Réf. : Cons. const., décision n° 2020-836 QPC, du 30 avril 2020 (N° Lexbase : A10723LB)
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N3182BYI
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par June Perot
le 27 Mai 2020
► Pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans sa décision du 20 septembre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-802 QPC, du 20 septembre 2019 N° Lexbase : A8596ZNP, v. A. Danet, comm., Lexbase Pénal, octobre 2019 N° Lexbase : N0663BY9), le Conseil constitutionnel a retenu qu’eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce le recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées de l’article 706-71 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7459LPX) portent une atteinte excessive aux droits de la défense et sont donc contraires à la Constitution ;
le Conseil avait relevé en effet que, par exception, en matière criminelle, en application de l'article 145-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3506AZU), la première prolongation de la détention provisoire pouvait n'intervenir qu'à l'issue d'une durée d'une année ; il en résultait qu'une personne placée en détention provisoire pouvait se voir privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire.
C’est ainsi que s’est prononcé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 avril 2020 (Cons. const., décision n° 2020-836 QPC, du 30 avril 2020 N° Lexbase : A10723LB).
La question soumise au Conseil constitutionnel par la Chambre criminelle (Cass. crim., 4 février 2020, n° 19-86.945, FS-D N° Lexbase : A92523DZ) portait sur le quatrième alinéa de l'article 706-71 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC). Cet article fixe les conditions dans lesquelles il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour les audiences de la chambre de l'instruction relatives au contentieux de la détention provisoire.
Le requérant faisait valoir que ces dispositions reprennent les mots « la chambre de l'instruction » déclarés contraires à la Constitution, dans une précédente version de l'article 706-71 du Code de procédure pénale, par la décision du 20 septembre 2019 mentionnée ci-dessus. Selon lui, ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans cette décision. En effet, elles ne feraient pas obstacle à ce que, en matière criminelle, une personne placée en détention provisoire puisse être privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant un juge.
Recevabilité de la QPC. Cette question est probablement ce qu'il faut retenir de la décision. Le Conseil, pour pouvoir se prononcer sur la question, rappelle que l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel fait obstacle à ce qu'il soit saisi d’une QPC relative à la même version d’une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf en cas de changement de circonstances. Si, dans sa décision du 20 septembre 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution des dispositions de l'article 706-71 du Code de procédure pénale identiques à celles contestées dans la présente procédure, les dispositions déclarées inconstitutionnelles figuraient dans une autre rédaction de cet article 706-71.
Sans s’appesantir à nouveau sur les motifs de cette inconstitutionnalité, le Conseil énonce que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 7 à 13 de la décision du 20 septembre 2019, ces dispositions portent une atteinte excessive aux droits de la défense et doivent être déclarées contraires à la Constitution.
Effets de l’inconstitutionnalité. Le Conseil relève que, d’une part, en l'espèce, l'abrogation immédiate des mots « la chambre de l'instruction » aurait pour effet de rendre impossible tout recours à la visioconférence pour les audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 octobre 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées. D'autre part, la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Pour aller plus loin : A. Danet, Visioconférence et détention provisoire : confirmation à l’identique de la non-conformité, Lexbase Pénal, mai 2020 (N° Lexbase : N3379BYS) A. Danet, Conseil constitutionnel et visioconférence dans le procès pénal ou la double illusion du progrès, Lexbase Pénal, octobre 2019 (N° Lexbase : N0663BY9). A. Danet est auteur notamment d’une thèse sur La présence en droit processuel. N. Catelan, ETUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, Les étapes du placement en détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4181Z9Q) |
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