La lettre juridique n°445 du 23 juin 2011 : Éditorial

Non assistance à hamster en danger : "l'écosystème France" fragilisé

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N5748BSP

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Non assistance à hamster en danger : "l'écosystème France" fragilisé. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4730250-non-assistance-a-hamster-en-danger-lecosysteme-france-fragilise
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


On sait bien ce qu'est la verve populaire : tout est de la faute de l'Europe et de ses technocrates emmurés dans une tour d'ivoire bruxelloise... Pourtant, l'Europe, ce n'est pas seulement la condamnation, par la Cour de justice, le 9 juin 2011, du régime des exemptions fiscales basques accordées aux entreprises nouvellement créées et implantées dans les territoires d'Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoas, aides d'Etat jugées incompatibles avec le Marché commun ; ce n'est pas non plus ce grand Argentier, bourreau des grecs confrontés à une cure d'austérité sans précédent pour asseoir un avenir économique plus qu'incertain, capable de renverser un Gouvernement au garde-à-vous et le petit doigt sur la couture du pantalon...

L'Europe, c'est aussi... le cricetus cricetus qui peuple non seulement l'Alsace, le Hesbaye et le Pays de Herve occidental, mais aussi nos contes d'enfants, notre imagerie populaire, nos foyers avides de domesticité animalière et même nos jeux vidéos.

Sans défaillir et avec courage, la Cour de justice de l'Union européenne condamne la France, ce 9 juin 2011, pour ne pas avoir pris, en 2008, les mesures suffisantes pour protéger le grand hamster en Alsace. C'est que l'article 12, paragraphe 1, sous d), de la Directive "habitats" du 21 mai 1992, impose aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte d'espèces animales, dont le grand hamster, dans leur aire de répartition naturelle, interdisant la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos. Or, entre 2001 et 2007, le nombre de terriers de grand hamster dans les "zones noyaux", qui ont servi de référence pour l'observation de la population de cette espèce, est passé de plus de 1 160 à moins de 180 alors que le seuil minimal de viabilité de cette espèce est de 1 500.

L'Avocat général soulignait, ainsi, la dégradation importante de l'état de conservation des habitats du grand hamster dans la région de Strasbourg et rappelait que la Directive exigeait des mesures cohérentes et coordonnées, à caractère préventif, de nature à empêcher efficacement des comportements humains susceptibles de détériorer ou d'éliminer complètement la fonctionnalité écologique des terriers des grands hamsters ainsi que leur environnement en tant que sites de reproduction ou d'aires de repos.

La Cour de justice estime que, si les mesures agro-environnementales prises par la France sont de nature à orienter les pratiques agricoles dans un sens favorable à cette espèce, en 2008, les objectifs n'étaient pas atteints. Et, le développement de l'urbanisation, l'interdiction de toute nouvelle urbanisation dans les ZAP ne concernait, en 2008, que 2 % des terres favorables au grand hamster.

Ils étaient quelques dizaines de millions dans les années cinquante et se retrouvent, désormais, un peu plus d'une centaine de représentants de leur espèce, malgré une inscription sur la liste rouge de la faune, protégée au titre des articles L. 411-1 et L. 411-2 du Code de l'environnement. Quoiqu'il en coûte (quelques millions d'euros d'indemnisation et/ou de sanction tout de même), la France devra se plier à la culture de la luzerne, légumineuse fourragère riche en vitamines et en sels minéraux, quand elle préfère la culture du maïs intensive.

Personne ne veut que le grand hamster d'Alsace ne soit l'équivalent français du dronte de Maurice, le dodo dont l'espèce a disparu, au XVIIIème siècle, pour cause de prédation humaine. Certes, l'extinction du grand hamster lui rendra une gloire posthume, comme Lewis Carroll fit connaître, à chacun, l'existence passée du dodo, en 1865, dans Alice aux pays des merveilles. Mais, il est à craindre qu'au mieux, la France du XXIème siècle, coeur de l'animation numérique, ne rende hommage au cricetus cricetus, qu'en éditant une nouvelle génération de tamagotchi pour nos têtes blondes écervelées !

Haro sur nos députés qui ont oublié combien, enfants, ils regardaient avec une contemplation naïve et quelque peu sadique leur hamster doré caracoler sans fin dans la roue de leur cage, sorte d'allégorie du temps qui passe. Ils préféraient jouer les Pénélope et détricoter, en cette nuit de juin 2011, leurs travaux d'aiguilles des jours florissants d'août 2007. Faire et défaire, c'est toujours travailler, dit-on ! Quel message environnemental est ainsi envoyé, avec la suppression du bouclier, nouveau-né fiscal, la restriction du champ d'application de l'ISF, mistigri des ministres du Budget, et la réintroduction du droit de timbre en matière contentieuse, pour une justice désormais payante -alors que le droit de timbre applicable en matière de contentieux administratif était récemment abandonné pour la symbolique d'une justice accessible pour tous- ? C'est que les parlementaires avaient décidément bien d'autres chats à fouetter que le grand hamster d'Alsace ! Il s'agissait, plus volontiers, de protéger une autre espèce en voie de disparition : le fortuné ; cet hominidé qui tente d'investir en France, milieu traditionnellement hostile à l'élévation de l'Autre, et dont le savant écosystème est sans arrêt perturbé par de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, confinant à l'insécurité juridique et fiscale, et à terme à sa disparition des côtes méditerranéennes, elles-mêmes. Pourtant, pour que la roue de l'économie tourne, l'on sait bien qu'il faut une espérance : celle de dépasser, un jour, les grilles de la cage sociale...

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