Lexbase Social n°461 du 10 novembre 2011 : Rel. collectives de travail

[Textes] La Directive "refonte" sur les comités d'entreprise européens enfin transposée

Réf. : Ordonnance n° 2011-1328 du 20 octobre 2011 portant transposition de la Directive 2009/38/CE (N° Lexbase : L1989IR4)

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par Marion Del Sol, Professeur à l'Université de Rennes 1 (IODE - UMR CNRS 6262)

le 10 Novembre 2011

Le droit des travailleurs à être informés et consultés est affirmé par plusieurs sources du droit européen (Charte sociale européenne, Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux, Charte des droits fondamentaux de l'union européenne N° Lexbase : L8117ANX). Il s'agit là d'un droit social fondamental. L'une de ses déclinaisons est l'instauration, par la Directive 94/45 du 22 septembre 1994, du comité d'entreprise européen (CEE) dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire (N° Lexbase : L8165AUX).
Afin de tirer les enseignements de cette première "expérience" d'institution représentative du personnel supra-nationale, la Directive de 1994 a fait l'objet d'une refonte en 2009. Par une ordonnance du 20 octobre 2011, la Directive dite "refonte" concernant les comités d'entreprise européens a été transposée en droit interne. Si cette transposition s'apparente en réalité à une transcription du texte européen, elle permet toutefois de revenir sur le contenu de la Directive mais aussi de mettre en évidence les incertitudes persistantes concernant cet organe de représentation dont doivent se doter les groupes ou entreprises de dimension communautaire. I - Bref retour sur le contexte et les objectifs de la Directive "refonte"

Dès le début des années 80, la question de l'information et de la consultation des travailleurs employés par des entreprises à structure complexe, le plus souvent transnationale, a été posée (1). Elle a été réactivée par la suite au point de conduire à l'adoption, en 1994, d'une Directive portant sur la représentation du personnel dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire (2). La particularité de ce texte est double : d'une part, il envisage l'information et la consultation des travailleurs de façon générale et non seulement lorsque sont caractérisées des situations spécifiques (projet de licenciement économique par exemple) ; d'autre part, il se situe résolument dans une logique transnationale puisqu'il institue une instance ad hoc de représentation du personnel dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire.

La Directive 94/45 doit être considérée comme une sorte de "ballon d'essai" puisque l'article 15 prévoyait que ses modalités d'application devaient donner lieu à réexamen. Le processus de réexamen a été à la fois long et chaotique. Il a toutefois abouti en 2009 sous la forme de la Directive 2009/38/CE (3), dite Directive "refonte" (N° Lexbase : L1962IEE), qui tend à la fois à tirer les enseignements de l'application du texte de 1994 et à moderniser la législation communautaire en matière d'information et de consultation des travailleurs. Les objectifs de la révision sont clairement énoncés dans le considérant 7 de la Directive "refonte" :

  • assurer l'effectivité des droits d'information et de consultation transnationale des travailleurs ;
  • accroître la proportion de comités d'entreprise européens établis (4) tout en permettant le fonctionnement continu des accords en vigueur (5) ;
  • résoudre les problèmes constatés dans l'application pratique de la Directive 94/45/CE et remédier à l'insécurité juridique découlant de certaines de ses dispositions ou de leur absence ;
  • assurer une meilleure articulation des instruments législatifs communautaires en matière d'information et de consultation des travailleurs.

Un délai de transposition courant jusqu'au 5 juin 2011 a été accordé aux Etats membres. S'agissant de la France, ce délai a été dépassé puisque la transposition est intervenue par l'intermédiaire d'une ordonnance en date du 20 octobre 2011 (6). Celle-ci modifie, en conséquence, certaines dispositions du titre IV du livre III du Code du travail (art. L. 2431-1 N° Lexbase : L0229H9Det s.) dans des termes empruntés, le plus souvent, au texte même de la Directive "refonte". Cette transposition rend opportun un retour sur le contenu de cette révision tant en ce qui concerne les procédures d'instauration d'un CEE que les modalités de fonctionnement de l'institution.

II - L'instauration d'un CEE (7)

Champ d'application. L'article 1er de la Directive dispose que l'objectif poursuivi est celui de l'amélioration du droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans le cadre des entreprises de dimension communautaire et des groupes d'entreprises de dimension communautaire. Il est dès lors essentiel de circonscrire le champ d'application du texte dont on doit préciser qu'il n'a été modifié ni par la révision ni par la transposition.

La délimitation du champ d'application suppose de croiser deux critères : l'implantation territoriale et les effectifs (8). Les contours de ces critères se trouvent précisés par l'article 2 § 1 de la Directive "refonte" et codifiés aux articles L. 2341-1 (N° Lexbase : L9963H8I) et 2 (N° Lexbase : L9965H8L) du Code du travail. Au sens du Code du travail français :

- est considérée comme une entreprise de dimension communautaire une entreprise (ou un organisme) qui emploie au moins 1 000 salariés dans les Etats membres ou de l'Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant 150 salariés et plus dans au moins deux de ces Etats (art. L. 2341-1) ;

- constitue un groupe d'entreprises de dimension communautaire un groupe (9) employant au moins 1 000 salariés dans les Etats membres ou de l'Espace économique européen et comportant au moins une entreprise employant 150 salariés et plus dans au moins deux de ces Etats (art. L. 2341-2).

Initiative du processus. La Directive précise qu'il appartient à la direction centrale de l'entreprise ou du groupe de dimension communautaire d'initier le processus de création d'un CEE, de créer les conditions nécessaires à l'institution et bon fonctionnement de cette instance de représentation (10).

Cependant, afin d'accroître le nombre de CEE, la Directive ouvre la possibilité pour les travailleurs d'avoir accès aux informations permettant de s'assurer qu'un processus d'instauration du CEE a vocation à être déclenché (art. 4 § 4). A cet effet, tout établissement (ou entreprise), qu'il soit ou non dominant, est rendue responsable de l'obtention et de la transmission aux salariés et à leurs représentants des informations indispensables à l'ouverture des négociations, notamment celles relatives à la structure de l'entreprise ou du groupe et à ses effectifs (C. trav., art. L. 2342-3 al. 3 mod. N° Lexbase : L2022IRC).

Sur la base de ces éléments, les salariés peuvent alors contrecarrer l'éventuelle inertie de leur entreprise (ou groupe). En effet, à défaut d'initiative prise par la direction centrale, le processus doit être engagé à la demande écrite d'au moins 100 salariés ou de leurs représentants (11).

Groupe spécial de négociation. Dès la première Directive, il a été souhaité que les CEE puissent être instaurés autant que possible par voie conventionnelle, sur une base volontaire. La négociation doit être "le vecteur privilégié pour la constitution de ces comités" (12). Ainsi, il appartient à l'entreprise dominante de mettre en place un groupe spécial de négociation "en vue de la conclusion d'un accord destiné à mettre en oeuvre le droit des salariés à l'information et à la consultation à l'échelon européen" (C. trav., art. L. 2342-1).

La transposition de la Directive "refonte" n'emporte modification ni des règles de composition ni des règles de désignation du groupe spécial de négociation (C. trav., art. L. 2344-1 N° Lexbase : L0040H9D et s.) (13). En revanche, elle fait une place plus importante aux organisations syndicales reconnues au niveau européen. En effet, ces organisations doivent être informées de la composition du groupe spécial et du début des négociations (C. trav., art. L. 2342-5 al. 2 mod. N° Lexbase : L2021IRB) (14). Mais, plus important, il est désormais expressément précisé que les représentants des organisations européennes de salariés peuvent compter parmi les experts auxquels le groupe spécial peut avoir recours et peuvent assister, à titre consultatif, aux réunions de négociation (C. trav., art. L. 2342-7 mod. N° Lexbase : L2020IRA). Nul doute que le recours à cette catégorie d'experts devrait permettre de "professionnaliser" davantage la négociation, dans son déroulement et dans son contenu, les membres du groupe spécial étant ainsi épaulés par des syndiqués rôdés aux rouages de négociations complexes et transnationales.

Par ailleurs, la refonte accroît les moyens de concertation du groupe spécial de négociation. Les membres de ce groupe peuvent se réunir avant et après les réunions hors la présence des représentants de l'entreprise dominante. A cet effet, il doit leur être accordé les moyens nécessaires et adaptés à leur communication (C. trav., art. L. 2342-5, al. 3 mod.). Le texte ne précise pas la nature de ces moyens mais la transposition ayant donné lieu à l'ajout du qualificatif "adaptés", on peut considérer que ces moyens doivent être en cohérence avec la dispersion géographique des membres du groupe spécial ; ainsi, des possibilités de visio-conférence devraient pouvoir être réclamées.

Contenu de l'accord. Les négociations peuvent aboutir à un accord instituant un CEE. Afin de répondre aux objectifs de la Directive "refonte", les négociateurs se trouvent davantage guidés à ce stade du processus. L'article L. 2342-9 du Code du travail (N° Lexbase : L2019IR9) est en conséquence modifié. Il prévoit que l'accord détermine :

- [inchangé] le périmètre de l'accord, c'est-à-dire les établissements de l'entreprise de dimension communautaire ou les entreprises membres du groupe d'entreprises de dimension communautaire concernés par l'accord (1°) ;

- [modifié] la composition et le nombre de membres du CEE, la répartition des sièges et la durée du mandat. La composition lato sensu doit désormais prendre en en compte le besoin de représentation équilibrée des salariés selon les activités, les catégories de salariés et le sexe (2°) ;

- [inchangé] les attributions du CEE et les modalités de son information et de sa consultation (3°) ;

- [ajout] les modalités de l'articulation entre l'information et la consultation du CEE et celles des instances nationales de représentation du personnel (15) et ce, en fonction de leurs compétences et domaines d'interventions respectifs (4°) ;

- [inchangé] le lieu, la fréquence et la durée des réunions du CEE (devenu 5°) ;

- [ajout] le cas échéant, la composition, les modalités de désignation, les attributions et les modalités de réunion du bureau (16) constitué au sein du CEE (6°) ;

- [inchangé] les moyens matériels et financiers alloués au CEE (devenu 7°) ;

- [modifié+ajout] la date d'entrée en vigueur de l'accord et sa durée, les modalités selon lesquelles l'accord peut être amendé ou dénoncé ainsi que les cas dans lesquels l'accord doit être renégocié et la procédure de sa renégociation, notamment lorsque des modifications interviennent dans le structure de l'entreprise ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire (8°).

Ces dispositions comblent une des lacunes de la Directive initiale de 1994 qui était presque muette sur la vie de l'accord, spécialement en cas de modification du périmètre de l'entreprise ou du groupe. L'accord doit dorénavant anticiper ces questions et ainsi éviter, grâce au jeu des prévisions conventionnelles, toute forme de blocage de l'institution. L'évolution doit être saluée tant il est vrai que les entreprises et groupes sont confrontés à des mouvements quasi continuels de restructuration. Dans un considérant (n° 40), le législateur européen prend même soin de préciser les modalités applicables à défaut de dispositions conventionnelles ; il prévoit ainsi le maintien à titre transitoire du CEE dans l'attente de la signature d'un nouvel accord, puis la dissolution du comité précédent. On doit toutefois regretter que cette solution par défaut ne figure pas dans le corps de la Directive, ce qui pourrait faire douter de sa portée (17). Mais, à l'occasion de la transposition, le législateur français s'est saisi de la question. Le nouvel article L. 2341-10 (N° Lexbase : L2008IRS) prévoit des règles supplétives dont la mise en oeuvre doit conduire à un accord "réactualisé" et dispose que, pendant cette phase de renégociation, le CEE existant continue à fonctionner.

III - Le fonctionnement de l'institution

Champ de compétence. L'article L. 2341-4 (inchangé) du Code du travail (N° Lexbase : L9969H8Q) dispose que le CEE "est institué dans les entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire afin de garantir le droit des salariés à l'information et à la consultation à l'échelon européen". Ce texte était manifestement insuffisant pour délimiter les attributions du CEE. La transposition de la Directive "refonte" a conduit le législateur français à insérer un nouvel article L. 2341-8 (N° Lexbase : L2006IRQ) qui précise que la compétence du CEE porte sur les questions transnationales (18), c'est-à-dire sur les questions intéressant l'ensemble de l'entreprise ou du groupe ou au moins deux entreprises ou établissements situés dans deux Etats membres.

Une incertitude demeure toutefois dès lors que l'on rapproche ce texte du considérant n° 16 de la Directive : peut-on reconnaître compétence au CEE sur des questions se posant au sein d'un seul établissement ou d'une seule entreprise ? En effet, le considérant n° 16 examine comme transnationales les "questions qui, indépendamment du nombre d'Etats membres concernés, revêt de l'importance pour les travailleurs européens, s'agissant de l'ampleur de leur impact potentiel ou qui impliquent des transferts d'activité entre Etats membres". Il nous semble que l'effet utile des mécanismes d'information et de consultation induit nécessairement qu'une question mettant en jeu un seul site soit débattue devant le CEE dès lors que la décision envisagée est susceptible d'emporter des effets au-delà de ce site. Par conséquent, la compétence du CEE porterait tant sur les questions transnationales "par nature" que potentiellement transnationales.

Modalités générales d'information et de consultation. Un des principaux apports de la Directive "refonte" consiste à donner une définition des notions d'information et de consultation. Celles-ci sont reprises dans l'ordonnance de transposition.

Il en résulte l'insertion dans le Code du travail d'un article L. 2341-7 (N° Lexbase : L2005IRP) : "l'information [...] consiste [...] à transmettre des données aux représentants du personnel afin de permettre à ceux-ci de prendre connaissance du sujet traité et de l'examiner". En réalité, c'est la suite de l'article qui est la plus intéressante. Il y est précisé que l'information doit s'effectuer "à un moment, d'une façon et avec un contenu appropriés" (19) afin que les représentants des salariés puissent à la fois procéder à une évaluation en profondeur de l'incidence éventuelle de ces données et préparer les éventuelles consultations avec le chef de l'entreprise dominante.

L'article L. 2341-6 du Code du travail (N° Lexbase : L2017IR7) est quant à lui modifié afin d'y insérer des éléments de définition de la notion de consultation. La nouvelle version commence par reprendre les termes de l'ancien article : "la consultation [...] consiste [...] à organiser un échange de vues et à établir un dialogue avec les représentants des salariés". Mais elle va plus loin puisqu'il est ajouté que cette consultation doit s'effectuer "à un moment, d'une façon et avec un contenu qui permettent à ceux-ci d'exprimer, sur la base des informations fournies et dans un délai raisonnable, un avis concernant les mesures faisant l'objet de la consultation [...]".

Un des principaux enjeux de la procédure d'information et de consultation tient à la détermination du "moment approprié" (20). Et, sur ce point, une différence existe entre le texte de la Directive qui évoque "un avis concernant les mesures proposées" (art. 2 § 1 g)) et l'article L. 2341-6 modifié qui n'évoque que "les mesures faisant l'objet de la consultation". Il n'est pas certain que la différence ne soit que rédactionnelle : certains termes de la Directive laissent à penser que la consultation doit nécessairement s'effectuer en amont de la mise en oeuvre de la décision ; ceux du Code du travail sont plus ambigus et ce d'autant que la fin de l'article L. 2341-6 mentionne que l'avis sollicité est exprimé "sans préjudice des responsabilités de l'employeur". En réalité, la lecture des considérants de la Directive "refonte" permet de conclure qu'aucun cadrage général et a priori du timing consultation/décision n'a voulu être imposé. A l'appui de cette analyse, on peut utilement citer les considérants n° 14 et 22 précisant que la procédure d'information ne doit pas "ralentir le processus décisionnel au sein des entreprises" et que le droit à émettre un avis en temps utile ne doit pas "mettre en cause la capacité d'adaptation" des entreprises. En conséquence -et en l'absence de dispositions conventionnelles autres-, on peut sans doute considérer que l'entreprise dominante est maître de la temporalité du processus d'information et de consultation du CEE, temporalité susceptible d'être à géométrie variable en fonction des décisions en jeu et de leurs implications (21). Mais elle ne peut pour autant se dispenser de respecter ce processus dès lors que des questions transnationales existent quand bien même elle choisirait de ne consulter le CEE qu'a posteriori.

Articulation du processus d'information-consultation avec celui d'autres instances nationales. La transposition de l'article 12 de la Directive "refonte" emporte ajout d'un article L. 2341-9 (N° Lexbase : L2007IRR) dans le Code du travail. Est posé à l'alinéa 1er le principe d'une articulation entre l'information et la consultation du CEE et l'information et la consultation des autres institutions représentatives du personnel prévues par le droit interne, articulation prenant appui sur les compétences et attributions de chacun. L'alinéa second donne une certaine consistance à cette articulation lorsque l'accord créant le CEE est muet sur la question ou lorsque le CEE a été constitué sans accord et que sont en jeu des décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou dans les contrats de travail ; il y a alors lieu de mener un processus d'information et de consultation tant au sein du CEE que des institutions nationales représentatives du personnel. Le texte ne dit cependant rien des modalités pratiques d'articulation (22).

Prescriptions subsidiaires. Applicables à défaut d'accord (23), ces prescriptions subsidiaires peuvent également servir de source d'inspiration pour les membres du groupe spécial de négociation. Elles figurent dans l'annexe 1 de la Directive "refonte" et aux articles L. 2343-1 à L. 2343-19 du Code du travail (N° Lexbase : L0037H9A) (24). La "philosophie" des prescriptions subsidiaires est clairement exprimée : "la consultation [doit] permettre aux représentants des salariés de se réunir avec l'employeur et d'obtenir une réponse motivée à tout avis qu'ils pourraient émettre" (C. trav., art. L. 2343-3, mod. N° Lexbase : L2027IRI).

Sur un plan plus pratique, le Code du travail décline les sujets sur lesquels le CEE doit être consulté au moins une fois par an : la structure de l'entreprise ou du groupe, sa situation économique et financière, l'évolution probable de ses activités, la production et les ventes, la situation et l'évolution probable de l'emploi, les investissements, les changements substantiels concernant l'organisation, l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, les transferts de production, les fusions, la réduction de la taille ou la fermeture d'entreprises, d'établissements ou de parties importantes de ceux-ci, les licenciements collectifs (C. trav., art. L. 2343-2, mod. N° Lexbase : L2028IRK).

Sont également prévues des dispositions tendant à rendre effectif le droit à information-consultation du CEE lorsque surgissent des circonstances exceptionnelles affectant considérablement les intérêts des salariés (par exemple, délocalisations, fermetures d'entreprises ou d'établissements, licenciements collectifs). Non seulement le CEE doit être informé de ces circonstances et des décisions susceptibles d'emporter de lourdes conséquences pour les salariés, mais les membres du CEE peuvent exiger la tenue d'une réunion dans les meilleurs délais, réunion au cours de laquelle doit leur être présenté un rapport établi par le chef de l'entreprise dominante et sur lequel ils peuvent émettre un avis (C. trav., art. L. 2343-4 N° Lexbase : L2025IRG).

"Statut" des représentants des travailleurs. La Directive dispose que les membres du CEE "jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une protection et de garanties similaires à celles prévues pour les représentants des travailleurs par la législation [...] de leur pays d'emploi" (art. 10 § 3). Ce sont donc des salariés protégés au sens du droit du travail français. En conséquence, ils doivent disposer du temps nécessaire pour participer aux réunions du CEE et ne subir aucune perte de salaire pendant les temps d'absence nécessités par l'exercice de leurs fonctions. Une incertitude subsiste en matière de formation. En effet, le nouvel article L. 2342-10-2 du Code du travail (N° Lexbase : L2015IR3) prévoit que les membres du CEE institué par accord bénéficient sans perte de salaire des formations nécessaires à l'exercice de leur mandat dans des conditions déterminées par l'accord. Ce texte ne consacre pas explicitement un droit à formation pour les représentants des travailleurs siégeant au CEE. Ce droit semble être conditionné à l'existence de dispositions conventionnelles. On peut regretter la timidité du texte sur ce point alors même que les questions transnationales au coeur des compétences du CEE sont souvent d'une grande complexité.

Par ailleurs, les membres du CEE sont soumis à des obligations tout à fait comparables à celles que connaissent les représentants du personnel. Ainsi, ils sont tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication mais aussi à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le chef de l'entreprise dominante (C. trav., art. L. 2342-10, inchangé). Le nouvel article L. 2342-11 (N° Lexbase : L9997H8R) leur fait également obligation de faire redescendre l'information vers l'ensemble des salariés, c'est-à-dire de les informer de la teneur et des résultats du processus d'information-consultation.


(1) V. la proposition de Directive "Vredeling" du 24 octobre 1980, JOCE C 15 novembre 1980.
(2) Directive 94/45 du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprise de dimension communautaire ou les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (N° Lexbase : L8165AUX) ; JO L 254 du 30 septembre 1994. Sur la question du CEE, v. S. Hennion, M. Le Barbier-Le Bris et M. Del Sol, Droit social européen et international, PUF, collection Thémis, 2010, pp. 400-415 ; B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, collection Manuel, 4ème édition, 2010, pp. 348-396 ; P. Rodière, Droit de l'Union européenne, LGDJ, Traité, 2008, pp. 399-421.
(3) Directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprise de dimension communautaire ou les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs, JO L 122/28 du 16 mai 2009.
(4) Au cours du processus d'adoption de la nouvelle Directive, il a été établi que seulement 36 % des entreprises entrant dans le champ d'application du texte de 1994 s'étaient dotées d'un comité (soit 820 CEE). Le résultat peut être considéré comme peu satisfaisant ; cependant, cela représente un taux de couverture des salariés concernés équivalant à 60%.
(5) La Directive "refonte" abroge la Directive de 1994 (art. 17) mais sans remettre en cause les accords conclus sous l'empire du texte initial ni ceux conclus ou révisés pendant le délai de transposition.
(6) Ordonnance n° 2011-1328 du 20 octobre 2011 portant transposition de la Directive 2009/38/CE. Cette ordonnance a été prise dans le cadre de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques et habilitant le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance (N° Lexbase : L8628IPA). V. aussi rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2011-1328 du 20 oct. 2011, JO 21 octobre 2011. Pour une étude très détaillée de la Directive "refonte" et de la transposition, v. B. Teyssié, Le comité d'entreprise européen, JCP éd. S, 2011, 1489.
(7) A l'instar du texte précédent, la Directive "refonte" prévoit l'instauration d'un comité d'entreprise européen ou bien d'une procédure d'information et de consultation des travailleurs (art. 1 § 2. V. aussi C. trav., art. L. 2341-4 inchangé). Dans le cadre du présent article, nous évoquerons seulement l'hypothèse de l'institution d'un CEE.
(8) Effectifs calculés selon les dispositions nationales. Pour la France, le décompte s'effectue donc selon les modalités prévues à l'article L. 1111-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3822IB8).
(9) Le droit français définit le groupe par référence à l'article L. 2331-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9924H83). Par conséquent, est retenue la notion de groupe utilisée pour l'instauration d'un comité de groupe.
(10) Au terme de l'article L. 2341-3 du Code du travail (N° Lexbase : L9967H8N), l'entreprise qui assume la direction centrale est celle qui peut être considérée comme l'entreprise dominante, cette notion étant elle-même définie par renvoi à l'article L. 2331-1.
(11) Sous réserve qu'ils relèvent d'au moins deux entreprises ou établissements situés dans au moins deux Etats différents.
(12) A. Teissier, Le contenu des accords instituant un comité d'entreprise européen, JCP éd. S 2011, 1490.
(13) Afin d'assurer une meilleure représentation proportionnelle du nombre de salariés employés dans chaque Etat membre, les seuils d'effectif pour l'attribution de sièges -tant pour le groupe spécial que pour le CEE institué à défaut d'accord- ont été modifiés par le décret n° 2011-1414 du 31 octobre 2011 (N° Lexbase : L2143IRS) (codifié à l'article R. 2344-1 du Code du travail N° Lexbase : L2152IR7).
(14) Il est également prévu l'information des chefs de tous les établissements de l'entreprise ou toutes les entreprises du groupe.
(15) Sur les difficultés d'articulation, v. Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-10.597, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7784D3P) (fusion GDF-Suez), Bull. V, n° 6 et P. Rodière, La fusion GDF/Suez ou quand le comité d'entreprise européen s'en mêle, SSL, 2008, n° 1285, p. 6.
(16) La Directive "refonte" utilise les termes de "comité restreint" (art. 6 § 2 e)). On peut noter que la constitution d'un bureau est facultative lorsque le CEE est constitué par voie d'accord mais obligatoire dans les autres cas (C. trav., art. L. 2343-7 mod. N° Lexbase : L2023IRD).
(17) Doute qui ne devrait pas résister à la volonté affichée de donner un effet utile aux dispositions de la Directive (considérant n° 14 et art. 1 § 2).
(18) La Directive exprime cette compétence un peu différemment en prévoyant que la compétence du CEE est limitée aux questions transnationales (art. 1 § 3).
(19) Pour que l'information soit réalisée selon des modalités appropriées, on peut considérer que les documents transmis doivent être compréhensibles sur le fond, ce qui peut nécessiter un effort pédagogique de présentation des données y figurant. A notre avis, ils doivent également être communiqués dans une langue maîtrisée par les représentants qui en sont destinataires, ce qui induira inévitablement un travail de traduction.
(20) Sur ce point, v. M. Caron, Négociation et accord CEE, SSL, 31 octobre 2011, n° 1511, p. 5 et s..
(21) Par dérogation, le nouvel article L. 2341-11 du Code du travail (N° Lexbase : L2009IRT) permet à l'entreprise dominante de faire prévaloir le secret des affaires sur le droit de la représentation du personnel. En effet, lorsque cette entreprise lance une OPA, elle peut se dispenser de saisir le CEE préalablement au lancement de cette offre. En revanche, après publication de cette OPA et le plus rapidement possible, le CEE doit être réuni "en vue de leur transmettre des informations écrites et précises sur le contenu de l'offre et sur les conséquences en matière d'emploi qu'elle est susceptible d'entraîner".
(22) On peut le regretter au regard des contentieux auxquels cette articulation a donné lieur. V. A. Teissier, Les restructurations et les instances de représentation du personnel, JCP éd. S, 2010, 1532.
(23) Ces prescriptions ont également vocation à s'appliquer en cas de refus de négociation (C. trav., art. L. 2343-1 N° Lexbase : L0001H9W).
(24) Ne seront évoquées ici que les prescriptions subsidiaires relatives aux attributions du CEE. Sur celles ayant trait à la composition et au fonctionnement, v. C. trav., art. L. 2343-5 (N° Lexbase : L2024IRE) et s..

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