Réf. : Cass. crim., 17 juin 2020, n° 19-87.188, F-P+B+I (N° Lexbase : A71313NG)
Lecture: 6 min
N3968BYM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Adélaïde Léon
le 15 Juillet 2020
► Les actes ou pièces annulés intégralement ou partiellement par décision de la chambre de l’instruction doivent être respectivement retirés du dossier de l’information ou cancellés et classés au greffe de la cour d’appel ; cette règle concerne tous les exemplaires, en original et en copie, des éléments annulés ;
Ainsi, méconnaît ce principe la chambre de l’instruction qui, pour rejeter une requête en incident d’exécution, constate que les copies délivrées aux parties contiennent des pièces annulées ou cancellées mais que les dispositions qui interdisent d’y faire référence suffisent à garantir que les décisions d’annulation seront respectées lors des débats devant la cour d’assises ;
Cette obligation ne s’étend pas, toutefois, aux requêtes en annulation et aux pièces des procédures, ainsi qu’aux décisions auxquelles elles donnent lieu même si celles-ci se réfèrent aux pièces dont l’annulation est demandée et les analysent, pour en apprécier la régularité.
Résumé des faits. Un individu a été mis en examen des chefs d’enlèvement suivi d’une séquestration et d’une extorsion de fonds. Sur requête de l’intéressé, la chambre de l’instruction a annulé plusieurs actes de la procédure. Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par la Cour de cassation laquelle a renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l’instruction (Cass. crim., 18 octobre 2017, n° 17.81-290, F-P+B+I N° Lexbase : A71313NG). Le 19 décembre 2017, cette dernière a prononcé l’annulation de plusieurs actes de l’information, ainsi que l’annulation partielle d’une pièce avec cancellation d’une partie de son contenu. Le 9 mai 2018, ce dernier arrêt a été cassé sans renvoi par la Cour de cassation qui a étendu la portée de la cancellation à une autre partie de son contenu (Cass. crim., 9 mai 2018, n° 18-80.066, FS-P+B+I N° Lexbase : A6145XMK). Le mis en examen a présenté une nouvelle requête en annulation à la chambre de l’instruction. Celle-ci a déclaré la requête pour partie irrecevable et l’a rejetée pour le surplus. Le pourvoi formé par l’intéressé contre cette dernière décision a été rejeté par la Cour de cassation.
La chambre de l’instruction a par la suite renvoyé le mis en examen devant la cour d’assises.
Requête en incident. L’intéressé a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en incident d’exécution de son arrêt du 19 décembre 2017, soutenant qu’en dépit des décisions prononcées, les copies de la procédure remises aux parties en vue de l’audience de la cour d’assises comprenaient l’ensemble des actes annulés ou cancellés ainsi que les pièces de procédure et les décisions relatifs aux requêtes en annulation.
La chambre de l’instruction a rejeté cette requête au motif que le dossier original de la procédure était conforme aux décisions rendues et que, si les pièces annulées ou cancellées se trouvaient bien dans les dossiers transmis aux parties, les dispositions interdisant d’y faire référence suffisaient à garantir que les décisions d’annulation seraient respectées lors des débats.
Le prévenu a formé un pourvoi contre cette décision.
Moyens du pourvoi. L’intéressé reprochait à la chambre de l’instruction d’avoir rejeté la requête en incident d’exécution en ce qu’elle sollicitait le retrait et la cancellation effectifs en original et en copie des pièces de la procédure annulées ou cancellées ainsi que le retrait effectif des originaux et copies des requêtes, mémoires, réquisitions, avis, arrêts citant, résumant ou se référant à des pièces annulées.
Décision. La Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa des articles 174 (N° Lexbase : L8646HW7), 279 (N° Lexbase : L3188I3H), 593 (N° Lexbase : L3977AZC) et 710 (N° Lexbase : L7690LPI) du Code de procédure pénale.
La Haute juridiction rappelle que, conformément à l’article 174 du Code de procédure pénale, les actes ou pièces annulés par la chambre de l’instruction doivent être retirés du dossier d’information et classés au greffe de la cour d’appel. Les actes ou pièces partiellement annulés sont quant à eux cancellés après qu’a été établie une copie certifiée conforme à l’original classée au greffe de la cour d’appel. Elle souligne également qu’il est interdit de tirer des actes ou pièces annulés aucun enseignement contre les parties.
La Cour constate que la chambre de l’instruction a elle-même reconnu que les copies du dossier délivré aux parties en vue de l’audience devant la cour d’assises contenaient les pièces annulées ou cancellées.
La Chambre criminelle vient ici préciser, d’une part, que l’obligation de retrait des éléments annulés concerne tous les exemplaires de celui-ci, qu’il s’agisse d’originaux ou de copies, d’autre part, que les dispositions du Code de procédure pénale interdisant d’y faire référence ne saurait justifier le maintien d’un quelconque exemplaire des pièces et actes annulés dans le dossier d’instruction. La cour d’appel ne pouvait donc valablement se fonder sur ces dispositions pour rejeter la requête en incident d’exécution au motif que les décisions d’annulation seraient respectées lors des débats devant la cour d’assises. Il lui appartenait au contraire de s’assurer que toutes les pièces avaient été retirées et qu’aucun renseignement contre les parties n’en avait été tiré, et le cas échéant, de prendre les dispositions nécessaires à cette fin.
Cette décision est également l’occasion pour la Haute juridiction de préciser que l’obligation de retrait des actes ou pièces annulés ne s’étend pas aux requêtes en annulation, et aux pièces ainsi qu’aux décisions auxquelles elles donnent lieu « même si celles-ci se réfèrent aux pièces dont l’annulation est demandée et les analysent, pour en apprécier la régularité ».
|
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:473968