La lettre juridique n°831 du 9 juillet 2020 : Urbanisme

[Textes] La modernisation des schémas de cohérence territoriale : l’expression d’un projet stratégique sur un périmètre potentiellement élargi, avec le souci d’une mise en œuvre effective

Réf. : Ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020, relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale (N° Lexbase : L4299LXI)

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[Textes] La modernisation des schémas de cohérence territoriale : l’expression d’un projet stratégique sur un périmètre potentiellement élargi, avec le souci d’une mise en œuvre effective. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/59171210-textes-la-modernisation-des-schemas-de-coherence-territoriale-lexpression-dun-projet-strategique-sur
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par Jean-Philippe Strebler, Maître de conférences associé à l’Université de Strasbourg, directeur du pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) Sélestat Alsace centrale

le 08 Juillet 2020

 

Mots clés : schémas de cohérence territoriale • projet d’aménagement stratégique • document d’orientation et d’objectifs
Le schéma de cohérence territoriale (SCOT), élaboré à l'initiative des élus des collectivités territoriales, est un document de planification stratégique à long terme, destiné à servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles, notamment celles centrées sur les questions d'organisation de l'espace et d'urbanisme, d'habitat, de mobilités, d'aménagement commercial, d'environnement. La présente réforme vise à faire faire évoluer le périmètre et le contenu et la structure du SCOT, afin d'accroître la cohérence entre les thématiques traitées et de rendre plus lisible le projet stratégique. 

Le paragraphe II de l’article 46 de la loi n° 2018-1021, du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8) ( loi « ELAN ») avait autorisé le Gouvernement à prendre toutes mesures relevant du domaine de la loi pour « adapter, à compter du 1er avril 2021, l’objet, le périmètre et le contenu du schéma de cohérence territoriale » pour tirer les conséquences de la création du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ainsi que du transfert aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la compétence en matière de plan local d’urbanisme (PLU). Vingt ans après leur création par la loi « SRU » du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208 N° Lexbase : L9087ARY), l’ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020 a conforté l’existence des SCOT dans la planification et l’aménagement des territoires tout en apportant de profondes modifications à leur contenu : après les SCOT « SRU », puis les SCOT « Grenelle », avant les SCOT « ALUR », les SCOT modernisés constitueront à partir du 1er avril 2021 une quatrième génération de SCOT, sensiblement différente des trois précédentes. Cette modernisation s’articule autour de trois préoccupations majeures : positionner le SCOT entre les SRADDET et les PLU à l’échelle des bassins d’emploi (I) ; privilégier l’expression d’un projet stratégique de territoire par rapport à l’approche plus « réglementaire » relevant des PLU(i) (II) ; amplifier les effets du SCOT, afin d’assurer la mise en œuvre de ses orientations et de permettre d’y articuler d’autres démarches stratégiques (III).

I. La prise en compte du « bassin d’emploi »

A. L’extrême diversité des périmètres de SCOT actuels

Au 1er janvier 2020, seuls 26 % du territoire, 17 % des communes et 10 % de la population n’étaient pas compris dans un périmètre de SCOT et les schémas approuvés couvrent la moitié du territoire, 60 % des communes et 68 % de la population. En moins de 20 ans, les SCOT se sont donc très largement déployés sur le territoire, de manière évidemment prioritaire dans les secteurs à forte concentration humaine, mais aussi jusque dans des territoires moins densément peuplés. Pourtant, les 473 périmètres de SCOT traduisent une extrême hétérogénéité :

- si leur superficie moyenne couvre 1 054 km² avec une médiane à 883 km², le « plus petit » périmètre couvre 78 km² et les plus vastes 5 575 km² en métropole et 11 942 km² outre-mer ;

- ils concernent en moyenne 65 communes avec une médiane à 50 communes, mais deux périmètres ne regroupent que trois communes d’outre-mer (totalisant toutefois plus de 100 000 et 200 000 habitants chacun !) et un périmètre ne regroupe que cinq communes de métropole (pour 54 000 habitants), tandis qu’un périmètre concerne 466 communes ;

- leur population moyenne correspond à 135 000 habitants avec une médiane à 72 000 habitants, le périmètre le moins peuplé compte 5 800 habitants et le plus peuplé 7,1 millions d’habitants.

B. Les critères de délimitation des périmètres de SCOT

Communautés (de communes, d’agglomération ou urbaines) et métropoles ont l’initiative de l’élaboration d’un SCOT (C. urb., art. L. 143-1 N° Lexbase : L2506KIN) et déterminent un projet de périmètre (C. urb., art. L. 143-4 N° Lexbase : L2509KIR). Même si aucun critère statistique ou quantitatif n’a été défini, ce périmètre doit « prendre en compte » les besoins de protection des espaces naturels et agricoles ainsi que les besoins et usages des habitants (logements, emplois, équipements, services, espaces verts) ; l’ordonnance du 17 juin 2020 y ajoute « les déplacements et modes de vie quotidiens au sein du bassin d’emploi » (C. urb., art. L. 143-3 N° Lexbase : L2508KIQ). Le préfet, à qui il revient d’ « arrêter » le périmètre du SCoT proposé par les établissements publics compétents (C. urb., art. L. 143-6 N° Lexbase : L2511KIT), doit, à cette occasion, s’assurer que le périmètre retenu prenne effectivement en compte ces critères et qu’il permette « la mise en cohérence des questions d’urbanisme, d’habitat, de développement économique, de déplacements et d’environnement ». Que ce soit pour les collectivités compétentes qui proposent le périmètre de SCOT ou pour le préfet qui doit l’arrêter, il existe donc une marge d’appréciation, d’autant plus qu’un établissement public de coopération intercommunale compétent ne peut être inclus que dans un seul périmètre de SCOT ; or, les contours des EPCI, même s’ils ont été progressivement étendus au fil des évolutions législatives, ne correspondent pas toujours à une rationalité fonctionnelle… Potentiellement, si les critères exprimés jusqu’ici pouvaient aisément justifier un périmètre correspondant à une logique de « bassin de vie » (besoins et usages des habitants en matière de logements, d’équipements, de services, d’espaces verts…), la mention explicite au « bassin d’emploi » devrait inciter les préfets à « suggérer » la délimitation de périmètres désormais plus étendus, sous peine de ne pas arrêter les nouveaux périmètres qui lui seraient proposés…

C. Les velléités d’élargissement de périmètres de SCOT existants

L’évolution des 473 périmètres existants paraît quant à elle moins évidente : certes, depuis la loi « Grenelle II » (loi n° 2010-788, du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement N° Lexbase : L7066IMN), le préfet peut engager une procédure tendant à l’extension de périmètres existants pour laquelle il pourra aussi s’appuyer sur la nouvelle référence légale au « bassin d’emploi », mais cette procédure ne peut aboutir si les établissements publics compétents concernés s’y opposent à hauteur du tiers des communes représentant la moitié de la population du périmètre étendu ou à hauteur de la moitié des communes représentant le tiers de la population (C. urb., art. L. 143-7 N° Lexbase : L2512KIU). L’initiative de l’extension d’un périmètre de SCOT existant peut aussi être prise par l’établissement public en charge d’un SCOT, mais, lors de la procédure mise en œuvre par le préfet, la même minorité d’établissements publics concernés (un tiers à la moitié) peut s’opposer à l’extension envisagée (C. urb., art. L. 143-8 N° Lexbase : L2513KIW).

Avec la perspective de plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) qui devraient progressivement se généraliser avec le transfert de cette compétence aux EPCI, il semblerait raisonnable que les SCOT couvrent des périmètres plus vastes que ceux de ces PLUi, pour exprimer un projet d’aménagement stratégique du territoire, entre les objectifs et les règles exprimés à l’échelle des régions (SRADDET, SDRIF, PADDuC et SAR) et les projets locaux que traduisent ou traduiront les PLUi. Au 1er janvier 2020, si près de six SCoT sur dix sont portés par des établissements regroupant plusieurs EPCI (syndicats, mixtes, PETR ou pôles métropolitains), plus de quatre périmètres de SCOT sur dix correspondent au périmètre d’un seul EPCI et donc, potentiellement, à celui d’un PLUi. Si cette proportion a augmenté au fil des années, ce n’était pas tant en raison de la multiplication de nouveaux périmètres de SCOT mono-EPCI que bien plus parce que des EPCI qui avaient élaboré un SCOT ensemble ont ensuite jugé pertinent de fusionner à l’échelle du périmètre de ce SCOT : le périmètre de SCOT est devenu « mono-EPCI » après l’approbation du SCOT !... À défaut de pouvoir imposer l’élargissement des périmètres de SCOT mono-EPCI voire simplement d’interdire la délimitation de nouveaux périmètres de SCOT mono-EPCI (ce qu’avait décidé la loi « ALUR » du 24 mars 2014… avant que la loi « NOTRe » du 7 août 2015 N° Lexbase : L1379KG8 abroge cette interdiction), l’ordonnance du 17 juin 2020 prévoit qu’en cas d’identité de périmètre de SCOT et de PLUi (ce qui n’est pas systématiquement le cas, même pour un périmètre de SCOT mono-EPCI), le conseil communautaire ou métropolitain devra, avant de décider du maintien ou de la mise en révision du SCOT, débattre spécifiquement sur l’évolution du périmètre de SCOT au vu d’une analyse de l’opportunité d’un élargissement menée dans le cadre de l’analyse des résultats de l’application du SCoT réalisée en principe tous les six ans (C. urb., art. L. 143-28 N° Lexbase : L9751LEU). À défaut d’emporter la conviction des élus quant à l’intérêt d’un élargissement du périmètre du SCoT, une telle exigence légale permettra au moins… d’en ouvrir le débat !

II. L’expression d’un projet « stratégique »

D’aucuns pourront considérer que les cartes ont simplement été rebattues et que les modifications résultant de l’ordonnance du 17 juin 2020 relèvent de la simple « sémantique » : le rapport de présentation devient une annexe du SCOT, le projet d’aménagement et de développement durables devient « stratégique » et le document d’orientation et d’objectifs (DOO) subit une cure d’amaigrissement ! Il nous semble pourtant que ces modifications formelles expriment et traduisent un nouvel état d’esprit : s’inscrire dans une vision stratégique à long terme, articulée autour de trois thématiques majeures, en se détachant du champ parfois « normatif » emprunté par certains SCoT qui, par excès de précisions, pouvait tendre à se substituer aux PLU(i).

A. Le projet d’aménagement stratégique

Il constituera désormais l’entrée et le cœur du dossier de SCoT, diagnostic, évaluations et justifications étant renvoyés en annexe. Pour supprimer toute confusion ou assimilation avec le PLU(i), ce projet d’aménagement ne sera plus « et de développement durables », pour que le PADD soit désormais identifié comme un élément relevant du seul PLU(i). Plus que la liste d’une quinzaine de « thématiques » dont le PADD devait fixer les objectifs des politiques publiques, le nouveau contenu du projet d’aménagement stratégique exprime les « buts », la « logique » fondamentale dans lesquels doivent s’inscrire les « les objectifs de développement et d’aménagement du territoire » définis par le PAS pour coordonner les politiques publiques.

Il s’agit d’une part de favoriser :

- un équilibre et une complémentarité des polarités urbaines et rurales ;

- une gestion économe de l’espace limitant l’artificialisation des sols ;

- les transitions écologique, énergétique et climatique ;

- une offre d’habitat, de services et de mobilités adaptés aux nouveaux modes de vie ;

- une agriculture contribuant notamment à la satisfaction des besoins alimentaires locaux,

Il s’agit également de respecter et mettre en valeur la qualité des espaces urbains comme naturels et des paysages (C. urb., art. L. 141-3 N° Lexbase : L9973LMC).

B. Le document d’orientation et d’objectifs

Alors qu’il était invité à exprimer des objectifs et orientations articulées autour de neuf « thématiques » (sans compter les thématiques propres à la montagne ou au littoral), le contenu du DOO se trouve réorganisé autour de trois groupes de préoccupations majeures complémentaires (C. urb., art. L. 141-4 N° Lexbase : L2478KIM) :

- les activités économiques, artisanales, commerciales, agricoles et forestières ;

- l’offre renouvelée de logement et d’habitat, l’implantation des grands équipements et services structurant le territoire, et l’organisation des mobilités ;

- les transitions écologique et énergétique, impliquant la lutte contre l’étalement urbain et le réchauffement climatique, l’adaptation et l’atténuation de ses effets, le développement des énergies renouvelables, la prévention des risques (naturels, technologiques et miniers), ainsi que la préservation et la valorisation des paysages, de la biodiversité, des ressources et espaces naturels, agricoles et forestiers.

Pour chacun de ces trois groupes, l’ordonnance reprend de nombreuses mentions qui étaient déjà exprimées s’agissant du DOO des SCOT ante-modernisation, que ce soit le document d’aménagement artisanal et commercial (repris mot pour mot), les objectifs territorialisés d’offre de nouveaux logements, les objectifs de la politique d’amélioration et de réhabilitation des logements, les orientations de la politique de mobilité, les grands projets d’équipements, réseaux et services, les objectifs chiffrés de densification et de consommation économe de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain, les orientations de préservation des paysages et des espaces naturels, agricoles, forestiers ou urbains, y compris la transposition des dispositions pertinentes des chartes de parcs naturels régionaux, les modalités de protection des espaces de biodiversité et de continuités écologiques.

Mais, les auteurs de l’ordonnance ont aussi précisé de nombreuses « attentes » à l’égard des objectifs ou orientations. Par exemple, le développement économique doit intégrer les enjeux d’économie circulaire et viser à une répartition territoriale équilibré (C. urb., art. L. 141-5, 1° N° Lexbase : L2479KIN), l’activité agricole doit respecter les sols et l’environnement et tenir compte des besoins alimentaires (C. urb., art. L. 141-5, 2°), les objectifs de la politique de l’habitat doivent participer à l’évolution et à l’optimisation de l’usage des espaces urbains et ruraux, en respectant une gestion économe de l’espace pour lutter contre l’étalement urbain (C. urb., art. L. 141-7 N° Lexbase : L2481KIQ), les objectifs d’amélioration et de réhabilitation des logements s’inscrivent dans les enjeux de lutte contre la vacance et la dégradation du parc ancien, de revitalisation et de baisse des émissions de gaz à effet de serre(C. urb., art. L. 141-7, 2°), les orientations en matière de mobilité doivent tendre à la diminution de l’usage individuel de l’automobile (C. urb., art. L. 141-7, 3°)…

D’autres orientations peuvent, le cas échéant, être déclinées par le DOO, à condition qu’elles soient nécessaires à la traduction du projet d’aménagement stratégique, et qu’elles relèvent des objectifs de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme (C. urb., art. L. 101-2 N° Lexbase : L9939LM3) et de leur compétence (C. urb., art. L. 141-4).

Les possibilités « prescriptives » du DOO à l’égard des documents d’urbanisme (PLU, documents en tenant lieu ou cartes communales) apparaissent restreintes après l’ordonnance du 17 juin 2020.

Ainsi, le DOO conserve la possibilité de « subordonner » l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs à l’utilisation prioritaire des friches urbaines (nouvelle mention) et des terrains en zone urbanisée et desservis (C. urb., art. L. 141-8, 1° N° Lexbase : L2482KIR), ou à la réalisation d’une étude de densification des zones urbanisées pour apprécier la capacité de densification territoriale (cette possibilité d’exiger une telle étude a été maintenue, alors même que le rapport de présentation de tout PLU doit analyser les capacités de densification et de mutation de « l’ensemble des espaces bâtis » (C. urb., art. L. 151-4, al. 3 [LXB= L9974LMD], et L. 141-8, 2°) ou d’une étude environnementale (C. urb., art. L. 141-9 N° Lexbase : L8582K9Q).

Il n’est donc plus expressément fait mention des possibilité du DOO, pour ces ouvertures à l’urbanisation, de définir des objectifs de maintien ou de création d’espaces verts lors des ouvertures à l’urbanisation (ex-art. L. 141-11), ou subordonner ces ouvertures à leur desserte par les transports collectifs (ex-art. L. 141-14), pas plus qu’il ne pourra, dans les nouvelles zones ouvertes à l’urbanisme, exiger que le PLU impose des critères de qualité renforcée d’infrastructures et de réseaux numérique (ex-art. L. 141-21) ou de performances environnementales et énergétiques renforcés (ex-art. L. 141-22).

Pour autant, le dernier alinéa du nouvel article L. 141-4 laisse une large possibilité pour le DOO de « définir les conditions d’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs », en sus de celles qui sont explicitement mentionnées aux nouveaux articles L. 141-8 et L. 141-9 : potentiellement, les possibilités qui sont mentionnées aux actuels articles L. 141-11 (N° Lexbase : L2485KIU, L. 141-14 (N° Lexbase : L2488KIY), L. 141-21 (N° Lexbase : L2495KIA) et L. 141-22 (N° Lexbase : L2496KIB) pourraient donc toujours être mobilisées par les établissements publics de SCOT pour exprimer des conditions d’ouverture de nouveaux secteurs à l’urbanisation… pour autant que ces conditions s’inscrivent dans la cohérence des objectifs exprimés par le projet d’aménagement stratégique.

De même, le contenu du DOO ne fait plus mention de la possibilité de délimiter des secteurs où le règlement du PLU devait garantir des possibilités minimales de construction fixées par le SCOT (ex-art. L. 141-7) ou devait imposer une densité minimale de construction (ex-art. L. 141-8) ou des obligations en matière de stationnement (ex-art. L. 141-15) ; ni de la possibilité d’étendre à d’autres routes l’application du régime de protection des « entrées de ville » le long des routes à grande circulation (ex-art. L. 141-19) ; pas plus que de la définition de normes de qualité urbaine, architecturale et paysagère applicables en l’absence de PLU ou de document en tenant lieu (normes dont aucune disposition législative ou réglementaire n’avait toutefois prévu l’opposabilité à des projets d’aménagement ou de construction concernant moins de 5 000 m² de surface de plancher !) (ex-art. L. 141-18, al.2).

Mais, là encore, l’ordonnance maintient la possibilité pour le DOO d’exprimer « toute autre orientation nécessaire à la traduction du projet d’aménagement stratégique », dès lors qu’elle relève, d’une part des objectifs de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme énoncés à l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9939LM3), et d’autre part de la compétence de ces collectivités en matière d’urbanisme (C. urb., art. L. 141-4, al. 6) ; le DOO pourrait aussi définir « les conditions d’implantation des différentes fonctions urbaines » (C. urb., art. L. 141-4, al. 7). Cette habilitation « générique » du DOO d’exprimer des orientations ou des conditions en-dehors des obligations ou possibilités explicitement mentionnées aux articles L. 141-4 à L. 141-10 ne devrait pourtant pas permettre aux SCOT « modernisés » d’exprimer toute orientation au seul motif qu’elle s’inscrirait dans les objectifs de l’article L. 101-2 et dans les compétences publiques d’urbanisme : il semblerait juridiquement hasardeux que le DOO oriente voire conditionne par exemple la mise en œuvre du droit de préemption (urbain, commercial ou en espaces naturels) ou des contributions d’urbanisme au financement des équipements publics, sous prétexte que ces interventions pourraient s’inscrire dans la logique des objectifs des politiques publiques d’urbanisme et qu’elles correspondent à des compétences publiques d’urbanisme !

Peut-être cette habilitation législative « générique » donnée au DOO d’exprimer « toute autre orientation » nécessaire à la traduction du projet d’aménagement stratégique, ainsi que les « conditions d’implantation des différentes fonctions urbaines » amènera-t-elle le Conseil d’État à faire évoluer sa jurisprudence concernant le rôle respectif et la complémentarité entre SCOT et PLU, mais jusqu’ici, le juge administratif a considéré qu’ « à l’exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs » (CE, 18 décembre 2017, n° 395216 N° Lexbase : A2181W8B). Or, ces « normes prescriptives » limitativement prévues par la loi correspondent essentiellement aux possibilités, pour le DOO, de « dicter » certaines dispositions que les PLU devaient, même avec la souplesse intrinsèque à l’obligation de compatibilité, transposer avec une marge de manœuvre restreinte (densités de constructions, obligations de stationnement…). Il faut d’ailleurs souligner que cette capacité « prescriptive » du DOO a été intégralement « prévue par la loi » en matière commerciale, où le nouvel article L. 143-6 reprend in extenso les dispositions de l’actuel article L. 141-17 (N° Lexbase : L0211LN7) concernant le contenu du document d’aménagement artisanal et commercial. Si le DOO reste dans le champ des « objectifs » et des « orientations » nécessaires à la traduction du projet d’aménagement stratégique et avec lesquelles le PLU devra être compatible, il ne devrait pas y avoir de contestation juridique valable ; en revanche, si le DOO devait, au bénéfice de l’habilitation « générique » de l’article L. 141-4, s’engager à l’égard des PLU dans l’expression de « normes prescriptives » qui ne seraient plus « limitativement prévues par la loi » en s’éloignant éventuellement de la dimension plus « stratégique » que l’ordonnance lui a assignée, devrait supposer, en cas de contentieux, une évolution jurisprudentielle…

Le DOO comportera enfin les dispositions déjà prévues actuellement s’agissant :

- d’une part des zones de montagne, en particulier la localisation, nature et capacité globale d’accueil et d’équipement des unités touristiques nouvelles structurantes et les objectifs de réhabilitation et de diversification de l’immobilier de loisirs (C. urb., art. L. 141-11) ;

- et d’autre part des zones littorales et de la mer, notamment les orientations fondamentales d’aménagement, de protection et de mise en valeur (C. urb., art. L. 141-12 N° Lexbase : L1856LCQ), les critères d’identification des espaces urbanisés et les orientations d’équilibre entre les enjeux environnementaux et climatiques et les activités, d’accès au littoral et de partage des usages, et de gestion de milieux aquatiques et de prévention des risques (C. urb., art. L. 141-13 N° Lexbase : L2487KIX), ainsi que les vocations de l’espace maritime, les mesures de protection du milieu marin, la localisation des équipements industriels et portuaires et les orientations pour l’aquaculture marine et les loisirs (C. urb., art. L. 141-14). On peut relever que le SCOT modernisé ne vaudra plus schéma de mise en valeur de la mer… même s’il pourra toujours comporter les précisions exprimées lorsqu’il pouvait valoir SMVM.

C. Les annexes

Jusqu’ici, le SCOT ne comportait réglementaire aucune annexe. Dans le SCOT « modernisé », le diagnostic territorial, l’évaluation environnementale, la justification des choix, et l’analyse de la consommation foncière, éléments qui figuraient jusqu’alors au rapport de présentation désormais supprimé seront annexés, mais aussi tous documents, analyses, évaluations et autres, qu’il sera jugé opportun d’annexer à titre indicatif (C. urb., art. L. 141-15 N° Lexbase : L2489KIZ).

En revanche, la description de l’articulation du SCOT avec les normes supérieures disparaît, sachant que l’établissement public de SCOT devra désormais procéder au moins tous les trois ans à une « analyse de compatibilité et de prise en compte » avec les normes juridiques nouvelles et avoir délibéré pour décider du maintien du SCOT ou pour approuver sa mise en compatibilité par une modification simplifiée (C. urb., art. L. 131-3 N° Lexbase : L2431KIU).

Si le SCOT tient lieu de plan climat-air-énergie territorial (PCAET) (cf. ci-après), les objectifs stratégiques et opérationnels pour atténuer, combattre et s’adapter au changement climatique, ainsi que le programme d’actions à réaliser sont présentés en annexe (C. urb., art. L. 141-15, al. 6).

III. Amplifier les effets du SCOT

L'ordonnance n° 2020-745 du 17 juin 2020, relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes (N° Lexbase : L4298LXH), a eu pour effet d'imposer aux PLU la compatibilité avec l'ensemble du SCOT -PAS et DOO- et non plus avec le seul DOO (C. urb., art. L. 131-4 N° Lexbase : L3269LUM et L. 142-1 N° Lexbase : L2501KIH) et d'exiger la mise en compatibilité des PLU dans l'année suivant l'entrée en vigueur du SCOT (C. urb., art. L. 131-7 N° Lexbase : L2435KIZ). Mais cette compatibilité élargie et accélérée s'est aussi accompagnée de compléments permettant d'amplifier les effets potentiels du SCOT, en permettant d'y annexer un programme d'action, d'y intégrer un PCAET, ou, s'agissant d'un SCOT élaboré par un PETR, de faire du PAS le projet de territoire du PETR.

A. La mise en œuvre du SCOT

L’établissement public en charge du SCOT peut y annexer un « programme d’actions » permettant d’accompagner sa mise en œuvre. Ce programme - qui garde un caractère facultatif - précisera les actions prévues pour mettre en œuvre la stratégie, les orientations et les objectifs du SCOT, quels que soient les acteurs qui interviendront en ce sens. Il pourra aussi identifier les actions qui s’inscrivent dans des objectifs nationaux ou régionaux ou dans des dispositifs contractuels qui concourent à la mise en œuvre du schéma (C. urb., art. L. 141-19 N° Lexbase : L2493KI8).

B. Le SCOT valant PCAET

Le Code de l’environnement avait déjà admis la possibilité d’élaborer un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) à l’échelle d’un périmètre de SCOT, si toutes les communautés et métropole concernées transfèrent à l’établissement public de SCoT leur compétence d’élaboration du PCAET (C. env., art. L. 229-6 N° Lexbase : L8748LSS § I, al. 3). Si tel est le cas, l’ordonnance du 17 juin 2020 permet -sans qu’il s’agisse toutefois d’une obligation- désormais au SCoT de tenir lieu de PCAET (C. urb., art. L. 141-17) : le schéma doit alors « poursuivre les objectifs » stratégiques et opérationnels des collectivités pour atténuer le changement climatique, le combattre efficacement et s’y adapter (C. env., art. L. 229-6, § II, 1°) : le projet d’aménagement stratégique devra définir ces objectifs et le document d’orientation et d’objectifs les déclinera. Seront annexés au SCOT, le programme des actions à réaliser (C. env., art. L. 229-6 § II, 2° et 3°) ainsi que le dispositif de suivi et d’évaluation des résultats (C. env., art. L. 229-6 § II, 4°).

L’ordonnance du 17 juin 2020 impose que la prescription de l’élaboration d’un SCOT tenant lieu de PCAET, d’une part précise si l’établissement public de SCOT sera chargé du suivi et de l’évaluation du PCAET et de la coordination de la transition énergétique, et d’autre part soit notifiée à l’ensemble des collectivités publiques et leurs groupements tenus d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre et un plan de transition pour réduire ces émission, afin qu’ils précisent si ces bilans et plans seront intégrés dans le SCOT. Elle envisage aussi des possibilités de mise à jour et d’adaptation des éléments du PCAET sans révision ou modification de l’ensemble du SCOT qu’un décret devra préciser. Sans doute ces éléments auraient-ils mérité de figurer dans le chapitre relatif aux procédures d’élaboration et d’évolution du SCOT (C. urb., art. L. 143-17 N° Lexbase : L2522KIA et suiv.) plus que dans celui qui concerne son contenu.

C. Mise à jour

Dès lors que, tant le « programme d’action » que les éléments du PCAET qui seraient annexés au SCOT, n’affectent pas le projet d’aménagement stratégique ni le document d’orientation et d’objectifs, il semblerait intéressant qu’une disposition réglementaire organise une procédure allégée de « mise à jour » des nouvelles annexes du SCOT, à l’instar de celle qui existe pour les annexes du PLU, par un arrêté du président, sans enquête publique (C. urb., art. R. 153-18 N° Lexbase : L0265KWQ), sans préjudice des procédures « internes » à l’établissement public de SCOT permettant, avec les partenaires concernés, de valider des évolutions possibles du programme d’actions ou des éléments du PCAET. L’ordonnance envisage d’ailleurs cette possibilité -à organiser par voie réglementaire- s’agissant du PCAET qui pourront être mis à jour ou adaptés sans imposer de révision ou de modification de l’ensemble du SCOT (ce qui n’exclut toutefois pas une obligation de révision pour changer les objectifs inscrits au projet d’aménagement stratégique ou au document d’orientation et d’objectifs) (C. urb., art. L. 141-18 N° Lexbase : L2492KI7).

D. Projet de territoire

Si l’ordonnance du 17 juin 2020 ne prévoit plus la possibilité qui avait été envisagée dans sa phase d’élaboration de reprendre le projet d’aménagement stratégique du SCOT dans le PADD d’un PLU intercommunal (même non mentionnée, cette possibilité reste pourtant envisageable…), ni que le projet d’aménagement stratégique puisse tenir lieu de projet de territoire d’un pôle métropolitain, elle a créé cette possibilité pour le projet de territoire d’un pôle d’équilibre territorial et rural (PETR), pour autant que le périmètre du PETR soit intégralement inclus dans celui du SCOT (C. urb., art. L. 145-1 N° Lexbase : L7451IMW). Souhaité par certains PETR, le projet d’aménagement stratégique valant projet de territoire reste cependant une possibilité sans aucune automaticité ni obligation.

Conclusion

Entrée en vigueur de la réforme le 1er avril 2021

La loi « ELAN » a fixé au 1er avril 2021 l’entrée en vigueur des dispositions des ordonnances tendant à modifier le périmètre et le contenu des SCOT (art. 46, § II). L’ordonnance du 17 juin 2020 reprend évidemment cette échéance en précisant que :

- les procédures d’élaboration ou de révision de SCOT qui auront été prescrites avant le 1er avril 2021 pourront se poursuivre selon le régime « ante-modernisation » ;

- si le projet de SCOT n’a pas été arrêté avant le 1er avril 2021, l’établissement public de SCOT peut décider d’élaborer ou de réviser un SCOT qui sera conforme au régime modernisé, mais à la condition que ce SCOT approuvé ou révisé ne soit pas transmis au préfet avant le 1er février 2021 (point de départ du délai -minimum- de deux mois durant lequel le caractère exécutoire est suspendu, C. urb., art. L. 143-24 N° Lexbase : L2529KII) ;

- les SCOT dont la modification a été engagée avant le 1er avril 2021 restent soumis au régime « ante-modernisation » ; il est toutefois malvenu d’avoir mentionné la « prescription » de telles modifications, dès lors que seules l’élaboration et la révision sont « prescrites » par une délibération de l’organe délibérant, tandis que la procédure de modification est engagée à l’initiative du président, qui en établit le projet et le soumet à enquête publique ; il aurait semblé plus clair de faire référence à l’arrêté soumettant le projet de modification à enquête publique puisque cet arrêté constitue le premier acte formel identifiable de la procédure de modification.

Enfin, l’établissement public dont le SCOT qui comporte un chapitre individualisé valant schéma de mise en valeur de la mer alors que cette possibilité sera supprimée avec la modernisation, peut décider son maintien en vigueur ou l’intégration de ses dispositions dans le document d’orientation et d’objectifs lors de toute modification ou révision, engagée avant ou après le 1er avril 2021.

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