La lettre juridique n°823 du 7 mai 2020 : Contrat de travail

[Brèves] Position de la CJUE concernant le statut juridique des travailleurs des plateformes

Réf. : CJUE, ord., 22 avril 2020, aff. C-692/19 (N° Lexbase : A23523LP)

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par Charlotte Moronval

le 06 Mai 2020

► La personne engagée en qualité d’entrepreneur indépendant n’est pas un « travailleur » au sens de la Directive 2003/88/CE « temps de travail » (N° Lexbase : L5806DLM) lorsque, entre autres, elle dispose des facultés de recourir à des sous-traitants, de refuser des tâches ou d’en limiter le nombre, de travailler pour un concurrent du donneur d’ordre et d’organiser son temps de travail ;

Toutefois, le juge national doit s’assurer que l’indépendance n’est pas fictive et qu’il n’est pas permis d’établir l’existence d’un lien de subordination entre la personne et son employeur présumé.

Telle est la position de la CJUE dans une ordonnance rendue le 22 avril 2020 (CJUE, ord., 22 avril 2020, aff. C-692/19 N° Lexbase : A23523LP).

Les faits. Un coursier local de livraison de colis britannique travaille pour une société de livraison. Il demande la requalification de son contrat, mais les juges britanniques penchent pour l’indépendance au regard, notamment :

  • du contrat du coursier qui lui permet de travailler pour la concurrence ;
  • du fait que le coursier peut se faire remplacer ou recourir à un sous-traitant ;
  • du fait qu’il soit libre de livrer quand il veut ses colis, dès lors que la plage horaire contractuelle est respectée.

Les juges se demandent toutefois s’il est un « travailleur » au sens de la Directive « temps de travail » et déposent donc une question préjudicielle, invitant la Cour de justice à prendre position sur ce sujet.

La position de la CJUE. Selon elle, la Directive 2003/88/CE doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une personne engagée par son employeur présumé sur le fondement d’un accord de services précisant qu’elle est entrepreneure indépendante soit qualifiée de « travailleur » au sens de cette Directive, lorsqu’elle dispose des facultés :

  • de recourir à des sous-traitants ou à des remplaçants pour effectuer le service qu’il s’est engagé à fournir ;
  • d’accepter ou de ne pas accepter les différentes tâches offertes par son employeur présumé, ou d’en fixer unilatéralement un nombre maximal ;
  • de fournir ses services à tout tiers, y compris à des concurrents directs de l’employeur présumé, et
  • de fixer ses propres heures de « travail » dans le cadre de certains paramètres, ainsi que d’organiser son temps pour s’adapter à sa convenance personnelle plutôt qu’aux seuls intérêts de l’employeur présumé.

Autant d’indices qui font davantage pencher la balance vers la qualification de prestataires indépendants.

Sur la position des juridictions françaises sur le sujet, v. Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0887YN8), P. Adam, Plateformes numériques : être ou ne pas être salarié, Lexbase Social, 2018, n° 766 (N° Lexbase : N6881BX7) et récemment Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A95123GE), Ch. Radé, Validation de la requalification en contrat de travail du lien entre la société Uber et un ancien chauffeur, Lexbase Social, 2020, n° 816 (N° Lexbase : N2480BYI).

Cette décision sera commentée dans notre revue n° 824 du 14 mai par le Professeur Sébastien Tournaux.

 

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