La lettre juridique n°302 du 24 avril 2008 : Fiscalité des particuliers

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine

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N7913BES

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en fiscalité du patrimoine réalisée par Daniel Faucher. Cette chronique débute par le régime fiscal des abandons d'usufruit, précisé par une réponse ministérielle (QE n° 00356 de M. Joël Bourdin, réponse publiée au JOSQ du 20 mars 2008, p. 548). En matière de droits de succession, d'une part, une réponse ministérielle précise les conséquences fiscales d'un "legs net de frais et droits" (QE n° 6993, de M. Vialatte Jean-Sébastien, réponse publiée au JOANQ du 11 mars 2008, p. 2076), d'autre part, la Cour de cassation a rendu un arrêt important concernant le point de départ du délai de dépôt de la déclaration de succession en cas de contestation de la dévolution successorale (Cass. com., 26 mars 2008, n° 07-11.703, Directeur général de l'Economie des Finances et de l'Industrie, FS-P+B). Enfin, il convient de revenir sur le montage de l'apport en nue-propriété de biens à une SCI suivi d'une donation des parts, au regard de l'abus de droit (Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-21.944, Directeur général des impôts, FS-D).
  • Régime fiscal des abandons d'usufruit (QE n° 00356 de M. Joël Bourdin, réponse publiée au JOSQ du 20 mars 2008, p. 548 [LXB=L8776H3G])

L'administration vient de préciser qu'une renonciation à usufruit, acte unilatéral assujetti au moment de son enregistrement au droit fixe prévu à l'article 680 du CGI (N° Lexbase : L7766HL9), peut entraîner ultérieurement l'exigibilité des droits de donation.

1. Abandon d'usufruit, acte unilatéral

En dehors des hypothèses où l'usufruitier transmet son droit d'usufruit au nu-propriétaire, soit par voie de renonciation "in favorem", soit par voie de donation expresse, auquel cas les droits de mutation à titre gratuit entre vifs sont exigibles, l'usufruitier peut délaisser son droit, sans indication de bénéficiaire. Un tel acte, unilatéral, puisqu'il n'implique aucune collusion apparente entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, constitue une renonciation abdicative. Cette renonciation est donc un acte nécessairement neutre, c'est-à-dire ni gratuit, ni onéreux. Un tel acte, valable, sans que le consentement du nu-propriétaire soit requis, éteint immédiatement l'usufruit. Par suite, une renonciation purement extinctive ou abdicative est assujettie au seul droit fixe prévu à l'article 680 du CGI.

2. L'abandon d'usufruit requalifié en donation

Il est incontestable que la renonciation unilatérale consolide les droits du nu-propriétaire. Ce dernier récupère l'intégralité des droits d'un plein propriétaire et notamment, dans le cas de biens fructifères, la perception des revenus que procure le bien. Or, fiscalement, les deux seuls cas où la réunion de l'usufruit à la nue-propriété s'opère sans le paiement d'aucun droit sont l'expiration du temps fixé pour l'usufruit et le décès de l'usufruitier (CGI, art. 1133 N° Lexbase : L9702HLW). En conséquence, à l'exception de l'hypothèse d'une donation ostensible de l'usufruit, auquel cas la perception des droits de donation est justifiée puisque leur exigibilité, subordonnée à l'acceptation expresse du donataire (C. civ., art. 932 N° Lexbase : L0089HPY), est constatée, se pose la question, en dehors des cas visés par l'article 1133 d'une éventuelle taxation à raison du fait que le nu-propriétaire recouvre les attributs d'une pleine propriété. Enfin, on signalera l'hypothèse dans laquelle la renonciation n'est pas taxée en elle-même, mais est retenue comme indice d'une donation antérieure en pleine propriété. Ce qui est le cas, par exemple, lorsque, à la suite d'une donation en nue-propriété, suivie d'une vente, les nus-propriétaires encaissent la totalité du prix de vente, alors que l'usufruitière n'avait pas perçu, entre la date de la donation et celle de la vente, les revenus des biens donnés en nue-propriété (Cass. com., 20 novembre 2007, n° 06-19.294 et n° 06-19.295, F-D N° Lexbase : A7146DZP).

2.1. La taxation d'une renonciation sans intention libérale

Selon une doctrine ancienne, exprimée dans le Traité alphabétique de l'enregistrement (Maguéro), l'administration n'a jamais élevé la prétention de percevoir le droit proportionnel tant que la renonciation unilatérale émanant de l'usufruitier investi de son droit n'aurait été acceptée par le nu-propriétaire car jusque-là il ne peut y avoir de mutation passible de l'impôt. La régie doit donc prouver la mutation, c'est-à-dire l'entrée en possession par le nu-propriétaire du droit délaissé par l'usufruitier. Cette analyse a été reprise dans une réponse ministérielle datant de 1987 (rép. min., Bernard, JOANQ du 23 février 1987, p. 994). La récente réponse vient confirmer la doctrine administrative en la précisant. En effet, selon cette réponse, en percevant les loyers du bien dont l'usufruit était abandonné, le nu-propriétaire manifeste son acceptation de l'usufruit. C'est l'avantage qui découle de la loi, à savoir la réunion de l'usufruit à la nue-propriété, qui permet la taxation au motif de l'acceptation implicite. Autrement dit, des droits de mutation à titre gratuit, en l'occurrence les droits de donation, sont-ils exigibles alors même que, formellement, l'intention libérale du renonçant n'est pas démontrée. En fait, dans certaines affaires dans lesquelles le juge a considéré que la perception des droits de donation était justifiée, c'est la notion d'avantage conféré sans contrepartie qui est mise en avant, et non le simple avantage lié à la consolidation. Ainsi, une personne qui abandonne son usufruit transmet à ses bénéficiaires, les nus-propriétaires, "un avantage financier certain, soit qu'ils puissent désormais vendre les biens sur lesquels ils ne disposaient auparavant que de la nue-propriété, soit qu'ils puissent désormais les louer à leur seul profit" (CA Aix-en-Provence, 6 janvier 2004, n° 02-6946). Cette notion d'importance des biens auxquels il est renoncé sans contrepartie permet aussi de caractériser l'intention libérale de celui qui abandonne ses droits (Cass. com., 31 octobre 2006, n° 04-10.796, F-D N° Lexbase : A1942DSQ).

2.2. L'exception

Ce n'est que dans l'hypothèse où l'usufruitier pourrait invoquer de trop lourdes charges, liées à l'usufruit, charges justifiant cet abandon, que la taxation au droit fixe serait validée. En effet, pour justifier l'exigibilité des droits de donation à la suite d'une renonciation pure et simple, le juge avait relevé que cette renonciation procédait d'une intention libérale, les enfants ayant encaissé les loyers, "sans qu'il soit invoqué de trop lourdes charges" pour justifier cette renonciation (Cass. com., 2 décembre 1997, n° 96-10.729, Monsieur Questembert c/ Directeur Général des Impôts N° Lexbase : A2171ACE). Autrement dit, lorsque les charges s'avèreront supérieures aux revenus procurés par le bien, ou lorsque, s'agissant d'un bien non loué, les charges absorberont une partie importante des revenus de l'usufruitier, la requalification en donation de l'abandon pourra être écartée.

  • Assiette des droits de succession : legs net de frais et droits (QE n° 6993, de M. Vialatte Jean-Sébastien, réponse publiée au JOANQ du 11 mars 2008, p. 2076 [LXB=L8777H3H])

L'administration vient de confirmer expressément que, lorsque les droits de mutation par décès dus sur un legs ont été mis par le testateur à la charge de la succession, cette disposition n'a pas pour effet d'augmenter la valeur du legs ni, par voie de conséquence, l'assiette taxable. Cependant, les conséquences fiscales d'un "legs net de frais et droits" ne sont avantageuses que pour le légataire et non pour l'héritier ou le légataire universel.

1. L'avantage pour le légataire

La clause d'un testament prévoyant qu'un legs est fait net de frais et droits ne constitue pas un supplément de libéralité au profit du légataire. Ainsi, pour le calcul des droits de mutation dus sur le legs, il n'y a pas lieu d'ajouter le montant des droits dus sur ces legs au montant de ces derniers (rép. min. Delalande, JOANQ du 15 septembre 1986, p. 3121). Le légataire, bénéficiaire du legs nets de frais et droits, n'est imposé que sur la valeur du bien légué. Cette libéralité indirecte, le fait d'imposer à une personne le paiement des droits dus par une autre, ne sera jamais taxée. Ainsi, dans l'exemple d'un legs de 100 au profit d'un légataire taxé à 60 %, les droits dus seront de 60 et non de 96 (soit 100 + 60 X 60 %). Bien entendu, la clause prévoyant la prise en charge par l'héritier ou le légataire universel n'a d'effet qu'entre les parties et ne saurait être opposée à l'administration (rép. min. Cazalet, JOANQ du 2 février 1981, p. 461). Le légataire, bénéficiaire de la prise en charge, reste le redevable légal des droits, mais il est en droit de se faire rembourser par l'héritier ou le légataire universel si le montant des droits dus par lui n'est pas acquitté directement par ces derniers.

2. La situation du légataire universel ou de l'héritier chargé de délivrer le "legs net de frais et droits"

Tout d'abord, le légataire ou l'héritier, chargé de délivrer le legs, ne peut déduire les droits grevant les legs particulier dont la charge est supportée par lui. Cette précision n'est que la conséquence de la doctrine selon laquelle les droits de succession, qui prennent naissance après le décès, ne sont pas déductibles de l'actif successoral. Cependant, globalement, le déplacement de l'impôt sur l'héritier ou le légataire principal permet de réaliser une économie d'impôt sur la succession. Cette économie est d'autant plus importante lorsque le légataire principal est exonéré de droits de succession. En effet, soit un legs stipulé "net de frais et droits" au profit d'un neveu par une personne qui a institué pour légataire universel une association cultuelle exonérée de droits, chargée de délivrer le legs. Ce legs est d'un montant de 100 000 euros et l'actif global de succession de 180 000 euros. Sur la part du neveu, après un abattement de 7 598 euros, l'association acquittera 50 821 euros. Le solde disponible de l'association est de 29 179 euros. Dans l'hypothèse où le défunt n'aurait pas pris de dispositions testamentaires, l'héritier, imposé sur la totalité de l'actif aurait acquitté des droits d'un montant de 94 821 euros et reçu un disponible de 85 179 euros. Soit moins que le legs net de frais et droits, qui, de surcroît, permet à une association exonérée de recevoir une quote-part non négligeable de la succession.

  • Déclaration de succession : point de départ du délai en cas de contestation de la dévolution successorale (Cass. com., 26 mars 2008, n° 07-11.703, FS-P+B N° Lexbase : A6101D74)

Le juge vient de confirmer que l'héritier, saisi de plein droit de la succession, doit déposer la déclaration de succession dans le délai légal (six mois, CGI, art. 641 N° Lexbase : L7673HLR) à compter du décès, sans attendre l'issue d'un litige qui porte sur la dévolution successorale. Au regard des obligations déclaratives, la situation de l'héritier, saisi, diffère donc de celle d'un légataire universel.

1. Héritier saisi face à un tiers qui invoque à son profit une disposition testamentaire

Pour l'administration, comme pour le juge, le fait que l'héritier soit saisi de plein droit des biens, droits et actions du défunt, en application des dispositions de l'article 724 du Code civil (N° Lexbase : L3332ABZ), lui interdit de se soustraire au dépôt immédiat de la déclaration alors que la dévolution est contestée. Dans l'affaire soumise récemment à la cour, le défunt ne laissait qu'un frère. Cependant, un tiers prétendait voir établie sa filiation à l'égard du défunt. Dans l'hypothèse où cette action aurait été couronnée de succès, le frère aurait été totalement évincé de la succession. Cette circonstance n'a pas influencé la décision de la cour, qui a considéré que cette action en recherche de paternité ne permettait pas à l'héritier de différer le dépôt de la déclaration de succession jusqu'à la date à laquelle le litige serait définitivement tranché.

2. Légataire universel qui n'est pas héritier, dont les droits sont contestés

La solution retenue pour l'héritier saisi n'est pas transposable au légataire universel. En effet, ce dernier ne peut invoquer la saisine plénière de l'article 724. La saisine prévue à son profit par l'article 1006 du Code civil (N° Lexbase : L0163HPQ) reste subordonnée, d'une part, a la nature de son legs, qui doit être effectivement universel, d'autre part, à l'absence d'héritier réservataire. De surcroît, un légataire universel institué par un testament olographe ou mystique est tenu de se faire envoyer en possession (C. civ., art. 1008 N° Lexbase : L0165HPS). En conséquence, lorsque les droits du légataire universel sont contestés, notamment par un héritier à réserve, le point de départ du délai pour déposer la déclaration de succession est reporté à la date à laquelle ses droits sont définitivement reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée (Cass. com., 1er avril 1997, n° 95-13.181, Mme Monique Talfournier c/ M. le ministère de l'Economie et des Finances N° Lexbase : A0028AUL, repris dans le BOI 7 G-11-98 du 10 juillet 1998 N° Lexbase : X8094ABE).

  • Apport en nue-propriété de biens à une SCI suivi d'une donation des parts : le spectre de l'abus de droit s'efface devant l'égalité du partage (Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-21.944, FS-D N° Lexbase : A6041D7U)

Selon la Haute Juridiction, l'intérêt patrimonial de la constitution d'une SCI, par rapport à une indivision, permet d'écarter l'abus de droit.

1. Des avis du CCRAD...

L'opération est classique : il s'agit de l'apport en nue-propriété d'un immeuble à une SCI, suivie d'une donation des droits sociaux, reçus en contrepartie de l'apport, réalisée par les apporteurs au profit de leurs enfants. Avant l'entrée en vigueur de l'article 669 du CGI (N° Lexbase : L7730HLU), cette opération permettait de s'affranchir du barème de l'article 762 (N° Lexbase : L8123HLG), dont on sait qu'il surévaluait la nue-propriété. Cette dernière était évaluée selon une méthode économique. Ce schéma a perdu une partie de son intérêt puisque le nouveau barème a pris en compte, de façon plus satisfaisante, la valeur de l'usufruit. Face à de telles opérations, l'administration invoquait l'abus de droit. Depuis 1996, le Comité a rendu près d'une trentaine d'avis (la plupart favorables à l'administration fiscale) sur ce sujet. Cet organisme s'est toujours placé sur le terrain de la fictivité pour caractériser l'abus de droit, qui selon lui découlait d'un cumul de critères. Ces derniers sont, d'une part, la concomitance des opérations, la création de la SCI, l'apport de la nue-propriété de l'immeuble et la donation de la quasi-totalité des parts sociales, d'autre part, l'absence de fonctionnement réel de la société ou de nécessité économique, et, enfin, l'absence de revenus, ce qui empêchait la société d'assurer les charges de la propriété.

2. ... balayés par une jurisprudence en général favorable aux contribuables

Le juge se place, non pas sur le terrain de la fictivité, mais sur celui du but exclusivement fiscal. Ainsi selon les juges de Créteil et de Nanterre "la législation offre la possibilité de créer une SCI pour assurer la gestion des immeubles, qu'il s'agit d'éviter souvent, dans la pratique, les inconvénients de l'indivision en aménageant une organisation contractuelle dans laquelle chaque associé n'est tenu qu'à hauteur de ses parts sociales, ce qui permet la mise en place d'organes de gestion qui rendent des comptes de façon régulière, et qui justifient de manière structurée de la situation du bien et des fruits obtenus" (TGI Créteil, 20 juin 2000, n° 00446, Despouys ; TGI Nanterre, 16 janvier 2001, n° 99-14941, Bouvet). La Cour de cassation a, en dernier recours, validé ce type d'opérations : "L'opération litigieuse ne présentait pas une finalité exclusivement fiscale en raison des circonstances suivantes : l'opération permettait aux époux, tous les deux gérants de cette société et disposant d'une minorité de blocage, de transmettre à leurs enfants une partie des biens dont ils conservaient les revenus, et la transmission des parts permettait un partage équitable entre les descendants, les difficultés inhérentes à un partage en trois lots équivalents de biens de nature différente et d'entité distincte se trouvant évitées" (Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-14.272, F-D N° Lexbase : A7654DRW). Dans l'affaire examinée récemment par la cour, un père avait constitué avec ses deux enfants plusieurs sociétés civiles. Concomitamment à l'apport d'immeubles fructifères en nue-propriété, l'ascendant avait donné les parts reçues à ses enfants. Les statuts prévoyaient que l'apporteur disposait de tous les pouvoirs pour la durée de sa vie dans l'organisation des SCI. La cour a écarté l'abus de droit en retenant que le recours à la forme sociétaire avait permis à l'apporteur, d'une part, d'organiser les statuts de la manière la plus appropriée et, d'autre part, d'assurer la cohésion du patrimoine social après son décès. En effet, en mutualisant entre ses enfants les aléas locatifs et les écarts de rentabilité, la société constituait un cadre juridique présentant une stabilité beaucoup plus grande que l'indivision. Nul doute que la liberté offerte par le Code civil aux associés de sociétés civiles est bien plus importante que celle conférée aux coïndivisaires ! On ne voit pas comment des conventions de gestion entre indivisaires, nécessairement encadrées par l'article 1873-6 du Code civil (N° Lexbase : L2083ABR), pourraient égaler un pacte d'associés de société. De surcroît, si la nue-propriété des immeubles avait été directement donnée et partagée entre les descendants, cette situation aurait pu, au jour du décès du donateur faire apparaître une inégalité entre les héritiers, à raison d'une prise de valeur inégale des immeubles. La mise en société permettait d'écarter cette difficulté.

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