Lexbase Fiscal n°462 du 17 novembre 2011 : Impôts locaux

[Chronique] Chronique de fiscalité locale - Novembre 2011

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par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne

le 24 Novembre 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualité en impôts locaux réalisée par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne. Bien que la taxe foncière sur les propriétés bâties soit une imposition présente depuis longtemps dans notre paysage fiscal, le contentieux reste toujours abondant. Notamment, en matière d'évaluation des biens immobiliers, la question reste toujours d'actualité du fait d'un mécanisme fondé sur trois méthodes (par référence au loyer, par comparaison ou encore par voie d'appréciation directe), dont l'application requiert de plus en plus, de la part du juge de l'impôt, une lecture relativement constructive. En effet, l'absence de révision des valeurs locatives entraîne la déchéance de l'utilisation de la méthode de droit commun, au profit des deux autres méthodes, plus difficiles à utiliser. La première décision commentée s'intéresse au rôle du juge dans le choix de ces deux méthodes. Le Conseil d'Etat cherche à préserver une utilisation importante de la méthode comparative, afin de limiter l'utilisation de la méthode par voie d'appréciation directe. Ainsi, la méthode comparative doit être utilisée même si l'élément de comparaison n'est pas exactement identique à l'immeuble en cause, et même s'il est, d'ailleurs, assez différent (CE 8° et 3° s-s-r., 26 septembre 2011, n° 330183, mentionné aux tables du recueil Lebon). La deuxième décision commentée conforte cette idée. En effet, le Conseil d'Etat donne une définition particulièrement extensive de la notion de "caractéristiques similaires à celles de l'immeuble à évaluer". Ceci lui permet d'élargir l'application de la méthode par comparaison, et de réduire d'autant celle de la méthode par voie d'appréciation directe, plus arbitraire. Cet arrêt est aussi l'occasion de revenir sur une notion rarement présente dans la jurisprudence, celle de "la fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte" (CE 8° et 3° s-s-r., 26 septembre 2011, n° 327721, inédit au recueil Lebon). Enfin, la troisième décision a trait à la taxe d'habitation et à la redevance audiovisuelle, et aux conditions de leur exonération, dans le cas où le fils des requérants éligibles à l'exonération fait partie de leur foyer fiscal. Le Conseil d'Etat traite, de plus, du régime de la preuve objective, applicable à l'ensemble des impositions locales non déclaratives ; l'occasion, pour notre auteur, de revenir sur les modalités de charge et d'administration de cette preuve (CE 8° s-s-r., 12 octobre 2011, n° 337958, inédit au recueil Lebon).
  • TFPB : lorsque la valeur locative est évaluée par comparaison avec un local type, il appartient au juge d'ajuster la valeur afin de prendre en compte les différences existant entre les deux locaux (CE 8° et 3° s-s-r., 26 septembre 2011, n° 330183, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1512HYN)

L'affaire commentée vient offrir une nouvelle illustration de la difficulté posée par les différentes méthodes d'évaluation énoncées à l'article 1498 du CGI (N° Lexbase : L0267HMT). Si le mécanisme de cette disposition est relativement complexe, il doit permettre de mettre en oeuvre la méthode d'évaluation la plus appropriée ; "cette multiplicité de méthode est un gage d'adaptabilité" (1). En principe, la valeur locative doit être évaluée par référence au loyer (2) ; si cette méthode ne peut être appliquée, elle sera déterminée par comparaison. A défaut de possibilité de faire application des deux premières méthodes, la valeur locative sera fixée par voie d'appréciation directe, c'est-à-dire à partir de la valeur vénale de l'immeuble.

La première méthode est devenue largement inapplicable car aucune révision générale effective des valeurs locatives n'est intervenue depuis 1970. Cependant, un texte récent organise la révision des valeurs cadastrales des locaux commerciaux et des locaux de professions non commerciales, retenues pour l'assiette des impositions directes locales et de leurs taxes additionnelles (3). Ce texte propose d'abandonner la méthode par comparaison avec un local type au profit d'une grille tarifaire, révisée au 1er janvier 2012, et qui serait mise à jour annuellement (4).

En attendant de pouvoir juger de la pertinence et des effets de cette réforme, il n'en reste pas moins que le contentieux généré par l'évaluation de la valeur locative semble inépuisable, la décision commentée en offrant un nouvel exemple. A la suite d'un contrôle effectué en 1995, l'administration a procédé à un rehaussement de la valeur locative d'un ensemble immobilier détenu par une société. Cet ensemble est utilisé pour l'exploitation d'un centre d'essais de pneumatiques. Antérieurement, l'administration avait établi la valeur locative de ce bien en se fondant sur une comparaison avec un local type situé dans la même commune. Cependant, ce local type est apparu comme "dépourvu de toute analogie avec cet ensemble immobilier". L'administration a donc décidé de fixer cette valeur locative par voie d'appréciation directe, en application du 3° de l'article 1498 du CGI.

A la suite de cette modification, la société a demandé au tribunal administratif de Montpellier la réduction des cotisations de TFPB dues au titre des années 2004, 2005, 2006 et 2007. Dans un jugement en date du 13 mai 2009 (5), les juges du fond ont, d'une part, écarté le local type proposé par la requérante et, d'autre part, ordonné à l'administration de "produire les documents relatifs aux centres d'essais ou circuits évalués selon la méthode prévue au 2° de l'article 1498 du CGI et régulièrement inscrits aux procès-verbaux des opérations de révision des évaluations foncières des propriétés bâties des communes correspondantes".

Notamment, le tribunal administratif avait estimé, exerçant ainsi son pouvoir souverain d'appréciation, que le local type proposé par la société présentait de trop grandes différences avec le bien objet de l'évaluation (6). Du fait de ces différences, le local type présenté par la requérante n'a pas été jugé comme présentant des "similitudes de nature à permettre de le retenir comme un terme de comparaison" au sens des dispositions du 2° de l'article 1498 du CGI et de l'article 324 AA de l'annexe III au même code (N° Lexbase : L3147HMI). Selon la Haute juridiction, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si la différence de superficie entre l'immeuble à évaluer et le local type proposé par la société requérante pouvait être prise en compte en ajustant la valeur locative grâce à l'application du coefficient prévu à l'article 324 AA de l'annexe III au CGI.

On peut noter que ce centre d'essais de pneumatiques avait fait déjà l'objet d'un litige qui portait sur la même question de droit, relative à sa valeur locative pour les cotisations de TFPB au titre des années 1994 à 1998 et les cotisations de taxe professionnelle pour les années 1994 et 1995 (7). La difficulté, toujours la même, bien que les arguments aient été différents, portait sur la question de la pertinence des termes de la comparaison, afin de déterminer la valeur locative d'un bien par application de 2° de l'article 1498 du CGI.

Le dispositif prévu par l'article 1498 du CGI est d'application de moins en moins aisée car la méthode de principe, la plus simple, c'est-à-dire la référence au loyer, est devenue rare, en l'absence de toute révision des valeurs locatives. Dès lors, cette méthode, pourtant de droit commun, est devenue l'exception (8), et dans le même temps, s'est généralisée l'application de la méthode par comparaison, prévue au 2° de l'article 1498 du CGI. De même, la méthode d'évaluation par voie d'appréciation directe, énoncée au 3° de ce même article, a connu un succès auquel elle n'était pas destinée. Cette évolution de l'application des différentes méthodes donne lieu à un contentieux toujours renouvelé et qui ne semble pas près de s'épuiser.

En l'espèce, il s'agit d'un "immeuble à caractère particulier ou exceptionnel". Le litige portant plus particulièrement sur la pertinence des termes de comparaison : à savoir si des différences jugées "significatives" entre le bien à évaluer et le local type peuvent invalider la méthode d'évaluation par comparaison et donc entraîner l'application de la méthode d'évaluation par voie d'appréciation directe. Par sa décision, il apparaît que le Conseil d'Etat cherche à maintenir toute son amplitude à la méthode du 2° de l'article 1498 du CGI, et donc que le recours à l'appréciation par voie directe reste d'application exceptionnelle. Ainsi dans l'hypothèse telle que celle de l'affaire commentée, les différences entre le local type et l'immeuble à évaluer sont considérées être significatives, les dispositions de l'article 324 AA de l'annexe III au CGI devant permettre d'exploiter autant que possible la méthode de la comparaison ; d'autant plus que, s'agissant d'un bien "particulier ou exceptionnel", il est nécessairement plus difficile de trouver un terme de comparaison qui soit absolument comparable. Or, en l'espèce, les juges du fond n'avaient pas appliqué dans toute sa globalité la méthode de la comparaison, en ne recherchant pas si les possibilités d'ajustement offertes par l'article 324 AA de l'annexe III au CGI permettaient l'applicabilité de cette méthode.

Le Conseil d'Etat tente de préserver l'esprit du dispositif d'évaluation de l'article 1498 du CGI. La première méthode devenant quasiment impossible à appliquer, c'est la méthode par comparaison qui doit primer. En conséquence, c'est seulement quand il devient impossible de trouver un terme de comparaison pertinent que la troisième méthode trouvera à s'appliquer. Antérieurement, le Conseil d'Etat avait déjà estimé qu'une superficie "très notablement inférieure" n'était pas un obstacle à l'application de la méthode par comparaison (9). Plus récemment, la Haute juridiction, dans une décision de 2009 (10), s'est prononcée sur l'application du coefficient d'ajustement prévu à l'article 324 AA de l'annexe III au CGI. La présente affaire s'inscrit dans la perspective déjà énoncée par le Conseil d'Etat en matière de recours à la méthode d'appréciation directe. Cette dernière a un caractère subsidiaire et ne trouve à s'appliquer que lorsque le débat sur la méthode comparative apparaît insuffisamment nourri entre les parties. Ainsi, pèserait "sur le juge de l'impôt une obligation de moyen : la méthode comparative doit avoir été sérieusement envisagée, des termes pertinents recherchés, mais il n'est pas exigé la démonstration, quasi impossible en pratique, de l'inexistence absolu d'un terme de comparaison" (11).

  • TFPB : le fait qu'un élément de l'ensemble immobilier n'ait pas la même destination que les autres, celle-ci relevant d'un contrat de location-gérance, ne suffit pas à modifier l'évaluation qui est faite de sa valeur locative (CE 8° et 3° s-s-r., 26 septembre 2011, n° 327721, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1507HYH)

Dans cette affaire, les faits sont relativement simples. La société requérante était propriétaire de cinq studios situés au sein d'une résidence elle-même composée d'une centaine de studios. L'ensemble de ces studios était destiné à la location saisonnière et était géré par un même exploitant.

Cette décision pose plusieurs questions de droit. La première d'entre elles, ayant fait l'objet de peu de jurisprudence, est relative à la détermination de la valeur locative de ces biens immobiliers dans le cadre de la TFPB (A). La seconde aborde une problématique récurrente en matière de valeur locative, relative à la pertinence du terme de comparaison choisi par l'administration (B).

A - Selon les dispositions de l'article 1494 du CGI (N° Lexbase : L0258HMI), la valeur locative doit être déterminée "pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte". L'article 324 A de l'annexe III au même code (N° Lexbase : L3121HMK) précise cette notion d'utilisation distincte aux termes du a du 1° : "en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels l'ensemble des sols, terrains et bâtiments qui font partie du même groupement topographique et sont normalement destinés à être utilisés par le même occupant en raison de leur agencement". Le 2° de cette disposition concerne plus particulièrement les fractions de propriété qui peuvent faire l'objet d'une évaluation distincte "par fraction de propriété destinée normalement à une utilisation distincte lorsqu'ils sont situés dans un immeuble collectif ou un ensemble immobilier - a. le local normalement destiné à raison de son agencement à être utilisé par le même occupant".

Dans un jugement du 5 février 2009, le tribunal administratif de Basse-Terre avait rejeté la demande de la société qui tendait à une réduction des cotisations de TFPB pour les années 1997, 1998, 2000 et 2002 à 2005 (12). L'administration fiscale avait déterminé la valeur locative des studios appartenant à la société à partir de l'ensemble des locaux composant la résidence. Or, la société requérante estimait, au contraire, que ces studios devaient être considérés de manière indépendante, car il ne s'agissait pas d'une "fraction de propriété". S'agissant de la détermination de l'unité d'évaluation, "les frontières de la fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte' ne sont pas toujours faciles à appréhender" (13).

Dans un arrêt du 7 juillet 2006 (14), la Haute juridiction administrative avait estimé, dans le cas d'une même propriété s'étendant sur le territoire de plusieurs communes, que la valeur locative de cette dernière devait être, une fois évaluée, répartie entre ces communes. Notamment, la définition des fractions de propriété à prendre en considération doit intervenir en fonction du seul critère de leur utilisation distincte, conformément à l'article 324 A de l'annexe III au CGI. La circonstance selon laquelle la propriété est située sur plusieurs communes est sans incidence. Les dispositions du CGI font prévaloir l'unité fonctionnelle. Bien évidemment, cette décision ne peut s'appliquer à l'espèce commentée. Néanmoins, on peut noter que, dans cette affaire, le juge du fond, confirmé par le Conseil d'Etat, a aussi fait application de cette notion d'unité fonctionnelle. En particulier, il est fait mention de deux éléments qui peuvent permettre de définir une utilisation distincte ou non : l'agencement et la destination. La circonstance selon laquelle cette destination serait différente de par la conclusion d'un contrat de location-gérance est sans incidence et ne remet pas en cause pour autant l'absence d'utilisation distincte.

B - S'agissant du terme de comparaison, l'administration avait retenu un local-type qui avait fait l'objet de travaux d'aménagement et d'amélioration depuis qu'il avait été inscrit au procès-verbal des opérations de révisions foncières. Selon les juges du fond, et par une appréciation souveraine, ce local type était un terme de comparaison pertinent car il présentait des "caractéristiques similaires à celles de l'immeuble à évaluer". La Haute juridiction administrative confirme la position du tribunal administratif en ajoutant que le local type était toujours existant et n'avait été "ni détruit ni entièrement restructuré".

Cette décision vient, une fois de plus, illustrer les difficultés auxquelles l'application du 2° de l'article 1498 du CGI peut donner lieu, notamment quant au choix des locaux types. La révision foncière des propriétés bâties date de 1970, il est donc, le plus souvent, impossible d'identifier un local utile pour l'application de la première méthode d'évaluation de l'article 1498 du CGI. Un autre terme de comparaison doit être choisi. Ainsi, la méthode subsidiaire devient progressivement la méthode principalement utilisée. A défaut de cette dernière, il est procédé par voie d'appréciation directe. On a pu s'interroger sur la position du Conseil d'Etat vis-à-vis de cette situation causée par l'inaction du législateur. Ainsi, Yohann Bénard (15) posait la question de savoir si la Haute juridiction administrative aurait une lecture intransigeante des textes, bloquant le système afin de provoquer l'intervention du législateur ou si, au contraire, elle pallierait les insuffisances des textes par une lecture parfois très constructive. Il apparaît que le Conseil d'Etat a opté pour la seconde branche de cette alternative (16) et l'arrêt commenté vient conforter cette analyse.

L'appréciation de la pertinence du local type servant de terme de comparaison relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Néanmoins, eu égard à la difficulté de trouver des termes de comparaison utiles dans le cadre de la détermination de la valeur locative, il n'est pas nécessaire de trouver un local type absolument identique, mais il doit présenter des "caractéristiques similaires". Cette terminologie est suffisamment vague pour permettre à l'administration de jouir d'une certaine latitude. Par conséquent, la méthode par comparaison reste possible, et celle par appréciation directe a un champ d'application plus limité. En l'espèce, le Conseil d'Etat a énoncé des limites peu strictes à cette notion de "caractéristiques similaires", qui n'existent pas quand le local type a été détruit ou entièrement restructuré. Il s'agit là d'une lecture particulièrement extensive de cette notion, qui laisse un très grand pouvoir d'appréciation, au juge comme à l'administration. Ainsi, le système actuel d'évaluation de la valeur locative (17) peut continuer à fonctionner mais au prix, à la fois d'une montée du contentieux (18) en matière d'impôts locaux, et d'un traitement de moins en moins égal des contribuables (19).

  • Taxe d'habitation et redevance audiovisuelle : si la déclaration fiscale fait apparaître un revenu fiscal de référence du loyer supérieur à celui permettant d'être exonéré de la taxe d'habitation, il n'y a pas lieu, pour le juge, d'ordonner à l'administration de lui fournir de preuve supplémentaire (CE 8° s-s-r., 12 octobre 2011, n° 337958, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7451HYM)

La redevance audiovisuelle, devenue contribution à l'audiovisuel public depuis le 1er janvier 2010 (20), est étroitement liée à la taxe d'habitation car, aux termes du II-1° de l'article 1605 du CGI (N° Lexbase : L4863IQ8), "elle est due par toutes les personnes physiques imposable à la taxe d'habitation [...] à la condition de détenir un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé". Ainsi, en l'espèce, les requérants demandaient à être exonérés de taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle au titre de l'année 2005. Précédemment, ils avaient vu leur demande de décharge de cotisations de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle au titre de l'année 2005 rejetées par le tribunal administratif de Melun le 18 février 2009 (21).

La décision objet du présent commentaire permet d'examiner deux points. Le premier est relatif aux modalités d'exonération en matière de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle, dans l'hypothèse où l'occupant est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés, par application du 1° bis de l'article 1414 du CGI (N° Lexbase : L3540IG9) (A). Le deuxième point de droit concerne la preuve que doit rapporter l'administration afin de ne pas accorder le bénéfice de cette exonération. Ce point est important car il concerne non seulement la taxe d'habitation, mais l'ensemble des impôts locaux qui participent du même régime de la preuve (B).

A - S'agissant de la taxe d'habitation, il existe un nombre important d'exonérations mentionnées aux articles 1414 et suivants du CGI. L'une d'entre elles concerne les personnes occupant une habitation et titulaires de l'allocation aux adultes handicapés, mentionnée aux articles L. 821-1 (N° Lexbase : L5364H9K) et suivants du Code de la Sécurité sociale. En effet, ces personnes peuvent bénéficier d'une exonération de taxe d'habitation à condition de remplir les conditions énoncées à l'article 1390 du CGI (N° Lexbase : L3432IAD). Selon cette disposition, le bénéficiaire doit occuper l'habitation soit seul ou avec son conjoint, soit avec d'autres personnes qui sont à sa charge, soit encore avec d'autres personnes qui sont aussi titulaires de cette allocation. De même, dans le cadre de la redevance audiovisuelle, aux termes de l'article 1605 bis du CGI (N° Lexbase : L0772IPB), ces personnes peuvent aussi bénéficier d'une exonération de cette taxe (22).

Une lecture stricte des dispositions de l'article 1390 du CGI imposerait de refuser le bénéfice de cette exonération aux contribuables qui seraient susceptibles de cohabiter avec des personnes autres que celles citées (23). Or, l'administration, "dans un souci de bienveillance" (24) a admis une autre hypothèse, dans laquelle l'exonération peut être accordée à des personnes qui ne répondent pas strictement aux conditions posées par l'article 1390 du CGI. Ainsi, l'administration a admis que l'exonération pouvait être accordée même si des personnes autres que celles mentionnées par les dispositions du CGI cohabitaient, dès lors que le montant de leur revenu fiscal n'excédait pas la limite prévue à l'article 1417 du CGI (N° Lexbase : L8990IQZ).

En l'espèce, l'administration a constaté que le fils des requérants avait souscrit une déclaration de revenus au titre de l'année 2004 qui indiquait l'adresse de ses parents. Or, le revenu fiscal de référence du fils des requérants est supérieur à celui mentionné au I de l'article 1417 du CGI. Ainsi, la mesure de "bienveillance" décrite dans la documentation de base ne pouvait être appliquée au litige. A noter, les requérants auraient été déboutés s'ils avaient seulement invoqué l'application de l'article 1390 du CGI. Ainsi, par exemple, dans une décision rendue le 11 avril 2000 par la cour administrative d'appel de Paris (25), il avait été jugé qu'un contribuable ne pouvait prétendre à l'exonération de taxe en tant que bénéficiaire du revenu minimum d'insertion, dès lors qu'il cohabitait avec une personne qui n'entrait dans aucune des catégories énoncées par cette disposition.

B - Pour refuser le bénéfice de cette exonération, l'administration fiscale se référait à la déclaration de revenus pour l'année 2004 déposée par le fils des requérants qui mentionnait l'adresse de ses parents. Ainsi, elle en déduisait que cette personne habitait à cette adresse et donc qu'il était aussi un occupant de cette habitation, au même titre que les requérants. Dès lors, et conformément à la doctrine administrative, l'exonération de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle ne pouvait être admise, eu égard au montant de référence du revenu fiscal.

Selon les requérants, le tribunal administratif aurait dû demander à l'administration de produire des "documents relatifs à des tiers pour refuser de faire droit à une demande d'exonération de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle". Cependant, et à bon droit, le tribunal administratif a estimé qu'il était suffisamment informé et qu'il n'avait pas à demander de preuve supplémentaire à l'administration qui lui permettait de ne pas appliquer cette exonération.

Cette affaire est relative à la preuve en matière d'impôts locaux. S'agissant de ces impositions, c'est le régime de la preuve objective qui s'applique. En effet, ce sont des impôts non déclaratifs qui sont assis, liquidés et recouvrés par l'administration. Dès lors "face à un impôt non déclaratif, le contribuable, en quelque sorte, ne peut mal faire, puisque l'imposition découle du seul travail du fisc" (26). Aussi, il n'existe aucune règle spécifique quant à l'attribution de la charge de la preuve, contrairement aux impôts déclaratifs. Ce sont les règles de droit commun du contentieux administratif qui seront appliquées, aux termes desquelles le juge se prononce en fonction des éléments du dossier (27).

En l'espèce, le tribunal administratif a considéré que l'administration, par la seule production de la déclaration de revenus du fils des requérants, apportait bien la preuve qu'il occupait aussi leur habitation ainsi que celle du montant du revenu fiscal de référence, supérieur à la limite en-deça de laquelle l'exonération était admise. En application du régime de la preuve objective, la charge de la preuve pèse sur l'administration qui doit apporter les éléments nécessaires pour prouver que les conditions d'exonération ne sont pas remplies. Et "le juge doit se fonder sur les résultats de l'instruction pour vérifier si un contribuable remplit ou non les conditions prévues par la loi pour bénéficier d'un régime d'exonération" (28). Dès lors que le juge considère que les éléments de l'instruction lui permettent de prendre sa décision, il ne méconnaît aucun principe en ne demandant pas d'éléments supplémentaires.


(1) Yohann Bénard, Valeur locative des locaux commerciaux : les limites du système, RJF, 2/06, p. 99.
(2) La valeur locative cadastrale représente, en théorie, le loyer annuel que pourrait produire un immeuble.
(3) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, de finances rectificative, art. 34 (N° Lexbase : L9902IN3), JO 30 décembre 2010, p. 23127. DF, 2011, n° 5, comm. 162.
(4) Avant la mise en oeuvre de cette réforme, elle est expérimentée en 2011 dans 5 départements : Hérault, Bas-Rhin, Pas-de-Calais, Paris et Haute-Vienne.
(5) TA Montpellier, 13 mai 2009, n° 0501158, 0601240, 0802038 et 0802039.
(6) Le local type proposé par l'entreprise était constitué d'une piste de sport de 2,2 km de long sur une surface pondérée de 15 120 m² alors que le bien en question présentait une longueur de 3,3 km pour une surface pondérée totale de 46 750 m².
(7) CE 9° et 10° s-s-r., 6 novembre 2006, n° 266429 et 266430, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2870DS4), RJF, 1/07, n° 43, Concl. Laurent Vallée, BDCF, 1/07, n° 7.
(8) Yohann Bénard, op. cit., p. 100.
(9) CE, 6 mars 1992, n° 75009, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0964AIK), RJF, 12/93, n° 1562.
(10) CE 8° et 3° s-s-r., 11 décembre 2009, n° 309240, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4290EPL), RJF, 3/10, n° 237. Concl. Laurent Olléon, BDCF 3/10, n° 34.
(11) Vincent Daumas, Valeurs locatives foncières : le mécano jurisprudentiel, RJF 8-9/09, p. 638.
(12) TA Basse-Terre, 5 février 2009, n° 0700511, 0700512-0700513-0700525-0700526-0700527-0700528 (N° Lexbase : A7797HYG).
(13) Thierry Lambert, La taxe foncière sur les propriétés bâties, Répertoire Dalloz, 2011.
(14) CE 3° et 8° s-s-r., 7 juillet 2006, n° 286307, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3576DQI), RJF, 04/07, n° 452.
(15) Op. cit., p. 99.
(16) Vincent Daumas, Taxe foncière sur les propriétés bâties : Mamie fait de la résistance !, RJF, 11/10, p. 813.
(17) On peut noter le nouveau régime en vue de réviser les valeurs locatives des locaux professionnels évoqué dans la première décision commentée dans cette chronique.
(18) Yohann Bénard, op. cit., p. 99.
(19) Vincent Daumas, Valeurs locatives foncières : le mécano jurisprudentiel, RJF, 8-9/09, p. 634.
(20) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, de finances pour 2010, art. 32-I (N° Lexbase : L1816IGD).
(21) TA Melun, 18 février 2009, n° 0601205-0601206 (N° Lexbase : A7771HYH).
(22) Sur la qualification de taxe de cette redevance, cf. Jean Lamarque, Olivier Négrin et Ludovic Ayrault, Droit fiscal général, Litec, col. Manuel, 2009, p. 58 et suivantes.
(23) DB 6 D 4232, n° 10.
(24) DB 6 D 4232, n° 11.
(25) CAA Paris, 5ème ch., 11 avril 2000, n° 98PA01016, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9354BHW), DF, 2001, n° 14, comm. 323.
(26) Christophe de la Mardière, La preuve en droit fiscal, Litec fiscal, 2009, 327 pages, p. 159.
(27) C. Lasry, Une particularité du droit fiscal : la charge de la preuve, EDCE, 1984/1985, n° 36, p. 74, cité par Christophe de la Mardière, op.cit., p. 159.
(28) Concl. Gilles Bachelier sur CE 8° et 3° s-s-r., 23 juin 2000, n° 215109, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9559AG7) et n° 215152, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1006AW8), DF, 2000, n° 30-35, comm. 615.

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