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N3171BY4
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences en droit public à l’Université de Caen-Normandie, Centre Maurice Hauriou (Université Paris V- Descartes) et directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de l'urbanisme"
le 06 Mai 2020
Le règlement national d’urbanisme (RNU) est constitué de dispositions législatives et réglementaires insérées dans le code de l’urbanisme qui encadrent le droit à construire. Il comprend, traditionnellement, deux catégories de dispositions : celles qui s’appliquent en l’absence de document d’urbanisme et celles qui s’appliquent nonobstant l’existence d’un tel document.
Les dispositions législatives relèvent majoritairement de la seconde catégorie, étant précisé que plusieurs articles du code de l’urbanisme permettent, sous conditions, au pouvoir réglementaire local de déroger aux règles nationales d’application générale. C’est le cas, par exemple des contraintes posées par l’article L. 111-6 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2243KIW) qui interdit les constructions à moins de 150 mètres des grands axes routiers, règle à laquelle le PLU peut déroger pour prévoir d’autres règles, sous réserve de la réalisation d’une étude « justifiant, en fonction des spécificités locales, que ces règles sont compatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages » (C. urb., art. L. 111-8 N° Lexbase : L2245KIY).
La proportion est inversée pour les dispositions réglementaires. Les dispositions réglementaires les plus nombreuses sont constituées par les règles qui ne s’appliquent que lorsque le territoire de la commune n’est pas couvert par un plan local d’urbanisme ou un document en tenant lieu. Autrement dit, ces règles agissent comme un filet de sécurité dans deux hypothèses principales : soit la commune n’est effectivement pas encore couverte par un PLU, soit le document a été annulé mais il n’existe aucun document que cette annulation serait susceptible de faire revivre ce qui prise d’effet le principe énoncé par l’article L. 600-12 du Code de l’urbanisme. Toutefois, l’article R. 151-19 (N° Lexbase : L0323KWU), issu du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ([LXB=]) prévoit que le PLU intercommunal peut faire application, dans une ou plusieurs zones urbaines, des articles R. 111-3 (N° Lexbase : L0568KWX), R. 111-5 (N° Lexbase : L0566KWU) à R. 111-13, R. 111-15 (N° Lexbase : L7527ICR) à R. 111-18 et R. 111-28 (N° Lexbase : L9934IT4) à R. 111-30. Ces articles, qui ne sont ordinairement pas applicables lorsqu’il existe un PLU deviennent alors applicables. En outre, on relèvera que les PLU contiennent fréquemment des règles de nature identique à celles contenues dans ces articles, telles que les exigences liées à la circulation des véhicules de lutte contre l’incendie de l’article R. 111-5, même si le document local peut prévoir des contraintes plus précises que celles qui figurent dans le RNU.
Parmi les dispositions du RNU qui s’appliquent même en présence d’un PLU, deux d’entre elles méritent qu’on s’y arrête : l’article R. 111-2 (N° Lexbase : L0569KWY) relatif à la sécurité et à la salubrité ainsi que l’article L. 111-11 (N° Lexbase : L2248KI4) relatif à la desserte des constructions par les réseaux. Ces deux dispositions présentent un double intérêt : d’une part, ces règles anciennes ont peu évolué et, d’autre part, la violation de ces deux articles est assez fréquemment invoquée à l’appui des recours dirigés contre les autorisations d’urbanisme : il semble donc utile de faire le point sur la jurisprudence applicable à ces deux articles.
I – La desserte de la construction par les réseaux : l’article L. 111-11
A - L’exigence de raccordement aux réseaux.
L’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme pose les contraintes suivantes : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés.
Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies (…) »
Cette exigence ancienne a été formulée différemment sous l’empire des versions antérieures du code de l’urbanisme mais l’essentiel demeure à peu près constant : le projet de construction doit être raccordé aux réseaux de distribution ou doit pouvoir l’être et l’autorité doit alors connaître le délai de réalisation de ces travaux. Son application est rare en zone fortement urbanisée dès lors que ces zones se caractérisent précisément par la densité des réseaux d’eau d’assainissement ou d’électricité. En revanche, elle est plus fréquente en zone rurale et l’article L. 111-11 constitue un moyen régulièrement invoqué par les autorités, à l’appui d’un refus d’autorisation, ou par les auteurs des recours dirigés contre des autorisations délivrées par des administrations locales qui ne sont pas toujours très regardantes sur ce point.
L’objet de cette disposition, antérieurement codifiée à l’article L. 111-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9979LMK), est ainsi exposée par le Conseil d’Etat :
« (elles) poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité ; (…) une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent, notamment du réseau public de distribution d'eau, ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente ; (…) pour le réseau public de distribution d'eau, une telle modification peut notamment consister en l'installation d'une canalisation d'une longueur importante traversant des terrains autres que celui du pétitionnaire ; que l'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour un projet qui exige une modification de la consistance d'un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité ou lorsque des travaux de modification du réseau ont été réalisés sans son accord » (CE, 11 juin 2014, n° 361074 N° Lexbase : A6688MQR).
La protection de l’intérêt général et des deniers publics constitue donc le fondement de cette disposition : l’initiative privée ne peut contraindre l’autorité publique à devoir réaliser des travaux de renforcement des réseaux, dès lors que de tels travaux n’ont pas été expressément décidés par celle-ci. Concrètement, l’article L. 111-11 protège les personnes publiques de la politique du fait accompli, tant qu’au regard du projet que de ses conséquences. Il ne faudrait pas, par exemple, que la présence d’une canalisation réalisée par le pétitionnaire sur d’autres terrains que le sien conduisent les propriétaires de ces terrains à considérer que ceux-ci sont desservis par le réseau public de distribution de l’eau et donc constructibles si tel n’est pas le cas. La collectivité serait ainsi mise devant le fait accompli une première fois et cette hypothèse pourrait se reproduire dans l’avenir, les autres pétitionnaires potentiels estimant pouvoir se greffer sur l’initiative et sur la canalisation réalisée par le premier pétitionnaire.
Une cour commet donc une erreur de droit en jugeant que le permis ne pouvait être refusé sur le fondement de l’article L. 111-4 au motif que le pétitionnaire avait déjà réalisé le branchement nécessaire en installant une conduite privée de quelque 400 mètres pouvant être raccordée au réseau existant et que la commune ne démontrait pas l'impossibilité technique de ce raccordement (CE, 11 juin 2014, n° 361074, précité).
La primauté de l’intérêt général est donc assurée même si le code de l’urbanisme prévoit cependant un équilibre avec le respect des intérêts privés dès lors que l’article L. 332-15 (N° Lexbase : L2315IEH) permet au pétitionnaire de participer au financement de ces travaux d’extension des réseaux.
B - L’absence de pouvoir discrétionnaire
La jurisprudence a toujours considéré que l’administration se trouve ici en situation de compétence liée : dès lors que le dossier de demande n’indique pas dans quel délai les travaux de raccordement du projet de construction peuvent être réalisés, l’autorité administrative est dans l’obligation d’opposer un refus à la demande de permis (CE, 22 mars 1978, n° 03566 N° Lexbase : A5098B8C ; CE, 15 mai 1981, n° 21617 N° Lexbase : A6624AKK). En revanche, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction, qu’à la date de la décision, l’autorité compétente, n’était pas en mesure d’indiquer le délai de réalisation des travaux de raccordement, l’autorité chargée de délivrer l’autorisation ne peut opposer un refus sur ce fondement : le juge ne vérifie donc pas si l’avis a été rendu concrètement mais si l’autorité qui doit se prononcer sur la réalisation des travaux est, ou non, en mesure de rendre son avis (CE, 23 janvier 1981, n° 19196 N° Lexbase : A6069AKY ; CE, 23 octobre 1981, n° 21837 N° Lexbase : A6790AKP; CE, 26 mai 1993, n° 129130 N° Lexbase : A9483AM8).
La rédaction de l’arrêt du 11 juin 2014 précité recélait une incertitude sur ce point puisqu’il relève « que l'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire », ce qui semblait ouvrir la porte à l’existence d’un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, on peut penser qu’il s’agit là d’une maladresse de rédaction dès lors que les termes de l’article L. 111-4 ne laissent aucune possibilité à l’autorité administrative de délivrer un permis alors que la condition qu’il énonce ne serait pas remplie. En outre, au vu de la motivation de cette décision qui fait prévaloir l’intérêt public en préservant le pouvoir de décision de l’autorité, la reconnaissance d’une compétence liée permet de garantir au mieux cette primauté. Il faut en effet parfois protéger les collectivités contre elles-mêmes et se prémunir contre certaines déviances. Or si la mise en œuvre de cet article traduisait un pouvoir discrétionnaire, un permis de construire pourrait être délivré contrairement à l’intérêt général qu’il tend à garantir, que ce soit de manière involontaire ou, de manière plus préoccupante, de manière volontaire.
Un arrêt ultérieur est venu mettre fin à cette incertitude et précise au sujet de l’article L. 111-4 :
« Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation » (CE, 27 juillet 2015, n° 374035 N° Lexbase : A0783NNC, confirmé par CE, 8 juillet 2019, n° 418292 N° Lexbase : A7286ZK3).
L’absence de pouvoir discrétionnaire en cette matière ne fait donc aucun doute. Ce pouvoir discrétionnaire est cependant conditionné par les contraintes posées par le texte.
Le juge ne peut ainsi se fonder sur le seul constat de la nécessité de ces travaux pour juger que la construction projetée n'était pas reliée au réseau électrique, sans rechercher si la commune était en mesure d'indiquer le délai dans lequel le réseau serait réalisé (CE, 28 octobre 2017, n° 399165 N° Lexbase : A7898W9E).
De même, une cour commet une erreur de droit en confirmant un refus de permis de construire fondé sur l’article L. 421-5 (N° Lexbase : L6016LUD) en jugeant que le maire était tenu de rejeter la demande de permis dès lors que la desserte de la construction projetée requérait des travaux sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement et d'électricité, sans rechercher, si le maire était ou non en mesure, à la date de la décision litigieuse, d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou quel concessionnaire de service public ces travaux devaient être exécutés (CE, 4 mars 2009, n° 303867 N° Lexbase : A5755EDI).
C - Le champ d’application
L’article L. 111-11 s’applique au permis de construire (CE, 4 mars 2009, n° 303867 N° Lexbase : A5755EDI; CE, 30 mars 2011, n° 324552 N° Lexbase : A3721HMR; CE, 27 octobre 2016, n° 387984 N° Lexbase : A9261SEQ; CE, 28 octobre 2017, n° 399165 (N° Lexbase : A7898W9E), mais également aux certificats d’urbanisme (CE, 26 décembre 2012, n° 351680 N° Lexbase : A1451IZR).
L’exigence légale n'impose pas que l'autorité délivrant le permis soit en mesure de fixer la date précise d'achèvement des travaux. L'intention de les réaliser doit pouvoir être établie et peut être considérée comme telle si les procédures nécessaires à leur réalisation ont été engagées à la date de délivrance du permis de construire : c’est le cas lorsqu’un conseil municipal a délibéré à plusieurs reprises sur le projet d'extension d’une station d'épuration puis, par sa délibération ultérieure, a autorisé le maire à procéder à la consultation des entreprises chargées de ces travaux (CE, 21 février 2013, n° 350294 N° Lexbase : A5331I8X). Par conséquent, l’autorité n’est pas tenue de refuser le permis dès lors que la commune prévoyait la réalisation, dans un délai de deux à trois années à compter de cette date, de l'extension nécessaire pour assurer la desserte de la construction projetée (CE, 5 décembre 1990, n° 78973 N° Lexbase : A8733AQI). La simple indication de l’année de réalisation des travaux (CE, 7 janvier 1991, n° 75680 N° Lexbase : A0158ARB) ou d’un délai de réalisation compris entre quatre et six mois (CE, 8 juillet 2019, n° 418292 N° Lexbase : A7286ZK3) suffit.
Ainsi, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l’autorité n'a pas été en mesure d'indiquer dans quels délais et selon quelles modalités pouvaient être effectués les travaux d'assainissement nécessaires à la desserte d’une construction, elle ne méconnaît pas l’exigence légale en ne refusant pas le permis demandé (CE, 29 juin 1990, n° 83542 N° Lexbase : A7547AQL).
Dès lors que le permis a été accordé au vu d'un dossier prévoyant le raccordement d'une canalisation destinée à desservir les bâtiments projetés au collecteur d'égouts intercommunal, que la réalisation de cet ouvrage a été décidée par délibération du comité syndical de l'agglomération qui a, en outre, par une délibération antérieure au permis contesté, désigné le maître d'ouvrage du projet et chargé son président de mener toutes les démarches utiles en vue d'engager les travaux, l’exigence légale est remplie (CE, 21 juin 1995, n° 139449 N° Lexbase : A4544ANM).
Le cas des zones d’aménagement concertée mérite une mention particulière : dans cette hypothèse, les permis de construire, qui s'inscrivent dans l'opération de la ZAC pour laquelle toutes les indications utiles sur les travaux de raccordement aux différents réseaux figurent dans le plan d'aménagement de la ZAC, visé par les permis en cause, ne peuvent être refusées sur le fondement de l’ancien article L. 421-5 (CE, 6 février 1998, n° 132618 N° Lexbase : A6235ASQ).
De même, les conditions posées par l’article L. 111-4 ne sont pas remplies dès lors que le cahier des charges de la cession des terrains de la ZAC prévoyait que l’aménageur devait exécuter les travaux de canalisation d'eau et d'électricité dans les douze mois suivant la cession de chaque lot et que la pétitionnaire avait présenté dans son dossier de demande de permis de construire une lettre de la société d'aménagement qui rappelait son engagement contractuel à exécuter tous les travaux à sa charge dans les délais nécessaires pour assurer la desserte des bâtiments, au fur et à mesure de leur mise en service (CE, 27 octobre 2016, n° 387984 N° Lexbase : A9261SEQ).
Bien entendu, le champ d’application de l’article L. 111-11 est borné.
Il ne s’applique évidemment pas aux projets exemptés de permis de construire (CE, 10 juillet 1995, n° 118853 et n° 118874 N° Lexbase : A4923ANN).
Il en va de même lorsque la réalisation du projet ne nécessite aucun raccordement aux réseaux : tel est le cas lorsque la demande de permis de construire porte sur un bâtiment ayant pour unique objet d'être utilisé comme un garage abritant les ULM évoluant depuis l'aérodrome privé pour lequel le pétitionnaire dispose d'une autorisation et que le permis de construire est assorti de prescriptions formulées par le service départemental d'incendie et de secours imposant la réalisation d'une réserve d'eau de 120 mètres cubes. Dans une telle 7hypothèse, la desserte de la construction projetée n'implique pas d'extension ou de renforcement des réseaux publics d'assainissement ou de distribution d'eau ou d'électricité (CE, 9 mars 2009, n° 296538 N° Lexbase : A7879ED7).
De plus, si le projet ne nécessite pas de travaux de raccordement au réseau d’eaux pluviales, autres que ceux prévus par le dossier de demande de permis, le permis n’a pas à prévoir de prescriptions particulières relatives à l’extension de ce réseau. Le moyen invoquant une prétendue violation de cette exigence se trouve donc dépourvu de fondement (CE, 22 février 1984, n° 35589 N° Lexbase : A7404ALS; CE, 24 octobre 1990, n° 79684 N° Lexbase : A8211AQ8; CE, 14 avril 1995, n° 128360, n° 129254, n° 129257, n° 139649 N° Lexbase : A3363ANU) et en l’absence de tout nécessité de réaliser des travaux, les réseaux étant situés à proximité du projet, l’autorité ne peut refuser de délivrer le permis sur ce fondement (CE, 28 janvier 1987, n° 69304 N° Lexbase : A3185APN).
Enfin, même si la desserte en zone urbaine est, par principe, moins problématique qu’en zone rurale, la seule localisation du projet en zone urbaine ne suffit pas à écarter l’application de l’article L. 111-11, antérieurement codifiée sous le numéro L. 421-5. Par conséquent, ce n’est pas parce que les zones urbaines sont définies par un ancien article R. 123-18 (N° Lexbase : L2274IW7) comme « des zones dans lesquelles les capacités des équipements publics existants ou en cours de réalisation permettent d'admettre immédiatement des constructions » que les exigences de l’article L. 111-11 doivent être considérées comme automatiquement remplies (CE, 5 novembre 1984, n° 49964 N° Lexbase : A5166ALW). Cette solution demeure valable dans le cadre de l’actuelle définition des zones urbaines contenue dans l’article R. 151-8 dès que le concept d’implantation immédiate demeure au centre de cette définition actuelle selon laquelle : « Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ».
D - Les considérations indifférentes
La jurisprudence écarte plusieurs considérations qui ne peuvent être utilement invoquées pour faire obstacle à l’article L. 111-11.
Ces considérations peuvent être juridiques : la circonstance que l’autorisation individuelle soit de nature à conférer des droits acquis à son titulaire ne peut faire obstacle à l’application de cette règle (CE, 15 mai 1981, n° 21617 N° Lexbase : A6624AKK).
De même, la délivrance d’un certificat d’urbanisme qualifiant un terrain de constructible ne fait pas obstacle à l’application de l’exigence de l’article L. 111-11 (CE, 28 février 1986, n° 55071 N° Lexbase : A5456AMZ). Il en va de même d’un certificat mentionnant la " réalisation aux frais du pétitionnaire des travaux de voirie et réseaux divers rendus nécessaires par l'opération en accord avec les services publics intéressés " (CE, 20 juillet 1988, n° 57517 N° Lexbase : A9655APB). La circonstance que le pétitionnaire se soit engagé à réaliser lui-même les travaux de desserte est également sans conséquences (CE, 28 janvier 1987, n° 55708 N° Lexbase : A4106APR ; CE, 3 avril 1987, n° 63717 N° Lexbase : A4838APU ; CE, 8 juillet 1992, n° 107599 N° Lexbase : A7477ARD).
Le contenu du dossier de permis de construire n’entre pas en ligne de compte : dès lors que les travaux se limitent à des travaux de raccordement, peu importe que le dossier ne comporte pas l’accord préalable de la direction départemental des affaires sanitaires et sociales relatif à l’application de l’article R. 111-8 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0563KWR) selon lequel « L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, (…) doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur » (CE, 15 avril 1992, n° 65220 (N° Lexbase : A6526AR7).
Certaines considérations factuelles sont également inopérantes. L’attitude du gestionnaire de réseau est également indifférente : peu importe qu’un syndicat départemental d’électrification n’ait pas réalisé les travaux ni fixé la date de leur réalisation (CE, 23 septembre 1988, n° 72666 N° Lexbase : A9872APC).
C’était également le cas, dans un premier état de la jurisprudence de la présence d’un puit sur le terrain du pétitionnaire, dès lors qu’il n’est pas établi que ce puit permettra la desserte de la construction dans des conditions sanitaires conformes à la réglementation (CE, 26 mai 1993, n° 129130 N° Lexbase : A9483AM8). Toutefois, une décision plus récente semble être moins restrictive à ce sujet : dès lors que le pétitionnaire entend assurer l'alimentation en eau potable de sa maison à partir d'un puits lui appartenant, que l'assainissement doit être réalisé par la mise en place d'un équipement individuel et le creusement d'une fosse septique et qu'un raccordement au réseau de distribution d'électricité n'était pas indispensable, le refus du permis de construire ne peut être légalement opposé (CE, 30 octobre 1996, n° 126150 N° Lexbase : A1067AP9).
Est également indifférent, l’existence de discussions entre le pétitionnaire et les services de la mairie sur le montant de la participation des intéressés à la réalisation du réseau communal d’assainissement nécessaire pour assurer la desserte du lotissement objet du projet (CE, 30 juin 1993, n° 99384 N° Lexbase : A0148ANS).
E - Les travaux en cause : raccordement ou extension ?
Le Conseil d’Etat a précisé la portée des travaux en cause. Le critère de distinction retenu par la jurisprudence repose sur la nature des travaux et l’identification de la personne qui doit prendre en charge les travaux.
Dès lors que la collectivité n’a pas à assumer cette prise en charge, les travaux relèvent du seul raccordement : c’est le cas pour des parcelles situées dans une partie actuellement urbanisé d’une commune, desservies par l’électricité et à proximité du réseau d’adduction d’eau (CE, 20 juillet 1990, n° 87472 N° Lexbase : A7795AQR).
De simples travaux de raccordement aux réseaux qui se situent à une quarantaine de mètres de l’assiette du projet ne constituent pas des travaux d’extension des réseaux, quand bien même ils doivent s’effectuer en partie sous le domaine public maritime et le permis de construire ne peut être donc légalement refusé sur le fondement de l’exigence de l’article L. 111-11 (CE, 7 octobre 1987, n° 65935 N° Lexbase : A5806APQ).
Cette solution s’applique dès lors que le raccordement ne nécessite ni modification ni extension de la capacité des réseaux (CE, 15 avril 1992, n° 65220 N° Lexbase : A6526AR7) : c’est le cas d’un simple branchement particulier (CE, 22 juin 1992, n° 86204 N° Lexbase : A7129ARH ; CE, 12 janvier 1994, n° 86912 N° Lexbase : A8427B7A) sur des réseaux existants dont il n’est pas établi qu’ils seraient insuffisants (CE, 23 octobre 1995, n° 119843 N° Lexbase : A6003ANN). De même, le permis peut légalement prévoir qu’en « vue de connaître les conditions d'exécution et de financement des branchements aux réseaux existants (pluvial, eau potable, énergie électrique), le pétitionnaire devra se mettre en rapport avec les services compétents intéressés, avant tout commencement de travaux », dès lors que ces travaux ne portent pas sur les réseaux eux-mêmes (CE, 12 mai 1997, n° 158449 N° Lexbase : A9820AD3).
En revanche, des travaux de renforcement du réseau public de distribution d'eau justifient l’application de la règle (CE, 20 juillet 1988, n° 57517 N° Lexbase : A9655APB), au même titre que des travaux d’extension du réseau (CE, 24 janvier 1990, n° 80559 N° Lexbase : A6315AQX).
La même solution s’applique dès lors que les travaux de desserte en eau, en électricité et l'installation des dispositifs d'assainissement nécessaires à la construction projetée ne peuvent être simultanément réalisées sans qu'il soit fait appel, au moins, au réseau d'eau de la commune et que celle-ci n'a pas l'intention de réaliser l'extension de son réseau pour desservir le terrain d’assiette du projet, situé hors de la zone agglomérée de la commune (CE, 9 janvier 1991, n° 87428 N° Lexbase : A0164ARI).
Concrètement, la réalisation de 550 mètres de canalisations nouvelles empruntant des parcelles tierces et susceptibles de les desservir constitue un renforcement du réseau public de distribution (CE, 2 avril 1993, n° 95757 N° Lexbase : A9198AMM). Il en va de même lorsque que le réseau basse tension le plus proche se situe à 185 mètres de la parcelle d’assiette du projet et que la desserte en énergie électrique de ce projet exige la construction d'un réseau et de branchements remis gratuitement au concessionnaire, d'un réseau haute tension et d'un poste de distribution électrique (CE, 26 décembre 2012, n° 351680 N° Lexbase : A1451IZR).
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