La lettre juridique n°391 du 15 avril 2010 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Avril 2010

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le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ont été sélectionnés, ce mois-ci, deux arrêts : tout d'abord, dans le premier arrêt en date du 2 mars 2010, la cour d'appel de Rennes se prononce sur l'articulation des dispositions du droit des entreprises en difficulté avec celles régissant les mesures d'exécution et les mesures conservatoires. En effet, les juges rennais considèrent que le créancier ne peut prendre des mesures conservatoires pendant la période d'observation, à l'encontre d'une caution personnelle personne physique, que si l'assignation au fond est antérieure au jugement d'ouverture et poursuivent leur raisonnement en retenant que la mesure conservatoire prise ne peut être maintenue au prétexte que la créance ne serait pas exigible contre la caution. Ensuite, dans le second arrêt sélectionné cette semaine et daté du 30 mars 2010, la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte une précision utile concernant la technique de la purge des inscriptions de sûretés grevant les biens en présence d'un plan de cession.
  • La poursuite de la caution pendant le plan de sauvegarde (CA Rennes, 2ème ch., 2 mars 2010, n° 09/01711, Banque Populaire Atlantique BPA SA c/ M. Michel Evin N° Lexbase : A9011ETW)

Depuis la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475, relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises N° Lexbase : L9127AG7), le législateur a entendu aménager la situation des cautions personnes physiques, afin, avait-il pensé, d'inciter les dirigeants, généralement caution de leur société, à saisir la juridiction au plus vite pour le traitement des difficultés de leur entreprise.
Poursuivant sa démarche, en 2005 (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT), le législateur a souhaité étendre la protection instituée au profit des codébiteurs et des garants autonomes, personnes physiques. En 2008 (ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT), enfin, le législateur a étendu le dispositif à tous les garants personnes physiques.
Il résulte ainsi désormais de l'article L. 622-28, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L3512IC3) que "le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome".

Cette interdiction de poursuite des garants personnes physiques doit toutefois être coordonnée avec la liberté pour les créanciers de pratiquer des mesures conservatoires sur les biens de ceux-ci. En ce sens, l'alinéa 3 de l'article L. 622-28 du Code de commerce prévoit que "les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires".
Aucune difficulté ne se présente si le créancier a assigné au fond les garants personnes physiques avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur principal. Il pourra alors valablement prendre sa mesure conservatoire pendant la période d'observation.
Une difficulté, en revanche, se présente si le créancier, comme c'était le cas en l'espèce, n'a pas encore lancé son assignation au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur.
Il faut, en effet, coordonner les textes du droit des entreprises en difficulté avec les textes régissant les mesures d'exécution et les mesures conservatoires.

La prise de mesures conservatoires présuppose qu'après la mesure conservatoire autorisée par le juge de l'exécution ou le président du tribunal de commerce, sauf pour le créancier à être en possession d'un titre, mais non exécutoire, le créancier assigne ou procède par voie d'injonction de payer, pour valider la mesure conservatoire, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure (décret n° 92-755, du 31 juillet 1992, art. 215 N° Lexbase : L3625AHQ). Or, l'instance ne peut être lancée. L'article R. 622-26, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L0898HZB, anciennement décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, art. 101, al. 2 N° Lexbase : L3297HET) se contente d'indiquer, pour sa part, qu'"en application du troisième alinéa de l'article L. 622-28, ces créanciers peuvent pratiquer des mesures conservatoires, dans les conditions prévues aux articles 210 [N° Lexbase : L3620AHK] et suivants du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution, pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution [N° Lexbase : L9124AGZ]". La difficulté reste entière. Il faut pourtant essayer de coordonner le principe de suspension des actions en justice et celui de la liberté de prise de mesures conservatoires.

La lettre de l'article L. 622-28, alinéa 2, du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises, évoque une suspension des actions. Pour qu'il en soit ainsi, encore faut-il que l'action ait été engagée. Si elle ne l'a pas été avant le jugement d'ouverture, elle ne peut plus l'être après. C'est ce que décide la deuxième chambre de la Cour de cassation (1). Ainsi, selon cette analyse, la possibilité de prendre des mesures conservatoires pendant la période d'observation, à l'encontre d'une caution personnelle personne physique est-elle extrêmement limitée. Ce n'est en effet que si l'assignation au fond est antérieure au jugement d'ouverture et donc à la prise de la mesure conservatoire que cette dernière sera possible. C'est la solution fidèlement adoptée en l'espèce par la cour d'appel de Rennes, qui prend d'ailleurs le plus grand soin dans ses motifs de viser cet arrêt.

Ce n'est pourtant assurément pas ce qu'avait voulu le législateur, qui avait clairement autorisé la possibilité pour les créanciers, non seulement dans le redressement judiciaire, mais aussi dans la sauvegarde, de prendre des mesures conservatoires afin d'interdire aux garants personnes physiques d'organiser en toute légalité leur insolvabilité. En somme, le législateur ménageait la chèvre et le chou.

Aussi faut-il préférer la solution de la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui a restauré l'esprit du texte de l'article L. 621-48, alinéa 2, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L6900AIE, devenu C. com. art. L 622-28, al. 2) en décidant qu'"en application du deuxième de ces textes [décret du 31 juillet 1992, art. 215], si ce n'est dans le cas où elle a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier qui a été autorisé à pratiquer une mesure conservatoire contre une caution personnelle personne physique doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, même si le débiteur principal a fait l'objet d'un redressement judiciaire ; que dans ce cas l'instance engagée est suspendue jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal" (2).

En interdisant au créancier de lancer son assignation au fond pendant la période d'observation, la cour d'appel de Rennes nous semble aller au-delà de l'esprit des textes.

Elle va, en outre, prolonger son raisonnement au stade de l'exécution du plan de sauvegarde. La difficulté est alors grande. En effet, selon l'article L. 626-11, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L3459IC4), les cautions personnes physiques bénéficient des dispositions du plan de sauvegarde. Il en résulte qu'elles peuvent bénéficier tout à la fois des remises et des délais du plan. La question qui nous intéresse plus spécialement ici est celle des délais.
Le créancier peut-il faire condamner une caution personne physique, après l'adoption du plan de sauvegarde ? A priori, les textes ne l'interdisent pas. Mieux même, ils semblent bien le permettre. En effet, les poursuites contre les cautions personnes physiques sont, selon l'alinéa 2 de l'article L. 622-28, suspendues jusqu'au jugement arrêtant le plan de sauvegarde. Il faut donc comprendre, face à un texte restrictif de droits, qui mérite une interprétation stricte, que la poursuite devient possible sitôt le plan de sauvegarde adopté. Oui, mais pour qu'il en soit ainsi, encore faut-il qu'une dette soit exigible pour que la caution puisse être condamnée à la payer. Or, si la dette n'est pas exigible contre le débiteur principal, elle ne peut l'être davantage contre une caution. Là prend toute son importance la disposition de l'alinéa 2 de l'article L. 626-11 du Code de commerce : les cautions personnes physiques bénéficient des dispositions du plan de sauvegarde. Si la dette est "moratoriée" à l'égard du débiteur, cela signifie qu'elle l'est tout autant contre la caution. Par principe, donc, le créancier, même après l'adoption du plan de sauvegarde, ne peut donc faire condamner la caution à payer une dette qui n'est pas exigible.

Il en ira différemment si le débiteur a laissé impayé un dividende de son plan de sauvegarde.
Il faut alors décider que le principe de possibilité de reprise des poursuites existe, puisqu'il résulte de l'interprétation sans équivoque de la lettre de l'article L. 622-28, alinéa 2, du Code de commerce, mais que la condamnation de la caution ne peut intervenir qu'à hauteur des sommes devenues exigibles contre le débiteur au fur et à mesure de l'exécution du plan et, par voie accessoire, contre la caution.
Cette solution interdit de prendre le jugement de condamnation contre la caution, malgré la fin de la période d'observation, pour la totalité des sommes dues par le débiteur, puisque ces sommes ne sont pas immédiatement exigibles, du fait des délais du plan de sauvegarde, dont bénéficie la caution personne physique.

Faut-il pour autant considérer, comme l'a fait la cour d'appel de Rennes, que la mesure conservatoire prise ne peut être maintenue au prétexte que la créance ne serait pas exigible contre la caution ? Une réponse négative s'impose clairement et pour une raison très simple : la mesure conservatoire ne présuppose nullement l'exigibilité de la créance qu'elle entend garantir. La cour d'appel est donc allée trop loin.

La solution consiste donc à admettre la possibilité d'inscrire la mesure conservatoire pendant la période d'observation et, pour ce faire, au besoin d'assigner au fond la caution pendant cette même période. En revanche, l'instance au fond doit ensuite se trouver suspendue pendant toute la durée d'interdiction d'exécution contre la caution. Pendant la suspension de cette action, le créancier procédera autant que de besoin au renouvellement de la mesure conservatoire pratiquée, qui est atteinte de caducité à l'expiration d'un délai de trois ans. Si le débiteur manque à l'exécution de ses obligations du plan de sauvegarde, le créancier est en droit de poursuivre la caution et donc d'obtenir sa condamnation. L'affaire placée au rôle de la juridiction pourra alors en ressortir pour autoriser la condamnation de la caution à hauteur des sommes laissées impayées par le débiteur principal, qui seront identiquement devenues exigibles contre la caution.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • Biens non compris dans le plan de cession et purge des inscriptions de sûretés (Cass. com., 31 mars 2010, n° 09-13.101, F-P+B N° Lexbase : A4103EUI)

Le plan de cession est une technique de sauvetage de l'entreprise par sa cession à un tiers, le repreneur. Ce dernier n'est pas l'ayant cause à titre particulier du débiteur cédant. Il n'a donc pas à payer le passif de ce dernier. Il s'engage à payer un prix de cession, forfaitaire et global, qui permettra d'apurer le passif, c'est-à-dire de l'éteindre, avec ou sans paiement. En effet, le prix de cession constitue, par principe, la limite des engagements du repreneur. En conséquence, les créanciers du débiteur cédant n'ont aucune action personnelle contre le repreneur. Ils n'ont pas davantage de droit de suite à son encontre.

La solution est exactement reproduite par l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L6733AHT). Selon l'alinéa 4 de ce texte, le complet paiement du prix emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession. De manière redondante, l'alinéa 2 de l'article 93 prévoit que le paiement du prix de cession fait obstacle à l'exercice, à l'encontre du cessionnaire, des droits des créanciers inscrits sur ces biens. Précisons que ces dispositions sont respectivement devenues les alinéas 3 et 2 de l'article L. 642-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L3334ICH), depuis la loi de sauvegarde des entreprises.
Cela signifie donc que le complet paiement du prix de cession fait disparaître la sûreté qui grève le bien cédé, alors même qu'il n'emporterait pas paiement du créancier inscrit.

Par exception à cette règle selon laquelle le créancier inscrit sur les biens cédés n'a pas d'action contre le repreneur, l'alinéa 3 de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu C. com., art. L. 642-12, al. 4) réglemente une technique appelée transfert de la charge de la sûreté, qui oblige le repreneur à payer aux créanciers inscrits les sommes restant dues après l'entrée en jouissance du repreneur, entre les mains du prêteur, qui a financé le bien sur lequel la sûreté a été inscrite en garantie du prêt.
La règle est clairement conçue comme une exception au principe d'absence de prise en charge des dettes du débiteur d'origine par le repreneur. Elle est évidemment d'interprétation stricte et son application présuppose que toutes les conditions posées par le texte soient réunies : des échéances d'un crédit restant à échoir après l'entrée en jouissance du repreneur, ayant servi au financement d'un bien, une inscription de sûreté sur ce bien en garantie du financement et, enfin, l'intégration dans le plan de cession du bien grevé de la sûreté.

En l'espèce, une banque avait accordé un prêt à une société d'économie mixte (SEM), destiné à la construction d'un ensemble immobilier. Ce prêt avait été garanti par des hypothèques conventionnelles inscrites sur chacun des lots. En 1985, l'emprunteur devait vendre à terme à une personne physique, Mme A., deux lots, chacun grevé d'une hypothèque. Quatre ans plus tard, la SEM est placée en redressement judiciaire. Deux ans plus tard, en 1991, un plan de cession est adopté au profit notamment d'une société. La personne physique ayant acquis en 1985 les deux lots les revend en 1997, c'est-à-dire six ans après adoption du plan de cession, à une autre personne physique, Mme R.. Cette dernière cherche à son tour à vendre ensuite ces deux lots, mais elle ne le peut, au motif que les hypothèques inscrites sur ces deux lots n'avaient toujours pas été purgées. Dans ce contexte, Mme R. assigne le repreneur, aux fins d'obtenir la mainlevée des inscriptions d'hypothèques. Cette dernière assigne pour sa part, aux mêmes fins, le prêteur.
La cour d'appel, pour justifier la condamnation de la banque à donner mainlevée des hypothèques, relève, d'une part, que le prix de cession avait été intégralement versé par le repreneur, et, d'autre part, qu'il n'y avait pas eu transfert du prêt garanti au profit de Mme R., acquéreur final des deux lots hypothéqués.
Un pourvoi est alors formé par la banque. La question qui se posait était de savoir si le prêteur pouvait être condamné à donner mainlevée des inscriptions d'hypothèques, alors que les biens grevés de la sûreté n'avaient pas été cédés au repreneur, mais à un tiers, avant le jugement arrêtant le plan de cession. A cette question, la Cour de cassation, censurant la décision de la cour d'appel, répond par la négative. Elle reproche à la cour d'appel de s'être déterminée "sans rechercher si les biens immobiliers de Mme R. et sur lesquels étaient inscrites les deux hypothèques prises au profit [de la banque], étaient inclus dans le plan de cession".

La question n'était pas simple. Il s'agissait de coordonner les règles relatives au droit de suite, à la purge des inscriptions de sûreté et au plan de cession. Or la cour d'appel, manifestement, a eu une coordination erronée des principes applicables en la matière.

La question de l'application du transfert de la charge de la sûreté ne devait pas se poser en l'espèce. Pourquoi ? Tout simplement parce que le bien grevé de sûreté avait été vendu à un tiers, avant l'adoption du plan de cession, et non au repreneur, dans le cadre de ce même plan de cession. L'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 était absolument sans application puisqu'il n'y a pas eu, en l'occurrence, intégration d'un bien grevé de sûreté dans un plan de cession. Le bien avait été vendu, en effet, avant l'adoption du plan.
Puisque la règle du transfert de la charge la sûreté, qui constitue une exception au principe de la purge des inscriptions de sûreté, n'avait pas vocation à s'appliquer, il ne restait plus, a priori, qu'à appliquer le principe : le complet paiement du prix de cession emporte purge des inscriptions. Les sûretés disparaissent par le seul effet de l'adoption du plan de cession.
Toutefois, cette règle est enfermée dans des conditions précises. Le complet paiement du prix de cession emporte certes purge des inscriptions, mais si et seulement si les biens grevés de la sûreté sont compris dans le plan de cession. Il n'emporte pas purge des inscriptions des biens cédés à des tiers avant l'adoption du plan cession.

Le droit commun des hypothèques, dans ce contexte, a pleine vocation à s'appliquer, faute de disposition contraire. Lorsqu'un bien grevé d'une hypothèque est successivement cédé, l'hypothèque suit l'immeuble entre quelques mains qu'ils passent. Ce n'est là que l'application du droit de suite. Tant que le banquier prêteur n'est pas remboursé du prêt consenti, l'hypothèque subsiste.
Il y a donc eu, en l'occurrence, des erreurs dans l'affectation des fonds. Lors de la première vente intervenue, c'est-à-dire celle effectuée entre la SEM et Mme A., les fonds auraient dû être reversés par le vendeur au prêteur hypothécaire. A la suite de cette première vente, les fonds versés à Mme A. par Mme R. auraient identiquement dû être affectés au désintéressement du créancier hypothécaire.

Au final, puisque le créancier hypothécaire n'a pas été remboursé, il conserve, jusqu'à péremption, et sauf renouvellement, son hypothèque et il est donc logique qu'il puisse valablement l'opposer à la personne qui entend acheter les deux lots à leur dernier propriétaire, à savoir Mme R..
On le voit, le prêteur, qui a la chance que le bien grevé de la sûreté à son profit soit vendu avant l'adoption du plan de cession, et surtout avant l'ouverture de la procédure collective, est largement mieux traité que le prêteur bénéficiant d'une sûreté prise sur un bien cédé dans le cadre du plan de cession. Par principe, dans ce dernier cas, il n'obtiendra que le droit de participer aux répartitions sur la quote-part du prix de cession affecté au bien grevé de sa sûreté pour l'exercice de son droit de préférence. Mais il entrera en concours avec les créanciers titulaires de privilèges généraux et ses chances de paiement sont donc minimes. Dans le meilleur des cas, il bénéficiera du transfert de la charge de la sûreté et obtiendra directement du repreneur paiement des échéances du crédit restant à échoir après l'entrée en jouissance du repreneur. Mais, dans ces deux hypothèses, on est très loin de la situation du créancier titulaire d'une sûreté autorisé à exercer son droit de suite, puisque, en ce cas, le détenteur hypothécaire est tenu de toute la dette garantie par l'hypothèque et non pas seulement d'une partie de celle-ci.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


(1) Cass. civ. 2, 30 avril 2002, n° 00-20.372, M. André Rivera c/ Banque populaire provençale & corse (BPPC), FS-P+B sur le premier moyen (N° Lexbase : A5571AYY), Bull. civ. II, n° 85 ; D., 2002, AJ 2260, obs. A. Lienhard ; JCP éd. E et A, 2002, chron. 1380, p. 1521, n° 3, obs. Ph. Pétel ; Act. proc. coll., 2002/11, n° 140, obs. Ph. Pétel ; Dr. et patr., 2002, n° 108, p. 114, obs. M.-H. Monsérié-Bon ; RTDCom., 2003, 163, n° 2, obs. A. Martin-Serf ; Defrénois, 2003, art. 37752, p. 779, note Ph. Théry ; Rev. proc. coll., 2004, p. 230, n° 2, obs. F. Macorig-Venier.
(2) Cass. com. 24 mai 2005, n° 03-21.043, Société Banque de Bretagne c/ M. Michel Benysty, FS-P+B (N° Lexbase : A4213DIU), Bull. civ. IV, n° 117, D., 2005, AJ 1632, obs. A. Lienhard, D., 2005, somm. 2084, obs. P. Crocq, JCP éd. E, 2005, chron. 1274, p. 1423, n° 5, obs. Ph. Pétel, JCP éd. E, 2005, chron. 1860, p. 2203, n° 3, obs. Ph. Delebecque et Ph. Simler, Dr. et proc,. 2005/5, p. 282, note P. Crocq, Act. proc. coll., 2005/11, n° 132, note J. Vallansan ; Cass. com. 24 mai 2005, n° 00-19.721, M. Fernand Navarra c/ Société Crédit commercial de France, FS-P+B (N° Lexbase : A4117DIC), Bull. civ. IV, n° 116, D., 2005, somm. 2084, obs. P. Crocq, Dr. et proc., 2005/5, p. 282, note P. Crocq, Act. proc. coll., 2005/11, n° 132, note J. Vallansan, RD banc. et fin., 2005/4, p. 27, n° 141, obs. S. Piédelièvre, Defrénois, 2005/23, p. 1937, chron. 38287, n° 12, note D. Gibirila, Gaz. proc. coll., 2005/3, p. 49, nos obs..

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