La lettre juridique n°823 du 7 mai 2020 : Covid-19

[Focus] Les dispositions fiscales de la seconde loi de finances rectificative pour 2020

Réf. : Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, de finances rectificative pour 2020 (N° Lexbase : L7438LWE)

Lecture: 9 min

N3193BYW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Focus] Les dispositions fiscales de la seconde loi de finances rectificative pour 2020. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57888507-focus-les-dispositions-fiscales-de-la-seconde-loi-de-finances-rectificative-pour-2020
Copier

par Coralie Dedieu, Avocate au Barreau de Paris

le 07 Mai 2020

La deuxième loi de finances rectificative a été publiée au Journal officiel du 25 avril 2020. Il est prévu de nouvelles mesures d’urgence tendant à neutraliser les effets fiscaux liés à la présente crise sanitaire.

Les dispositifs votés peuvent être regroupés autour de cinq thèmes :

1 - Non-imposition des mesures de soutien

  • - Indemnités versées par le fonds de solidarité à des entreprises particulièrement touchées par l’épidémie : Elles seraient exonérées d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés, sous réserve de sa validation au regard des règles d’aides d’Etat par la Commission européenne.

Ces indemnités ne seraient pas considérées comme un chiffre d’affaires imposable pour le besoin du calcul des seuils d’application du régime de micro-entreprise prévu aux articles 50-0 (N° Lexbase : L9321LHP) (bénéfices industriels et commerciaux), 69 (N° Lexbase : L2416LE9) (bénéfices agricoles) , 102 ter (N° Lexbase : L6162LUR) (bénéfices non commerciaux), 151 septies (N° Lexbase : L4192LI4) (plus-values professionnelles) et 302 septies  (N° Lexbase : L2395LEG) (taxe sur la valeur ajoutée) du Code général des impôts.

En pratique, les micro-entrepreneurs n’auraient pas à déclarer cette subvention dans leur bénéfice imposable.

Cette exonération entrerait en vigueur, au plus tard, à compter de la décision de la Commission européenne (article 1).

- Heures supplémentaires versées au cours de l’état d’urgence sanitaire : Selon l’article 81 quater du Code général des impôts (N° Lexbase : L7517LWC), les rémunérations versées au titre des heures complémentaires et supplémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite annuelle de 5 000 euros.

- Il est inséré à cet article un II qui prévoit désormais d’augmenter la limite annuelle à 7 500 euros pour les rémunérations liées à des heures complémentaires et supplémentaires et versées entre le 16 mars et la date de fin de l’état d’urgence sanitaire (article 4).

- En conséquence, et dans l’attente des commentaires administratifs, cette prime ne devrait pas être soumise au prélèvement à la source, ni être déclarée fiscalement ou prise en compte dans la détermination du revenu fiscal de référence.

- Prime exceptionnelle versée par les administrations publiques à leurs agents : Elle sera exonérée d’impôt sur le revenu et de toute cotisation ou contribution sociale d’origine légale ou conventionnelle, de la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la participation des employeurs agricoles à l'effort de construction (CGI, art. 235 bis N° Lexbase : L7313LQW) et de la contribution pour le financement de la formation professionnelle (C. trav., art. L. 6131-1 N° Lexbase : L6725LUM).

En pratique, comme pour les heures supplémentaires, cette prime ne devrait pas être soumise au prélèvement à la source, ni être déclarée fiscalement ou prise en compte dans la détermination du revenu fiscal de référence.

Attention, les exonérations de cette prime exceptionnelle ne se cumulent pas avec celles liées à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA 2020) et prévues à l’article 7 de la LFSS pour 2020 si cette dernière tient compte des conditions de travail pendant l’épidémie SARS-Cov-2 (article 11).

2 - Non-imposition chez le bailleur des abandons de loyers afférents à des immeubles

Afin de sauvegarder la trésorerie des entreprises locataires de locaux commerciaux, le Gouvernement a fortement encouragé les bailleurs à ne plus seulement reporter les loyers mais à les abandonner.

Aux termes de l’article 39-13 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7516LWB), de tels abandons ou renonciations à recettes constituent des aides à caractère commercial[1].

Pour neutraliser les effets fiscaux d’une aide à caractère commercial, l’article 14 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L7515LWA) prévoit que les abandons et renonciations de loyers consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 ne soient pas imposables chez le bailleur d’un immeuble. Ce nouveau régime s’applique pour les entreprises relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux, de l’impôt sur les sociétés, des revenus fonciers et des bénéfices non commerciaux.

En pratique, le bailleur n’aura pas besoin de démontrer du caractère normal de l’abandon ou de la renonciation pour bénéficier de cette exonération.

Toutefois, ce régime de faveur est soumis à certaines limitations :

- l’exonération vise uniquement les loyers et leurs accessoires afférents à des immeubles donnés en location ;

- les locations intragroupes sont exclues : Lorsque le locataire et le bailleur sont liés, au sens des dispositions de l’article 39-12 du Code général des impôts, le présent régime de neutralité ne sera pas applicable ;

- les locations intra-familiales peuvent être également exclues : Lorsque l’entreprise locataire est exploitée par un membre du foyer fiscal ou un ascendant ou descendant du bailleur, la non-imposition est subordonnée à la preuve, faite par tous moyens, de difficultés de trésorerie de l’entreprise bailleresse.

Cependant, cette neutralité de l’abandon ou de la renonciation ne sera pas assurée pour le bénéficiaire qui demeurera toujours imposable en raison de la variation d’actif net définie aux termes de l’article 38-2 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6167LUX).

Par ailleurs, les charges liées à l’immeuble continuent d’être fiscalement déductibles.

Enfin, il est à noter que pour les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés, le montant des abandons et renonciations de créances vient majorer la fraction de 1 000 000 euros de déficits fiscaux imputables sur le résultat de l’exercice (article 3).

3 - Taux réduit de TVA

Il est inséré les paragraphes K bis et K ter à l’article 278-0 bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L7522LWI) qui prévoit que le taux de 5,5 % est applicable aux masques, tenues de protection et les produits d’hygiène corporelle[2] destinés à lutter contre la propagation du COVID-19. Les conditions d’application de ce taux réduit sont les suivantes :

- la liste et les caractéristiques des produits éligibles seront fixées par arrêté ministériel[3] ;

- ces produits font l’objet de livraisons ou acquisitions intracommunautaires depuis le 24 mars 2020.

Les paragraphes K bis et K ter à l’article 278-0 bis du Code général des impôts seront abrogés le 1er janvier 2022 (articles 5 et 6).

4 - Régime agricole de déduction pour aléas

Afin de favoriser la constitution d'une épargne permettant de faire face à des aléas, l'article 72 D bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L3856KWQ) autorisait les exploitants agricoles, soumis à un régime réel d'imposition, à déduire de leur bénéfice agricole imposable entre 50 % et 100 % de l’épargne effectivement versée. Les intérêts capitalisés n’étaient pas imposables.

La réserve ainsi constituée ne devait être utilisée que pour faire face à des aléas spécifiques. En raison de son abrogation par la Loi de finances pour 2019, cette réserve est actuellement bloquée sur les comptes bancaires des exploitants agricoles faute d’utilisation.

La présente Loi de finances rectificative permet de remédier à cette situation en prévoyant un nouveau cas de figure d’utilisation de l’épargne précédemment constituée : l’épargne déduite et ses intérêts capitalisés peuvent être utilisés pour couvrir des dépenses nécessitées par l'activité professionnelle visées à l’article 73-II-2 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9087LNU) (article 7).

 

5 - Autres mesures

- Timbre fiscal dématérialisé : La durée de validité du timbre fiscal dématérialisé est doublée. Elle est désormais de 12 mois au lieu de 6 (CGI, art. 900 N° Lexbase : L4746I7W). L’entrée en vigueur de ce changement de validité sera édictée par décret, à intervenir au plus tard le 31 décembre 2020 (article 12).

- Niche Coluche : Les dons versés aux organismes sans but lucratif dédiés à l’aide aux personnes en difficulté ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 75 % à hauteur de
1 000 euros. En pratique, le montant maximum de réduction d’impôt au titre de cette catégorie de dons est donc désormais de 750 euros au lieu de 402,75 euros.

Cette limite s’appliquera aux revenus perçus à compter de l’année 2020. Les dons versés au cours de l’année 2019 ne sont pas concernés par ce nouveau seuil (article 14).

6 - Compensation des pertes financières

Il est prévu que les pertes financières liées aux mesures d’exonération des heures supplémentaires, de taux réduit de TVA et de hausse de la niche Coluche seraient compensées par la création d’une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 (N° Lexbase : L9668KXD) et 575 A (N° Lexbase : L6338LUB) du Code général des impôts (articles 4, 5,6 et 14).

 

[1] Lorsqu’un tel abandon présente un caractère normal, la société qui le consent est autorisé à le déduire et la société bénéficiaire doit constater un produit imposable. Lorsque l'aide présente un caractère anormal, les abandons et renonciations de loyers constituent un acte anormal de gestion conduisant à réintégrer le revenu non perçu dans les bases imposables du bailleur (CE 7° et 8° ssr., 24 février 1986, n° 54253 et 54256 N° Lexbase : A4061AMD).

[2] Cela ne vise pas uniquement les gels hydroalcooliques mais tout produit virucide.

[3] A la date de rédaction de la présente note (le 26 avril 2020), aucun arrêté n’était publié sur le site de Légifrance.

newsid:473193