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N8629BSE
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par Pierre-Louis Boyer, docteur en droit, ATER Université Toulouse 1 et Christian Boyer, avoué près la cour d'appel de Toulouse, avocat spécialiste en procédure d'appel
le 17 Novembre 2011
1. L'historique cour d'appel de Riom a eu le privilège de rendre, par une ordonnance du 13 septembre 2011, l'une des premières décisions fondées sur les dispositions du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, dit décret "Magendie" (CA Riom, 1ère ch. civ., 13 septembre 2011 N° Lexbase : A5737HZI). En l'espèce, la société X a interjeté appel, le 18 février 2011, d'un jugement rendu le 27 janvier 2011 par le TGI de Clermont-Ferrand. L'appelante a signifié ses conclusions le 26 mai 2011, et Mme Y, dans ses conclusions d'incident, soulignait bien que le délai de trois mois qui lui était imparti d'après le nouvel article 908 du Code de procédure civile n'avait pas été respecté (1). L'ordonnance du conseiller chargé de la mise en état en date du 13 septembre 2011 fait droit aux conclusions responsives de la société X qui soulignent que, compte tenu de la solidarité de la condamnation préalablement prononcée et de l'appel réitéré le 8 juillet 2011 à l'encontre de la société Z, celle-ci n'ayant vraisemblablement pas pris soin de notifier le jugement, l'article 552 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6703H7E) doit être appliqué, l'appel étant recevable.
2. Le nouvel article 908 du Code de procédure civile ne fait pas échec à l'article 552 qui veut que, en cas de solidarité ou d'indivisibilité, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance. L'intimée, qui pensait être protégée par les nouveaux délais du décret du 9 décembre 2009, s'est vue rattrapée par la solidarité qui jouait entre elle et la société Z.
3. Cette décision ne peut qu'être approuvée en ce qu'elle retient que la solidarité de l'article 552 du Code de procédure civile permet de passer outre les dispositions du décret "Magendie", cette solidarité permettant le prolongement des délais d'appel et de dépôt des conclusions face à toutes les parties solidaires tant que ces dernières n'auront pas respectivement procédé à la signification du jugement. Les principes fondamentaux de la procédure sont saufs.
4. Le lendemain de l'ordonnance rendue par le conseiller de mise en état de la cour d'appel de Riom, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux rendait une ordonnance d'irrecevabilité relative aux conclusions de l'intimé (CA Bordeaux, 1ère ch., sect. B, 14 septembre 2011 N° Lexbase : A5736HZH). En l'espèce, l'appelant a déclaré appel le 9 mars 2011 et, respectant les délais de l'article 908 du Code de procédure civile, a déposé ses conclusions le 6 juin 2011. La partie intimée, n'ayant pas constitué avoué à cette date, s'est vue assignée le 10 juin suivant par un acte qui contenait signification de la déclaration d'appel et des conclusions conformément aux articles 908 à 911 du Code de procédure civile.
5. L'avoué de l'intimé, constitué le 16 juin, soutint que, compte tenu du fait que l'avoué de l'appelant lui a signifié les conclusions le 17 juin, la date butoir pour notifier ses conclusions était le 17 août 2011. L'article 909 du Code de procédure civile précise (2), en effet, que l'intimé dispose d'un délai de deux mois pour déposer ses conclusions après notification de celles de l'appelant. Or, en rappelant que celles-ci ont été déposées le 6 et signifiées à l'intimé le 10, il est essentiel de souligner, comme l'a justement rappelé le magistrat de la mise en état, que les délais courent à partir de la signification des conclusions, "comme le délai de forclusion de l'appel, prévu par les articles 528 (N° Lexbase : L6676H7E) et 538 (N° Lexbase : L6688H7T) du Code de procédure civile".
6. Les délais de dépôt des conclusions, pour l'intimé, courent donc dès notification des conclusions qu'elle soit réalisée à la partie elle-même ou à son représentant. Cette décision, qui met en exergue une grave difficulté d'application du décret "Magendie", ne peut qu'être critiquée. La partie qui reçoit un acte d'assignation avec notification de conclusions de l'appelant doit transmettre ses instructions à son avoué, afin qu'il se constitue, puis reçoive pièces et conclusions de son confrère appelant.
7. Le délai de deux mois peut-être raccourci, voire dépassé, ce qui revient à interdire à l'intimé d'être représenté devant la cour. Le décret "Magendie" est-il légal ? Constitutionnel ? Conventionnel ?
8. Quelques jours plus tard, par une ordonnance en date du 10 octobre 2011, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel d'Aix-en-Provence venait atténuer quelques défauts des articles 906 et 908 du Code de procédure civile (3) (CA Aix-en-Provence, 4ème ch., sect. B, 10 octobre 2011 N° Lexbase : A5735HZG). Monsieur X, après avoir interjeté appel le 4 février 2011, déposait ses conclusions le 4 mai. Le délai de trois mois imposé par l'article 908 était donc respecté. L'intimé, dans ses conclusions responsives, demandait la caducité de l'appel au motif que les pièces n'avaient pas été communiquées simultanément aux conclusions.
9. Les restrictions imposées par le décret "Magendie" ne sont-elles pas déjà trop importantes pour que l'on ait osé imaginer des impératifs encore plus rigoureux ? Le magistrat a bien souligné, dans son ordonnance, que la sanction de caducité de la déclaration d'appel exposée dans l'article 908 ne pouvait s'appliquer qu'en cas de défaut de notification des seules conclusions.
10. Par conséquent, la simultanéité de la communication des pièces et de la notification des conclusions exposée dans l'article 906 du Code de procédure civile n'est en rien exigée à peine de caducité de la déclaration d'appel. La non-communication des pièces n'est pas assortie de sanction, que ce soit lors de la notification entre avoués ou par voie d'huissier.
Ainsi, ces premières ordonnances relatives à la mise en application du décret "Magendie" confirment les craintes des praticiens : la procédure d'appel est devenue un labyrinthe de pièges réservés à des spécialistes chevronnés.
(1) C. pr. civ., art. 908 : "A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du conseiller de la mise en état, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure".
(2) C. pr. civ., art. 909 : "L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident".
(3) C. pr. civ., art. 906 : "Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avoué de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avoués constitués".
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