait une teneur en soufre supérieure à celle autorisée, n'a pas justifié sa décision.

En effet, le capitaine, garant de la sécurité du navire et de son équipage, de la protection de l’environnement et de la sûreté, et tenu personnellement à ce titre de connaître et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires, devait s’assurer de la conformité à la législation du combustible utilisé.

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